jeudi 24 octobre 2013

Au bonheur des ogres (2013)




FILM DOUDOU INSIDE

MALAUSSENE? AH LA PLUPART DU TEMPS IL EST DANS LA LUNE, IL REDESCEND QUE POUR SE METTRE DANS LA MERDE!

Résumé: Dans la tribu Malaussène, il y a quelque chose de curieux, de louche, d’anormal même diraient certains. Mais à y regarder de près, c’est le bonheur qui règne dans cette famille joyeusement bordélique dont la mère sans cesse en cavale amoureuse a éparpillé les pères de ses enfants. Pour Benjamin Malaussène, bouc émissaire professionnel et frère aîné responsable de cette marmaille, la vie n’est jamais ennuyeuse. Mais quand les incidents surviennent partout où il passe, attirant les regards soupçonneux de la police et de ses collègues de travail, il devient rapidement vital pour le héros de trouver pourquoi, comment, et surtout qui pourrait bien lui en vouloir à ce point-là ? Benjamin Malaussène va devoir mener sa propre enquête aux côtés d’une journaliste intrépide surnommée Tante Julia pour trouver des réponses.

CASTING
Nicolas Bary ................................................. Réalisateur
Raphaël Personnaz ........................................ Benjamin Malaussène
Bérénice Bejo ............................................... Tante Julia
Guillaume de Tonquédec ............................... Sainclair
Emir Kusturica .............................................. Stojil
Thierry Neuvic .............................................. Inspecteur Carrega
Mélanie Bernier ............................................. Louna
Dean Constantin ............................................ Cazeneuve
Marius Yelolo ................................................ Divisionnaire Coudrier
Lehman ......................................................... Bruno Paviot
La Pédopsychiatre ......................................... Alice Pol
Amar ............................................................ Youssef Hajdi
Thérèse ......................................................... Armande Boulanger
Jérémy .......................................................... Adrien Ferran
Le Petit ......................................................... Mathis Bour
Constantin .................................................... Joël Demarty
Miss Hamilton ............................................... Marie-Christine Adam
Mr. Muscle ................................................... Ludovic Berthillot
La reine Zabo ............................................... Isabelle Huppert

 

Tout réalisateur décidant de s'attaquer à un monstre de la littérature doit s'attendre à se prendre pas mal de nions. Entre les puristes qui s'attendent à un copier-coller du roman sans parfois prendre de recul sur l’œuvre ou d’œil critique qui construit nécessairement le passage du papier à l'écran - n'oublions pas qu'une adaptation est avant tout la vision d'un réalisateur sur un produit littéraire et qu'il y a autant de versions d'un roman que de lecteurs - et ceux qui vont voir le film sans connaître l’œuvre d'origine, il y a, ceux qui comme moi, y vont en se disant "advienne que pourra".


D'une façon purement personnelle, et cela construit irrémédiablement ma vision d'une adaptation, ne l'oubliez pas merci, je pars du principe que le film ne pourra jamais être identique au roman encore plus lorsque le livre est écrit à la première personne. Pourquoi? Tout simplement parce qu'à l'intérieur de ma tête tordue, de mon esprit féministe et farfelu, de mon envie de divertissement et de rire, je m'invente à la lecture ma propre vision du roman, de son intrigue et de ses personnages. Ne nous voilons pas la face, nous le faisons tous. C'est pourquoi et je dirais même "heureusement" que les livres ne nous touchent pas de la même manière, au même moment et pour les mêmes raisons. Ensuite, le papier et l'écran étant deux supports différents, ils ne montrent pas les choses de la même façon. Rendre les pensées d'un personnage à l'écran est extrêmement complexe et parfois doit être condensé, synthétisé, remanié parfois même sur l'intégralité du film pour obtenir la même métaphore filée. A mon sens, une vraie adaptation est celle, qui tout en gardant l'essentiel du roman, est capable de passer outre les limites émises par le papier et de transcender ces difficultés en transmettant l'information essentielle sur pellicule.


Forcément, lorsque le livre adapté n'est nulle autre que Le bonheur des ogres de Daniel Pennac, les réactions ne peuvent être que vives. Pour ceux qui ont lu la série Malaussène - que je recommande plus que chaudement - vous savez à quel point le style, l'histoire et le contexte même du roman sont largement inadaptables tel quel. Le style? Une oralité qui n'est pas sans rappeler Zazie dans le métro mais qui reste peut-être plus naturelle et parfois, au gré des humeurs de Benjamin, plus lyrique, envolée ou bordélique c'est selon. L'histoire? un polar brouillon, où tout est un peu à l'image de la famille Malaussène et des gens qui les entourent, un vrai foutoir! Le contexte? Le Belleville cosmopolite des années 80, une sorte d'âge d'or du multiculturalisme prôné par Pennac, un attrait décomplexé pour l'autre et le mélange des genres.

Du coup, adapter un truc pareil ça demande pas mal de compromis et c'est ce que réussi très bien Nicolas Bary. Certes le film n'est pas une adaptation parfaite - on y reviendra - mais elle a le mérite d'être cohérente avec elle même et de retirer suffisamment de ce qui fait le sel du Bonheur des ogres pour que le spectateur ne se sente pas perdu.

Tout d'abord, la famille Malaussène est là au grand complet ou presque. On retrouve donc Benjamin, le Benjamin dans les nuages, pilier de famille un peu indolent, toujours dans la merde mais terriblement attachant. Une gageure de prendre un beau gosse comme Raphaël Personnaz mais qui montre une fois encore par ses talents d'acteur qu'il va au-delà de son physique pour nous offrir un Benjamin Malaussène terriblement touchant et décalé à souhait:
"Vous ne voulez pas qu'on fasse connaissance? Je suis très doué pour réchauffer les pieds".
On retrouve aussi Thérèse, la sombre de la famille, le visage grave derrière ses lunettes qui tire les cartes et prévoit le malheur. Elle sait cependant avoir une bonne bouille et ses échanges un peu vif avec Jérémy sont très drôles. Jérémy est dans le ton, petit garçon frondeur et vulgaire, toujours dans les derniers mauvais coups il en fait voir de toutes les couleurs à son frère aîné. Heureusement qu'il y a Le Petit, que l'on "débranche" lorsque cela arrange pour pouvoir s'engueuler en paix sans que cela pourrisse la tête du môme. Le Petit - mais pas aux lunettes roses - qui déforme les mots et qui dessine des monstres qui effrayent sa psychologue mais adore les girafes. Quant au chien Julius il a tendance à tomber en crise d'épilepsie dès que quelque chose déconne chez les Malaussène, c'est-à-dire souvent. Seul bémol à cette famille, c'est la contraction que Nicolas Bary a faite entre Louna la soeur aînée mariée et infirmière et Clara la deuxième sœur Malaussène que Benjamin protège comme la prunelle de ses yeux. Sans doute pour simplifier les relations, empêcher de s'éparpiller dans les péripéties d'une famille déjà nombreuse. Je regrette un peu parce que Clara est vraiment un personnage intéressant, elle qui voit tout à travers son appareil photo et elle m'a manqué dans l'intrigue.


L'intrigue en elle-même est un polar un peu foutoir à l'image du livre. Il faut cependant se rendre compte qu'Au bonheur des ogres n'est pas un livre pour enfant contrairement à ce qu'on pourrait croire. Il s'agit bien d'un livre pour adulte, de par le langage déjà mais aussi des thèmes abordés et des morts. Même si Pennac est toujours drôle et décalé, il s'agit ici d'une disparition d'enfants. Alors oui, Nicolas Bary a intentionnellement atténué ce côté là de l'intrigue pour en faire un film familial. Pas besoin de montrer des scènes un peu gore de disparition d'enfants, cela n'a jamais été un prétexte pour Pennac qui voulait tirer son concept de bouc-émissaire jusqu'au bout. Pour voir un polar noir bien glauque, rabattez-vous sur Millenium pas un Malaussène. A mon sens, la critique de la société et des grands magasins ou entreprises qui ont besoin d'un bouc face aux consommateurs crédules est plus forte que l'intrigue policière. C'est d'ailleurs sans doute pour ça que la place du métier de Malaussène et de la journaliste Tante Julia, domine sur le reste. Du coup Nicolas Bary détourne l'action du côté sombre de l'intrigue mais les clins d’œil au spectateur adulte ne manquent pas. Dans une scène où Louna explique que des ogres ont enlevé des enfants dans le magasin mais qu'ils vont bientôt disparaitre, Jeremy commence par dire qu'il a vu une emission où...Louna l'arrête, précisant que son petit frère, Le Petit, n'avait pas besoin de savoir et Thérèse d'ajouter qu'elle non plus ne veut pas savoir. Le spectateur enfant dans la salle se retrouvera dans la position du Petit qui ne sait pas ou de Thérèse qui sait mais ne veut pas vraiment savoir et l'adulte à la place de Louna. Chacun y trouve alors son compte dans cette histoire policière où les flics (ah...Thierry Neuvic....) sont décidément un peu lents et la famille Malaussène pleine de ressources.


Côté mise en scène, Nicolas Bary garde le côté brouillon du roman et le décalage de ton si délicieux chez les Malaussène. Les histoires racontées par Benjamin dans lequel il est le héros sont tout bonnement géniales, avec la girafe du magasin et les employés qui hurlent "Malaussène président". Je n'avais pas aimé la prestation de Berenice Bejo dans The artist, je trouvais son jeu forcé et pour tout dire horripilant mais ici, en Tante Julia, elle fait une parfaite Corrençon. Alerte, vive, drôle, indépendante, intelligente, aussi décalée que Malaussène, elle ne pouvait que me plaire. L'alchimie passe bien entre les deux protagonistes et leurs échanges sont souvent très drôles.


J'ai beaucoup aimé le fait que même si l'action se déroule toujours à Belleville, ils n'aient pas cherché à resituer l'histoire dans le contexte des années 80. Même si le personnage de Stojil (Emir Kusturica!) est là pour nous rappeler  - en théorie - que le mur n'est pas encore tombé (le roman est écrit en 1985), je trouve plutôt intelligent d'avoir gardé l'action dans le paris de 2013. Le Bonheur des ogres prend la place d'un magasin parisien bien connu, comme son homonyme Le bonheur des dames et je pense que cela permet d'éviter le piège de reconstruire un Belleville des années 80, des costumes etc. qui pourraient vite tourner au kitsch et empêcher directement de rentrer dans l'histoire. Le spectateur peut d'avantage reconnaître l'univers de Benjamin Malaussène comme le sien et se dire que finalement, les histoires foldingues de cette tribu pas comme les autres sont intemporelles.


Je pourrai parler des Malaussène encore longtemps, tellement j'aime les livres mais je vais m'arrêter là.

Alors voila, je ne prétends pas détenir la vérité sur le cinéma, je ne revendique aucune culture ou connaissance légitime pour écrire mes chroniques. Cependant, si vous me lisez, vous savez que je donne toujours mon avis sans esprit revanchard, sans hargne, juste comment je ressens ou vois les choses.
Sans être le film de l'année, si Nicolas Bary me pond la suite des aventures de ma tribu préférée, j'irai le voir sans hésiter parce que pour moi Au bonheur des ogres au cinéma c'est comme être en famille à la maison.

1 commentaires:

Chi-Chi a dit…

Je l'ai beaucoup aimé aussi, meme si le coté brouillon m'a un peu donné le vertige... Mention spéciale à Tante Julia que j'ai adoré!

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