F
TW: ce livre contient une tentative d'agression sexuelle, des propos grossophobes, transphobes et lesbophobes.
Attention je spoile méchamment et j'ai même pas honte.
Présentation de l'éditeur français: Dans le monde opulent d’Orléans, les gens naissent gris, ils naissent condamnés, et seules les Belles peuvent, grâce à leur talent, les transformer et les rendre beaux. En tant que Belle, Camélia Beauregard est presque une déesse dans cet univers où triomphe le culte des apparences.
Or Camélia ne veut pas se contenter d’être une Belle. Elle rêve de devenir la favorite choisie par la reine d’Orléans pour s’occuper de la famille royale et d’être reconnue comme la plus douée du pays. Mais une fois Camélia et ses soeurs Belles arrivées à la cour, il s’avère que la position de favorite tient davantage du cauchemar. Derrière les ors du palais, les noirs secrets pullulent…
Avant toute chose, je voudrais parler de l'autrice Dhonielle Clayton, de son parcours et de ses inspirations pour l'écriture de The Belles. Dhonielle Clayton est une autrice afro-américaine, ancienne bibliothécaire et surtout COO (chief operating officer) de l'association à buts non-lucratif We need diverse books (Nous avons besoin de diversité en littérature). Elle est donc clairement engagée dans la promotion de la diversité dans la littérature et The Belles est sans aucune discussion possible un produit de cette réflexion et de ses engagements. Quant à ce qui l'a inspiré à écrire ce texte, voici ce qu'elle en dit sur son site:
Dhonielle écrit à propos de ce qui la perturbe et depuis l'adolescence, elle est agacée par la "marchandisation" du corps féminin. Les magazines, les films et la culture populaire ont eu une profonde influence sur Dhonielle à l'adolescence et elle a toujours voulu changer le regard qu'elle porte sur son propre corps. Après avoir lu la série Uglies de Scott Westerfield, elle a voulu répondre à une question similaire sur l'apparence physique, la perfection, le pouvoir et leur importance dans la société afin de démarrer une discussion sur l'impact des médias sur les femmes et leurs corps.
Si on rajoute à ça que l'héroïne est noire et que l'homosexualité (notamment féminine) est parfaitement intégrée à la société, deux facteurs qui manquent cruellement à la Fantasy, on a tout ce qu'il faut pour faire de The Belles un de mes livres chouchou...sauf que.
Sauf que non, pas du tout. The Belles est un livre absolument inachevé qui ne va jamais au bout de ses idées et qui souvent piétine allègrement ce qu'il prétend défendre. Pourtant croyez moi le postulat de départ me plaisait énormément
Dans cet univers, la beauté est contrôlée par les Belles et les gens, pour peu qu'ils aient de l'argent -mais on y reviendra - peuvent changer leur apparence aux grées des modes et de leur envie. Couleur de peau, texture et couleur des cheveux, formes du nez ou du visage, épaisseur de la taille, des cuisses etc, tout y passe. Pour cela on se rend dans les salons (de Feu, du Chrysanthème etc) éparpillé dans le royaume d'Orléans et en échange de jetons de beauté on peut se faire corriger par des Belles. Parmi ces jeunes filles, l'une d'entre elle va devenir la Favorite de la cour et se tenir au plus près du pouvoir et donc de la gloire. Nous nous tenons donc dans cette cour d'Orléans, un très bon mélange entre le bayou américain et la cour de Versailles. Il y a de multiples références à l'ancien régime français entre Du Barry, Pompadour et le ministre de la mode qui a un petit côté Rose Bertin et on sent très bien les influences de Dhonielle Clayton.
Le travail qu'effectuent les Belles sur les gens se fait grâce aux arcanes, une sorte de pouvoir magique contrôlé par le sang, qu'elles doivent régulièrement recharger au moyen de sangsue - là encore très ancien régime - qui évacuent les toxines de leurs corps. Le travail qu'elles pratiquent sur les gens est douloureux et cela est montré à plusieurs reprises. J'ai trouvé cette idée très bien articulée dans le récit comme un rappel cynique à l'adage "Il faut souffrir pour être belle". Le prix a payer pour la beauté passe déjà par une souffrance physique et ne dure pas. Au bout d'un moment le gris revient, les modifications corporelles s'estompent et les gens redeviennent gris et leur corps reprend leur forme originelle. Cela induit quand même l'idée pernicieuse qu'il faut sans cesse payer, sans cesse souffrir pour atteindre la Beauté. C'était une idée intéressante mais malheureusement, elle n'est pas plus exploitée que ça et reste à ce stade de constatation.
Le travail qu'effectuent les Belles sur les gens se fait grâce aux arcanes, une sorte de pouvoir magique contrôlé par le sang, qu'elles doivent régulièrement recharger au moyen de sangsue - là encore très ancien régime - qui évacuent les toxines de leurs corps. Le travail qu'elles pratiquent sur les gens est douloureux et cela est montré à plusieurs reprises. J'ai trouvé cette idée très bien articulée dans le récit comme un rappel cynique à l'adage "Il faut souffrir pour être belle". Le prix a payer pour la beauté passe déjà par une souffrance physique et ne dure pas. Au bout d'un moment le gris revient, les modifications corporelles s'estompent et les gens redeviennent gris et leur corps reprend leur forme originelle. Cela induit quand même l'idée pernicieuse qu'il faut sans cesse payer, sans cesse souffrir pour atteindre la Beauté. C'était une idée intéressante mais malheureusement, elle n'est pas plus exploitée que ça et reste à ce stade de constatation.
Une fois à la cour nous rencontrons la famille royale, la reine, une femme très froide, le roi complètement effacé et la princesse Sophia, une jeune femme dont on comprend très vite qu'elle va être l'antagoniste principale. Il faudrait aussi parler de la princesse Charlotte, la sœur aînée de Sophia, tombée dans un coma depuis quatre ans dont personne n'a réussi à la tirer. Il apparaît très vite que l'univers de la cour est impitoyable et que la position de Favorite n'est pas du tout une position privilégiée. De fait, on remarque rapidement que les Belles jouissent d'une position tout à fait paradoxale. Vénérées comme des déesses, elles n'en sont pas moins utilisées jusqu'à l'épuisement par tous ces riches et ces nobles qui veulent atteindre la beauté. Ce sont des jouets aux mains des puissants et là encore, on devra se contenter de cette constatation en demi-teinte.
L'ambition de ces belles, sauf Edel, est de devenir la Favorite et d'accéder au pouvoir suprême des Belles. J'ai vraiment été déçue par cet aspect là du roman. Que ce soit l'objet de convoitise de départ, certes mais cet objectif reste celui de l'héroïne tout du long. Jamais elle ne réalise vraiment l'horreur de sa position et l'absurdité d'un tel désir. Il faut que l'intrigue prenne un tour plus extrême pour que ça la secoue. Je suis vraiment déçue parce que l'objectif de l'héroïne n'est rien que de très classique. Elle a beau dire qu'elle veut apporter la Beauté au monde, elle oublie de préciser qu'elle veut apporter la Beauté au monde riche, puissant et aristocratique uniquement.
C'est d'autant plus dommage que les Belles, et l'héroïne en particulier puisque c'est elle que l'on suit à la première personne, n'ont aucune curiosité pour leur propre monde et pire pour leur propre histoire. Que l'on soit dans une intrigue de dystopie où une jeune femme découvre "The Terrible Truth" comme disent les américains, sur la société qu'elle pensait parfaite, d'accord. J'ai cependant beaucoup plus de mal à croire qu'elles soient innocentes à ce point. Elles ne se posent jamais aucune question de pourquoi elles ne doivent pas approcher des hommes, pourquoi leurs mères meurent toutes en même temps et encore pire pourquoi leurs mères ne leur ressemble pas physiquement alors que les Belles sont les seules qui ne naissent pas grises et qui ne peuvent changer physiquement grâce aux arcanes. On comprend au fur et à mesure de quoi il retourne mais l'ignorance à ce point de Camélia n'est pas crédible.
L'arc narratif est de ce fait très insatisfaisant. Il est prévisible et malgré quelques retournements de situations un peu artificiels, on comprend très rapidement qui va être la méchante du livre, comment cela va évoluer et même les rebondissements finaux. Il y a notamment quelques rebondissements qui crèvent les yeux et j'ai eu du mal à comprendre comment l'héroïne a pu passer à côté.
Le coma de la princesse Charlotte est dû à un empoisonnement dont est responsable la princesse Sophia. Vu le caractère de cette dernière et considérant que c'est elle qui hérite durant le coma de sa sœur, ce n'était pas tellement la peine d'être Sherlock Holmes pour comprendre qu'il y avait baleine sous gravillon...
L'ambition de ces belles, sauf Edel, est de devenir la Favorite et d'accéder au pouvoir suprême des Belles. J'ai vraiment été déçue par cet aspect là du roman. Que ce soit l'objet de convoitise de départ, certes mais cet objectif reste celui de l'héroïne tout du long. Jamais elle ne réalise vraiment l'horreur de sa position et l'absurdité d'un tel désir. Il faut que l'intrigue prenne un tour plus extrême pour que ça la secoue. Je suis vraiment déçue parce que l'objectif de l'héroïne n'est rien que de très classique. Elle a beau dire qu'elle veut apporter la Beauté au monde, elle oublie de préciser qu'elle veut apporter la Beauté au monde riche, puissant et aristocratique uniquement.
C'est d'autant plus dommage que les Belles, et l'héroïne en particulier puisque c'est elle que l'on suit à la première personne, n'ont aucune curiosité pour leur propre monde et pire pour leur propre histoire. Que l'on soit dans une intrigue de dystopie où une jeune femme découvre "The Terrible Truth" comme disent les américains, sur la société qu'elle pensait parfaite, d'accord. J'ai cependant beaucoup plus de mal à croire qu'elles soient innocentes à ce point. Elles ne se posent jamais aucune question de pourquoi elles ne doivent pas approcher des hommes, pourquoi leurs mères meurent toutes en même temps et encore pire pourquoi leurs mères ne leur ressemble pas physiquement alors que les Belles sont les seules qui ne naissent pas grises et qui ne peuvent changer physiquement grâce aux arcanes. On comprend au fur et à mesure de quoi il retourne mais l'ignorance à ce point de Camélia n'est pas crédible.
L'arc narratif est de ce fait très insatisfaisant. Il est prévisible et malgré quelques retournements de situations un peu artificiels, on comprend très rapidement qui va être la méchante du livre, comment cela va évoluer et même les rebondissements finaux. Il y a notamment quelques rebondissements qui crèvent les yeux et j'ai eu du mal à comprendre comment l'héroïne a pu passer à côté.
Le coma de la princesse Charlotte est dû à un empoisonnement dont est responsable la princesse Sophia. Vu le caractère de cette dernière et considérant que c'est elle qui hérite durant le coma de sa sœur, ce n'était pas tellement la peine d'être Sherlock Holmes pour comprendre qu'il y avait baleine sous gravillon...
Comme Dhonielle Clayton le dit sur son site, les média et leur traitement de la beauté féminine ont été une source sur l'élaboration de ce livre. Effectivement, plusieurs fois dans le roman apparaissent des gros-titres de journaux, certains parlant de la mode à suivre ou tout simplement, colportant des rumeurs. Là encore, je vois bien ce qu'elle a voulu faire, questionner le rôle des médias notamment à travers ces fameux "Feuilles de beauté" où sont affichés les plus belles femmes du moment et donc les modes à suivre. Malheureusement, cela reste une fois de plus superficiel, tant dans le traitement que dans l'impact réel de ces derniers sur l'intrigue. A aucun moment nous ne croisons de journalistes, leur présence étant seulement soulignée par de petits ballons postes noirs, ces curieux qui enregistrent des conversations. C'est une présence en arrière plan qui n'a jamais d'ampleur et qui n'est jamais remise en question par les personnages du roman.
Cela va de pair avec l'absence de remise en question de l'univers dans lequel s'inscrit l'histoire. Certes, il s'agit d'un tome 1 donc on peut légitimement supposer que cela viendra par la suite. Malheureusement, je trouve ça dommage de louper des thématiques pareilles. Si elles ne sont pas posées d'emblée j'ai dû mal à croire qu'elles pourraient survenir par la suite. De plus, on ne voit jamais de gris, l'héroïne ne s'interroge pas sur leur vie à eux et ce que cela veut dire d'être gris et donc pauvre puisque les deux sont liés. La beauté et la richesse sont des synonymes. Si Camélia veut se battre contre la princesse ce n'est pas pour empêcher un règne tyrannique pour tous mais seulement pour les aristocrates fortunés de la cour. Le roman semble au final complètement dépolitisé alors qu'il avait tout pour aborder des sujets de société importants.
Bien que le livre parle de beauté, de mode et de souffrance pour l'atteindre - le corps est parfois torturé, les os brisés pour être remodelés, sachant que l'ensemble n'est pas définitif - les canons de beauté restent malgré tout très classiques. Les traits restent fins et pas très éloignés de ce qu'on voit déjà partout dans les magazines. D'ailleurs les modifications plus exotiques sont proscrites par décrets. On peut donc changer la couleur de sa peau et avoir les cheveux roses, le modèle reste quand même jeunesse minceur et finesse des traits et pas trop particuliers si possible. Pas d'androgyne, pas de personnes très grandes ou très petites, l'ensemble reste formel et calibré. Pour une autrice qui cherche la diversité, la couleur de la peau des personnages n'a finalement pas de signification et n'est pas synonyme de diversité, c'est une utilisation esthétique qui n'a aucune portée symbolique. Dommage lorsque pour une fois l'héroïne d'un roman young adult est noire.
Enfin au niveau du style, l'autrice ne peut pas s'empêcher de toute comparer à de la nourriture: la couleur de la peau, des cheveux, les textures. C'est franchement lassant.
En soit, toutes ces remarques ne méritent pas un F, un C à la rigueur. Si encore The Belles n'allaient pas au bout de ses idées, ça serait excusable. Non, ce qui m'a fait hurler de rage c'est que le livre est grossophobe, transphobe et homophobe. Purement et simplement. J'enrage d'autant plus à cause de la démarche initiale de l'autrice qui promettait tellement...
Commençons par la grossophobie. La représentation des personnes grosses est désastreuse. Non seulement iels sont quasiment inexistants, on ne trouve que 2 personnages pour tout le roman, mais en plus ils sont systématiquement décrits à travers le prisme de clichés bien violents. On a d'un côté une jeune femme qui doit se faire réduire régulièrement la taille parce qu'elle mange trop - comme c'est original...vous me dites si l'ironie n'est pas assez palpable - et de l'autre, un aristocrate qui tente de violer l'héroïne - achevez-moi! Il n'y a pas de diversité à reproduire encore et toujours les mêmes clichés, les mêmes représentations stigmatisantes. Ce n'est pas parce qu'il y a des personnes grosses dans le roman que celui-ci est inclusif et bienveillant. La façon dont on représente les gens et à fortiori les minorités discriminées est importante. Le roman s'adresse à des adolescents. Que peuvent-ils penser quand dans un roman on leur dépeint des personnages au mieux faibles au pire écœurants dont le seul point commun se trouve être le poids? C'est gravissime parce que cela entérine des idées dévastatrices qui ont des répercussions dans la vie de tous les jours des personnes stigmatisées par notre société.
Le roman est aussi transphobe avec une super mention d'un personnage transgenre qui est tout simplement mégenré dans une page de journal. Pour l'univers inclusif on repassera, c'est exactement le contraire de ce qu'il faut faire qui est fait (je précise que ce n'est pas une question de traduction, c'est dans le texte original).
Et pour finir, que ne serait pas The Belles sans une petite homophobie bien sournoise. Sournoise parce que si vous ne faites pas attention, si vous n'êtes pas déconstruit-e-s sur le sujet ou si vous ne vous vous êtes jamais posés la question, vous pouvez très bien ne pas remarquer le problème alors qu'il fait la taille de la Tour Eiffel.
Dans l'univers des Belles, l'homosexualité, notamment féminine, semble être tout à fait accepté par la société. Il est fait mention dans une page de journal d'un mariage entre deux femmes, la reine a une maîtresse et une amie de la princesse, Claudine - celle qui mange trop souvenons-nous - aime sa domestique. Jusque là tout va bien me direz-vous. Sauf que non. Sur l'ensemble de ces personnages, deux seulement on le droit a une vraie présence et du texte. Les autres? Elles n'existent pratiquement pas, elles n'ont pas de textes et parfois même pas de noms ni de représentation physique.
Il y a aussi ce que les américain-e-s appellent le "Bury your gay" trope. Un trope c'est un cliché narratif qui peut être utilisé à bon ou mauvais escient. "Bury your gay", signifie "enterrez vos gay", cela désigne l'habitude scénaristique de faire mourir les personnages homosexuel-le-s dans une fiction, soit parce qu'iels se sacrifient pour que le héros ou l'héroïne hétérosexuel-le survive, soit parce que leur fin est tragique. Cela veut dire, qu'un personnage homosexuel ne peut pas avoir de happy end.
Je vous le donne en mille, c'est exactement ce qu'il se passe ici. Les deux femmes homosexuelles du roman qui avaient un tant soit peu d'épaisseur meurent. Claudine cumule: non seulement elle ne peut pas épouser sa domestique à cause de la différence sociale, la Princesse lui impose d'épouser un homme - qui se trouve être l'aristocrate violeur, histoire de stigmatiser en même temps les lesbiennes et les personnes grosses: combo fatal - et elle meure torturée devant tout le monde par deux Belles juste pour montrer à quel point la princesse est vraiment très méchante. Rien ne viendra sauver ce texte. Vraiment rien. Le roman a beau être féminin, diverse dans ses représentations, il prend l'exact contrepied de ce qu'il prétend faire en renforçant les clichés dans sa représentation des minorités discriminées.
Cela va de pair avec l'absence de remise en question de l'univers dans lequel s'inscrit l'histoire. Certes, il s'agit d'un tome 1 donc on peut légitimement supposer que cela viendra par la suite. Malheureusement, je trouve ça dommage de louper des thématiques pareilles. Si elles ne sont pas posées d'emblée j'ai dû mal à croire qu'elles pourraient survenir par la suite. De plus, on ne voit jamais de gris, l'héroïne ne s'interroge pas sur leur vie à eux et ce que cela veut dire d'être gris et donc pauvre puisque les deux sont liés. La beauté et la richesse sont des synonymes. Si Camélia veut se battre contre la princesse ce n'est pas pour empêcher un règne tyrannique pour tous mais seulement pour les aristocrates fortunés de la cour. Le roman semble au final complètement dépolitisé alors qu'il avait tout pour aborder des sujets de société importants.
Bien que le livre parle de beauté, de mode et de souffrance pour l'atteindre - le corps est parfois torturé, les os brisés pour être remodelés, sachant que l'ensemble n'est pas définitif - les canons de beauté restent malgré tout très classiques. Les traits restent fins et pas très éloignés de ce qu'on voit déjà partout dans les magazines. D'ailleurs les modifications plus exotiques sont proscrites par décrets. On peut donc changer la couleur de sa peau et avoir les cheveux roses, le modèle reste quand même jeunesse minceur et finesse des traits et pas trop particuliers si possible. Pas d'androgyne, pas de personnes très grandes ou très petites, l'ensemble reste formel et calibré. Pour une autrice qui cherche la diversité, la couleur de la peau des personnages n'a finalement pas de signification et n'est pas synonyme de diversité, c'est une utilisation esthétique qui n'a aucune portée symbolique. Dommage lorsque pour une fois l'héroïne d'un roman young adult est noire.
Enfin au niveau du style, l'autrice ne peut pas s'empêcher de toute comparer à de la nourriture: la couleur de la peau, des cheveux, les textures. C'est franchement lassant.
En soit, toutes ces remarques ne méritent pas un F, un C à la rigueur. Si encore The Belles n'allaient pas au bout de ses idées, ça serait excusable. Non, ce qui m'a fait hurler de rage c'est que le livre est grossophobe, transphobe et homophobe. Purement et simplement. J'enrage d'autant plus à cause de la démarche initiale de l'autrice qui promettait tellement...
Commençons par la grossophobie. La représentation des personnes grosses est désastreuse. Non seulement iels sont quasiment inexistants, on ne trouve que 2 personnages pour tout le roman, mais en plus ils sont systématiquement décrits à travers le prisme de clichés bien violents. On a d'un côté une jeune femme qui doit se faire réduire régulièrement la taille parce qu'elle mange trop - comme c'est original...vous me dites si l'ironie n'est pas assez palpable - et de l'autre, un aristocrate qui tente de violer l'héroïne - achevez-moi! Il n'y a pas de diversité à reproduire encore et toujours les mêmes clichés, les mêmes représentations stigmatisantes. Ce n'est pas parce qu'il y a des personnes grosses dans le roman que celui-ci est inclusif et bienveillant. La façon dont on représente les gens et à fortiori les minorités discriminées est importante. Le roman s'adresse à des adolescents. Que peuvent-ils penser quand dans un roman on leur dépeint des personnages au mieux faibles au pire écœurants dont le seul point commun se trouve être le poids? C'est gravissime parce que cela entérine des idées dévastatrices qui ont des répercussions dans la vie de tous les jours des personnes stigmatisées par notre société.
Le roman est aussi transphobe avec une super mention d'un personnage transgenre qui est tout simplement mégenré dans une page de journal. Pour l'univers inclusif on repassera, c'est exactement le contraire de ce qu'il faut faire qui est fait (je précise que ce n'est pas une question de traduction, c'est dans le texte original).
Et pour finir, que ne serait pas The Belles sans une petite homophobie bien sournoise. Sournoise parce que si vous ne faites pas attention, si vous n'êtes pas déconstruit-e-s sur le sujet ou si vous ne vous vous êtes jamais posés la question, vous pouvez très bien ne pas remarquer le problème alors qu'il fait la taille de la Tour Eiffel.
Dans l'univers des Belles, l'homosexualité, notamment féminine, semble être tout à fait accepté par la société. Il est fait mention dans une page de journal d'un mariage entre deux femmes, la reine a une maîtresse et une amie de la princesse, Claudine - celle qui mange trop souvenons-nous - aime sa domestique. Jusque là tout va bien me direz-vous. Sauf que non. Sur l'ensemble de ces personnages, deux seulement on le droit a une vraie présence et du texte. Les autres? Elles n'existent pratiquement pas, elles n'ont pas de textes et parfois même pas de noms ni de représentation physique.
Il y a aussi ce que les américain-e-s appellent le "Bury your gay" trope. Un trope c'est un cliché narratif qui peut être utilisé à bon ou mauvais escient. "Bury your gay", signifie "enterrez vos gay", cela désigne l'habitude scénaristique de faire mourir les personnages homosexuel-le-s dans une fiction, soit parce qu'iels se sacrifient pour que le héros ou l'héroïne hétérosexuel-le survive, soit parce que leur fin est tragique. Cela veut dire, qu'un personnage homosexuel ne peut pas avoir de happy end.
Je vous le donne en mille, c'est exactement ce qu'il se passe ici. Les deux femmes homosexuelles du roman qui avaient un tant soit peu d'épaisseur meurent. Claudine cumule: non seulement elle ne peut pas épouser sa domestique à cause de la différence sociale, la Princesse lui impose d'épouser un homme - qui se trouve être l'aristocrate violeur, histoire de stigmatiser en même temps les lesbiennes et les personnes grosses: combo fatal - et elle meure torturée devant tout le monde par deux Belles juste pour montrer à quel point la princesse est vraiment très méchante. Rien ne viendra sauver ce texte. Vraiment rien. Le roman a beau être féminin, diverse dans ses représentations, il prend l'exact contrepied de ce qu'il prétend faire en renforçant les clichés dans sa représentation des minorités discriminées.
Les femmes de ce roman sont cruelles et courent après le pouvoir et la beauté. Rien de glorieux, rien de galvanisant, rien qui mérite d'être admiré.
Je suis déçue parce que j'y croyais, je pensais vraiment que tout était réuni pour faire un grand livre de Fantasy young adult inclusif et bienveillant qui fait réfléchir sur notre société, la représentation des personnes stigmatisées, sur le féminisme mais au final, j'ai juste ressenti un profond dégoût.
Alors pour contrebalancer tout ça, j'ai décidé de faire une page sur ce blog dédiée à la représentation de la diversité en romance et dans la littérature de l'imaginaire. Que ce soit pour contrer le racisme, l'homophobie, la transphobie, la grossophobie, le validisme, le capacitisme, le classisme et toutes ces choses qui gangrènent notre société, je vais répertorier des romans où la diversité est vraiment à l'honneur et ou les représentations ne sont pas stigmatisantes et ne reprennent pas des schémas de pensée obsolètes et dégradants. Alors si vous voulez participer à ce projet, n'hésitez pas, vous êtes tout-e-s les bienvenu-e-s: une seule condition, avoir lu les livres que vous proposez et être sûrs qu'ils correspondent bien au projet.
A très vite!
Je suis déçue parce que j'y croyais, je pensais vraiment que tout était réuni pour faire un grand livre de Fantasy young adult inclusif et bienveillant qui fait réfléchir sur notre société, la représentation des personnes stigmatisées, sur le féminisme mais au final, j'ai juste ressenti un profond dégoût.
Alors pour contrebalancer tout ça, j'ai décidé de faire une page sur ce blog dédiée à la représentation de la diversité en romance et dans la littérature de l'imaginaire. Que ce soit pour contrer le racisme, l'homophobie, la transphobie, la grossophobie, le validisme, le capacitisme, le classisme et toutes ces choses qui gangrènent notre société, je vais répertorier des romans où la diversité est vraiment à l'honneur et ou les représentations ne sont pas stigmatisantes et ne reprennent pas des schémas de pensée obsolètes et dégradants. Alors si vous voulez participer à ce projet, n'hésitez pas, vous êtes tout-e-s les bienvenu-e-s: une seule condition, avoir lu les livres que vous proposez et être sûrs qu'ils correspondent bien au projet.
A très vite!
2 commentaires:
"Vu le caractère de cette dernière et considérant que c'est elle qui hérite durant le coma de sa sœur, ce n'était pas tellement la peine d'être Sherlock Holmes pour comprendre qu'il y avait baleine sous gravillon." Ah ah ah, mais TELLEMENT xD !!
Sinon, je partage entièrement ta chronique, et tu m'a fait réaliser aussi beaucoup de choses. J'étais tellement peu enthousiasmé (euphémisme de l'année) par ce livre que je suis me suis empressée de le chasser vite fait de ma mémoire.
J’en discutais avec Glow justement qui me disait qu’elle n’aurait sans doute pas vu l’homophobie du bouquin et c’est là que j’ai réalisé que c’était sournois et que je voulais mettre les choses en évidence.
J’ai de la chance d’être entourée de gens qui m’ont éclairé sur pas mal de sujet alors je veux partager!
Enregistrer un commentaire