mercredi 14 août 2013

Capote vs Infamous - Truman Capote au cinéma

C'est un article un peu particulier que je vous propose pour ce Mercredi cinéma puisque nous allons parler à la fois d'un auteur américain emblématique du XXe siècle et de deux films sur une partie de sa vie, films sur le même sujet, sortis à quelques mois d'écart. Je n'aime d'habitude pas comparer deux films, deux adaptations (surtout quand ils ou elles n'ont pas le même format) mais je fais une exception ici parce que quand même...six mois d'écart pour le même film sur un même sujet "réel" c'est assez rare.

Mesdames et Messieurs, je vous présente : TRUMAN CAPOTE. Truman est né le 30 septembre 1924 à la Nouvelle-Orléans et est mort le 25 août 1984 à Los Angeles. De par sa personnalité pour le moins atypique et ses écrits novateurs, Truman Capote a fortement marqué la littérature américaine de la seconde moitié du XXe siècle. 
Truman Capote, c'était un petit bonhomme à la voix nasillarde, une cigarette fichée au bec et une homosexualité affichée et décomplexée. Jack Dunphy, lui aussi écrivain, sera d'ailleurs le compagnon de presque toute sa vie. 
En 1958, Breakfast at Tiffany's (Petit déjeuner chez Tiffany), duquel sera tiré le fameux film avec Audrey Hepburn, lui apporte la notoriété et la reconnaissance de ses pairs. Ami d'enfance de Nelle Harper Lee, le jeune Truman apparait aussi dans Ne tirez pas sur l'oiseau moqueur, roman phare sur l'Alabama et le contexte raciale. 
Mais Truman Capote c'est aussi et surtout In cold blood (De sang froid), livre qu'il mit quatre ans à écrire. In cold blood ce n'est pas un roman, c'est un livre qui relate un fait divers bien réel. Pour Truman Capote, l'enjeu de ce récit, c'est de montrer qu'un auteur, un vrai, peut très bien écrire autre chose que des nouvelles ou des romans et qu'il peut être capable d'intéresser les lecteurs avec une histoire vraie, pourvue qu'elle soit bien écrite. Ce que Truman Capote n'avait pas prévu, c'est que l'écriture de ce livre le marquera bien au-delà de qu'il pensait. 

In cold Blood c'est aussi le thème central des deux films que je vais vous présenter aujourd'hui. Nous allons les prendre dans l'ordre chronologique et nous pencher sur Capote (Truman Capote en VF) de Bennett Miller, basé sur le livre Capote de Gérard Clarke et sorti en 2005. 
Résumé: En novembre 1959, Truman Capote, auteur de Breakfast at Tiffany's et personnalité très en vue, apprend dans le New York Times le meurtre de quatre membres d'une famille de fermiers du Kansas. Ce genre de fait divers n'est pas rare, mais celui-ci l'intrigue. En précurseur, il pense qu'une histoire vraie peut être aussi passionnante qu'une fiction si elle est bien racontée. Il voit là l'occasion de vérifier sa théorie et persuade le magazine The New Yorker de l'envoyer au Kansas. Il part avec une amie d'enfance, Harper Lee. A son arrivée, son apparence et ses manières provoquent d'abord l'hostilité de ces gens modestes qui se considèrent encore comme une part du Vieil Ouest, mais il gagne rapidement leur confiance, et notamment celle d'Alvin Dewey, l'agent du Bureau d'Investigation qui dirige l'enquête... (IMDB)

CASTING

Philip Seymour Hoffman ............................................... Truman Capote
Catherine Keener .......................................................... Nelle Harper Lee
Clifton Collins Jr ........................................................... Perry Smith
Chris Cooper ................................................................. Alvin Dewey
Bruce Greenwood .......................................................... Jack Dunphy
Mark Pellegrino ............................................................. Richard Hickock
Amy Ryan ..................................................................... Marie Dewey
Bob Balaban .................................................................. William Shawn
Capote c'est un film extrêmement dérangeant et pas du tout complaisant avec la figure de l'artiste. Truman Capote est un homme un peu étrange, autant physiquement que psychologiquement. Pas très grand, un peu rond, des lunettes qui renforcent la rondeur du visage et cette voix, cette voix inoubliable, nasillarde. Cynique qui n'hésite pas à balancer des vacheries bien senties, Truman Capote est un personnage avec lequel le spectateur n'accroche pas facilement. Narcissique, comme lorsqu'il paye un employé des chemins de faire pour lui dire qu'il est un excellent écrivain, il échappe aux questions et aux situations délicates par un rire un peu forcé.

C'est peut-être ce que j'ai finalement le plus aimé de la prestation de Philip Seymour Hoffman et du choix de mise en scène, c'est ce regard franc sur un auteur particulier qui peut-être, sous la caméra d'un autre pourrait donner quelque chose de beaucoup plus hagiographique. On sent extrêmement bien la complexité entre le côté profiteur et manipulateur de Truman, qui essaye de soutirer le plus d'informations possibles à Perry Smith et Dick Hickock en se faisant passer pour leur ami et en même temps...on sent, sûrement avant Capote lui-même, ce qui est en train de se passer et le basculement qui s'opère chez lui. C'est cette perplexité qui m'a plu et aussi cette façon subtile de présenter aux spectateurs, les relations particulières qui se nouent entre Perry Smith et Truman Capote. Au final Capote nous laisse le choix de l'interprétation.

Capote se concentre également beaucoup sur le personnage de Truman et moins sur l'affaire du Kansas qui est une sorte d'enrobage au récit. On apprend à découvrir cet homme, ses amis, son amie Harper Lee, écrivaine brillante elle aussi. Finalement Truman Capote est quelqu'un de fascinant que l'on observe à travers une loupe.

La mise en scène est sobre, lente, classique mais toujours efficace et surtout subtile sur le personnage de Truman Capote que sur les relations qu'il entretient avec Perry Smith. Le jeu de Seymour Hoffman est absolument impeccable, pas de questionnement possible sur son Oscar, il le mérite, Truman Capote vit sous nos yeux, tout en finesse. Les autres acteurs soutiennent parfaitement la mise en scène et le propos.

Mais à côté de cette première vision de ces quelques années qui ont marqué Truman Capote, un second film infamous (scandaleusement célèbre en VF) nous relate cette histoire.

Résumé: Ce qui commence comme un voyage humoristique de l'écrivain Truman Capote, qui ne cache pas son homosexualité tout en évoluant dans les milieux élégants du beau monde de Manhattan, prend une tournure plus sombre à mesure qu'il enquête sur une affaire de meurtres. (allociné)

CASTING

Toby Jones .......................... Truman Capote
Sandra Bullock .................... Harper Lee
Sigourney Weaver ............... Babe Paley
Gwyneth Paltrow ................. Peggy Lee
Daniel Craig ......................... Perry Smith
Lee Pace ............................... Dick Hickock
Peter Bogdanovich ............... Bennet Cerf
Hope Davis ........................... Slim Keith
Jeff Daniels ........................... Alvin Dewey
Isabella Rossellini ................. Gloria Guiness


Je sens que vous vous dites: Heu Persie si les deux films racontent la même histoire, pourquoi tu nous remets un résumé?
Tout simplement parce que je trouve que ce second résumé est assez révélateur de la teneur du film et que les deux bandes annonces sont finalement assez explicites.

Infamous a beau raconter la même histoire que Capote, il ne le fait pas du tout de la même manière. Infamous s'attache beaucoup plus sur l'entourage de Truman Capote et sur l'aspect mondain de Truman. Il suffit de voir le casting pour se rendre compte que celui-ci est joué par des acteurs plus connus et donc qu'on verra plus à l'écran que dans Capote.
Il y a aussi une dimension beaucoup plus "drôle" un effet comique un peu caricatural que donne Toby Jones au personnage de Truman Capote qui donne au film un ton qui oscille toujours entre comédie et drame.

Toby Jones campe un Truman Capote tout aussi remarquable que Philip Seymour Hoffman bien que différent mais on a un même travail sur la voix, les manières, la façon d'être de Truman même si l'impression finale est différente.

Infamous raconte aussi l'histoire du Kansas sous un autre angle, plus de flashback, un arrêt plus fort sur les deux tueurs même si l'image de Dick Hickock est beaucoup plus marquée que dans Capote (au point que je me demande si ce n'est pas fait exprès pour bien marquer une différence entre Capote-Smith et Hickock de l'autre). De ce fait la relation Capote-Smith perd toute la subtilité qui existait dans Capote et le spectateur n'a pas a décider. Il y a même une scène très explicite qui sort de la tête du réalisateur. Infamous est donc peut-être plus caricatural et moins subtile mais il compense par beaucoup de tendresse et une émotion qui vous prend, pas au même moment que l'autre film.

L'ambiguité du comportement de Truman laisse place ici à beaucoup plus de tendresse et de douceur et la marque que fera In cold Blood sur l'auteur en est d'autant plus palpable.
Je dois reconnaitre que les autres acteurs sont aussi formidables. Sandra Bullock (que j'aime beaucoup en temps normal) est ici vraiment superbe en Harper Lee avec un gros travail sur le personnage, Lee Pace montre un Dick Hickock détestable (mais qui est peut-être forcé) mais surtout, il y a Daniel Craig.

Alors Daniel Craig...ce n'est pas un acteur que j'apprécie. En règle générale il me laisse froide, que les choses soient claires. Cependant, ici en Perry Smith il est assez breathtaking je dois dire. ll campe un personnage extrêmement complexe, un meurtrier perturbé, un homosexuel refoulé (?), quelqu'un de sensible et pourtant qui a massacré une famille au complet. Six ans après avoir vu Infamous je reste marquée par sa prestation, au point même qu'il évince Toby Jones dans ma mémoire.

En conclusion: les deux films sont à voir. Même si Capote est peut-être un cran au dessus de Infamous, ils offrent tous les deux d'excellentes prestations et des mises en scène qui valent le coup. Si l'un est plus cynique l'autre est plus tendre. Tout dépend après de ce que vous voulez voir. En tout cas, il rend le personnage de Truman Capote intriguant.  

2 commentaires:

Gabriel a dit…

Deux films que j'avais vu au cinéma et que j'avais beaucoup aimé. Mais avec le recul, je préfère nettement Infamous dont le ton même s'il donne plus volontiers dans le mélodrame me semble plus approprié au sujet que la réalisation clinique de Capote. Toby Jones s'impose à moi comme Truman capote, alors que Philip Seymour Hoffman ne me donne rien d'autre à voir que du Philip Seymour Hoffman, il a un jeu parfait, mais le personnage n'éclipse à aucun moment son interprète, l'acteur se soucie trop de sa composition, là ou Toby Jones semble plus naturel. j'aime beaucoup le parti pris des entrevues de Infamous, c'est là que l'impact dramatique du film se déploie et c'est aussi là que Doug McGrath interroge la notion d'histoire, en mettant en parallèle des témoignages, censés avoir été fait a posteriori (vraisemblablement sur le plateau du Tonight Show) et une extrapolation des faits que jamais ne viennent étayer les propos des personnages acteurs interviewés. Le film propose donc une proximité avec son personnage central que Capote ne peut faire ressentir. Infamous est basé sur un recueil d'entretient de George Plimpton ce qui explique peut-être cette approche plus intimiste, là ou Capote se base sur la biographie écrite par Gerald Clark, plus factuelle. Enfin, je ne peux pas m'empêcher de reprocher à Capote d'avoir l'avantage d'être le premier sorti en salle, engendrant un vif intérêt autour de la figure de Truman Capote, intérêt retombé aussi vite qu'il s'était soulevé, laissant Infamous, sorti plusieurs mois plus tard, dans l'anonymat.

Perséphone a dit…

Personnellement j'ai d'abord découvert Infamous et j'en garde un souvenir plus vif que Capote vu il y a trois semaines. Je pense que beaucoup de gens préfèreront le côté plus clinique de Capote parce que du coup moins dérangeant que la version que pose Infamous.
Toby Jones est un acteur que j'adore vraiment et je l'avais trouvé très touchant en Capote.

Je suis tout à fait d'accord avec toi sur le dernier point que tu soulèves, je ne trouve pas juste le procès que l'on fait à Infamous parce qu'il est sorti après Capote. C'est injuste parce qu'il y a deux partis pris différents et je suis d'accord, nous assistons à deux histoires presque opposées au final.

Merci d'être passé par là Gabriel!

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