lundi 30 septembre 2013

Cotillon - Georgette Heyer


Présentation de l'éditeur: La jeune Catherine Charing est dans une situation embarrassante : pour hériter de la fortune de son grand-oncle fourbe et acariâtre, elle doit épouser l’un de ses cousins. Entre Hugh le pasteur moralisateur, Dolphinton, le comte débile et Jack le joueur et coureur de jupon invétéré, Kit se sent moyennement emballée. En désespoir de cause, elle retrouve l'indolent Freddy, un autre de ses cousins et lui propose un marché audacieux: de fausses fiançailles. Ainsi en voyage à Londres sous une couverture respectable, Kitty pourra peut-être trouver une bonne situation qui la mette à l'abri d'un mariage forcé.

Grâce à mon ancêtre, j'avais découvert et dévoré avec un plaisir que je ne peux pas nier, Un mariage de convenance et j'en étais ressortie enchantée. Ayant découvert que sur mon marché, le bouquiniste vend de la romance - pensez à mon ébahissement: il vend des Aventures et Passions vintage, ô joie - je me suis laissée tentée par Cotillon, récemment retraduit chez Milady romance.


J'aime les histoires de fausses fiançailles. D'abord parce que j'aime le concept et ensuite parce que cela peut induire des quiproquo maîtrisés par l'auteur et donc drôles au contraire des quiproquo gonflants, ceux où il suffirait juste aux héros de se parler pour dissiper tout malaise...Les fausses fiançailles ça peut donner du très bon: The Duke and I et dans le cas présent...du moins bon.

Disons le tout de suite, Cotillon ne restera pas longtemps dans mon esprit. Loin d'être un affreux roman, pas de Pet-peeves rédhibitoires en vue, il souffre néanmoins d'un mal assez terrible pour un roman: l'ennui. Je pense en toute sincérité que Cotillon est trop long. Il y a trop de développements inutiles, de pseudo-rebondissements et d'intrigues parallèles pour que le lecteur puisse véritablement suivre l'histoire de Kit et Freddy. Le roman aurait eu tout intérêt à bénéficier d'une intrigue resserrée, plus concentrée sur elle-même et le couple principal que sur tous les autres protagonistes.
Conséquence directe de ce foisonnement d'intrigues secondaires et de personnages en tout genre, c'est que nos deux héros se noient complètement dans la masse. Pire encore, le couple est tout simplement inexistant.
Il ne faut pas être Einstein pour se douter que les fausses fiançailles se termineront en vraies fiançailles mais ici, je suis désolée de le souligner, le roman aurait pu finir comme il avait commencé qu'on n'aurait pas vu la différence.

Je pensais que Freddy était un personnage qui tirait sa filiation d'un Edward Ferrars - avec Henry Tilney, l'un de mes héros austeniens préférés - mais en réalité, Freddy reste un dandy inconsistant. Lors de son apparition dans les premières pages du roman, il ne fait pas l'effet d'un héros de romance. Dandy, maniéré, tatillon sur son apparence et celle des autres et pas vraiment vif d'esprit, je me suis dit qu'il pourrait se révéler attachant et évoluer un peu au contact d'une héroïne plus vive et surtout moins au fait de la vie londonienne que lui. Si effectivement, Freddy est un gentil personnage (cela dit les autres personnages masculins du roman sont tous plus ou moins détestables), il n'évolue pas vraiment. Il devient un peu plus vif d'esprit et par moment on sent un petit quelque chose remonter à la surface mais cela ne va jamais beaucoup plus loin et c'est frustrant. Frederick Standen avait un fort potentiel de héros qui n'est jamais véritablement exploité au contraire de Lord Rule qui dans Un mariage de convenance se révélait peu à peu. Il est peut être l'un des personnages de romance préféré de Sarah Wendell (l'une des deux Smart Bitches, Trashy Books) mais il ne me convainc pas autant qu'elle.
En parallèle nous avons une héroïne qui, si elle prend peu à peu la défense de son cousin Freddy face à des gens comme Jack, on ne sent chez elle aucun intérêt amoureux. Elle est là surtout pour s'amuser et s'occuper des affaires des autres que ce soit Dolphinton son malheureux cousin ou Miss Broughty son amie et Camille son cousin français.

Au passage, les Français se tiennent véritablement une sale réputation du début jusqu'à la fin et ça m'énerve toujours parce que moi, Perséphone, je suis britanophile, écossophile et irlandophile. Ca me gonfle du coup d'entendre toujours parler des femmes françaises comme des femmes légères et des hommes français comme d'incorrigibles bavards. Je leur présenterai bien Edmond Dantès pour voir.

Il résulte de tout ça que nous suivons plus les débordements de Kit et les histoires amoureuses des autres que de Kit et Freddy et ça c'est plutôt mauvais. Il n'y a aucune possibilité de couinage, aucun moment où l'on se sent attendrie. Jamais Freddy n'essaye de séduire sa cousine même de façon maladroite qui amuserait le lecteur, jamais on ne sent chez Kit le véritable désir de changer ses fausses fiançailles en vraies. La résolution de l'intrigue - qui finalement n'est absolument pas un problème, le principe de base étant bien maigre et moins bien posé que dans The Duke and I - arrive dans les deux dernières pages comme un cheveu sur la soupe. Un résolution bien plate pour un roman dans la même veine.

Cela dit parfois le couple de base n'est pas le meilleur du monde et le récit peut être enlevé par des personnages secondaires de bonnes factures...encore raté. Miss Broughty aurait pu être agréable si l'auteure, et à travers elle les autres personnages, ne cessait de répéter qu'elle est idiote et/ou encline à devenir une cocotte. C'est très irritant parce que le personnage est attendrissant, prisonnière d'une mère sans scrupule qui la vendrait au plus offrant, mais l'effet est anéanti par ce rabâchage. Camille...personnage lui aussi intéressant mais qui souffre également du rabâchage que c'est un français et donc qu'il n'est pas net/théâtral/bavard (pas de mention inutile malheureusement). Je crois que finalement je suis plus attendrie par l'histoire Camille/Olivia que par Kit et Freddy... Dolph est sans intérêt aucun, les parents de Freddy auraient pu être intéressants à condition de les voir plus d'une demie-page et Meg leur fille est horripilante et idiote.

Seul Jack finalement est parfaitement réussi. Je dois dire que Georgette Heyer fait preuve d'une très grande finesse dans le portrait qu'elle fait de cet homme débauché et minable moralement, capable d'être odieux envers sa propre famille mais sans jamais se départir de son sourire. J'ai eu envie de le crépifier évidemment mais il est exactement ce qu'il est censé être. Je lui tire mon chapeau, c'est rare d'avoir des empêcheur de tourner en rond crédible sans être ridicule.

Il y a aussi dans Cotillon un problème dû aux circonstances d'écritures de l'époque. J'aime le style de Georgette Heyer, il passe toujours bien à l'heure actuel et sait se montrer efficace dans son propos sans être redondant ni désuet. Seulement, si elle essaye parfois de faire du Jane Austen (à mon avis cela se sent plus dans Un mariage de convenance), elle écrit avec 100 ans de recul (au minimum). Du coup, et cela est très fort dans Cotillon, elle se croit obligée de rappeler de façon quasi continue les convenances, ce qui se fait et ce qui ne se fait pas. C'est horriblement gênant à la lecture parce que cela ne fait que marteler les mêmes remarques encore et encore. Ce que j'aime chez Jane Austen c'est que justement, toutes ces règles de conduite sont implicites, gravées dans le comportement des gens qui baignent dans cette société. Il suffit de lire quelques pages de Pride and Prejudice pour comprendre que Mrs Bennett et Lydia ne sont pas des modèles à suivre et l'auteure exploite en finesse leurs écarts de conduite. Cotillon en ce sens manque cruellement de finesse.

Une lecture décevante pour le coup parce que je suis certaine que Georgette Heyer a écrit de meilleure histoire et que j'attendais d'elle qu'elle me divertisse avec légèreté.

Je me laisserai bien tenter quand même par Adorable Sophy dans la même collection chez Milady Romance parce qu'après tout, avec les auteures prolifiques, il est évident qu'il y a du bon et du moins bon.

Et vous, avez-vous lu du Georgette Heyer? Que me conseillez-vous? 

Et si on se mettait à la BD?



Bienvenue dans le rendez-vous BD et romans graphiques de Persie et Cheshire. Dans cette page, vous trouverez les liens pour vous conduire vers les différents épisodes de notre rendez-vous et vers les liens des chroniques de BD ou romans graphiques que j'ai fait ces dernières années.



La liste est mince parce que je me lance. Aussi les suggestions sont toujours les bienvenues (et même lorsque la liste sera plus étoffée). Bonne lecture.

EPISODE: ET SI ON SE METTAIT A LA BD?

Episode 1: Murena

Episode 2: Le Scorpion
Episode 3: Le tombeau d'Alexandre
Episode 4: Long John Silver  
Episode 5: Les aventures d'Astérix le Gaulois
Episode 6: Blacksad  
Episode 7: Quatre soeurs tome 1 et 2
Episode 8: Billy Brouillard

BD ET ROMANS GRAPHIQUES A DECOUVRIR:

- Quatre soeurs tome 1 et 2
de Malika Ferdjoukh et Cati Baur

- La tectonique des plaques de Margaux Motin
- Cadavre Exquis de Pénélope Bagieu
- Sherlock Holmes et les vampires de Londres de Sylvain Cordurié et Laci
- Hugo Cabret de Brian Selznick
- Tamara Drewe de Posy Simmonds

vendredi 27 septembre 2013

Et si on se mettait à la BD? Episode 1: Murena


Nouvelle formule aujourd'hui car j'inaugure le rendez-vous BD du vendredi. Le principe est simple, vous présentez une ou plusieurs bandes dessinées que je suis en train de lire. Cela aura lieu le vendredi en parallèle des chroniques jeunesse.

Mais Persie pourquoi nous parler de BD que tu es en train de lire et pas une BD que tu as lu?
Question pertinente ami lecteur et amie lectrice (même si tu ne te l'es pas du tout posée, il faut bien que je trouve des ficelles pour introduire mes pensées). Réponse simplissime. Parfois, certaines BD et notamment des séries ne peuvent pas être commentées tome par tome, non seulement parce qu'à la vitesse à laquelle je peux les lire, j'aurai 12 ans d'avance dans mes chroniques et puis cela n'a pas forcément d'intérêt. Je préfère donc vous les présenter et revenir en parler une fois que j'aurai tout lu. La cohérence sur le long terme ça peut être payant. Cela dit, si je commente un Tintin, promis ce sera un tome à la fois. 

Aujourd'hui je vous parle d'une déjà connue et reconnue dans le monde de la BD, une série historique, je veux parler de Murena.


Murena est une bande dessinée historique belge écrite par Jean Dufaux et dessinée par Philippe Delaby. Les deux hommes collaborent aussi sur la bd Complainte des Landes perdues. Quant à Jean Dufaux, il signera le scénario du prochain Black et Mortimer. Il est l'auteur de 41 séries de bandes Dessinées et de quelques one-shot.

Présentation de l'éditeur: Mai 54, Rome, midi. 
Il fait une chaleur torride sur l'arène et les quelques gladiateurs survivants qui essaient encore de s'entretuer n'amusent plus personne, sauf l'empereur Claude, affalé dans les gradins déserts, avide d'entendre le dernier râle du dernier combattant. 

En dehors de l'arène, la vie est aussi féroce. Tout le monde veut le pouvoir, tout le monde est prêt à tuer pour l'obtenir. Agrippine, par exemple, seconde femme de Claude et mère de Néron, est en train de faire fabriquer un poison pour son cher époux : maintenant qu'il a reconnu son fils, il peut disparaître et lui laisser le trône. D'ailleurs, il faut faire vite : Claude parle de la répudier et d'épouser la femme qu'il aime, Lolia Paulina, mère de Lucius Murena. 

Evidemment, dans le colimateur d'Agrippine, la pauvre Lolia n'a aucune chance. Quant à Claude, il mourra empoisonné et son fils Britannicus sera écarté du pouvoir au profit de Néron. 

Voilà l'histoire de Rome telle qu'on nous la raconte dans les manuels scolaires, à ceci près qu'elle prend ici un relief surprenant : sanglante et crapuleuse, elle n'est que superstitions, trahisons, terreur et violence.

Bien que le personnage principal de Lucius Murena soit fictif - Lolia Paulina était bien la maîtresse de Néron mais elle n'avait pas d'enfant - la bande dessinée prend place dans la fin du règne de Claude et durant le règne de Néron. Les auteurs, qui se définissent comme des Alexandre Dumas qui "prenait plaisir à fréquenter l'histoire mais gardait l'indépendance par rapport à ses sources", sont néanmoins très bien documentés à la fois sur l'Histoire romaine mais également sur l'architecture et les costumes. Un glossaire, ainsi qu'une bibliographie, sont présents à la fin de chaque volume. Des erratum sont même signalés lorsque les auteurs ont commis un impair.
En 2009, le magasine L'Histoire a publié un Hors-série consacré à la série.

J'ai donc commencé cette série et j'ai dévoré comme il se doit les deux premiers tomes.
Je dois dire que j'ai vraiment hâte de lire la suite car dès les premières planches le lecteur est happé dans ce monde violent de la politique romaine des derniers Julio-claudiens. Même s'il y a des écarts avec la réalité, induits notamment à cause du personnage de Murena, l'ensemble reste extrêmement bien documenté et particulièrement plaisant à lire. Je trouve également les dessins très beaux même s'il est parfois difficile de différentier certains personnages.

Bien que Murena soit le personnage principal, nous suivons toutes les sphères du pouvoir et prenons parfois conscience avant le jeune homme des dangers qu'il coure. Si Agrippine ou Néron sont attirants, notamment à cause de leur légende noire, d'autres personnages sont d'ores et déjà intrigants comme l'ancien esclave Balba ou l'affranchi Pallas. Pour ceux qui s'inquièteraient d'éventuels clichés sur la vie sexuelle "débridée" des romains, sachez que je ne trouve pas cette BD vulgaire ni voyeuse. La nudité est - dans les deux premiers tomes - bien exploitée et les auteurs ne se complaisent pas dans des scènes racoleuses faciles, ce que je reprochais aux deux premiers épisodes de la série Rome justement. Les intrigues politiques et surtout familiales - n'oublions pas que tout ce petit monde était parent à plus ou moins grande échelle - tiennent la place centrale du récit.

Pour ceux qui aiment l'Histoire un peu romancée mais pas complètement à côté de ses cothurnes et la politique violente à la Game of Thrones, Murena est fait pour vous.

Pour l'instant, la série se compose de 9 tomes répartis en 3 cycles:

Cycle de la Mère:

1. La pourpre et l'Or
2. De sable et de sang
3. La meilleure des mères
4. Ceux qui vont mourir...

Cycle de l'Epouse

5. La Déesse noire
6. Le Sang des bêtes
7. Vie des feux
8. Revanche des cendres

Cycle de la Mort

9. Les épines

En attendant que je vous reparle de la série cycle par cycle, vous pourrez trouver des renseignements complémentaires sur le site de l'éditeur Dargaud et même les premières planches du premier tome ici. 

lundi 23 septembre 2013

Fatherland - Robert Harris


Présentation de l'éditeur: Berlin, 1964. Depuis que les forces de l'Axe ont gagné la guerre en 1944, la paix nazie règne sur l'Europe. Seule, l'Amérique a refusé jusqu'ici le joug. Mais dans quelques jours, le président Kennedy viendra conclure une alliance avec le Reich. Ce sera la fin du monde libre. 
Deux meurtres étranges viennent perturber les préparatifs. Les victimes sont d'anciens S.S. de haut rang jouissant d'une paisible retraite. Chargé de l'affaire, l'inspecteur March s'interroge. S'agit-il d'un règlement de comptes entre dignitaires? Mais, s'il s'agit d'affaires criminelles, pourquoi la Gestapo s'intéresse-t-elle à l'enquête? Quelle est cette vérité indicible qui tuent tout ceux qui la détiennent et semblent menacer les fondations mêmes du régime? Le mystère s'épaissit et, dans Berlin pavoisée, les bourreaux guettent, prêts à tout pour étouffer dans la nuit et le brouillard les dernières lueurs de liberté.

Après mes travaux de l'année dernière - sur les organisations criminelles nazies pour ceux qui ne sauraient pas - je m'étais jurée de ne pas ouvrir un roman sur la Seconde Guerre mondiale avant un délais raisonnable. Un an est passé et j'ai craqué. Evidemment quand on m'a dit que Fatherland de Robert Harris prenait place en 1964 dans une Europe fédérée autour d'une Allemagne nazie victorieuse, je n'ai pas pu résister (et puis entre les copines et mon ancêtre qui m'assurait que c'était génial, c'était obligé que je le lise). 

Incontestablement, Fatherland est un grand roman d'uchronie sur la Seconde Guerre mondiale. Il y a deux types d'uchronie : celles qui s'écartent largement de la réalité connue pour nous offrir un contenu WTF ex: Napoléon a gagné contre l'Angleterre et l'action se passe dans un Londres francophone de 2013. Cela laisse une marge certaine pour faire un peu ce que l'auteur veut. Puis il y a la seconde méthode, faire dériver le cours du temps d'un petit détail et entraîner une réalité alternative probable, glaçante parce que fondamentalement vraie.
Ici c'est bien évidemment la seconde solution qu'a privilégié Robert Harris. L'Allemagne et l'Europe de 1964 est une alternative pétrifiante à ce qu'aurait pu être notre univers avec une victoire allemande. Je suis admirative des choix fait par Harris pour son uchronie. Petits détails qui sembleront anodins, c'est ici une tactique d'espionnage anglaise qui échoue et qui entraîne une victoire maritime, c'est là un attentat qui échoue et qui laisse vivre Reinhard Heydrich en 1942. L'ensemble des jalons placés par Robert Harris offre au final un contexte historique et politique crédible. C'est peut-être à cause de ça que Fatherland est effrayant. Il ne l'est pas à cause du destin de son héros Xavier March, ni des secrets découverts, il l'est parce que l'Europe de 1964 post-victoire nazie mise en place par l'auteur est d'une incroyable véracité. C'est absolument saisissant de voir comment finalement une victoire allemande aurait pu changer tellement et si peu notre histoire. Une Union Européenne voit le jour, même si le leadership principal est assumé par un Adolf Hitler vieillissant. Une guerre froide existe malgré tout, bien que les protagonistes se soient déplacés, Allemagne contre Etats-unis, laissant un reste d'Union soviétique exsangue à la traîne.

Ce qui m'a le plus remué en découvrant la Berlin fantasmée de Robert Harris est de se rendre compte qu'il ne s'agit pas ici de guerre perpétuelle et que la vie continue. C'est un constat terrible n'est-ce pas? Que l'on puisse vivre dans une Allemagne rongée par le nazisme est impensable et pourtant c'est ce qu'arrive à créer l'auteur dans ces pages. Même si les uniformes noirs des SS et de la Gestapo hantent les rues pendant leurs occupations habituelles, les gens n'ont pas l'air sous pression. Ils travaillent, sortent, tombent amoureux, forment une famille, sont dévoués à l'Allemagne et au Führer. Certains vivent d'ailleurs très bien et s'adaptent parfaitement à cette période d'après-guerre. Il suffit de voir la femme et le fils du héros pour s'en convaincre. Ils obéissent, sont formés comme de bons petits soldats à vivre selon les règles stériles érigées par le parti. C'est sans aucun doute le plus ahurissant et le plus clair dans ce roman et l'ensemble est dépeint avec une vivacité et un réalisme surprenant et odieux.

Robert Harris connait bien la Seconde Guerre mondiale et ses développements. A voir les documents originaux qu'il a utilisé, les choix uchroniques qu'il a fait, les personnages qu'il a conservé ou éliminé, il est évident qu'il connait parfaitement cette période de notre Histoire. Il ne se contente pas d'ailleurs de partir du postulat que l'Allemagne a simplement gagné, ce ne serait pas lui rendre justice. Tout au long du roman il nous distille des informations sur la guerre, ses développements et l'Europe depuis 1945 que ce soit des éléments historiques, sociaux, politiques, religieux etc. qui permettent de recomposer sans aucun doute possible le chemin parcouru.
Là où le roman est aussi intelligent, tient dans ses choix de protagonistes. La quasi-totalité des hauts dirigeants nazies sont morts en 1945 avant de pouvoir être jugés. Il suffit pour s'en convaincre de regarder les accusés à Nuremberg et de se rendre compte qu'il manque les personnages les plus horribles du régime. Bien évidemment, dans cette uchronie ils sont bel et bien vivants à quelques exceptions près, Harris faisant à mon avis le choix logique d'en faire mourir certains avant 1964. Là où je le trouve subtil, c'est d'incorporer à son récit des personnages historiques, ayant bien officié sous le troisième Reich qui sont suffisamment placés dans la hiérarchie nazie pour être potentiellement dangereux sans pour autant jamais toucher aux vaches sacrées du parti. Même si on parle d'Hitler ou d'Heydrich, jamais on ne les voit. On se contente de Globocnik et de Nebe.
Cela peut paraître un détail ou complètement secondaire puisqu'il s'agit d'uchronie et que donc on peut faire ce qu'on veut et faire dire ce qu'on veut aux personnages censés être morts mais je persiste à penser que les meilleurs romans historiques ne sont pas ceux qui mettent en scène des personnages particulièrement connus. Je trouve que dans 99% des cas, faire parler des personnages historiques célèbres est un échec. C'est investir tout un imaginaire sur une personne ayant existé et cela ne peut être plus loin de la véracité historique. Vous voyez un auteur faire parler Hitler? Hormis La part de l'autre d'Eric-Emmanuel Schmitt, je trouve le concept périlleux. L'excuser? En faire un monstre? (je reste convaincue que la réussite et la monstruosité du régime nazi ne tient pas qu'en la seule personnalité d'Hitler. Après avoir travaillé sur les procès des médecins des camps de la mort, je peux vous garantir que certains étaient beaucoup plus cyniques dans leur pensée de l'extermination des juifs d'Europe que les gesticulations hystériques du Führer devant la foule.) Mais je digresse.
Ici, Robert Harris, en nous offrant de véritables personnages du Reich, moins connus que les hauts dignitaires nazis, permet d'ancrer son récit dans un vrai paysage politique et donne du corps à la société qu'il reproduit. L'ensemble fonctionne sans aucune anicroche et met d'emblée le lecteur mal à l'aise face à cette implacable bureaucratie teutonne.

L'autre point fort de ce récit reste le personnage principal, l'anti-héros Xavier March. C'est un personnage diablement intéressant qui m'a fait penser par de très nombreux aspects à Finch, l'inspecteur du Doigt dans V pour Vendetta. La aussi, Robert Harris se montre subtil. Il aurait été largement plus simple d'accrocher le lecteur avec un héros, chevalier-blanc anti nazi à la Ned Stark. Quelqu'un auquel le lecteur peut s'identifier pour la pureté de l'idéal. C'eut été beaucoup trop facile et je préfère nettement notre Xavier March SS Sturmbannführer pour la Kripo (Kriminalpolizei). Le décalage entre ce qu'il représente, la police d'Etat nazie, et ce qu'il est, un homme bon et intelligent, pousse à réfléchir sur ce qui fait un homme. Xavier March est attachant par la réflexion qu'il porte sur le monde qui l'entoure et les choix qu'il fait face à des situations douloureuses. Il est prêt à remettre en cause le fondement même de sa vie pour chercher la vérité.
Comme Finch, Xavier March est un homme né à l'aube du système et qui y est entré l'un par conviction, l'autre presque par hasard. Bon petit flic bureaucrate il n'en reste pas moins un peu à la marge par leur volonté de garder une indépendance d'esprit et de réflexion. Rien n'est jamais ostentatoire, tout est naturel. Il est autant naturel pour Finch de s'interroger sur la personnalité du terroriste V que pour March d'enquêter sur le crime commis. March comme Finch perd peu à peu repères et certitudes et si pour l'Allemand les doutes commencent dès son divorce et la découverte de la photo de famille des Weiss, pour Finch c'est réellement son contact avec V qui le fait s'interroger sur le bien fondé de sa "démocratie". Dans le fond, Fatherland n'est que l'achèvement des doutes de notre anti-héros. Il n'apprend finalement rien qu'il ne sache pas déjà au fond de lui-même, une révélation, une prise de conscience de ce qui se joue autour de lui depuis 30 ans.

Cependant je reste légèrement sur ma faim. Il y a pour moi un léger problème de rythme dans la première moitié du roman qui aurait mérité un peu plus de légèreté dans le traitement de l'affaire policière avec des révélations qui arrivent finalement peut-être un chouille trop tard pour véritablement surprendre le lecteur averti. Evidemment si vous ne connaissez pas bien la Seconde Guerre mondiale cela ne vous choquera pas. Quant à la fin, si je suis évidemment d'accord avec le traitement de l'intrigue et du personnage, je pense quand même qu'il aurait fallu rajouter un épilogue. Je comprends ce qu'a voulu faire Harris ici mais je ne partage pas tout à fait son point de vue sur le traitement de la chose.

Fatherland est un roman qui vous atteint dès les premières pages, qui vous accrochent par son réalisme alors même que nous sommes dans l'Europe imaginaire de l'auteur. Xavier March, SS du Reich arrive à nous toucher et à nous entraîner avec lui dans l'horreur du nazisme avec une intelligence rare. Un grand roman. 

vendredi 20 septembre 2013

Fourth grave beneath my feet - Charley Davidson #4 - Darynda Jones


Présentation de l'éditeur: Être faucheuse, c'est glauque. Charley a d'ailleurs pris quelques mois pour... se morfondre. Mais lorsqu'une femme vient frapper à sa porte convaincue qu'on essaie de la tuer, la jeune femme doit se relever. Dans le même temps, un pyromane s'attaque à Albuquerque et ses crimes pourraient avoir un rapport avec le très chaud Reyes Farrow, sorti de prison et de la vie de Charley depuis un moment. Il est grand temps pour la faucheuse de reprendre du poil de la bête !

Après une fin de tome 3 assez spectaculaire, évidemment sinon on ne serait pas dans un Charley Davidson, le tome 4 s'ouvre sur une faucheuse en pleine crise d'agoraphobie. Heureusement que Cookie est là pour la remettre dans le droit chemin, parce qu'accumuler des merdes dans son appart, achetés à télé boutique, au point que le chinois du coin de la pièce n'est même plus visible, ce n'est pas badass girl. L'appartement entre celui de Cookie et de Charley est à vendre et les filles bavent d'envie. Quant à Reyes, il se remet doucement à la vie civile après sa sortie de prison. 

Disons-le tout net, je ne me suis pas autant amusée dans ce tome que dans les trois précédents. Si l'histoire de la jeune femme qui pense qu'on veut l'assassiner m'a énormément plu, elle est bien menée et je n'avais pas du tout vu venir la résolution de l'énigme, toute l'histoire Reyes Charley commence gentiment à me gonfler. 

L'humour est toujours présent et Charley a le don de se fourrer dans des situations cocasses mais honnêtement entre elle et Reyes, ça commence à tourner en rond. 
Moi aussi j'ai mes Pet-peeves et ici Darynda Jones use et abuse de l'un d'entre eux à savoir "la rétention volontaire d'informations". C'est quelque chose dont j'ai horreur. Depuis le tome 3, Charley sait qu'elle a sans doute plus de pouvoir qu'elle ne le supposait. La bonne soeur lui a dit, Rocket lui a dit et Reyes lui a dit. Seulement on devine que ce dernier en sait d'avantage mais à chaque fois qu'elle lui demande des explications la réponse est invariablement la même: "tu peux faire plus que ça". 
Et une claque dans ta mouille Reyes? 

Si le côté sombre et mystérieux de Reyes me plaisait au début, je dois admettre qu'au bout du tome 4 où nous avons toujours les mêmes interrogations, je me lasse. 
Je pense donc que Darynda Jones arrive à un tournant dans son histoire. Soit elle prend la mauvaise décision et fait traîner en longueur à la fois l'histoire Reyes/Charley en même temps que l'histoire de Charley sur le plan de "Je suis la faucheuse mais en fait j'en sais que dalle", soit elle décide dans le tome 5 de se mettre au boulot pour donner un sérieux coup de pouce à l'intrigue principal. J'aimerai bien qu'elle conserve les intrigues secondaires, les enquêtes de Charlotte, parce que c'est clairement la partie que je préfère dans la série mais cela va demander beaucoup de jonglerie, notamment au niveau du rythme.

C'est le défaut majeur des séries selon moi qui ont du mal à s'équilibrer entre rétention d'informations pour garder du suspense et savoir lâcher de l'info pour que le lecteur ne se lasse pas. C'est ce que je reproche aussi dans la durée à la série des Fever de Karen Marie Moning. Des histoires avec des hauts et des bas qui aurait mérité plus de concision.

J'aime toujours Charley Davidson mais je me demande où l'auteur veut en venir. Pour moi, le cinquième tome marquera un véritable tournant et j'espère que Darynda Jones aura su bien le négocier.   

mercredi 18 septembre 2013

Sin city (2005) - Rodriguez, Miller & Tarantino



Résumé: Sin City est une ville infestée de criminels, de flics ripoux et de femmes fatales. Hartigan s'est juré de protéger Nancy, une strip-teaseuse qui l'a fait craquer. Marv, un marginal brutal mais philosophe, part en mission pour venger la mort de son unique véritable amour, Goldie. Dwight est l'amant secret de Shellie. Il passe ses nuits à protéger Gail et les filles des bas quartiers de Jackie Boy, un flic pourri, violent et incontrôlable. Certains ont soif de vengeance, d'autres recherchent leur salut. Bienvenue à Sin City, la ville du vice et du péché. (source)



CASTING


Mickey Rourke ............................................. Marv
Bruce Willis .................................................. Hartigan
Clive Owen .................................................. Dwight

Benicio Del Toro .......................................... Jackie
Jessica Alba .................................................. Nancy Callahan
Devon Aoki .................................................. Miho
Alexis Bledel ................................................ Becky
Powers Boothe ............................................. Senateur Roark
Rosario Dawson ........................................... Gail
Carla Gugino ................................................ Lucille
Josh Harnett .................................................. L'homme
Rutger Hauer ................................................ Cardinal Roark
Jaime King .................................................... Goldie / Wendy
Michael Madsen ........................................... Bob
Frank Miller .................................................. le prêtre
Brittany Murphy ........................................... Shellie
Nick Stahl ..................................................... Roark Jr. 
Elijah Wood .................................................. Kevin


Je sais, je sais... depuis un moment je ne vous parle que de "vieux" films (oui quand ils commencent à approcher la décennie c'est qu'ils ne sont pas de toute première jeunesse). Il se trouve que je n'ai pas foutu les pieds au cinéma depuis un moment par: 1) manque flagrant d'intérêt pour les films qui sont sortis ces derniers temps, 2) manque de temps (j'arrive déjà à peine à me concentrer sur un livre alors un film...) et 3) il se trouve que je suis dans Battlestar Galactica et une rétrospective Doctor Who. Yes indeed, plutôt busy Persie.

Ce n'est pas pour autant que je vous oublie et il se trouve que l'autre jour, j'étais assise dernière mon écran d'ordinateur, les doigts prêts sur le clavier à vous concocter une nouvelle histoire des aventures de mon incorrigible greffier, quand je me suis dis que j'allais me regarder un film en même temps (contradiction évidente avec ce que je viens d'écrire au-dessus mais oh! je fais ce que je veux, c'est mon blog). Du coup je suis partie dans Sin city et j'ai eu du mal à décrocher.


Sin city est une série de 7 comics de Frank Miller en noir et blanc reprenant tout en les détournant, les codes des polars noirs des années 50. Placée dans une ville tentaculaire corrompue et violente, l'action des comics suit différents destins. La ville de Sin city, à mi-chemin entre Las Vegas et Gottham city, ancre le récit dans une atmosphère particulière où sortir de chez soit équivaut à perdre un bras. Génialissime pour les uns, voyeur et inutilement violent pour les autres, ces comics ne finissent pas de faire parler d'eux.
Pour être parfaitement honnête je n'ai jamais lu un Sin City, je n'en connais que quelques planches qui ont circulé en comparaison avec le film. Si certains d'entre vous s'y connaissent, qu'ils n'hésitent pas à nous parler de l'adaptation, notamment au niveau scénario.


Je dois admettre que sur papier, adapter un comics en noir et blanc et über violent ce n'est pas le plus simple, beaucoup de contraintes pour un rendu incertain. Cependant, avoir l'auteur du comics dans l'équipe de réalisation ça peut aider (encore que...). Rajoutez là-dessus Robert Rodriguez et saupoudrez de Quentin Tarantino et voilà Sin City.
Je pense que je ne m'avance pas des masses en affirmant que le travail sur l'esthétique du film est franchement sublime. Non seulement le rendu est proche des dessins d'origine mais le travail que Miller avait entrepris sur la lumière est tout simplement retranscrit à l'écran par un jeu d'ombre et de brillance du blanc. Le blanc et le noir n'ont jamais été aussi nuancé. Un peu comme ce que fait parfois Tarantino, Miller et Rodriguez jouent, comme dans les comics, avec les couleurs pour souligner un fait ou caractériser un personnage. Ainsi, le Yellow Bastard est bien jaune pétant au milieu du noir et blanc, comme pour accentuer le côté dégueulasse (je n'ai pas d'autre mot, excuse my French) du type. Goldie quant à elle évolue dans un décor rouge, celui des draps et ses cheveux deviennent or, ce qui permet de la même façon de la différencier de sa soeur Wendy qui bien que jumelle de Goldie ne possède pas le petit truc qui a fait craquer Marv.

Des giclées de sang rouge, un éclat bleu ou encore une aura dorée pour renforcer le côté sexy du personnage, je pense notamment à Nancy dans sa danse sur le bar, renforce la narration d'une façon souvent plus subtile qu'un dialogue bien lourd ou qu'une surenchère absurde d'images qui forcent la caractérisation. Cela n'empêche pas d'ailleurs le noir et blanc d'être gerbant (si vous me pardonnez une fois de plus l'expression) et parfois plus choc et violent que la couleur. De ce point de vue là, pas de toute on est sans problème dans l'ambiance comics glauque, polars noir année 50 qui capitalisent sur le sexy des héroïnes et l'environnement urbain hostile.


Cet effet comics est à mon sens renforcé par l'utilisation massive de la voix-off. Souvent celle ci est employée quand on ne sait pas trop comment montrer un bout de scénario et plutôt que de laisser parler les images, on se croit obligé de rajouter une voix (cf. Oblivion qui dans les premières minutes du film nous expose, par le biais de la voix de Tom Cruise, la journée type du personnage pour finalement la remontrer en image juste après. Vous avez dit gâchis de pellicule?). Sauf qu'ici, la voix sert complètement le propos. Toujours dans le comics, la voix off sert de remplacement aux bulles, permettant ainsi aux personnages d'exprimer leur pensée. Ca peut paraître redondant parfois mais j'ai purement adoré être dans la tête des personnages. Combinée à l'image, cette utilisation quasi constante de la voix-off, permet de planter le décor. Toi spectateur, tu es bien dans un comics, dans un univers différent du notre. Etre dans la tête des personnages est aussi une façon de le comprendre et de partager son sort, point de vue intéressant puisqu'au premier abord, ce n'est pas le plus simple. Marv et sa gueule cassée, arrive à nous émouvoir parce qu'on comprend bien pourquoi il est en rogne contre la moitié de la ville tout en ayant un comportement quasi-suicidaire. Dwight reste finalement assez mystérieux sans doute parce qu'il parle finalement plus des autres que de lui-même. Hartigan est le personnage dont on peut être le plus proche, puisqu'il agit dès le début comme un chevalier servant au service de Nancy. Autre fait intéressant de la voix off c'est qu'elle ne fonctionne que pour les hommes. Jamais le spectateur ne rentrera dans la tête des héroïnes "sidekick. C'est un point que j'aborderai plus tard.

Ce qui fait aussi la qualité de la voix-off et même de la narration dans son ensemble, tient incontestablement dans le langage utilisé tout au long du film. Même en français il y a un choix certain sur le ton employé et le vocabulaire. Marv et Hartigan partage se parler cru des banlieues basses de la ville, type titi parisien années 50: "faudrait qu'j't'avoine le museau", "j'ai le palpitant qui déconne" etc. Un style particulier qui aide aussi à donner une personnalité forte ainsi qu'un véritable ton au film. Dwight donne quant à lui dans des tonalités plus lyriques, plus proches des autres personnages de Sin City moins introspective également. Quant à Jackie Boy, il est sans cesse entre deux milieux, comme son personnage.



Uploaded with ImageShack.us Sin city c'est aussi trois histoires (dans la version cinéma, on me souffle dans l'oreillette qu'il y a deux histoires supplémentaires dans les bonus du DVD avec The man) imbriquées les unes dans les autres. La une et la trois notamment se répondent par un jeu de personnages et de criminels. Dans les deux cas, Marv et Hartigan doivent combattre la famille Roark. Si le premier affronte le frère évêque, le second se bat contre le frère sénateur et le fils de ce dernier. Si Nancy sert de lien entre la première histoire et la dernière elle marque aussi un lien avec la seconde, celle de Dwight, grâce à Shelly, la serveuse du bar où Nancy travaille. Cette seconde histoire justement sert finalement de pause dans un récit complexe de jeux de pouvoir à Sin City. Situé dans la vieille ville, l'action change alors de terrain et n'est plus sous la coupe de la police ou de la famille Roark, bien que les prostituées soient impliquées dans l'affaire Goldie/Marv. Histoire exutoire, prétexte à une débauche de violence et de giclée de sang, elle marque à mon sens le problème majeur de ce film (et des comics).

Si j'aime Sin city le film pour ses partis-pris esthétique et d'adaptation, son choix des acteurs et l'écriture du texte, si la violence débridée et le message pro-arme à feu et pro-républicain ne me gêne pas dans la mesure où je prends le parti de mettre tout ça de côté, j'ai un peu plus de mal à passer sous silence le rôle des femmes dans ce film.
Parce que oui, il y a une volonté flagrante chez Miller de retrouver une ambiance années 50 et films noirs. Suffit de regarder le personnage de Goldie pour s'en convaincre...A mon avis, plus proche de l'image de la pin-up vous avez Jessica Rabbit.


Parce que Sin city insiste sur les femmes, bien souvent fatales, il les place au premier plan. Elles sont toujours présentes à chaque histoire et forme un diptyque avec le héros dont elle est toujours le moteur. Marv se met en rogne à la mort de Goldie, dézingue un mec pour Lucille et finit le sale boulot pour Wendy. Dwight donne une bonne leçon à Jackie Boy à cause de Shelly puis pour Gail et ses filles de la vieille ville. Enfin Hartigan ne vit que pour Nancy dont il assure d'une façon où d'une autre la protection. Ce sont elles qui non seulement enclenchent l'action mais la font progresser. Elles servent de liens entre les histoires également et permettent qu'elles se recoupent.

Du coup vous avez envie de me dire: Si elles sont au centre de l'action, Persie pourquoi tu râles?

Je râle parce que tout ça c'est du trompe l'oeil. Oui les nana ont des flingues et sont un des éléments narratifs les plus importants du scénario mais justement elles ne sont que ça: un élément narratif, une jolie façade pour attirer le chaland. Les voix-off sont réservées aux protagonistes masculins. On s'en fout de savoir ce que pense Nancy alors qu'elle fait sa danse du ventre sur le bar, pourtant je suis sûre qu'elle aurait des choses à dire. On s'en fout aussi de savoir ce qu'attend Goldie ou Wendy de Marv à part les mêmes phrases répétées en boucle. Seuls les héros masculins ont le droit de s'entendre parler.


Si elles font bouger le héros, elles n'en restent pas moins finalement que des demoiselles en détresse - armées - attendant que le prince charmant viennent les sauver. Si c'est compréhensible pour Nancy (du moins au début de son histoire), ça l'est beaucoup moins pour Gail. Elle est quand même la chef des prostituées de la vieille ville qui tiennent en respect la police par l'emploi des armes. Mew est une arme sacrément mortelle mais elles ont quand même besoin de Dwight pour régler le problème que représente Jackie Boy. Si nous revenons sur Nancy, certes lorsqu'elle a 11 ans, Hartigan est un véritable héros qui s'explique sans sexisme apparent. Cependant, son comportement dans son histoire (la troisième) nous laisse le personnage, qu'on soupçonnait pourtant fort et affirmé dans les deux premières parties du film, coincé dans son rôle de fillette apeurée ayant besoin de l'Homme Hartigan pour la sauver du méchant Yellow Bastard. Relation d'ailleurs hyper malsaine entre les deux puisque la gamine de onze ans fini par tomber amoureuse de son sauveur, alors même que celui là la voit comme une fille avant de se rendre compte qu'elle a dix neuf ans et des pensées largement moins pures qu'une gamine de onze ans.

La vieille ville est vraiment synonyme pour moi de l'hypocrisie de ce traitement. On nous signale qu'il s'agit du domaine des femmes, que ce sont elles qui font la loi dans ces bas-fonds, droits qu'elles ont gagné de haute lutte contre la police et la mafia. Sur papier c'est nickel, en plus elles sont armées, elles assurent leur sécurité donc elles sont indépendantes. Or, nous parlons quand même de prostituées qui gagnent leur vie en vendant leur corps aux hommes. Je n'appelle pas vraiment ça de l'émancipation. Encore moins quand Dwight est émerveillé (émoustillé) de voir Gail fusiller à tour de bras de façon quasi-orgasmique: "ma Walkyrie". Entre la possession et le fantasme masculin qu'elle engendre, paye ton cliché Mr Miller. Si dans le texte, ces femmes là sont indépendantes et fortes, la relation qu'elles entretiennent à leur corps et que les personnages masculins ressentent est totalement biaisée.
C'est bien ça ce qui m'embête dans ce film, le corps féminin est avant tout un objet de fantasme pour le spectateur masculin, une jolie vitrine. La nudité féminine ne me gêne pas si elle est bien employée. Ainsi les scènes de Goldie me dérangent beaucoup moins que le commentaire sur Lucille "elle est gouine, avec un corps pareil elle pourrait se taper qui elle veut, va comprendre". Paye ta lesbophobie. *facepalm* Quant à Nancy, vous ne me direz pas que ce n'est pas pour se rincer l'oeil sur Jessica Alba (tapez Sin city gif sur google...éloquent, 70% des images sont celles des danses de Nancy).

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You see what I mean right?
J'en entends certains me dire Ouais bon d'accord, Nancy et Lucille on veut bien admettre c'est gonflé, mais les prostituées de la vieille ville ça se justifie non?
Mouaif...vous sentez le ton convaincu? Je persiste à penser que le choix des costumes est dans la lignée des "babes" dénudées de l'univers Miller (entendons nous bien, il s'agit toujours de l'adaptation des comics, donc le film n'est pas responsable à 100%). Wendy et Goldie sont en robe longue à plusieurs reprise, Becky est en pantalon et Mew est complètement couverte. Pas trop de poitrines, de fesses ou de cuisses pour celles-là. Pourquoi se rattraper en mettant toutes les autres à poil? On se le demande...presque.

J'aime beaucoup ce film malgré ce gros défaut que j'impute quand même plus volontiers à l'univers de Miller qu'à la réalisation de Rodriguez en elle-même. Il s'agit d'une adaptation de comics dans ses bons et mauvais côtés je suppose. Sauf si vous êtes allergiques à la violence débridée type Tarantino (qui réalise d'ailleurs la scène de voiture - normal - dans l'histoire de Dwight), je vous le recommande rien que pour l'esthétique globale du film et sa réflexion sur le milieu urbain. Oui Sin city c'est un film mais aussi un personnage à part entière finalement puisqu'elle définit nos héros et leur vision du monde.

Bon film! 

lundi 16 septembre 2013

L'alchimiste des ombres - Les Lames du Cardinal #2 - Pierre Pevel


SERIE COUP DE COEUR

Présentation de l'éditeur: Paris, 1633. Les dragons menacent le royaume. Surgis de la nuit des temps, ils sont avides de pouvoir et décidés à restaurer leur règne absolu. Usant de sorcellerie, ils ont pris apparence humaine et créé une puissante société secrète, la Griffe noire, qui conspire déjà dans les plus grandes cours d'Europe. Pour déjouer leurs sinistres complots, Richelieu a reformé son unité d'élite, une compagnie clandestine d'aventuriers et de duellistes rivalisant de courage, d'élégance et d'astuce. Six hommes et une femme aux talents exceptionnels prêts à braver tous les dangers et à risquer leur vie pour la Couronne : les Lames du Cardinal. Mais alors qu'ils ont rendez-vous, par une nuit d'orage, avec une espionne italienne aussi belle que dangereuse qui prétend détenir les clés d'un complot à venir, ils sont loin d'imaginer l'ampleur de la tragédie qui va s'abattre sur la France et les obliger à affronter leur plus terrible adversaire : l'Alchimiste des ombres...

Il y a quelques temps je vous parlais du tome 1 des Lames du Cardinal de Pierre Pevel. Ma procrastination aidant, je ne vous parle de la suite que maintenant alors que j'ai fini de lire ma trilogie quasiment au moment où j'écrivais ma première chronique. Aucun rapport avec mon avis sur le roman cela dit, juste une bonne vieille procrastination. 
Même si la surprise du premier tome a disparu, L'Alchismiste des ombres se place dans la droite ligne du premier tome des Lames et concrètement, j'y ai retrouvé tout ce que j'avais apprécié dans celui-ci. 

Bien que nous connaissions davantage les personnages, certains mystères s'épaississent à leur sujet - pourquoi Agnès n'a-t-elle pas fini son noviciat? Comment Leprat a-t-il attrapé la rance? Quels secrets cache le capitaine? Qui est vraiment Saint-Lucq? - tandis que d'autres trouvent leurs réponses comme ce qui s'est réellement passé à La Rochelle lors du siège raté. L'auteur distille les informations tout au long des trois tomes ce qui permet une approche en profondeur des personnages, de leur histoire et de leur psychologie, bien mieux que ce qu'il aurait pu faire en une fois. On dépasse alors le côté stéréotypé des personnages pour comprendre ces individus et voir au-delà du masque. On comprend mieux ce qui agite Agnès, ses peurs et ses espoirs. Leprat également, qui balance toujours entre sa casaque bleue des mousquetaires et l'habit des lames. Le taquin Marciac, le silencieux espagnol, le fidèle Ball, le profond Arnaud de Laincourt et le mystérieux Saint-Lucq complètent, aux côtés du Capitaine La Fargue, les Lames et leur mystère. 

Ce second tome prolonge l'intrigue du premier en s'appesantissant néanmoins plus sur les intrigues de cour que sur l'action proprement dite. Certes, nos amis rencontrent de temps à autre dragons et autres dracqs mais entre l'italienne espionne mercenaire qui cherche à se mettre sous la protection de Richelieu et les intrigues à la cour de Louis XIII qui implique Anne d'Autriche et la duchesse de Chevreuse, nous sommes plongés dans un monde plus politique. C'est l'une des grandes qualités de cette série, la manipulation habile de l'action et de l'Histoire, cette jonglerie entre notre Histoire et l'uchronie que Pierre Pevel met en place. Pour les lecteurs qui connaissent la cour de Louis XIII ou plus généralement le XVIIe siècle, c'est toujours un régal de voir comment il modifie l'Histoire et sa façon de croquer les personnages célèbres. La duchesse de Chevreuse est de ce point de vue là une véritable réussite. Indéniablement, Pierre Pevel a su comprendre la femme ambitieuse qu'elle était tout en montrant une de ses jolies facettes, son attachement profond et sincère à la reine qui n'avait d'égal que son mépris pour le roi. J'ai trouvé sa caractérisation très juste. 

L'écriture reste un régal. Léchée, elle affecte une caractéristique XVIIe siècle sans jamais trop en faire. Pas de recréation d'un parlé dans le vocabulaire mais plus un ton, un phrasé d'époque. Le lecteur reste immergé dans ce Paris du XVIIe siècle sans sentir néanmoins de décalage qui nuirait à la lecture. 

Si la fin du tome 1 nous incitait instamment à lire la suite, c'est encore pire avec le tome 2. Cette fin qui n'en est pas une, oblige le lecteur à enchaîner sur le tome 3 qui s'avère encore un cran plus sombre. A mesure que l'on s'avance dans l'intrigue, nous plongeons dans les méandres d'une France sombre, envahie par les traitres et les dragons. Nos héros s'en sortiront-ils sans trop de perte? C'est ce qu'il reste à découvrir dans le troisième tome Le dragon des arcanes.

vendredi 13 septembre 2013

Des yeux bleu trottoir - Anaïs Sautier


Présentation de l'éditeur: Dans la famille Disque, ça ne tourne plus très rond. Finies les soirées surprises pleines de vie et de chansons. Un lourd silence s’est installé depuis que Doris, l’extravagante mère de Louis, a délaissé sa chère guitare, qui rythmait la vie de la famille, et déambule d’un air absent dans la maison. Otto, le jeune frère de Louis, un vrai moulin à paroles, passe désormais de longues heures dans sa chambre, enfermé dans un silence glauque. Sans même jouer aux Lego. Quand il ne tabasse pas ses copains d’école. C’est que le père, Marc, est là sans être là. Chaque soir, assis devant une télévision qu’il ne regarde pas, il tripote son « naïfone », guettant fiévreusement l’arrivée d’un message. Louis, quinze ans, ne supporte plus ces parents qui font semblant. La tristesse d’Otto lui fait mal. Moins pourtant que la vérité à venir, carrément « chanmé »…

Dans la famille de L'école des loisirs, on retrouve souvent des romans Marie-Aude Muraillien sur les thèmes difficiles de l'adolescence et de la famille et surtout de leurs mutations. Anaïs Sautier, place ici son premier roman dans cette veine des récits à la fois drôles et touchants qui abordent avec simplicité les peurs des enfants et des ados. 

La famille Disque est une famille tout à fait normal en apparence si ce n'est que c'est une famille qui se disloque tout doucement. La maman a délaissé sa guitare et la maison a perdu ses rythmes fous, le père Marc est absent, branché sur son téléphone dans l'attente de messages. Les parents Disque vont divorcer. Otto le petit dernier s'enferme dans un mutisme étrange tandis que Louis, le narrateur, 15 ans, en proie lui-même aux affres de l'amour, est en rébellion constante. 

Louis est un ado finalement très ordinaire avec ses petits problèmes et sa vision de la famille, sa mère qui reprend doucement sa vie en main, son père qui joue au jeune avec sa nouvelle copine, une femme plus jeune que lui.
Des yeux bleus trottoirs n'est pas fondamentalement novateur dans le domaine. L'écriture à mi-chemin entre Marie Desplechin et Marie-Aude Murail est agréable et colle bien aux propos du narrateur même si elle a un petit goût de déjà-vu. L'intrigue est classique aussi, une famille qui se sépare et doit se recréer, un ado qui balance et un petit complètement perdu. Seulement, il y a un détail qui fait que j'ai beaucoup aimé ma lecture malgré les petits défauts du roman (une fin un peu trop rocambolesque par exemple).

Otto. Otto est un petit garçon précoce mais pas précoce drôle comme on en voit souvent en littérature. Généralement les auteurs nous dépeignent les enfants surdoués avec un petit côté farfelu et cool en omettant complètement tout ce que cette différence peut impliquer aussi au quotidien: un caractère difficile, des rituels à observer, une fragilité extrême. Ici, on sent bien qu'Otto est un petit garçon différent des autres avec sa logorrhée et ses angoisses. Ce personnage m'a énormément plu et touché de même que la relation qu'il entretient avec Louis. Tantôt ombrageuse, tantôt tendre, on sent très bien l'amour de Louis pour Otto et son besoin finalement de protéger son petit frère. C'est pour moi l'une des grande réussite du roman que de faire en sorte qu'Otto soit finalement le vrai ciment de cette famille éclatée et que tous prennent à coeur que la transition se fasse le plus naturellement du monde pour ce petit garçon fragile. 

Malgré quelques défauts, dû sans aucun doute au fait que Des yeux bleu trottoir soit un premier roman, il faudra laisser à Anaïs Sautier le temps de trouver sa voix, ce roman a su, grâce à l'un de ses personnages, m'émouvoir véritablement. Je pense qu'Anaïs Sautier est une auteure à suivre.  

jeudi 12 septembre 2013

Qui veut la peau de Roger Rabbit? (1988)



FILM DOUDOU
ATTENTION POSSIBLE SPOILERS

Résumé: Eddie Valiant, ancien flic et détective privé imbibé de whisky, est appelé aux studios de Maroon Cartoon afin d'enquêter sur la belle Jessica Rabbit, femme de Roger Rabbit lapin toon à la mode. De mauvaise grâce Eddie Valiant accepte de prendre des photos compromettantes de Jessica avec Marvin Acme, concurrent de R.K. Maroon. Valiant se retrouve alors pris dans une histoire folle lorsque la police toon accuse le farfelu Roger Rabbit d'avoir tué Marvin Acme et que le lapin vient lui demander de l'aide. 

CASTING

Bob Hoskins ................................................. Eddie Valiant
Christopher Lloyd ......................................... Juge Doom (Juge Demort)
Joanna Cassidy .............................................. Dolores
Stubby Kaye .................................................. Marvin Acme
Alan Tilvern .................................................. R.K. Maroon
Joel Silver ...................................................... Raoul (réalisateur)
Richard LeParmentier .................................... Lieutenant Santino
Richard Ridings ............................................. Angelo

VOIX

Charles Fleischer .............................................. Roger Rabbit (VO)
Luq Hamett ...................................................... Roger Rabbit (VF)
Lou Hirsch ....................................................... Baby Herman (VO)
Richard Darbois ............................................... Baby Herman (VF)
Kathleen Turner ............................................... Jessica Rabbit (VO)
Amy Irving ....................................................... Jessica Rabbit Chant

 

Robert Zemeckis c'est un peu LE réalisateur de mon enfance qui m'a donné tous mes films cultes et qui continue de produire de façon régulière de très bon films dont nous n'avons pas à rougir.
Pour vous rappeler un peu qui est le bonhomme, il a quand même réalisé les trois Retour vers le futur (AWESOME isn't it?), Forest Gump, Apparences, Seul au monde, Le pôle express, La légende de Beowulf et l'excellent Drôle de Noël de Scrooge. Une filmographie peu importante au regard de celles d'autres réalisateurs mais la sienne calme tout de suite. La qualité sur la quantité.


Qui veut la peau de Roger Rabbit c'est un peu ma madeleine de Proust. Comme les Retour vers le futur, je les connais par coeur, répliques par répliques, si bien que je ne vous conseille pas de faire une projection commune avec moi. Je risque fort de mourir avant les 15 premières minutes, la tête pendant lamentablement par un bout de peau à mon corps mort et refroidi, tel Nick-nearly-Headless, et vous, la hache à la main et un procès de notre belle République aux fesses. Avouez, ce serait gâcher la projection.
Comme je l'ai revu il y a deux jours, je me suis dit: allez tu vas tenter de leur parler d'un film pour lequel tu n'as aucune espèce d'objectivité. Challenge accepted.

Mélanger des images d'animation et acteurs véritables dans un film était sacrément culotté. Culotté parce qu'il fallait que le concept fonctionne, et sur papier en 1988 je ne suis pas sûre que ça allait de soi, et que celui-ci ne vieillisse pas. Ce n'était pas tout à fait gagné. Or, Zemeckis nous offre du point de vue de la technique, un film qui fonctionne non seulement à sa sortie, mais aussi 25 ans plus tard. L'alchimie entre les acteurs et notamment Bob Hoskins et les personnages de dessins animés (en particulier Roger et Jessica) est bien présente à l'écran. Jamais ridicule, ce mélange d'images animés et de film s'articule très bien et on y croit.


Zemeckis a l'intelligence de ne pas surcharger l'écran. S'il adjoint à sa pellicule de l'animé, il ne rajoute pas d'effets spéciaux à gogo qui nuirait au propos. Dans Qui veut la peau de Roger Rabbit, ce Los Angeles imaginaire, frontalier de Toonville (Toontown en VO), prend toute sa place. Ce n'est pas compliqué dès les premières minutes de croire au désespoir du réalisateur devant l'incapacité de Roger Rabbit à produire des étoiles dès lors qu'on lui fait tomber un piano sur la tête. Le parti-pris de réalisation s'impose d'emblée au spectateur.

Au-delà de la technique pure, ce qui fait la réussite de Qui veut la peau de Roger Rabbit est bien évidemment le couple principal que forme Eddie Valiant et Roger. On ne peut pas rester de marbre devant ce lapin toon complètement attaqué du bulbe et ce détective bourru, toujours de mauvais poil, qui ne pardonne pas aux toons la mort de son frère Theodore. Roger, avec ses tics de langage, sa voix tremblotante et ses gags tous plus stupides les uns que les autres, ne peut qu'enchanter le spectateur. Ces deux êtres là vont mettre presque tout le film à se comprendre mais l'alchimie qui en résulte est à la hauteur de ce que promet le film.


A côté de Roger et Eddie, nous retrouvons les deux rôles féminins, Jessica et Dolores. Si Jessica Rabbit semble être une caricature de la femme fatale, elle se montre non seulement bien plus intelligente et perspicace que Roger (à qui elle sauve la vie et non l'inverse) mais elle inverse aussi les stéréotypes puisque chez les toons, c'est Roger qui fait baver d'envie et de jalousie, et non Jessica (je vous renvoie à Betty Boop pour une explication Poupoupidoupou!). Il devient alors évident que celle-ci nous revoie notre image de la société où une femme complètement disproportionnée peut attirer tous les hommes. J'aime beaucoup cette idée qui se veut finalement une moquerie de nos canons de beauté bien qu'apparemment fait pour faire baver un spectateur masculin. Ce genre de renversement assez intéressant ce prolonge en VF (à mon sens) par la voix grave de Jessica loin des minauderies aiguës que l'on pourrait attendre.
Quant à Dolores, elle est une aide précieuse pour Eddie mais n'est jamais cruche ni faire-valoir. C'est un personnage à part entière, intelligent et qui fait avancer l'intrigue.

L'idée du méchant, trait-d'union entre le monde toon et le monde des humains, est interprété par mon Doc Emmett Brown. Si vous ne connaissez pas (honte sur vous, honte sur votre famille, honte sur votre vache!) Retour vers le futur vous ne pourrez pas comprendre mais pour les autres: imaginez un peu Doc en méchant? C'est purement magnifique. Il est complètement barré, au croisement entre un général de la SS et un toon psychopathe. Jamais entièrement toon, les effets fonctionnent et soulignent même le côté disproportionné du personnage qui n'appartient pas vraiment, du fait de son côté psychopathe, à la grande famille de Toonville. La voix aigrelette et le manque d'humour (ou plutôt l'humour encore plus douteux que celui de Roger) achève de nous convaincre que Demort doit être trempeter.


L'humour est aussi bien évidemment un attrait majeur du film et je dois dire que les dialogues n'ont pas pris une ride!

Alors voila, ROGER est CULTISSIME (oui overdose de majuscule). Si vous le connaissez revoyez-le, si vous ne le connaissez pas, regardez-le. Sinon je vous envoie Cheshire...je vous jure que je le fais.....

lundi 9 septembre 2013

The Deeds of the Disturber - Amelia Peabody #5 - Elizabeth Peters


A LA MEMOIRE DE BARBARA MERTZ

Présentation de l'éditeur: Alors que l’intrépide Amelia Peabody, son séduisant Emerson d’époux, et Ramsès, leur fils si précoce à tous égards, s’en retournent vers l’Angleterre pour y prendre quelques vacances avant de revenir à leurs chères pyramides, voilà que la malédiction des pharaons semble les poursuivre. En effet, au British Museum, c’est près du sarcophage d’une momie de la XIXe dynastie que l’on découvre le corps sans vie d’un gardien de nuit.
Amelia et Emerson – dont la réputation n’est plus à faire– vont devoir s’occuper de ce drame, lequel se révélera n’être qu’un prélude à une sinistre machination où nos héros seront entraînés malgré eux.

Une fois n'est pas coutume, lorsque je ne sais plus quoi lire, je me tourne vers Peabody, Emerson (et Ramses) pour un moment de lecture unique.

Changement de décor pour le moins perturbant. Après les aventures géniales du tome quatre et les rebondissements surprenants que Lion in the Valley nous offrait, The Deeds of the disturber (La Onzième plaie d'Egypte en VF) place l'intrigue non pas en Egypte (sacrilège!!!!) mais bien dans le Londres de la fin du XIXe siècle, un Londres dont le British Museum semble être le centre absolu.

J'avoue qu'après quatre tomes en Egypte, j'ai trouvé pertinent un retour dans le pays d'origine du couple et une pause dans l'exotisme de la série qui menaçait une redondance malvenue. Point de Sitt hakim ni de Grand maître des imprécations avec la superstition des ouvriers d'Emerson. Point d'Amelia Peabody sermonnant tout le monde sur quel vêtement en lin porter, comment boire l'eau ou comment aérer la tente. Avouez ça vous manque déjà...
Cependant, oui parce que quand même on parle de Peabody et Emerson, les "mystères" de l'Egypte antique sont bien au rendez-vous. Les journalistes et leur combat pour le nombre de tirage remplacent ici les spéculations et peurs des égyptiens. Ce côté journalistes en chasse de l'info était à mon avis une excellente idée. Cela permet d'ancrer l'intrigue et le couple principal dans son époque, avec un petit côté Sherlock Holmes où la presse tient une place fondamentale. Il ne faut pas oublier l'importance de cette presse au XIXe siècle, en France comme en Angleterre et lui donner du poids dans son intrigue apporte une touche authentique non négligeable et bienvenue.
Si j'ai retrouvé avec plaisir le journaliste irlandais O'Connell, l'autre journaliste a été une source certaine d'agacement *sarcasm inside*. Si certains aspect de sa personnalité m'ont beaucoup fait rire sur la fin, j'adore l'idée un Emerson rouge pivoine, le reste du temps je la trouve particulièrement culottée et même tout à fait désagréable quand elle veut. Je suppose que je prends le point de vue de Peabody puisque c'est elle qui raconte mais ce personnage n'a pas su du tout me toucher.

L'intrigue n'est fondamentalement pas la meilleure de la série et elle est parfois confuse mais selon moi ce n'est pas ce qui tient le roman. En effet, le ton incisif d'Amelia, sa mauvaise foi évidente et les relations passionnées mais tumultueuses de Peabody et Emerson forment le véritable sel de la lecture. J'aime toujours autant la façon qu'a Elizabeth Peters de faire tenir à Peabody un double discours: à la fois un discours direct de Peabody qui pense relayer en toute bonne foi et impartialité anglaise les évènements tels qu'ils se sont déroulés et d'autre part tout ce qu'elle sous-entend - souvent à son insu - dans ses récits. Peabody qui se défend de toute jalousie alors qu'elle doit être complètement cramoisie d'envie de meurtre, a de quoi réjouir le lecteur. Pas de changement dans le couple Peabody-Emerson. On retrouve les mêmes descriptions lyriques et complètement énamourées de Peabody envers les qualités morales et physiques de son mari, les disputes qui finissent par se régler sur l'oreiller et la compétition que les deux époux se livrent afin de savoir le fin mot de l'histoire.

Mais quid de Ramses me direz-vous? Pas de panique, ce cher ange *tousse tousse* est bien présent et pour une fois, je dois admettre qu'il est loin d'être agaçant. Elizabeth Peters opère ici un excellent retournement sur le personnage du petit garçon (qui a dit monstre?) qui, non sans se départir de sa logorrhée et de son sens pratique hérité de sa mère, montre une face plus fragile. Cette fragilisation du personnage de Ramses, qui reste malgré tout fidèle à lui-même, apporte selon moi, un éclairage différent sur le petit garçon et les relations qu'il entretient avec ses parents et notamment sa mère. On ne peut pas dire que Peabody soit, de ce point de vue là, une mère aimante. Elle l'aime mais à sa façon, un peu de loin alors qu'Emerson est fou de son fils. La présence de Percy et Violet - enfants d'un des frères de Peabody - met en balance la personnalité de Ramses sous un jour - selon moi - favorable à ce dernier. Je vous laisse découvrir les relations tumultueuses entre Percy et Ramses mais j'ai éprouvé beaucoup d'empathie avec le petit Emerson. Admettez...ça change. Cela donne aussi l'occasion d'une très jolie scène entre Ramses et sa maman, un spectacle assez rare surtout pour un petit garçon anxieux de la sécurité de ses parents (même s'il l'exprime d'une façon étrange parfois).

Pour ce cinquième tome, nous retrouvons donc un couple fascinant, leur petit garçon farfelu et un peu effrayant et la plume acérée de Peabody sous la main d'une Elizabeth Peters en forme. Un divertissement dans la droite ligne de ses prédécesseurs.