mercredi 2 février 2011

The murder of Roger Ackroyd - Agatha Christie



Présentation de l'éditeur: Puisqu'il est le médecin du village, Sheppard est l'un des premiers, naturellement, à constater la mort étrange qui frappe successivement M. Ferrars, puis sa veuve, enfin Roger Ackroyd avec lequel elle devait se remarier... Le voici associé à la fascinante enquête que mène, impromptu, un certain Hercule Poirot - " énorme moustache " et " yeux inquisiteurs " - qui passe là sa retraite et " cultive des citrouilles " ! Chacun, à sa manière, semble bien être mêlé à ce mystère ; mais " il n'est pas facile de cacher quelque chose à Hercule Poirot, car il a l'habitude de tout découvrir ".

Une des histoires les plus extraordinaires d'Hercule Poirot et d'Agatha Christie. Extraordinaire déjà parce qu'elle est racontée à la 1ère personne du singulier par le docteur Sheppard. Le roman policier s'écrit peu à la première personne du singulier et Agatha Christie, contrairement à Conan Doyle, écrit peu à première personne. The moving finger - mon roman préféré d'Agatha et un Marple - est lui aussi écrit à la première personne.
Cela donne au récit une allure singulièrement différente car le lecteur voit sa vision bornée par le narrateur. Pas de narrateur omniscient qui nous distillerait des informations cruciales dans sa description des personnages ou des évènements.

C'est aussi un roman intéressant car il donne une autre image d'Hercule Poirot. Si d'habitude, le detective belge est croqué par la plume gentiment moqueuse d'Agatha Christie, ici il l'est, et ce de façon plus acerbe, par Sheppard lui-même. Etant un des premiers romans mettant en scène Hercule Poirot, je trouve intéressant d'accéder aux pensées d'un autre personnage de façon plus complexe qu'une simple description à la troisième personne. 

Le meurtre de Roger Ackroyd est une histoire complexe, plus digne d'une Marple en réalité que d'un Poirot de part son côté "provincial". Cet Hercule Poirot fait assez penser au Miss Marple L'affaire Protheroe, meurtre en huit clos dans un village résolu par cette gentille grand-mère assise dans son jardin, une habitude pour elle. L'affaire Protheroe est postérieur de quatre ans à Roger Ackroyd et on sent peut-être là une filiation. Dans un livre sur les carnets secrets d'Agatha Christie, l'auteur mettait en évidence le fait que sous couvert d'histoire différente, il arrivait à Agatha de reprendre les mêmes éléments narratifs. A y regarder de plus près on se rend compte qu'effectivement il y a peut-être un lien entre Roger Ackroyd, Le train de 16h50 et L'affaire Protheroe.

Agatha Christie, prouve avec ce livre, tout comme avec les Dix petits nègres, qu'elle maîtrise parfaitement l'art du roman noir et qu'elle sait renouveler son style et ses intrigues pour ne jamais tomber dans une routine car oui, même si en réfléchissant bien on peut trouver une filiation entre plusieurs de ses romans, l'ensemble est toujours subtilement mené et surprend toujours le lecteur.  

Le meurtre de Roger Ackroyd connait un rebondissement final extrêmement surprenant qui devrait en ravir plus d'un. 


Pour ceux qui connaissent la fin, il est au moins un Agatha Christie dont la fin peut réellement surprendre. Qui s'attendrait en effet que le coupable fut précisément le narrateur?
Agatha Christie a beaucoup été critiquée pour ce retournement de situation imprévu. Oui c'est peut-être de la triche car après tout, Sheppard livrait ce qu'il souhaitait. Ce qui me marque avant tout, c'est la façon dont Agatha Christie a su jouer avec Roger Ackroyd sur nos repères. Par convention, le lecteur s'attend à ce que le narrateur ne nous mente pas et quand on y réfléchi, c'est assez absurde. Un narrateur omniscient à la troisième personne, est forcément plus neutre - mais pas forcément non biaisé - qu'un narrateur à la première personne: le point de vue entier est subjectif. Pour moi Roger Ackroyd ce n'est pas de la triche, c'est remettre en perspective nos attentes par rapport à des codes littéraires donnés et ça c'est plutôt à mettre sur le compte de Dame Agatha au lieu de l'accuser de tricherie.

Un Hercule Poirot passionnant qui vaut le détour!

Réédité dans la collection "La bibliothèque idéale" d'Agatha Christie par Le Masque. 

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