samedi 31 juillet 2010

Histoires d'amour de l'Histoire de France - Guy Breton


Ce livre en deux tomes de Guy Breton, détaille les aventures sensuelles de nos monarques depuis Clovis jusqu'à Napoléon. Le tome I parcoure l'ancien régime depuis le Moyen-âge jusqu'à la Révolution française.

En tant qu'historienne, je dois reconnaître que je suis très partagée devant cet ouvrage, au demeurant sympathique.

Si le premier livre consacré au Moyen-âge est très agréable, le second consacré à la Renaissance et particulièrement aux règnes de François Ier et d'Henri II est bourré d'erreurs et d'imprécisions historiques qui m'ont gâché la lecture.
Anne Boleyn en particulier fait l'objet d'un traitement plus que bâclé. J'en parle avec conviction car il s'agit justement de ma spécialité et je dois reconnaître que je ne m'attendais pas à de telles erreurs de la part de Guy Breton. Dans son cas, il confond les dates, les évènements et les personnages.
Il prétend que l'on appelait Anne Boleyn "la haquenée de France" référence peu flatteuse à sa liaison avec François Ier. Or il confond là Anne Boleyn et sa soeur Mary Boleyn qui fut effectivement la maîtresse du souverain français. De la même façon, il mélange les dates en attribuant un mot à Anne Boleyn qu'elle n'a pas pu dire: il s'agit d'une conversation qu'elle aurait eu avec le roi dans laquelle elle aurait dit qu'Henry VIII n'avait qu'à "tester" sa soeur avant de la choisir elle. Or la liaison d'Henry VIII et de Mary Boleyn est bien antérieure à celle d'Anne et d'Henry VIII.

Catherine de Médicis est aussi maltraitée. Guy Breton lui prête le coeur le plus noir de l'Histoire de France. À sa décharge il faut admettre que les travaux historiques de réhabilitation de Catherine de Médicis sont postérieurs à la rédaction de l'ouvrage de Guy Breton.

L'ensemble est malgré tout agréable, bien écrit, souvent très drôle, mordant, parfois cynique. Le problème du livre tient en deux points précis: tout d'abord la trop grande étendue chronologique qui empêche un historien spécialiste d'une certaine période de bien connaître les autres. D'autre part, il y a ici un mélange de réalité historique et de folklore populaire qui est difficile à déméler lorsque l'on n'est pas nous même historien.

Pour résumer: Histoires d'amour de l'Histoire de France est divertissant mais à ne surtout pas prendre au pied de la lettre. Parfais pour les vacances, frais et drôle!

samedi 17 juillet 2010

Le livre rouge de Jack l'Eventreur - Stéphane Bourgoin

Du 31 août au 9 novembre 1888, à Londres, cinq prostituées sont épouvantablement massacrées. Ces cinq misérables victimes et dix semaines de terreur sont à l'origine d'une énigme et d'un mythe qui durent depuis plus d'un siècle.
Jack l'Eventreur était-il de sang royal? Etait-il médecin ou franc-maçon? A-t-il écrit un journal intime relatant ses méfaits?

Stéphane Bourgoin, spécialiste des tueurs en série, nous offre un excellent essai sur Jack l'Eventreur. Sans spéculation ni grand déballage de contre-vérité, il nous emmène dans le Londres misérable du Est-end, et nous fait découvrir un à un les protagoniste de l'affaire. Dès le début du livre, Stéphane Bourgoin nous met en garde: il ne s'agit en aucun cas de porter un jugement définitif sur l'affaire Jack the Ripper mais seulement de reprendre une à une les pièces du dossier de Scotland Yard et à la lumière des sciences modernes de donner un portrait psychologique du tueur. De la même façon, Stéphane Bourgoin donne son avis sur la probabilité ou non pour qu'une victime soit belle et bien une victime de Jack l'Eventreur.

Le livre se compose de trois parties. Dans la première, il expose clairement les faits, donne des extraits de rapports de police, de témoignages, d'autopsies et livrent les conclusions de l'époque, ainsi que ses propres remarques sans toutefois trancher la question. Il passe en revu les grandes caractéristiques de l'époque (la prostitution, la presse, la police etc.), les victimes (leur histoire, leur dernier jour et les rapports d'autopsie complet) et les différents suspects de la police et de la presse.
Il explique notamment que la thèse du Duc de Clarence n'est pas fondé, tout comme celle d'un médecin (l'assassinat de Mary Jane Kelly montre plus une folie meurtrière qu'une chirurgie maîtrisée) ou d'un franc-maçon (il n'y avait pas de message ésotérique près des corps, c'est une invention de la presse) ne tient pas une seconde face au dossier de l'affaire. L'antisémitisme généralisé et la passion des anglais pour l'ésotérisme expliquent en parti le déchaînement de la presse et leur inexactitude. De même il étudie les lettres "envoyées" par Jack l'Eventreur à la police. Les lettres "Cher Boss" sont en fait l'oeuvre d'un brillant journaliste. En revanche celle marquée "From Hell" et le rein envoyé avec laisse encore des doutes dans les esprits. Il décrit enfin les suspects potentiels et les suspects historiques que les protagonistes de l'affaire avait désigné (les inspecteurs chargés de l'enquête). Tout au long de cette première partie, Stéphane Bourgoin tente aussi de montrer les défauts de la fiction, il explique notamment que le personnage de Frederick Abberline, popularisé par la série sur l'Eventreur (rôle joué par Michael Caine) et le film From Hell (rôle joué par Johnny Depp) sont très éloignés de la réalité. Frederick Abberline s'occupait du côté bureaucratique de l'affaire et n'avait jamais lu un seul rapport d'autopsie.

Dans la seconde partie de son ouvrage, Stéphane Bourgoin propose 9 récits ayant pour personnage principal Jack. Récits distrayants laissant libre cours à l'imagination ils offrent un éclairage plus populaire et mythologique du tueur de la nuit (en réalité l'un des meurtres de Jack l'Eventreur fut commis en plein jour).
Enfin, la troisième partie du livre est consacré à une grande bibliographie et filmographie sur le sujet.

Ouvrage clair et bien construit il donne une très bonne approche de ce "premier" tueur en série de l'histoire et une plongée passionnante dans ce mythe finalement si peu connu.

Quelques pistes sur l'affaire Jack l'Eventreur:

Victimes:

— Emma Smith (victime supposée): veuve et prostituée, attaquée par 3 jeunes gens le 3 avril 1888, décède le 5 avril 1888. Incluse dans le dossier de Jack l'Eventreur bien qu'il soit évident qu'il ne s'agisse pas d'un de ses crimes.
— Martha Tabram: prostituée de 39 ans. Retrouvée poignardée de 39 coups de couteau dans George Yard Building à 3h du matin le 7 août 1888. Probablement la première victime de l'éventreur même s'il y a encore des interrogations à ce sujet.

— Mary Ann Nicholls (première victime sûre de Jack l'Eventreur): dite Polly, âgée de 43 ans. Mariée en 1864 à William Nicholls, 5 enfants mais ils vivaient séparés. Prostituée occasionnelle. Assassinée dans la nuit du 30 au 31 août 1888. Vue pour la dernière fois à 2h30 du matin par Ellen Holland. Découverte dans Buck's row, elle a probablement été assassinée sur place. Deux entailles très profondes à la gorge laissant voir la colonne vertébrale.

— Annie Chapman: vrai nom Eliza Smith, 47 ans. Mariée à John Chapman décédé en 1886, 3 enfants. Taille, 1m52. Vue pour la dernière fois à 5h30 du matin par Elizabeth Darrell le 8 septembre 1888. Retrouvée assassinée au 29 Hanbury Street. Visage contusionné, l'estomac a été placé sur son épaule gauche, la gorge est tranchée en deux endroits comme pour Mary Ann Nicholls, l'utérus et le vagin on été enlevés et n'ont pas été retrouvés.

— Elizabeth Stride (Stéphane Bourgoin avance l'hypothèse qu'il ne s'agisse pas d'un meutre de l'enventreur, car le meurtrier agit devant témoin, il est ivre et insulte un passant, ce qui ne colle pas avec les précédents meurtres.) dite "Long Liz" née à Gustafsdotter en Suède, âgée de 45 ans. Découverte le 30 septembre dans Dutfield's Yard la gorge tranchée (elle est véritablement morte de cette blessure tandis que les autres victimes de l'Eventreur ont d'abord été étranglées avant d'avoir la gorge tranchée).

—Catherine Eddowes: assassinée la même nuit (30 septembre) 45 min après Elizabeth Stride. 46 ans, est assassinée à 1h45 du matin. La gorge est tranchée, l'estomac est posé sur l'épaule droite, l'utérus est enlevé et pas retrouvé, les yeux sont tranchés ainsi qu'une partie de la joue.

—Mary Jane Kelly: dite "Ginger" ou "Black Mary", la plus jeune, 25 ans et la plus jolie. Prostituée. Assassinée dans sa chambre le 9 novembre 1888. Le corps est massacré, les membres et les organes coupés sont disposés sous sa tête, sur la table de nuit ou de part et d'autre du corps. Le visage est méconnaissable et le coeur a disparu, il n'est pas retrouvé.

Fausses victimes: Annie Farmer, Rose Mylett, Alice Mckenzie, le cadavre de Pinchin Street et Frances Cole.

Trois suspects "historiques" (c'est à dire désignés par les autorités de l'époque):
— Aaron Kosminski: suspecté par Macnaghten, Swandson et Anderson. Coiffeur juif polonais il arrive à Londres en 1882. Interné en 1890 il est déclaré fou depuis 1888 (ce qui collerait à la théorie que Jack aurait arrêté ses meurtres car il serait mort ou interné). Fou à tendance perverse il aurait menacé sa soeur avec un couteau. S'il y a quelques incohérences, notamment sur le laps de temps très long qui sépare le meurtre de Mary Kelly à son internement en 1891, il est le seul suspect qui ait été soupçonné par trois des plus importants chefs de la police.

—Montague John Druitt: soupçonné par Melvill Macnaghten. Il se suicide le 31 decembre 1888 ce qui est pour Macnaghaten une preuve de sa culpabilité. Malgré tout les preuves de sa culpabilité manquent cruellement, certaines furent détruites par Macnaghaten lui-même.

—Michael Ostrog: criminel endurci, doté de tendance suicidaires, condamné à de nombreuses reprises. Escroquerie, vagabonderie, vols...

De tous les profils présentés, Aaron Kosminski présente la plus grande ressemblance avec l'Eventreur mais des recherches plus poussées s'imposeraient car dans l'état actuel des choses, cette solution est peu concluante.

vendredi 16 juillet 2010

Le prédicateur - Camilla Läckberg

Dans les rochers proches de Fjàllbacka, le petit port touristique suédois dont il était question dans La Princesse des glaces, on découvre le cadavre d'une femme. L'affaire se complique quand apparaissent, plus profond au même endroit, deux squelettes de femmes... L'inspecteur Patrik Hedstrôm est chargé de l'enquête en cette période estivale où l'incident pourrait faire fuir les touristes et qui, canicule oblige, rend difficiles les dernières semaines de grossesse d'Erica Falck, sa compagne. Lentement, le tableau se précise : les squelettes sont certainement ceux de deux jeunes femmes disparues vingt-quatre ans plus tôt. Revient ainsi en lumière la famille Hult, dont le patriarche, Ephraïm, magnétisait les foules accompagné de ses deux petits garçons, Gabriel et Johannes, dotés de pouvoirs de guérisseurs. Depuis cette époque et un étrange suicide, la famille est divisée en deux branches qui se haïssent. Alors que Patrik assemble les morceaux du puzzle, on apprend que Jenny, une adolescente en vacances dans un camping, a disparu. La liste s'allonge...

Ce deuxième opus de la série de Camilla Läckberg est meilleur que le précédent même si je regrette un peu que l'héroïne Erica Flack est moins présente que dans le premier livre La princesse des glaces. Meilleur car l'intrigue est mieux pensée, plus construite et beaucoup plus prenante. Mélange habile d'Agatha Christie et d'Anne Perry, on retrouve les éléments idéaux pour une bonne intrigue policière.

La petite ville de Fjällbacka est bouleversée par cette série de meurtres et de disparitions.
Tout comme dans l'Etrangleur de Cater Street d'Anne Perry, Camilla Läckberg passe au crible une famille: sa vie, ses mensonges, ses secrets et ses trahisons. Comment des mensonges peuvent détruire des vies, la folie se transmettre au sein de la même famille. L'intrigue est prenante car tout comme Patrik Hedström, tout nous ramène à la famille Hult, à son patriarche prédicateur Ephraïm et à ses enfants Gabriel et Johannan. Pourtant, si on sait que quelque chose ne va pas dans cette famille, mettre un nom sur ce malaise s'avère plus difficile que prévu et tout comme Patrik nous nous perdons en conjecture.

La richesse de la série des Camilla Läckberg tient aussi dans sa capacité à faire évoluer deux histoires en parallèles. Tout d'abord l'intrigue concernant l'enlèvement puis le meurtre d'au moins 3 jeunes filles, mais aussi l'histoire plus intime des habitants de Fjällbacka et en particulier celle d'Erica Flack. Sa grossesse, sa relation avec Patrik et ses difficultés avec sa soeur Anna, ancienne femme battue qui évolue dans un cercle vicieux.
J'ai particulièrement apprécié cette partie du livre car elle donne une vision sur la vie en Suède et montre finalement que les problèmes de société sont toujours les mêmes: glandeurs au boulot, chefs arrivistes, problèmes familiaux et pique-assiette.

Il est difficile de faire la critique d'un livre policier sans en dire trop, donc, je vous conseille de le lire tout simplement.

mercredi 14 juillet 2010

La princesse des Glaces - Camilla Läckerg

Erica Falck, trente-cinq ans, auteur de biographies installée dans une petite ville paisible de la côte ouest suédoise, découvre le cadavre aux poignets tailladés d'une amie d'enfance, Alexandra Wijkner, nue dans une baignoire d'eau gelée. Impliquée malgré elle dans l'enquête (à moins qu'une certaine tendance naturelle à fouiller la vie des autres ne soit ici à l'œuvre), Erica se convainc très vite qu'il ne s'agit pas d'un suicide. Sur ce point - et sur beaucoup d'autres -, l'inspecteur Patrik Hedström, amoureux transi, la rejoint. A la conquête de la vérité, stimulée par un amour naissant, Erica, enquêtrice au foyer façon Desperate Housewives, plonge clans les strates d'une petite société provinciale qu'elle croyait bien connaître et découvre ses secrets, d'autant plus sombres que sera bientôt trouvé le corps d'un peintre clochard - autre mise en scène de suicide. Au-delà d'une maîtrise évidente des règles de l'enquête et de ses rebondissements, Camilla Läckberg sait à merveille croquer des personnages complexes et - tout à fait dans la ligne de créateurs comme Simenon ou Chabrol - disséquer une petite communauté dont la surface tranquille cache des eaux bien plus troubles qu'on ne le pense.


J'étais très impatiente de découvrir les romans de Camilla Läckerg. Dans mon esprit, ces romans avaient tout du polar noir façon Steg Larsson. Quelle ne fut pas ma surprise de découvrir que ce n'était pas du tout le cas. Là où Steg Larsson est froid et journalistique, comme son personnage Super Blomkvist, Camilla Läckberg fait preuve de beaucoup plus de sensibilité, à la fois dans son traitement des personnages et de l'histoire. On est loin de la Suède noire. L'enquête se mêle habilement à la vie quotidienne suédoise, à ses travers et à ses bons côtés. Les bons sentiments côtoient ceux les plus sombres et le lecteur se retrouve plongé au coeur du Suède réelle. Ce n'est pas que la Suède de Steg Larsson n'est pas réelle, mais elle est tout de même particulièrement froide et loin de l'image idyllique des pays nordiques.

Plus proche d'une Agatha Christie, Camilla Läckberg dévoile les travers suédois par les yeux d'Erica Flack et de Patrick Hedström. Personnages touchants grâce à leur particularité tout à fait humaine: elle rêve de perdre du poids et lui a du mal à se reconstruire après un divorce douloureux, ils nous entraînent dans une enquête intimiste dans la petite ville côtière de Fjällbacka.
Lorsque Erica découvre le cadavre de son ancienne meilleure amie, de nombreux souvenirs ressurgissent: comme le départ précipité d'Alex pour Göteborg, et leur séparation définitive. De retour dans sa ville natale après la mort de ses parents, la vie de l'écrivain est plus que chamboulée. Pour couronner le tout, le mari de sa soeur, Lucas, veut vendre leur maison familiale pour en tirer profit: et Anna qui ne semble pas réagir...quelque chose se trame et la jeune femme est bien décidé à le découvrir. De son côté Patrick Hedström ne croit pas à sa chance tandis que son amour de jeunesse réapparaît dans sa vie. Heureux mais perplexe,il s'attèle à sa nouvelle enquête avec bonheur, même si ce qu'il s'apprête à découvrir est loin d'être réjouissant.

L'écriture de Camilla Läckerg est prenante, simple mais belle, réaliste sans l'être à l'excès, elle n'a pas ce côté fleur bleue de beaucoup d'auteure. Elle décrit sans complexe les interrogations de ces personnages, leur angoisse et leur attente sans être jamais vulgaire. Si chez Steg Larsson les personnages sont tranchés, presqu'à l'extrême, il y a chez Camilla Läckberg une sensibilité particulière, elle laisse évoluer ses personnages, tantôt haineux, tantôt aimants, tantôt faibles et tantôt forts, ils apparaissent sous un jour contrasté, parfait pour une enquête policière.

L'intrigue est prenante car derrière tous ces sourires et ces bonnes manières ce cache le meurtrier d'Alexandra Wijkner, mais pour quelle raison cette jeune femme discrète méritait-elle de mourir? Pourquoi passait-elle de nombreux week-end seule dans sa maison natale? Qui menaçait-elle? Erica sent tout de suite que quelque chose ne va pas dans toute cette histoire, comme si le portrait que les gens faisait d'Alex ne correspondait pas à ce qu'elle connaissait d'elle. C'est ce qu'elle entend bien découvrir aux côtés de Patrick Hedström.

Une série qui débute sous les meilleures auspices.

lundi 12 juillet 2010

L'apocalypse selon Marie - Patrick Graham


L'ouragan Katrina se déchaîne sur la Nouvelle-Orléans. Tandis que la ville lutte contre les éléments, une bataille plus cruciale se livre en coulisses: l'affrontement final d'une guerre sans merci, dont les origines remontent à la Création. Et l'issue de ce combat pourrait bien dépendre de l'agent spécial Marie Parks... Alors qu'elle enquête sur la mort inexplicable de plusieurs archéologues de renom, Marie se retrouve dans l'oeil du cyclone. Après avoir mené la traque la plus délicate et la plus intime de toute sa carrière, elle doit se surpasser: de son talent exceptionnel de chasseuse de tueurs dépendent la vie d'une petite fille et l'avenir de l'humanité.


J'avoue avoir été excitée et angoissée à l'idée de lire ce second volume des aventures de Marie Parks. Excitée tout d'abord, car le premier recueil, L'évangile selon Satan, est un des meilleurs, sinon LE meilleur, thriller que je n'ai jamais lu ; et angoissée parce que justement le premier était excellent et que la crainte d'être déçue était particulièrement présente.

Si L'Apocalypse selon Marie est moins bon que l'Evangile selon Satan, cela reste un polar d'une excellente qualité, un des plus brillants de ces dernières années. Graham, qui, bien que franco-américain, écrit en français, se place dans la veine d'un Steg Larson pour la qualité de l'écriture et les descriptions particulièrement puissante. En toute franchise, ici comme dans l'Evangile selon Satan, les descriptions prennent aux tripes et vous font sentir toute l'horreur d'une situation. Si ici, il n'y a pas de crucifixions, certains détails s'imposent tout de même à l'esprit et la lecture en est profondément marquée.

L'intrigue, très bien pensée, souffre parfois d'une certaine confusion, et tout n'est pas aussi clairement expliqué que dans le premier tome. Néanmoins, Patrick Graham a su se diversifier et permettre à Marie Parks d'utiliser ses dons en dehors d'une trame religieuse. La différence entre les deux intrigues est notable et c'est tant mieux, car de ce fait, les comparaisons sont plus difficiles à établir et les oeuvres en souffrent moins.
Le plus grand mérite de l'Apocalypse selon Marie est de nous révéler de nouveaux éléments de la vie de l'héroïne et qui nous aide à comprendre sa personnalité complexe. Paradoxalement, si ici elle n'est pas le centre de l'histoire (il s'agit plutôt du personnage d'Holly), elle est beaucoup plus présente que dans l'Evangile selon Satan alors qu'elle formait le coeur du roman. Elle a beaucoup plus de dialogues, et contrairement à l'Evangile, Marie ne fait pas que ressentir, elle agit.
Un changement subtile et pourtant radical, parfaitement bien maîtrisé par l'auteur.

Les personnages sont crédibles et toujours bien dépeints, attachants, repoussants et un humour absent de l'Evangile se fait sentir ici, ce qui a pour effet de dédramatiser certaines situations pesantes.

Si je souhaite que Patrick Graham prolonge les aventures de Marie Megan Parks, j'aurai tendance à dire qu'il devrait le faire en suivant la ligne donnée par L'Evangile selon Satan. Toutefois, les suites sont particulièrement difficiles à faire et on peut admettre en toute honnêteté que L'Apocalypse selon Marie mérite sa place au rang des best-seller de l'année.

L'étrangleur de Cater Street - Anne Perry


Suffragette avant l'heure, l'indomptable Charlotte Ellison contrarie les manières des codes victoriens et refuse de se laisser prendre aux badinages des jeunes filles de bonne famille et au rituel eu tea o'clock. Revendiquant son droit à la curiosité, elle parcourt avec intérêt les colonnesi nterdites des journaux dans lesquels s'étalent les faits divers les plus sordides. Aussi bien le Londres des années 1880 n'a-t-il rien à envier à notre fin de siècle: le danger est partout au coin de la rue et les femmes en sont souvent la proie. Dans cette nouvelle série "victorienne", la téméraire Charlogge n'hésite pas à se lancer dans les enquêtes les plus périlleuses pour venir au secours du très séduisant inspecteur Thomas Pitt de Scotland Yard.

La série Charlotte et Thomas Pitt débute sur les chapeaux de roues. Les meurtres étranges de Cater street dans un quartier bourgeois de Londres remuent les habitudes de ces citoyens.
Ce n'est pas tant ici l'intrigue du roman que la peinture de la société victorienne que fait Anne Perry qui m'a plu. L'intrigue est assez classique, des meurtres, une enquête mais sans les descriptions atroces et réalistes de l'évangile selon Satan de Patrick Graham. On est plus proche d'une Agatha Christie que d'un Steg Larson et honnêtement Anne Perry s'en tire très bien. L'écriture est belle, simple et surtout intimiste.

Tour à tour plongé dans les pensées de chaque personnages principaux à l'exclusion de l'enquêteur Thomas Pitt, nous découvrons le quotidien d'une famille bourgeoise de la fin du XIXe siècle. L'angle d'attaque d'Anne Perry est ici parfaitement bien maîtrisé et pour tout dire, intelligent. Si à l'extérieur, la famille bourgeoise anglaise donne l'air d'être parfaite et moralement "propre", la réalité se révèle tout autre, même pour les propres habitants de cette maison. Chacun à ses secrets, ses failles misent à jour les unes après les autres.

Chaque personnage est passé au crible, son âme est fouillée et mise à nue.
Charlotte est un personnage particulièrement attachant. Franche, vive et naturelle, elle ignore, malgré elle, les codes de sa propre société. On ne peut s'empêcher de l'adorer car elle est très proche du lecteur. Les codes moraux et sociaux étriqués de l'Angleterre victorienne nous semblent absurdes. Charlotte met peu à peu au jour cette absurdité des codes moraux. Charlotte est aussi une femme qui a peur, qui s'interroge sur elle-même et c'est cette réflexion qui la rend plus crédible et bien construite. C'est un personnage qui évolue, comme tout bon personnage de fiction.
Le personnage d'Emily, la soeur cadette de Charlotte révèle une part de l'éducation des jeunes filles de l'époque. Elle rêve de luxe, de carrosses, de belles toilettes et de titre. En rencontrant Lord Ashworth, Emily comprend vite qu'elle tient ici sa chance, mais elle est aussi assez lucide pour savoir qu'elle devra s'accommoder de certains désagrément. Le romantisme n'est pas au rendez-vous.
Sarah, soeur aînée de Charlotte et d'Emily, mariée à Dominic est froide et bigotte, l'exacte opposé de Charlotte. Epouse victorienne modèle elle exaspère par son insensibilité.

Thomas Pitt, énigmatique et assez peu présent dans ce premier volume, est intriguant par son mélange de dureté et de fraicheur. Décalé par rapport à Charlotte et au monde qu'elle connait, son apparence étrange finit peu à peu par attirer la jeune Charlotte, jusque là inmariable.

La rigueur morale du roman nous étouffe mais est parfaitement bien maîtrisée jusqu'au dénouement final. Le premier tome d'une excellente série, à suivre, bien évidemment.


vendredi 2 juillet 2010

L'aliéniste - Caleb Carr

COUP DE COEUR DE PERSEPHONE
New York 1896... Un meurtrier auprès duquel jack l'Éventreur fait piètre figure sème aux quatre coins du Lower East Side les cadavres d'adolescents atrocement mutilés sans provoquer la moindre réaction des pouvoirs publics... Révolté par tant d'indifférence, Theodore Roosevelt, alors préfet, fait appel à ses amis John Schuyler Moore, chroniqueur criminel, et Laszlo Kreizler, aliéniste spécialiste des maladies mentales -, pour élucider cette énigme terrifiante. Leurs procédés sont révolutionnaires ! En étudiant les crimes, ils pensent pouvoir brosser le portrait psychologique de l'assassin, l'identifier et l'arrêter. Ils ont peu de temps : le meurtrier continue à frapper. Les obstacles se multiplient mais rien ne pourra les arrêter...

L'aliéniste est l'un de ces livres qui basculent l'univers du polar américain en général. Orchestré par l'habile Caleb Carr (qui semble doué pour le thriller mais mystérieusement pas pour les autres genres littéraires) l'aliéniste est un chef-d'oeuvre du genre.
Sur fond d'histoire New-yorkaise, de sa géographie comme de ses politiques sociales, il nous entraîne dans un monde étrange et inquiétant, celui de la prostitution enfantine des années 1890. On apprécie tout d'abord ses descriptions si réaliste du New-York de la fin du XIXe siècle, de son urbanisme unique comme de sa vie, mondaine et nocture. Toutefois, Caleb Carr ne se borne pas à décrire une société révolue (hélas) mais c'est aussi une critique voilée des Etats-Unis et de sa morale bien pensante, prompte à dénicher la paille dans l'oeil de son grand voisin européen mais lente à retirer la poutre qu'elle a dans le sien. Les descriptions de scène de cannibalisme européen décrites par des bourgeois new-yorkais sont hilarantes lorsque l'on se penche sur le tueur en série traqué par notre bande de héros.
Le monde exploré par Caleb Carr dans ce roman dérange. En effet, si la prostitution enfantine féminine est, malheureusement, plus connue, il s'agit ici de s'attaquer à la prostitution enfantine masculine, sujet encore bien délicat tout comme l'est l'homosexualité. Il est assez choquant de constater dans cette histoire la persévérance de la sociète qui cherche désespérément à ignorer ce qui se passe sous ses fenêtres. Avons-nous réellement changé?

Le tueur est inquiétant dans sa psychologie même, habilement mise en scène par l'auteur. Entre maltraitances enfantines et comtes d'horreurs des massacres indiens, nous sommes bien malgré nous plongés dans le quotidien sordide de la classe pauvre des Etat-Unis du presque XXe siècle.

Si le roman nosu captive du début à la fin, c'est aussi, outre son histoire parfaitement ficelée, grâce aux personnages principaux, haut en couleurs et surtout crédible.
Théodore Roosevelt est bien portraituré même si on est loin du président des Etats-unis qu'il sera plus tard, le personnage est attachant dans sa volonté de soigner la ville du fléau de l'indifférence et de la corruption.
Le docteur kreizler, véritable héros des romans de Caleb Carr (cf. L'ange des ténèbres), est aussi fascinant qu'un Sherlock Holmes. Passionné par la psychologie enfantine, il essaye, grâce à son institut pour l'enfance, de sauver ces enfants, pris pour fou dans une société ou le concept de folie est particulièrement large. Son apparence étrange, son accent allemand et sa capacité à décrypter tous les comportements forcent évidemment l'admiration du lecteur, pris au jeu du livre. Premier aliéniste (comprennez psychiatre), il s'invente profiler: sa théorie avait de quoi choquer. On peut se demander comment en 1890, un psychiatre peut être crédible en jouant au profiler. La réponse est simple : Caleb Carr s'inspire de source réelle en matière de psychiatrie avec leurs bons côtés et leur mauvais côtés. La volonté de croire au déterminisme de l'homme ou à l'incapacité d'une mère de transgresser le lien sacré et inviolable qui l'unit à ses enfants est mis à mal par l'expérience du docteur et par leur observation. Les personnages eux-mêmes doivent faire le deuil de leurs préjugés afin d'approcher la vérité et tous, y compris Kreizler y seront contraints.

L'équipe d'enquêteurs, absolument hétérogène est attachante au plus haut point. De John Moore, journaliste célibataire qui nous narre l'histoire parfois de façon très naïve, en passant pas Stevie Tagger le jeune garçon au passé tumultueux, tous trouvent grâce à nos yeux. Sara Howard, jeune femme farouchement féministe et indépendante se révèle indispensable pour l'équipe qui, sans son expérience et son point de vue féminin, aurait fait fausse route plus d'une fois. Cyrus, le noir à la voix de baryton, mystérieux, calme et silencieux, apporte une touche sécurisante qui manque parfois. Quant aux frères juifs Marcus et Lucius Isaacson, leurs caractères et leurs physiques dissemblables les rendent uniques et totalement dissociables, chose difficile à faire lorsqu'il s'agit d'un duo de frère en littérature.
L'écriture est assez froide, journalistique sans tomber dans l'excès et permet de prendre ses distances avec la description des crimes qui pourraient choquer le lecteur. La pudeur des personnages, rend le récit moin morbide et dénué de tout voyeurisme malsain. Un livre sublime sur les ressorts de l'âme humaine. A lire d'urgence!