mardi 17 décembre 2013

The Eyre Affair (L'affaire Jane Eyre) - Thursday Next #1 - Jasper Fforde

COUP DE COEUR DE PERSEPHONE

(Article bis après moult relectures)


Présentation de l'éditeur (modifiée): Dans le monde de Thursday Next, la littérature fait quasiment office de religion. A tel point qu'une brigade spéciale a dû être créée pour s'occuper d'affaires aussi essentielles que traquer les plagiats, découvrir la paternité des pièces de Shakespeare ou arrêter les revendeurs de faux manuscrits. Mais quand on a un père capable de traverser le temps et un oncle à l'origine des plus folles inventions, on a parfois envie d'un peu plus d'aventure. Après l'énorme fiasco de l'affaire Martin Chuzzlewit, manuscrit volé par Acheron Hadès (ancien professeur malfaisant de Thursday), elle décide de retourner à Swindon, sa ville natale, afin de prouver qu'Acheron Hadès sévit toujours et qu'il a en tête une proie bien plus importante que Martin Chuzzlewit. La littérature victorienne est menacée mais Thursday ne se laissera pas faire. 
 
Je ne fais pas souvent de second article après relecture mais étant donné que l'article sur Thursday Next faisait parti des premiers du blog, je pense que ce n'est pas si mal que ça de dépoussiérer cette chronique pour donner envie de relire la série ou de la découvrir. Il n'est jamais trop tard pour du Jasper Fforde!

Alors voilà, la double série des Thurday Next fait partie de ces livres doudous que j'adore relire une fois tous les un an et demi environs. L'affaire Jane Eyre, The Eyre affair donc, est le premier tome d'une série en 2 saisons et huit volumes, mettant en scène l'héroïne Thrusday Next (littéralement Jeudi Prochain... et oui il n'y pas que moi pour avoir un nom étrange). Je vous renvoie sur l'article consacré à Jasper Fforde pour le détail des livres parus.

Il est particulièrement difficile de catégoriser cette série tant elle mélange plusieurs courant de Science-Fiction. C'est sans aucun doute une uchronie pure puisque le monde dans lequel vit Thursday Next n'est pas historiquement semblable au notre. L'Angleterre et la Russie impériale poursuivent toujours la Guerre de Crimée en 1985, l'Angleterre est un état policier gouverné par le Groupe Goliath, une multinationale en armement à la morale douteuse, et le Pays de Galles est une nation socialiste indépendante (entre autre). La meilleure preuve de cette uchronie loufoque tient bien sûr dans le père de Thursday, Mr. Next, ex-agent de la chronogarde en fuite poursuivi par Lavoisier son ancien coéquipier. Mr. Next voyage dans le temps et gère les anomalies. Pour les gens férus d'Histoire, c'est très drôle de voir les modifications historiques que plantent Jasper Fforde. Entre les révisionnistes français qui font tuer Nelson et Wellington, s'en prennent à Churchill ou la banane qui n'est pas introduite en Europe, notre Histoire en prend un coup. Le père de Thursday vient la voir de temps en temps - parfois au bon moment - afin de lui poser toutes sortes de questions qui nous paraissent tout à fait saugrenues! Ce sont toujours de petits interludes très drôles qui égayent le récit. C'est également de la light fantasy assumée. Entre les multiples bizarreries du récit et les gens qui peuvent rentrer dans les livres ou en sortir, le monde de Thursday est décidément un endroit bien sympathique que j'aimerai visiter.

A côté de cette uchronie, c'est l'attachement à la littérature et l'importance qu'il donne à celle-ci qui m'a véritablement séduite. Le roman est bourré de clins d’œil à la littérature classique anglaise - les tomes suivants exploreront la même veine tout en élargissant les anecdotes aux littératures étrangères - qui ne manqueront pas de ravir les passionnés du genre. Entre les jeux de mots - le biographe de Thursday Next s'appelle Millon de Floss en référence au roman de George Eliot - et les références sur les différents romans du XIXe siècle, il y a de quoi passer un excellent moment. Bien évidemment, si vous n'êtes pas un passionné de littérature anglaise, j'ai bien peur que L'affaire Jane Eyre ne perde un peu de son intérêt puisque l'intégralité de l'intrigue est basé sur Dickens et Charlotte Brontë. En effet, il est à mon avis important de bien connaître Jane Eyre pour apprécier à sa juste mesure le dernier tier du roman. Sans connaître l'histoire, on passe à mon sens à côté des modifications géniales qu'en fait Jasper Fforde. C'est ce que j'aime beaucoup dans cette série, la manipulation des textes connus pour les faire entrer dans ses intrigues. C'est souvent génial et toujours inattendu.

Si l'uchronie et la littérature ne sont pas assez convaincants, le personnage de Thursday Next pourra s'en charger. Thursday a 36 ans, elle est célibataire, possède Pickwick, un dodo en kit, est une vétérante de la Guerre de Crimée et détective littéraire à Londres dans la brigade des SpecOps (SO-27). Tout irait plutôt bien dans sa vie si Achéron Hades (chez lui aussi toute les enfants portent le nom des fleuves de l'enfer grec...la vie est dure) un de ses anciens professeurs de Fac et troisième plus grand criminel mondial, ne cherchait pas un moyen diabolique pour détruire la littérature. C'est un personnage que j'adore parce que c'est une vraie femme forte, une badass mais sans jamais tomber dans les travers du genre. Elle a mené plusieurs vies avant d'atterrir au SpecOp à Swindon. Ses dilemmes entre sa loyauté pour son frère Anton Next et son amour pour Landen Parke-Laine sont toujours bien dosés. Thursday est forte même si elle s'autorise quelques moments de mélancolie, elle est efficace et terriblement attachante. Je l'adore! C'est rare que des auteurs arrivent à créer en personnage principal des héroïnes fortes sans tomber dans quelques clichés que ce soit. Thursday est de ce point de vue vraiment bien pensée, elle arrive à concilier toutes les facettes de sa personnalité avec beaucoup de naturel. Sans aucun doute Thursday Next fait parti de mes héroïnes préférées.

Acheron Hadès est un méchant tout à fait à la hauteur. Même si dans ce premier tome on se doute qu'il ne va rien arriver de grave à l'héroïne, on sent tout de même le potentiel monstrueux d'Hadès. Un peu comme le joker de Nolan, c'est un fou qui aime faire le mal pour le mal et qui se sert de son Q.I. disproportionné à des fins néfastes. Il possède aussi quelques pouvoirs surnaturels qui ne paraissent pas complètement incongrus. Une fois le coté Fantasy-Sciences-Fiction intégré, le personnage d'Hadès reste cohérent avec lui-même du début jusqu'à la fin. 

Alors, récapitulons: uchronie + Littérature au rang de religion + une héroïne qui déchire + un bon méchant = Excellent livre et il y a même des petits bonus!
Tout au long du roman, la question de la véritable identité de Shakespeare est posée à Thursday par plusieurs interlocuteurs ayant chacun une théorie différente pour une conclusion pas piquée des vers! 
La représentation de la pièce de Richard III à Swindon est un régal pour les amateurs de Shakespeare qui regretteront sans doute comme moi de ne pas pouvoir y assister vraiment!

Pour finir, j'aimerai faire remarquer que Jasper Fforde est aussi très fort pour faire communiquer ses différentes séries entre elles. Ainsi dans ce premier tome de Thursday Next, vous aurez le droit à un morceau du tome 4 (oui madame, oui monsieur) ainsi qu'un petit clin d'oeil à sa série The Last Dragonslayer (Jennifer Strange en VF) avec un petit quarkbeast qui vient se faire cataloguer. Lorsque comme moi vous avez pratiquement tout lu ce que Jasper Fforde a écrit, vous ne pouvez manquer de sourire à l'interconnexion de ses univers complètement barrés!

Que dire de plus sur Thursday? Hormis un "lisez-le" farouche, je ne saurais pas quoi ajouter d'autre que mon virulent exposé ci-dessus. C'est mortellement drôle, bien écrit et surtout plein de génie car bien manier l'uchronie n'est pas chose aisée. Pour tous ceux qui aiment la littérature anglaise Thursday Next est une série à ne pas manquer, et pour les autres un moyen de la découvrir de façon tout à fait ludique, moderne et carrément loufoque.

lundi 16 décembre 2013

Le Mange-Doudous - Julien Béziat

COUP DE COEUR DE PERSEPHONE


Présentation de l'éditeur: L’autre jour, un truc terrible est arrivé à mes doudous. Ça s’est passé quand j’étais à l’école, c’est Berk mon canard qui me l’a raconté. Une espèce de patate molle est entrée dans la chambre. Personne n’y a fait attention. Et puis… GLOUP ! elle a avalé Lapinot ! Et elle a pris la forme de Lapinot ! Tous mes doudous l’ont observée et ils ont compris: c’était un Mange-doudous! À partir de ce moment-là, ça a été l’affolement général.

J'achète très peu d'albums, déjà parce que je n'ai pas de petits dans mon entourage (les plus jeunes ont 13 et 14 ans et si je les appelle les petits, ça va bouder sévère) et parce que forcément du coup pour moi-même, il faut avouer que je suis plutôt BD si je veux lire avec des images (non je ne compare pas les albums des tous petits et la BD, ne faites pas semblant de ne pas avoir compris!). Cependant, car il faut bien des cependant, après avoir entendu parler 4 ou 5 fois du Mange-Doudous (télé, radio, journaux, ce fut une véritable conspiration), j'avoue j'ai craqué et je suis allée tout spécialement en librairie me procurer cet affreux jojo. Bon j'admets, j'en ai profité pour trouvé un Blaise le poussin masqué mais là n'est pas la question (oui j'ai plus de 4 ans, je sais, merci bien!).

J'ai déjà craqué pour le titre: Le Mange-Doudous. Ça peut sembler barbare mais j'adore ce genre de titre, ça donne envie de retomber en enfance, de se rouler dans une couverture et d'attendre sagement un biberon de lait au miel fait maison.
Autant dire que je ne me suis pas trompée avec cette histoire de mange-doudous, de panique à bord et de sauvetage intempestif tout ça pour finir joyeusement sur une corde à linge. 
Illustration extraite de l'album LE MANGE-DOUDOUS de Julien Béziat
©
Pastel, 2013
L'histoire est extrêmement mignonne et ravira les plus petits. Parce un mange-doudous s'est glissé dans sa chambre, il s'agit pour les doudous encore en vie de se sortir de se pétrin mais comment faire? La morale de l'histoire est tout à fait sympathique: c'est le doudou préféré qui parvient à sauver tous les autres parce que c'est un kipu! 

Vous ne connaissez pas les kipu? Mais si! Tout le monde a eu un kipu. Un Kipu, c'est le doudou que tu n'arrives JAMAIS, je dis bien JAMAIS (même en cas d'attaque zombie, quoique je ne vois pas trop l'importance de laver un doudou quand il y a une attaque de zombie mais on ne sait jamais) à laver. Impossible. Le kipu est toujours sale/décoloré/machouillé/atchoumé dessus etc. 

C'est le doudou "qui me console quand je suis triste, essuie mes larmes et mon nez qui coule. Quand je suis malade, je le serre fort contre moi, et quand je m'endors, je suçote un coin de son bonnet. Je ne m'en sépare jamais, mes parents ne peuvent même pas le laver....j'aime bien son odeur de vieille bave" chose qui plait beaucoup moins au Mange-doudous du coup. 
Illustration extraite de l'album LE MANGE-DOUDOUS de Julien Béziat
©
Pastel, 2013
Dans cette planche par exemple, non seulement c'est très drôle de chercher les doudous "bien" cachés mais j'ai aussi adoré les deux références à deux autres grands noms de l’École des Loisirs: Mario Ramos et Tomi Ungerer (lisez les Trois brigands!).

Un album adorable avec des dessins touchants, une histoire très rigolote pour un gros coup de cœur qui me fait regretter d'être "une vieille".

Illustration extraite de l'album LE MANGE-DOUDOUS de Julien Béziat
©
Pastel, 2013

mercredi 11 décembre 2013

La stratégie Ender (2013) - Spoilers


Résumé: Dans un futur proche, une espèce extraterrestre hostile, les Doryphores, ont attaqué la Terre. Sans l’héroïsme de Mazer Rackham, le commandant de la Flotte Internationale, le combat aurait été perdu. Depuis, le très respecté colonel Graff et les forces militaires terriennes entraînent les meilleurs jeunes esprits pour former des officiers émérites et découvrir dans leurs rangs celui qui pourra contrer la prochaine attaque. Ender Wiggin, un garçon timide mais doté d’une exceptionnelle intelligence tactique, est sélectionné pour rejoindre l’élite. A l’académie, Ender apprend rapidement à maîtriser des manoeuvres militaires de plus en plus difficiles où son sens de la stratégie fait merveille. Graff ne tarde pas à le considérer comme le meilleur élément et le plus grand espoir de l’humanité.

CASTING

Asa Butterfield ............................................ Ender Wiggin
Harrison Ford .............................................. Colonel Graff
Hailee Steinfeld ........................................... Petra Arkanian
Abigail Breslin ............................................ Valentine Wiggin
Ben Kingsley ............................................... Mazer Rackham
Viola Davis .................................................. Major Gwen Anderson
Aramis Knight ............................................. Bean
Suraj Partha ................................................. Alai
Moises Arias ............................................... Bonzo Madrid
Khylin Rhambo ........................................... Dink Meeker
Jimmy "Jax" Pinchak .................................. Peter Wiggin
Nonso Anozie ............................................. Sergeant Dap
Conor Carroll .............................................. Bernard
Caleb Thaggard ........................................... Stilson
Brandon Soo Hoo ........................................ Fly Molo




Cette chronique arrive sans doute après la bataille, le film n'étant plus à l'affiche, mais j'avais besoin de temps pour réfléchir à ce que j'allais écrire. D'une part parce que je n'ai pas lu le livre et que mon jugement ce fait donc uniquement sur le film que j'ai vu et d'autre part parce mon avis est un mélange d'enthousiasme et de déception. 

Compliqué n'est-il pas?

Je n'ai pas lu le roman ce qui est un point important à retenir car de ce fait, je ne juge le film et son scénario, uniquement sur ce que j'ai vu. Je m'excuse auprès de mes lecteurs/trices qui ne connaitraient ni le livre ni le film mais je suis obligée de faire une chronique avec spoilers pour bien faire comprendre mon point de vue. Apologies donc, dear reader.



En premier lieu, je dois admettre que j'ai trouvé le visuel de la Stratégie Ender vraiment beau et agréable. S'il y a une débauche d'images numériques, elles passent plutôt bien à l'écran. L'univers recréé est assez proche du nôtre pour mettre le spectateur dans une zone de confort, tout en propulsant ce dernier dans un environnement SF impossible à renier, ne serait-ce que par l'Académie de Graff, satellite qui surplombe la Terre. Tablettes tactiles, écrans transparents, systèmes d'écriture intuitifs qui répondent à une seule main, rien que nous n'imaginions déjà ou que nous n'ayons, compensés par cette salle de gravité zéro dont les murs transparents offrent une vue plongeante et angoissante sur la Terre et l'espace.
Il y a d'ailleurs, à mon sens, dans l'ensemble visuel d'Ender, un véritable lien avec la science-fiction depuis les années 60. En digne héritier de près de 50 ans d'histoire télévisuelle et cinématographique, j'ai trouvé que le film reprenait de nombreux codes déjà utilisé ailleurs. L'Académie, qui n'est pas sans rappeler Starfleet, est dirigée selon un code de couleur que l'on retrouve dans les différents costumes des membres de L'Enterprise. L'atmosphère de l'Académie ainsi que le décor est un croisement entre Star Trek et Battlestar Galactica, rien de nouveau donc mais ce n'est pas le reproche que je lui fais.
J'ai beaucoup apprécié les scènes de batailles en apesanteur, très belles à regarder avec une certaine grâce, surtout la dernière où Ender et ses coéquipiers doivent affronter toutes les autres équipes. Je ne suis pas étonnée d'apprendre que les acteurs/trices ont reçu un entraînement individuel de la part de professionnels du cirque. On sent très bien ce côté aérien dans leur façon de se déplacer.




Mais...
Justement je trouve que cette atmosphère est une sorte de cache-misère pour un film qui peine à trouver son souffle. Si La stratégie Ender est très beau à regarder, il n'en reste pas moins que c'est finalement son principal défaut: miser sur un décor plus que sur une réelle interprétation d'une œuvre dont l'auteur est pourtant l'un des producteurs.
Ce jugement peut sembler très dur mais je le maintiens. Sans connaître les tenants et les aboutissants du film, mon attente est montée crescendo durant la projection pour aller s'écraser sur un mur de déception dès le retour de la lumière. Le film ne tient pas ses promesses. Arrivé en bout de parcours on se demande presque si la majeure partie de ce qu'on vient de voir, n'était pas finalement que du remplissage, les scénaristes étant passés à côté de leur véritable histoire.

Pour vous donner une idée de mon sentiment, j'ai l'impression qu'avec le film La stratégie Ender on ne fait que gratouiller la surface d'une histoire bien plus colossale que ce qu'on me laisse voir. Cette frustration intense qui naît de l'impression, qu'au fond, le film regorge d'un potentiel jamais pleinement exploité ou qui se concentre sur des détails un peu tape-à-l'oeil au lieu d'interrogations fondamentales.

La faute incombe à cette grande disproportion qu'il y a entre l'entraînement d'Ender et la réalisation de ses buts. Mal dosée et mal exploitée, cette longue partie - qui tient quand même les 3/4 du film - semble finalement anecdotique au regard de la bombe qu'est le dernier quart. Comment penser qu'ils ont pu passer tant de temps à nous raconter l'entraînement d'Ender à l'Académie et finalement bâcler en 20 minutes les étapes les plus importantes de son parcours psychologique jusqu'à l'apothéose finale? Parce que c'est bien de montrer l'intelligence d'Ender dans un entraînement de bataille à gravité zéro mais la conclusion du film sur le lien psychique entre lui et la reine Doryphore tombe lamentablement à plat puisqu'elle vient de nulle part.
Comme dans le roman j'imagine (oui j'admets on m'a dit que c'était le cas), le spectateur/trice colle à Ender pour le comprendre et comprendre aussi ce qui se passe dans sa tête. Or ici, à l'écran, l'effet passe complètement à côté de ce qui est désiré. En étant littéralement scotché aux basques d'Ender, on oublie d'être dans sa tête et de suivre son parcours psychologique.



La stratégie Ender manque de souffle et de violence. Etonnant pour une histoire aussi forte mais oui, je suis convaincue que le film ne va jamais assez loin que ce soit dans le traitement de la violence physique ou surtout psychologique des personnages. Six ans d'entraînement réduits en une seule année aurait pu être une bonne idée s'ils avaient su maintenir le rythme. En s'attardant trop volontiers sur les affrontements entre les équipes de l'Académie, on perd le côté brutal d'un tel entraînement. Certes on nous dit qu'ils travaillent dur et dorment peu mais le ressenti à l'écran n'est pas du tout le même. La seule ébauche de cette violence quotidienne se tient dans les quelques minutes des simulations en vu de l'assaut final. Quelques minutes seulement pour retranscrire une sorte de maltraitance psychologique, car ne nous leurrons pas, c'est bien de ça dont il s'agit: faire de ces enfants des machines. Je trouve dommage d'avoir laissé échapper ce point car il aurait été fondamental pour comprendre le cheminement que fait Ender.
Le scénario se concentre trop sur l'aspect leader d'Ender - notamment dans ses affrontements répétés avec les autres membres de l'Académie - au lieu de nous faire comprendre les bouleversements psychologiques qu'il subit. Je pense sincèrement qu'ils se trompent d'histoire en accusant l'effet leader au détriment de ce qu'il ressent.

Je l'ai dit plus haut, la fin tombe complètement à plat. Entre le moment où Ender se rend compte de ce qu'il vient de faire, sa réalisation que le peuple des Doryphores n'étaient pas des ennemis et la révélation que son rêve marquait en fait un lien de télépathie avec la reine Doryphore, il ne s'écoule que cinq minutes. Effet de surprise garanti mais qui provoque plus de questionnements que de réactions enthousiastes. Comme si d'un seul coup nous basculions dans un autre film. Parce que oui, on nous rabâche tellement l'importance de la qualité de leader d'Ender que le spectateur/trice fini par croire que la vraie question du film est: va-t-il arriver à gérer son équipe jusqu'au bout sans craquer? Alors que la vraie question est à des milliers d'années lumières de ça. C'est sans doute plus clair pour ceux qui ont lu le livre mais pour moi, cela a abaissé un verrou sur ce que je venais de voir en remettant tout en cause - et pas dans le bon sens du terme.
Trop de questions sont laissées en suspend et jamais remises en cause, exemple: Mazer Rackham. Le type que l'on dit mort en héros depuis 30 ans facile qui réapparait d'un coup d'un seul. Coucou c'est moi, sans qu'Ender ne remette en cause tout ce qu'on lui dit depuis le début. Je sais ce que c'est que l'endoctrinement mais nous avons quand même en face de nous l'être humain le plus intelligent du monde. Je me dis que tout ça est très mal amené parce que si c'est une incohérence déjà présente dans le roman, ça craint (si quelqu'un a la réponse...). 

Attachement à Ender oui. Compréhension de son intellect et de ce qu'il vit, jamais.  En se concentrant de cette façon sur l'adolescent, le film en oublie ses personnages secondaires ou les exploite de façon anecdotique.



Les personnages qu'Ender rencontrent à l'Académie sont finalement à peine esquissé. Bean et Alai pour ne citer qu'eux sont de gentils stéréotypes de sidekick. On ne comprend pas ce qui lie finalement Ender à la bande qu'il dirige lors de l'assaut final. Un peu comme s'ils avaient été recrutés parmi les moins jaloux du groupe.
Il faudrait également parler de Petra, personnage mou au possible qui en plus de cumuler les clichés anti-féministes - non ce n'est pas parce qu'on dit qu'elle est forte dans leur jeu de bataille que c'est un personnage féministe - n'apporte pas grand chose à l'histoire globale. Renvoyée systématiquement à sa douceur et à son côté protecteur, Petra manque de peps. C'est d'autant plus désolant lorsqu'on a pu assister au premier rôle de l'actrice en question. Comment penser que celle qui a si bien joué dans True Grit puisse se retrouver avec un rôle inconsistant? Manque de direction d'acteur flagrante qui se confirme avec le personnage de Gwen Anderson.
Au départ Anderson et Graff étaient tous les deux des hommes. Orson Scott Card a voulu féminiser l'un des personnages et a pensé d'abord à Graff avant de changer d'avis. Pas de bol, nous nous retrouvons donc avec une psychologue qui démissionne car elle n'arrive pas à faire face à la cruauté de Graff. Le personnage de Gwen Anderson est donc renvoyé à son côté maternel et protecteur tandis que Graff assume la responsabilité du militaire froid et calculateur. A ce niveau là j'aurai préféré deux hommes, au moins le cliché maternel nous aurait été épargné. Graff en femme aurait été assez novateur dans la représentation des femmes de pouvoir en Science-fiction et aurait fait pas mal de bien à des codes stéréotypés vus et revus.
Autant dire qu'entre Petra et Anderson j'étais amèrement déçue.  

Je suis frustrée parce que j'ai l'impression d'être passée à côté d'une histoire impressionnante, violente avec une grande réflexion sur l'humanité et ses choix et d'avoir eu le droit, à la place, a une esquisse pâlichonne.

La stratégie Ender est pour moi le film de tous les déséquilibres: disproportions dans les choix de récit, dans le traitement des personnages ou dans la surenchère d'images au détriment du fond. Un film qui divertit mais laisse terriblement sur sa faim une fois la projection achevée. J'ai hâte de lire le roman pour combler tout ce vide.

lundi 9 décembre 2013

The Last Camel died at noon - Amelia Peabody #6 - Elizabeth Peters


Présentation de l'éditeur: Quelle mouche a donc bien pu piquer la pétulante Amelia Peabody pour qu'elle s'engage, au mépris de toute prudence, au coeur du Soudan révolté, sur les traces du jeune vicomte Blacktower dont on est sans nouvelles depuis des années ? La voici, en tout cas, perdue au milieu des sables, sous un soleil d'enfer, avec son intrépide compagnon Emerson et leur génial rejeton Ramsès. Aucune oasis en vue, pas le moindre signe de vie, à l'infini un vallonnement de dunes aveuglantes... et leur dernier chameau qui vient de rendre son dernier souffle. Pourtant l'énigmatique message griffonné sur un fragment de papyrus par le jeune disparu ne laisse planer aucun doute sur l'existence d'une cité fabuleuse enfouie au fond des sables - une cité qui a traversé les millénaires, et dont n'oserait rêver aucun archéologue. Au prix de quels périls Amelia et les siens parviendront-ils à s'en approcher ? Quelles épreuves les attendent au terme de cette découverte ?

Pour suivre toute la saga des Peabody et Emerson, suivez Cheshire

C'est vrai qu'il est dur d'arriver à se renouveler lorsque l'on écrit une série comme celle des Peabody et Emerson.  C'est également le cas pour la série Charlotte and Thomas Pitt d'Anne Perry. Eviter de les lire à la suite et de les consommer comme des macarons peut déjà aider à garder intact l'envie et la fraîcheur d'une série. Cependant, il arrive parfois qu'au milieu de livres doudous se cache un ugly duckling

J'ai le regret d'avouer que Le secret d'Amon-Râ est une déception dans cette série que j'adore. Pourtant tout commençait très bien. Le premier chapitre nous plonge directement dans l'histoire, à un point déjà bien avancé du récit, ce qui ne manque pas de soulever d'emblée de nombreuses questions: qu'est-ce que Ramsès, Peabody, Emerson et Kemitt font en plein milieu du désert soudanais avec un chameau mort et plus d'eau? Qui est Kemitt? Non mais sans déconner, qu'est-ce qu'ils font là? Le début est suffisamment attractif pour avoir envie de découvrir la suite et l'humour du couple Peabody-Emerson est bien là. 
"Le capitaine se révéla être une vieille connaissance d'Emerson. Bon nombre des habitants de Nubie se révélèrent être de vieilles connaissances d'Emerson."
"En fait, Ramsès s'est grandement bonifié au cours de ces dernières années. (Ou alors je me suis habituées à lui. On dit qu'on peut s'habituer à tout.)"
"J'aurai pu lui faire remarquer qu'il était impossible de surveiller Ramsès en "l'ayant à l'oeil". La tâche exigeait une attention totale des deux yeux et une main ferme au collet."
Cependant l'ensemble se gâte très vite pour une simple bonne raison: le roman est trop long et manque de rythme. 

L'intérêt de Peabody et Emerson réside plus à sens dans ses personnages principaux que dans ses intrigues. On sait très bien généralement où va nous mener Elizabeth Peters. Cependant, elle le fait toujours en se moquant de Peabody et d'Emerson si bien que le côté prévisible de la plupart des intrigues n'est pas franchement gênant. Il ne s'agit pas d'un Agatha Christie où le clou du roman consiste à suivre les déductions de Poirot ou de Marple jusqu'à la désignation du coupable. Généralement, on sent - parfois même avant Peabody - qui a agit comment et pourquoi. 
Je ne sais pas vous mais j'adore retrouver ce schéma où Peabody suspecte un acte criminel quelconque, si possible impliquant un amour impossible entre deux jeunes gens, Emerson rejetant alors toute idée de crime avant de se lancer joyeusement dans une compétition avec sa femme sur "qui va trouver le meurtrier/criminel le premier". C'est une constante qui revient à chaque volume et qu'Elizabeth Peters sait en général très bien intercaler avec le mystère ambiant. Seulement ici ni l'intrigue, ni finalement la "compétition d'idée" entre Emerson et Peabody n'ont véritablement d'intérêt et l'intrigue, assez faible, n'est jamais vraiment relevée par un couple en forme. 

J'ai apprécié l'intention de l'auteure de se renouveler en apportant un changement profond à sa façon de construire une intrigue. En deux parties, la première se déroulant successivement à Londres puis en Egypte et la seconde dans le pays de Koush au Soudan, le roman renouvelle donc assez bien le type d'intrigue attendue. Malheureusement le suspense est constamment désarmé trop tôt, laissant le lecteur avec des points de détails en guise de fils rouge. 
A côté de ce premier problème il faut admettre que le roman est beaucoup trop long, ce qui entraîne inévitablement des répétitions et un soucis de rythme flagrant. Il aurait fallu, je pense, abréger la première partie pour développer la seconde puisqu'il semble évident que c'est sur cette dernière qu'Elizabeth Peters comptait faire peser le suspense.
En parlant de cette seconde partie, elle aurait pu être vraiment intéressante si nous n'avions pas le droit souvent  à des demi-rebondissements qui finissent par être lassants. Du coup même les fausses pistes fracassantes ne prennent pas quand après cinq cérémonies sacrificielles, nos héros échappent toujours de justesse à la mort et se demandent "mais où veulent-ils en venir?". Comme je le disais, le suspense est désarmé toujours trop tôt. En reposant le livre on se demande du coup, s'il y avait une intrigue dans ce qu'on vient de lire.

Étant donné que l'on sait que Peabody, Emerson et Ramsès vont s'en sortir, le lecteur ne peut même plus compter sur ce suspense là. Personnellement la seconde partie a été pénible à lire parce que fondamentalement sans vrai rebondissement ni intérêt. Les ficelles sont plutôt grosses et les répétitions lassent.

Tout n'est pas à jeter, cela reste un Peabody-Emerson quand même! Ramsès est égal à lui-même, même si d'un point de vue personnel, on ne le voit pas assez. J'ai déjà dit que j'avais aimé la tentative d'Elizabeth Peters de se renouveler et c'est vrai, même si c'est râté au final. On sent qu'elle réfléchit sur le devenir de sa série et qu'elle ne peut se permettre d'écrire de la même façon d'un tome à l'autre. 

Peabody est toujours aussi pénible drôle et j'adore lire ses multiples descriptions d'Emerson, surtout vêtu à la mode égyptienne (une sorte de kilt, torse nu et les cheveux au vent). On ne pourra pas reprocher à Peters de ne pas mettre en avant la plastique et le charisme de son héros, de même que son amour et ses ardeurs envers sa femme. C'est toujours un aspect qui me plait, cet amour et ce désir que l'on sent émaner des deux personnages. Cela donne lieu à des situations cocasses ou des réflexions que le lecteur ne peut pas oublier.

Si cette lecteur a été au final en demi-teinte je laisse bien volontiers le bénéfice du doute à Elizabeth Peters. Tous les tomes d'une même série ne peuvent pas être bons ni au même niveau et si Le secret d'Amon-Râ est au final une petite rotten apple, il n'empêche que je vais continuer avec plaisir. On me souffle d'ailleurs dans l'oreille que le tome suivant, retour à Amarna, est un petit bijoux! Merci maître Zouda et hâte de retrouver mes héros en meilleure forme!

vendredi 6 décembre 2013

Blaise le poussin masqué - Claude Ponti

Je vous ai déjà parlé de PEF et son Prince de Motordu pour les enfants qui commencent à lire, il est grand temps à présent de vous présenter de la lecture pour les plus jeunes, ceux qui ont besoin de leur-s parent-s pour lire une histoire. C'est une chronique pour les tous-petits (et les grands nostalgiques) que je veux faire aujourd'hui! 


On se souvient tous de nos premiers albums. Les tous premiers à nous avoir fait rire ou frémir! Chez moi, il y avait Max et les Maximonstres de Maurice Sendack, Le géant de Zéralda et Les trois brigands de Tomi Ungerer. (d'ailleurs je sais que la lanterne des Trois brigands existe si jamais vous tombez dessus, prévenez-moi je cherche un cadeau de Noël pour Cheshire). 


                       


Dans cette liste, il ne faudrait tout de même pas oublier Claude Ponti et sa figure mythique du poussin et surtout, surtout, Blaise, le poussin masqué! 
Car oui mesdames et messieurs (petit-e-s et grand-e-s) c'est bien de ce héros des temps modernes, ce vengeur masqué, ce poussin courageux et téméraire dont nous allons parler: Blaise (président! désolée je m'égare).  

Les poussins apparaissent dès le tout premier album de Claude Ponti l'Album d'Adèle en 1986 mais il faudra attendre 1991 pour que les poussins aient leur premier album rien qu'à eux Blaise et la tempêteuse bouchée. Dans Ponti Foulbazar, Claude Ponti explique : « Les poussins sont apparus dans l'Album d'Adèle : j'avais besoin d'éléments perturbateurs pour déranger les objets et déclencher des commencements d'histoires. Les poussins sont apparus et ils sont restés. Je ne peux rien faire contre eux. Cela ne se voit pas, mais il y en a partout. ». (source) 
Et il y en a en effet partout! Présents souvent d'une page sur l'autre, ils se font tout petits mais sont néanmoins tenaces! 

Histoire de faire connaissance avec les poussins, ou de les redécouvrir, c'est selon, je vous propose un petit tour d'horizon des albums que leur a consacré Claude Ponti.

Si les super poussins sont présents dans toute l'oeuvre de Ponti, il leur consacre un premier volume intitulé Blaise et la tempêteuse bouchée publié en 1991.

Résumé: Il y a quelque chose que Blaise, le poussin masqué, adore plus que tout... C'est arracher le bouchon d'une tempêteuse bouchée! Alors le vent s'échappe avec un grondement de tonnerre et ça fait un toboggan dans l'air!

Blaise est un sacré farceur! Derrière son masque il s'amuse à faire de sacrées bêtises.  

La même année, Claude Ponti sort l'album des poussins que j'ai le plus lu étant gamine. C'est celui qui m'a le plus marqué et que j'adore relire! Assez terrifiant mais finalement très drôle il s'agit Du jour du mange poussin!

Les affreux Mange-poussins se repaissent de nos joyeux compagnons, jusqu'à ce que Blaise, le superpoussin, pas un stratagème plus qu'intelligent, sauve ses petits compagnons!


Résumé: Qui est donc ce monstre, cet horrible Mange-poussin féroce et affamé qui grossit à chaque bouchée, ce sale estomac à pattes, plein de poils et de dents? Mais, au fait, où est Blaise?

J'adore le dos de ces albums, à chaque fois vous pouvez être sûr que Blaise joue un sale tour au code-barre!
Après cet affreux jour du mange-poussin, il est temps pour Blaise d'affronter les tâches dans Blaise dompteur de tâches.

Résumé: Blaise, le poussin masqué, est très fort. Aujourd'hui, il va dompter une tache, une grosse tache d'encre qui a un joli nom et un sale caractère. Blaise lève son fouet. Au bout du fouet, il y a la gomme à deux couleurs. Ça va faire un beau " pestacle ".

Blaise au pays des grobinets, ces gentilles créatures de salle de bain qui savent bien s'amuser avec l'eau. Ca tombe bien, Blaise a très envie de patouiller dans l'eau.

Résumé: Blaise, le poussin masqué, a décidé de jouer à la salle de bain. Pour cela, il faut un bon robinet bien plein, qui met de l'eau partout. Justement en voilà un, au milieu des collines. Il s'appelle Niagara Tiboize.

Voici maintenant un album que j'ai découvert en préparant cet article! Il m'a tellement plu lorsque j'ai vu les planches sur internet que j'ai filé à la librairie la plus proche pour le trouver. Je ne regrette absolument pas mon petit achat, Blaise et le château d'Anne Hiversère est un excellent album des aventures des poussins rigolos. Il y a indubitablement un petit côté loufdingue dans l'écriture de Claude Ponti. Sa façon de déformer les mots, d'en inventer d'autres visuellement très marquant pour les petits, c'est un aspect particulièrement sympathique de l'album:

"Ce matin il est dring heure twouït twouït."
"Parce qu'il est impossible d'imaginer le château d'Anne Hiversère sans chocolat, ce serait comme un gâteau au chocolat sans chocolat, ou une glace au chocolat sans chocolat, ou un chocolat chaud sans chocolat. D'ailleurs, du chocolat sans chocolat, ça n'existe pas."

Les poussins vous donneront aussi la meilleure façon d'éclapatouiller la farine ou comment faire une bonne tatouille (mixage, battage, splatchoulage, splitouillage, rataplatissage et tartisloupage).

On découvre le nom de certains poussins: Kinonne, Hisponne, Pic et Asso, Hyppolitdesset, Belle Djamine Franklin, Boufniouse, Slipododo, Tivolio Bénégoudgoud, Cirkdépékinne, Métantan-Skondi et son ami Métébouché toujours avec beaucoup de jeux de mots.

C'est l'une des caractéristiques de l'album, la multiplication des jeux de mots et de jeux visuels (avec les Bibrons et le Lac Tésibon). Il y a aussi un jeu très drôle à faire d'une page à l'autre: repérer les poussins qui reviennent tout le temps de la même façon. Il y a Blaise bien sûr mais aussi le poussin qui a la tête dans le Champignon, celui qui dort, celui qui lit et celui qui tire la langue. Ce petit jeu permet de profiter pleinement de la beauté du dessin.

La fête d'Anne Hiversère est aussi l'occasion pour Ponti de faire un hommage à toute la culture populaire et enfantine du siècle dernier. De Charlie Chaplin à Gaston Lagaff en passant par le Prince de Motordu ou Mickey, cette double page est un vrai régal pour les yeux!



Blaise et le château d'Anne Hiversère est vraiment un superbe album des poussins que j'ai pris beaucoup de plaisir à lire et à regarder.

Mille Secrets de poussins est un autre album essentiel si vous voulez suivre les aventures de Blaise. D'ailleurs on apprend ENFIN la vérité sur ce super poussin masqué...


 Résumé: Un jour, les poussins sont entrés dans les livres de Claude Ponti, et ils n'en sont pas ressortis. Ils s'y sentent chez eux, ils y font pas mal de bêtises, surtout Blaise, le poussin masqué. Ils y vivent des aventures qui leur sont propres, parfois en se salissant beaucoup. On les a vus déboucher une tempêteuse, organiser des courses de chaises, échapper au Mange-Poussin et construire un immense château pour la fête d'Anne Hiversère. Ce livre-ci est particulier car il répond à toutes les questions que l'on peut se poser au sujet des poussins. Il révèle les secrets de leur vie: comment naissent-ils? Que font-ils dans leur œuf avant de naître? Attendent-ils en lisant un livre? En prenant un bain? Font-ils des trous dans leur coquille avec une perceuse ? Où vivent-ils ? Qu'est-ce qu'ils aiment? Comment aiment-ils aimer? Qu'y a-t-il dans un poussin? Les poussins des livres peuvent-ils mourir? Et qui est Blaise? Pourquoi Blaise est-il Blaise? Autant de réponses que de questions dans cet album. Plus une réponse pour toutes les questions qui n'auraient pas été posées.

Si on voit Blaise démasqué dans l'album précédent, celui-là nous révèle clairement son identité ce qui fait de Blaise un poussin fort démocratique!

J'aime aussi beaucoup le concept de Méga Gigantorigolade! "A toutes les autres questions, il n'y a qu'une réponse : la Mega Gigantorigolade. Blaise et les poussins rient tellement que l'un d'entre eux devient le méga-Gigantopoussin-montagne, l'écrabouilleur des gens qui ne rient pas" Un concept qu'il faudrait mettre en pratique plus souvent!

Il y a encore plein d'album de Claude Ponti avec les poussins notamment toute la série des Tromboline et Foulbazar où les poussins mettent allègrement les pattes!

Ces albums sont d'une richesse infinie, drôles, émouvants, à lire et à relire sans modération aux tous petits (et aux plus grands aussi). A noter enfin que la quasi-totalité de ces albums sont disponibles à la fois en format Album mais aussi en Lutin poche, petits, moins chers et pratiques à transporter. Moi j'dis ça....Et vive les aventures poussiniesques! Merci Monsieur Ponti.

mercredi 4 décembre 2013

Planète Hurlante (1995)



COUP DE COEUR DE PERSEPHONE

Résumé: Nous sommes en 2078, sur une petite colonie minière de la planète Sirius 6B. Depuis dix ans, la guerre fait rage entre le N.B.E., Nouveau Bloc Economique, et l’Alliance des mineurs qui s’est constituée après que des radiations ont été détectées dans les mines de bérynium. Dix ans que le N.B.E., en représailles contre la révolte des mineurs, a largué ses bombes atomiques sur la population. Entre l’Alliance et le N.B.E., c’est maintenant le statu quo depuis deux ans grâce aux screamers, petites entités robotisées qui font rempart entre l'Alliance et le N.B.E. 

CASTING

Peter Weller .............................................. Hendricksson
Roy Dupuis ............................................... Becker
Jennifer Rubin ........................................... Jessica
Andy Lauer ............................................... Ace Jefferson
Charles Edwin Powell ............................... Ross
Ron White ................................................. Elbarak
Michael Caloz ........................................... David
Liliana Komorowska ................................. Landowska
Leone ......................................................... Jason Cavalier
Le secrétaire Green .................................... Bruce Boa


Il nous arrive de croiser parfois des O.V.N.I au cinéma et c'est exactement l'impression que j'ai eu après avoir vu Planète Hurlante. C'est grâce à ma petite sœur Frankie qui m'a dit en sautillant "il est vraiment super bien, il faut que tu le vois" que j'ai eu la chance de découvrir cette adaptation d'une nouvelle de Philip K. Dick que je ne connaissais absolument pas. Après deux tentatives et un détour par Gravity et Bon baisers de Bruges, j'ai enfin cédé et décidé de voir ce film canado-américano-japonais à très petit budget et sorti en 1995 (au passage admirez l’éclectisme dont j'ai fait preuve ce week end là, je suis fière de moi pour le coup).
Ce que je peux dire d'emblée c'est que je ne le regrette absolument pas. Si je ne le conseillerai pas à tout le monde, il faut à mon avis être fan à la fois de l'univers très particulier de Philip K. Dick et aussi beaucoup aimer le genre de la SF pour profiter pleinement ce film, je le trouve excellent à bien des égards. Ce n'est pas un gros film, c'est une donnée qu'il faut sans cesse garder à l'esprit et qui est à mon avis essentiel pour l'apprécier. 

Tourné en 1995 avec un tout petit budget, Planète hurlante reste à mon avis un excellent film de science-fiction. Le réalisateur se concentre d'avantage sur les personnages et son histoire que sur les décors et la surenchère d'effets spéciaux attendus normalement dans un film de SF. C'est là, à mon avis, que le film fait véritablement preuve d'intelligence. En choisissant des décors quasi-naturels, un désert, une caserne et un immeuble en construction qui tient lieux de décor à une base souterraine, le film ne tombe jamais dans les travers d'un cinéma cheap qui voudrait imiter les plus grands sans en avoir les moyens. Planète hurlante possède très peu d'effets spéciaux et les screamers eux-même sont en fait des machines mécaniques loin d'être ridicules. Si l'ensemble a vieilli, incontestablement et c'est d'ailleurs ce qui menace en premier lieu les films de SF, il est toujours regardable aujourd'hui grâce à son esthétique sobre. A titre de comparaison, Dune de David Lynch fait mal à la rétine et Total Recall (avec Terminator, soyons exact) a pris un bon coup de vieux, alors que Planète hurlante est parfaitement appréciable d'un point de vue purement visuel.

Le réalisateur a conservé une esthétique cyberpunk (je vous renvoie à ma thématique SF pour ceux qui ne connaissent pas le terme), propre aux écrits de Dick, c'est très net sur la base des N.B.E, sans pour autant surcharger le trait. A croire qu'il sentait que cet esthétique particulière finirait par disparaitre et handicaper le film. Les amateurs de Dick reconnaîtront donc sans aucun soucis son univers sans que jamais ce ne soit un problème pour ceux qui ne connaitraient pas l'auteur et son style.

A côté de la réalisation juste et équilibrée, on trouve un scénario fouillé et cohérent. Les screamers, petits objets mécaniques inventés par l'homme mais qui se reproduisent d'eux-même, assurent la sécurité de la base de l'Alliance, dont les membres sont protégés par des puces identifiées par les screamers. L'histoire débute au milieu d'un conflit entre l'Alliance et le N.B.E. Sur une base oubliée de tous, un commandant reçoit un message de paix et décide de se rendre à la réunion organisée dans le camps adverse. Nous suivons donc son voyage jusqu'à la base ennemie et le problème que pose les screamers devient de plus en plus visible au fur et à mesure qu'Hendricksson s'approche du camps des N.B.E.

Je ne peux pas m'empêcher de penser que les créateurs de Battlestar galactica ont lu la nouvelle de Dick, Nouveau modèle publiée en 1953 et s'en sont inspirés pour les thématiques développées dans leur série. En effet dans Planète hurlante tout comme dans Battlestar, l'ennemi est ici des robots, à l'origine conçus par l'homme et qui ont depuis appris à se développer seuls. Il y a plusieurs modèles de ces screamers: les petits robots à tranchoir, un modèle numéro 2 que je vous laisse découvrir (pour ne pas spoiler) et un troisième modèle qui a pris forme humaine. Tient, tient...comme c'est étrange...

On retrouve ici une thématique abordée déjà plusieurs fois par Dick, dans Les androïdes rêvent-ils de moutons électriques? connu sous le nom de Blade Runner, à savoir: qui sont les humains? Qu'est-ce qui fait de nous un être humain? Un vrai questionnement sur les émotions et les sentiments, ce qui distingue finalement l'ennemi de l'ami.
L'essentiel de la tension dramatique tient donc ici dans le fait que tout personnage est potentiellement un robot "ennemi", encore que cette notion d'ennemi peut être revue et corrigée, ce qui fait, de fait, la richesse de l'univers et de la réflexion de Dick. Un peu comme dans Notre-Dame de Paris où la morale incite le lecteur à penser que "n'est pas forcément le monstre celui qu'on croit", en référence à l'apparence hideuse de Quasimodo opposée à la noirceur de l'âme de Frodo, ici, la frontière entre le robot et l'humain est parfois très mince.

Cette thématique est bien développée et connait des pics dans l'angoisse et les rebondissements tout au long du film. Les personnages sont sans cesse remis en question et il est difficile de deviner la fin de l'intrigue.


Si le film recontextualise la nouvelle, celle-ci se passe en Normandie pendant la guerre froide entre Américains et Russes, l'essence du texte est la même et est parfaitement maintenue jusqu'au dénouement final. Hendricksson est un personnage attachant qui échappe à de nombreux clichés du "militaire" que l'on peut croiser en SF. Il sait à la fois diriger mais aussi faire preuve d'émotions et d'humanité lorsque la situation l'exige et se montre censé par rapport aux différents évènements qu'il vit. Cela le rend très vite attachant et il se crée rapidement un lien entre Hendricksson et le spectateur. Bien joué, on suit sa progression avec plaisir. Un second point que j'ai apprécié, c'est que les différentes réflexions apportées par le film sont amenés par des personnages tiers comme le pilote avec qui voyage Hendricksson. Même s'il est souvent borderline, il n'est néanmoins jamais un sidekick classique et facile, il apporte de temps en temps au personnage principal un autre angle de vu bienvenu. Cela contribue à une meilleure définition du personnage d'Hendricksson. Jamais parfait, il est aussi le fruit de sa société et il est normal que telle ou telle réflexion ne fasse pas partie de son mode de pensée, tout en restant soulignée par ailleurs pour le spectateur. 

Planète hurlante est pour moi un très bon film de SF, à la fois parce qu'il porte à l'écran un univers qui lui est propre mais aussi parce qu'il amène une vraie réflexion, loin d'être creuse. Rien n'est jamais gratuit que ce soit l'exploitation d'une planète et ses effets, les conditions de vie des populations, les batailles politiques entre deux factions ou encore la notion même d'humanité et d'ennemi qui sont exposés ici, Planète hurlante n'est pas qu'un divertissement. Sa facture simple et minimaliste permet également de maintenir ce fond à flot et de ne jamais le noyer sous la forme pure du cyberpunk de Dick.


Seul défaut à mes yeux, un certain déséquilibre dans l'histoire dans le fait que la mutation des screamers et leur importance n'est pas assez mise en avant ou appuyée dans la première partie du film. J'aurai préféré une répartition 1/4-3/4 sur la question des screamers au lieu d'une première partie qui nous laisse finalement un peu trop dans l'expectative d'un conflit politique Alliance vs. N.B.E. Cela aurait aussi permis à mon goût de poursuivre plus avant la pensée de Dick sur ce qui fait l'humanité, comme le fait finalement Battlestar Galactica. C'est dommage parce que je pense que le film avait le potentiel pour le réaliser.

Cela dit, il s'agit d'un défaut mineur. Planète hurlante atteint son but, sans prétention mais avec au coeur une étonnante véracité. Un petit film de SF tout simple mais très intéressant à découvrir. Je vous le recommande chaudement, il ne fait pas honte à Blade Runner, Total Recall ou Minority Report.

lundi 2 décembre 2013

Le crime de l'Orient-Express - Agatha Christie


Présentation de l'éditeur: C’est par le plus grand des hasards qu’Hercule Poirot se trouve à bord de l’Orient-Express, ce train de luxe qui traverse l’Europe. Alors qu’il est bloqué par la neige au cœur de la Yougoslavie, on découvre, dans l’une des voitures, le corps d’un Américain sauvagement assassiné à coups de couteau. Le meurtrier se cache forcément parmi les voyageurs… Mais qui de la princesse russe, de l’Américaine fantasque, de ce couple de Hongrois distingués, de ce colonel de retour des Indes ou même du propre secrétaire de la victime a bien pu commettre pareil crime ? L’enquête commence, elle sera l’une des plus difficiles et des plus délicates pour notre célèbre détective belge. 

Ce roman, publié en 1934, est sans aucun doute l'un des plus connus d'Agatha Christie et le Hercule Poirot le plus lu. Un meurtre en huit-clos comme les affectionne Dame Agatha, et plus particulièrement un meurtre dans un train comme Le train bleu écrit six ans avant Le crime de l'Orient-express. Ce qui fait ici la particularité du roman c'est que contrairement au Train bleu où les passagers se retrouvent tous dans la même villa après les faits, ici, ils sont coincés par la neige en plein milieu de la Yougoslavie.

Le roman est donc divisé en plusieurs parties: le meurtre, les interrogatoires et la résolution de l'énigme, une coupure en trois actes qui donne l'impression d'assister à une pièce de théâtre. Pas étonnant dès lors, de voir que Le crime de l'Orient-Express est l'un des romans d'Agatha Christie les plus adaptés au cinéma et à la télévision, la structure même du roman se prêtant admirablement à une adaptation via le média cinématographique.
C'est également une enquête très particulière dans le sens où finalement les indices matériels sont très secondaires par rapport aux témoignages. L'ensemble de l'intrigue est très fine, il s'agit de déceler le moindre mensonge, la moindre inexactitude dans les propos tenus par les interlocuteurs de Poirot. La qualité de la narration est donc véritablement importante dans ce roman car c'est par le discours et le discours seul que la solution de l'énigme pourra être dévoilée. C'est donc un très joli hommage à l'importance de la parole que nous offre l'écrivaine dans ce roman célèbre.

Il y a, dans Le crime de l'Orient-Express, une galerie de personnages comme seuls Dickens et Agatha Christie savent les produire. En ouvrant le roman vous savez que vous êtes dans un Agatha. La description des anglais et des américains si typique de la romancière, le comportement de ces gens et les réactions d'Hercule Poirot sont du très bon Agatha Christie. Même si les personnages sont nombreux, le plan du train et leur personnalité si différentes et tranchées font que chacun peut être identifié très rapidement. Comment ne pas imaginer dès lors, l'américaine qui parle trop fort, le couple d'aristocrates hongrois, la princesse russe, la jeune anglaise fermée et le colonel de retour des Indes, l'infirmière suédoise, l'italien ou le commerçant américain, sans compter les domestiques et autres secrétaires? Ces personnages prennent vie avec beaucoup de facilité et sans aucun effort de la part du lecteur. Tout ce dont on a besoin de savoir est couché sur papier.

Je connaissais déjà Le crime de l'Orient-express, ce n'est pas ma première lecture. J'ai donc cherché à déceler les petites inexactitudes qui mettent Poirot sur la voie et si certaines sont finalement faciles à identifier, d'autres restent tout de même obscures même lorsque l'on connait la solution de l'énigme. Il y a évidemment certains faits que souligne particulièrement Poirot qui peuvent nous mettre sur la voie, d'autres éléments que l'on peut deviner si l'on connait un peu l'époque dont parle le roman mais pour le reste...
J'ai vraiment aimé cette partie centrale qui compose le roman: les interrogatoires. L'ordre dans lequel les faits passer Poirot n'est jamais anodin et on essaye tant bien que mal de suivre son raisonnement. Il y a ici un autre élément très intéressant: la personnalité de la victime. En découvrant qui était vraiment la victime, Hercule Poirot pourra comprendre ce meurtre. Les éléments se composent et s'emboîtent les uns dans les autres pour faire toute la lumière sur une affaire tragique.

Comme je le disais il a été adapté au cinéma et à la télévision de nombreuses fois. On compte notamment une adaptation en 1974 avec Albert Finley et une autre en 2004 avec Alfred Molina. J'aimerai cependant attirer votre attention sur l'adaptation de 2010 avec David Suchet. Elle est à mon avis un parfait exemple de ce que peut être une bonne adaptation. Tout en respectant le texte original, David Suchet y ajoute une dimension psychologique qui donne de la profondeur à Poirot en explorant notamment le catholicisme du détective et le poids de la décision finale à prendre. Il y a plus d'emphase sur ces derniers points, largement passés sous silence dans le roman mais je trouve l'idée très bonne. Cela donne plus de densité à la fois à l'intrigue mais aussi aux personnages et à leurs décisions. La réalisation est léchée mais très sombre ce qui contribue à instaurer un climat assez noir mais bienvenu. David Suchet joue également un Poirot plus sobre, plus loin de la caricature habituelle tout en restant le Hercule que le spectateur connait. Des partis-pris de réalisation que je salue, ce Crime de l'Orient-Express sait se démarquer de ces prédécesseurs.

De facture finalement très simple, en trois actes, Agatha Christie arrive à produire l'un de ses meilleurs romans, un de ceux qui font le plus mouche et nous surprennent par la désignation du meurtrier. Si vous ne l'avez jamais lu il est grand temps de le découvrir.

lundi 25 novembre 2013

La maison biscornue - Agatha Christie


Présentation de l'éditeur: [Tronquée et modifiée] Trois générations de la famille Léonides vivent sous le même toit. Celui d’une vaste maison un rien biscornue… Quand le grand-père meurt assassiné, tout le monde est soupçonné! Sophia Leonides, l'aînée des petits-enfants, demande alors à son fiancé Charles, fils du chef de Scotland Yard, d'enquêter sur cette affaire de l'extérieur. Si seulement le coupable pouvait être Brenda, la jeune seconde épouse du vieux Léonides, cela serait tellement plus simple pour tout le monde...

Depuis mon adolescence, j'en ai lu des Agatha Christie! J'en ai lu tellement qu'il m'arrive de ne pas me souvenir de ce que j'ai lu et parfois les intrigues se mélangent un peu dans ma tête mais ici j'étais sûre de ne jamais avoir lu La maison biscornue. Plus encore, j'étais sûre de n'avoir jamais vu d'adaptation car il ne s'agit ni d'un Hercule Poirot, ni d'un Miss Marple et qu'il n'a pas été modifié pour apparaître dans la dernière série des Miss Marple comme ce fut le cas pour l'Heure zéro ou encore Témoin indésirable.
J'ai donc abordé La maison biscornue sans aucun à priori et surtout sans connaître la fin! C'était très agréable d'ouvrir ce Agatha Christie sans se douter de qui était le meurtrier. 

On retrouve dans La maison biscornue cette ambiance particulière que seule Agatha Christie sait créer lorsqu'il s'agit de meurtre familial. En effet, La maison biscornue rejoint le cercle des romans d'Agatha qui se passent en huit clos et en famille.  Parmi ces œuvres on retrouve notamment Le Nöel d'Hercule Poirot et Une poignée de seigle où il est question d'un patriarche assassiné par l'un des membres de sa famille. Il ne faudrait cependant pas croire que la liste s'arrête là. Dans Témoin indésirable, l'heure zéro, rendez-vous avec la mort ou encore la mystérieuse affaire de Styles, ce sont les matriarches qui sont liquidées. Enfin, le fameux 16H50 pour Paddington, l'affaire se révèle extrêmement complexe. 

Si Le Noël d'Hercule Poirot et Témoin indésirable mettent en scène des chef-fes de famille tyranniques et détestables où tous les membres de la famille ont un vrai mobile pour les supprimer, ce n'est pas tout à fait le cas ici. La maison biscornu se rapproche plus d'Une poignée de Seigle, de l'heure zéro et plus certainement encore de la Mystérieuse affaire de Styles. Aux premiers abords, il s'agit donc d'un crime commis pour l'argent. Les choses sont toujours plus complexes avec Agatha Christie à tel point que même si ce roman partage de nombreux traits communs avec d'autres, il est finalement terriblement unique. 

Je comprends pourquoi La maison biscornue fait partie avec Témoin indésirable des deux romans préférés d'Agatha Christie. Aucun personnage ne semble vraiment avoir de mobile, hormis peut-être la seconde épouse et son amant supposé mais dès l'instant même où cette hypothèse est lancée le lecteur peut être certain qu'elle est fausse parce que terriblement arrangeante pour la famille. Nous explorons d'ailleurs celle-ci par les yeux d'un inconnu ce qui permet d'avoir un point de vu quasi impartial quoique biaisé par son amour pour Sophia et quelques préjugés qu'il fait, de fait, partager au lecteur. 

La famille Léonides est particulièrement intéressante parce qu'elle dégage ce petit quelque chose commun aux familles que met en scène Agatha Christie. Ils sont tous assez étranges pour être soupçonnables et en même temps sans qu'il ne se dégage ce véritable climat de haine que l'on retrouve ailleurs, exacerbé comme dans Le Noël d'Hercule Poirot. Cette caractéristique est d'ailleurs amplifiée par le fait que le patriarche en question semblait certes autoritaire mais jamais tyrannique puisque ses enfants étaient financièrement indépendants et plutôt libres de leurs mouvements. Une composante intéressante qui ne renvoie pas aux clichés habituels du meurtre du patriarche fortuné.  


 Ce que j'ai particulièrement aimé avec La maison biscornue c'est que comme dans Le meurtre de Roger Ackroyd, Agatha Christie joue sur nos préjugés en matière de roman policier.
Elle joue ici sur le préjugé qu'un lecteur ne soupçonnera pas d'emblée une enfant de douze ans comme le coupable froid et calculateur de plusieurs meurtres, tentatives de meurtres et mises en scène macabres. 
C'est d'autant plus intéressant que la petite fille se présente comme souvent les enfants sont montrés dans ce genre de roman, c'est-à-dire fouineur mais innocent or ici Josephine est belle et bien la coupable pour un motif futile qu'elle est le vilain petit canard de la famille et qu'elle cumule les traits de caractères négatifs des deux branches de la famille: une sorte de cruauté doublée d'une ambition démesurée. 
Tout est fait pour rassurer le lecteur dans cet idée que Joséphine sait des choses et qu'elle est de ce fait en danger, alors même que c'est elle qui tire les ficelles de façon bizarrement ingénue. 

La fin elle-même est à l'image du roman: surprenante avec ce suicide doublé d'un meurtre qui laisse le lecteur pantois. Une enquête "avortée" et mal orientée. De quoi surprendre.

Un excellent roman d'Agatha Christie, très doux amer dans le ton dont on ressort un peu gêné. On se replongera volontiers ensuite dans un Agatha Christie un peu plus classique pour faire passer l'ingéniosité de l'auteure. 

Une découverte que je ne regrette pas.