samedi 22 avril 2017

Six impossible things - Rhymes with love #6 - Elizabeth Boyle

B+

Résumé:  Miss Roselie Stratton est par définition impossible: forte tête, qui n'a pas sa langue dans sa poche et qui transporte un réticule contenant de quoi ruiner bien plus que sa propre réputation. Cela dit...embrasser Brody Garrick, Lord Rimswell n'est pas ce qu'a fait Roselie de plus dangereux car la sœur du vicomte Wakefield est aussi agent secret du Home office.
Si Roselie - Asteria de nom de code - est entièrement dévouée à sa mission, ses différentes rencontres avec Brody, lui aussi espion de la Couronne ne sont pas sans danger. Alors que les secrets d'états se mélangent aux affaires de cœur, Roselie devra se méfier des français et de son propre cœur.

J'en avais parlé sur Facebook il y a quelques jours, j'ai eu la chance de lire en avance Six impossible things le sixième roman d'Elizabeth Boyle dans la série Rhymes with love qui sort chez Avon le 25 avril 2017.

Je n'avais jamais lu du Elizabeth Boyle avant et je découvre avec Six impossible things, une auteure très agréable à lire. En règle générale, je n'aime pas commencer une série par le milieu, et a fortiori par le dernier tome mais à cheval donné on ne regarde pas les dents comme on dit et malgré tout je suis heureuse d'avoir rencontré Elizabeth Boyle avec Brody et Roselie. C'est vrai que ça démarrait bien: une romance régence, mêlée à une histoire d'espionnage...ça ne pouvait que me rappeler l'époque du Mouron rouge et des Pink Carnation. Je me suis donc lancée gaiement dans ce sixième tome et je n'ai qu'un regret...ne pas avoir lu les précédents!

Sincèrement je ne pense pas que Six impossible things soit le meilleur volume pour commencer cette série Rhymes with love puisque les héroïnes viennent toutes du même pensionnat de jeunes filles et de la même ville Kempton (la série s'appelle d'ailleurs comme ça chez Harlequin dans la collection Victoria, Les débutantes de Kempton) elles sont toutes liées et on comprend vite que Roselie est déjà apparue dans les premiers tomes et qu'elle a eu un impact plus ou moins important. D'ailleurs j'ai eu l'impression que la fin du tome précédent se passait en parallèle de celle-ci. Si quelqu'un les a lus je veux bien la réponse parce que je trouverais ça extrêmement cool qu'une scène particulière entre deux héros dans un tome d'une série se retrouve avec un autre point de vue dans un autre tome. Ce serait une vraie façon de mélanger les histoires dans une série. Si vous connaissez des séries de ce genre je suis preneuse aussi.

Bref, hormis ma frustration de ne pas connaître parfaitement tous les personnages - ça reste malgré tout compréhensible - j'ai dévoré Six impossible things. Le roman, en clin d'œil à la citation de Lewis Carroll, tourne autour de tout ce qu'une femme ne peut pas faire à commencer bien sûr par être espionne.

Alors voila, je vous mets en garde, même si c'est dit dans le résumé, l'héroïne est une espionne, une vraie. Elle ne donne pas juste deux trois renseignements à la sauvette, elle se déguise, infiltre des milieux qui ne sont pas de son rang et mène une activité qui pourrait ruiner sa réputation et celle de sa famille. Si vous ne supportez pas ce qui s'éloigne de la vérité historique, telle que le thème de l'espionne sous la Régence anglaise, Six impossible things n'est pas pour vous...du tout. Personnellement, j'ai tendance à être tatillonne sur ce sujet - et particulièrement sur la période Tudor parce que c'est celle que je connais, quand on passe des années à lire les sources historiques je pense que c'est normal - mais pour le trope de l'espionne, j'ai une souplesse d'esprit et je veux bien opérer la suspension consentie de l'incrédulité.
Pour défendre Elizabeth Boyle, je dois dire que l'ensemble est particulièrement cohérent malgré tout! Roselie se déguise en Asteria, c'est à dire qu'elle achète son matériel, ses robes etc dans des boutiques qui ne sont pas celles où elle va en temps que Miss Stratton. Le dessin des robes par exemple n'est pas celui d'une dame de la bonne société anglaise. Elle porte une perruque blonde alors qu'elle est brune ainsi qu'un masque. Elle fait très attention à protéger son identité et plusieurs fois elle parle/pense à la dangerosité de ce qu'elle fait et du risque qu'elle prend.
J'ai lu dans une critique américaine sur le net - ne me redemandez pas où, je n'en sais rien - que Roselie était un très mauvais personnage, égoïste et qu'elle aurait dû penser à sa famille d'abord.
Je pense pas que Roselie soit égoïste. Elle aime profondément sa famille et a conscience que ce qu'elle fait est dangereux. Ce n'est pas une héroïne TSTL. Elle n'agit pas en dilettante et ne commet pas d'impair facilement évitable. Evidemment elle tient à son activité d'espionne parce qu'elle veut être plus qu'une jolie poterie dans un salon de luxe, on ne va pas se mentir sur le côté féministe de l'héroïne mais il ne faut pas oublier non plus qu'elle agit pour une bonne cause, défendre son pays et venger la mort d'innocents, dans un moment de guerre entre deux nations. C'est une forte tête et je peux comprendre qu'on n'apprécie pas ce genre de personnage mais ici j'ai beaucoup aimé Roselie et tous ces tiraillements intérieurs entre son devoir envers sa famille ET son pays mais aussi vis à vis de ses propres aspirations.

Brody quant à lui, en vrai il s'appelle Bramwell, est un héros assez attachant. Il ne fera pas parti de mon top 3, Quid de mon top 3 d'ailleurs?, mais je l'ai bien aimé quand même. Il s'accorde bien avec Roselie parce qu'on peut dire ce qu'on veut d'elle, il est franchement aussi têtu. J'ai eu peur un moment que sa volonté d'interdire à Roselie d'être espionne, interdire carrément alors même qu'il n'a aucune autorité légale sur elle, relève de l'alpha bourrin. En réalité, Elizabeth Boyle contourne la difficulté en montrant bien que ce n'est pas par envie de jouer les gros macho macho man que Brody agit ainsi mais parce qu'il a peur pour elle. C'est une raison bien plus légitime et compréhensible que juste girls don't. Brody est aussi multifacette et ne reste pas braqué sur ses idées. Il est capable d'écouter et de comprendre des arguments et c'est un très bon point.

Autre point qui m'a impressionnée, j'ai trouvé que le roman était très bien construit. Elizabeth Boyle évite soigneusement les écueils du type de récit dans lequel elle nous embarque. Elle aurait pu faire durer très longtemps le jeu de chat et de la souris entre Brody et Roselie mais elle préfère nous montrer par flashback les scènes antérieures de rencontre entre les héros qui sont sensuelles à souhait sans être too much. Il y a un côté Elizabeth Hoyt en moins érotique. La révélation sur l'identité de Roselie intervient au meilleur moment, juste là où le récit a besoin d'être relancé et qui évite au héros de passer par le syndrome Loïs Lane - qui existe vraiment by the way.  De la même façon l'opposition entre les héros dure ce qu'il faut et on n'assiste pas comme je le déteste à de longues scènes de "tu ne le feras pas / Mais si/ Mais non / Mais si/ Mais non etc". Le rythme est toujours juste et l'auteure sait redynamiser son récit. L'intrigue "policière" sous jacente à l'intrigue amoureuse est elle-aussi tenue jusqu'à la dernière page ce qui en fait un tout très agréable à lire.

Enfin, il me faut parler de l'écriture d'Elizabeth Boyle que je trouve très bien, en particulier certains dialogues qui sont très fins et extrêmement drôles. Je ne résiste pas à vous mettre deux courts passages qui m'ont fait BEAUCOUP rire...dans le métro obviously.

"Still, it wouldn’t do to show any fear. Instead, he grinned at Chaunce’s brother. “For a man who boasts of never having lost a battle, you look rather bilious, Captain,” he teased. “Afraid of a few chits?” “A ‘few chits’? Good God, man, I’ve never faced such odds,” the captain admitted. “The French have the decency to shoot at you.” 

[Le Capitaine Benedict Hathaway veut danser avec Roselie et c'est Brody qui l'introduit auprès de la demoiselle qui a décidé de se montrer...horriblement courtoise avec ce pauvre Capitaine!]

Roselie’s fan fluttered delicately. “I’m certain what the ladies here this evening truly want to know is, if you’re going to be the sort of husband who shoots off his cannons at the least provocation, or worse, fires them indiscriminately all over town.” Vial or no, Lady Essex swooned.

En bref, j'ai passé un excellent moment de lecture et je n'hésiterai pas à lire les tomes précédents et les suivants de Rhyme with love.
Comme d'habitude n'hésitez pas à me donner votre avis je suis toujours preneuse!

mardi 18 avril 2017

Le Projet Starpoint - Marie-Lorna Vaconsin


Hello everybody!
Oui je sais je sais...j'ai un peu (oui un peu!) tardé à écrire une nouvelle chronique, non pas par manque de lecture, that's quite impossible really, mais par manque de temps. Le mois de mars est toujours mouvementé en librairie, inventaire, nouveautés etc et j'ai pas mal travaillé. En plus, Benedict mon ordinateur adoré (non rien à voir avec Cumberbatch, lisez les Princes d'Ambre), refuse de se connecter à internet...Je dois donc trouver des solutions alternatives, d'où le retard de ce billet! Aujourd'hui donc je vous parle du premier tome de la série Le projet Starpoint: La fille aux cheveux rouges, de Marie-Lorna Vaconsin publié à la Belle colère le 2 mars 2017.

Stay tuned, d'autres chroniques arrivent.

Présentation de l'éditeur: Pythagore Luchon a 15 ans. Il habite dans la ville de Loiret-en-Retz et s'apprête à entrer en seconde pour une année scolaire sans surprise : travailler – un peu –, écouter de la musique – souvent –, draguer les filles autant que cela lui sera possible, et notamment à l'occasion de la prochaine fête de rentrée pendant laquelle il officiera comme DJ. Il ne se fait aucune illusion sur les railleries qu'il devra endurer au sujet de sa mère – prof de maths au lycée –, ni sur la peine que lui causeront ses passages à l'hôpital pour rendre visite à son père – brillant chercheur en physique quantique, plongé dans le coma à la suite d'une agression. Toutefois, une chose le réjouit : il va bientôt retrouver Louise, sa meilleure amie, la fille du gardien du lycée.
Le jour de la rentrée, Pythagore découvre que Louise a apparemment décidé de se passer de leur amitié. Elle s'est liée à une nouvelle élève du nom de Foresta Erivan, dont la présence à ses côtés est d'autant plus intrigante que les deux filles n'ont rien en commun. Louise est une geek passionnée de sciences et d'ingénierie, tandis que la nouvelle élève affiche un look d'un autre genre : elle a les cheveux rouges, s'habille toujours en noir, souvent en cuir, et distribue des gifles à ceux dont elle n'apprécie pas le comportement. À son contact, Louise s'isole de ses anciens amis, se désintéresse de son travail et commence à sécher les cours. Pythagore déplore silencieusement la présence de cette nouvelle élève qui l'irrite autant qu'elle l'attire, jusqu'à ce qu'elle débarque chez lui en pleine nuit pour lui annoncer la disparition de Louise. Elle lui explique que, pour la retrouver, ils doivent passer par ce qu'elle appelle l'" angle mort " des miroirs. Pyth la suit sans se douter qu'il est sur le point de basculer dans un monde parallèle – le monde dans lequel Foresta a grandi, et où Louise est sur le point de se perdre.

Ecrire un premier tome d'une série n'est jamais une chose aisée. C'est un savant mélange qui demande autant de patience que d'ingéniosité car il faut arriver assez rapidement à donner corps à un univers entier, suffisamment construit pour que le lecteur•trice puisse avoir des repères facilement sans toutefois être trop banal ou sans intérêt. De la même façon, l'auteur•trice doit savoir poser un décor, des personnages et une intrigue qui reste consistante sans toutefois déborder afin que l'envie de lire la suite perdure.

On ne va pas y aller par quatre chemins, j'ai beaucoup aimé ce premier tome. Je le trouve très correctement rythmé avec suffisamment de matière pour donner envie de lire la suite et du corps pour bien comprendre l'univers dans lequel il est ancré.

Pythagore est un ado, un vrai, avec ses complexes, ses envies (parfois plus ou moins avouables) et une identité propre. Ce n'est jamais évident à écrire les personnages d'adolescents, surtout lorsque le récit est à la première personne masculine et que l'auteure est une femme (l'inverse est tout aussi vrai). L'équilibre est délicat car le héros ne doit pas passer pour trop enfantin, voire idiot ce qui est un risque certain avec les adolescents, et en même temps il ne doit pas être trop mûr. Je déteste les récits où les adolescents ont l'air d'être des adultes de quarante ans. Si le contexte le justifie, une certaine dureté est bienvenue, ne me faite pas dire ce que je n'ai pas dit, certains adolescents ont eu une vie plus dure que bien des adultes mais globalement et à moins d'être dans une histoire tragique, un comportement très adulte a tendance à me faire lâcher le livre avant la fin parce que pour être honnête les ados ne sont pas les individus les plus matures de l'univers. Ici Pythagore est très bien rendu. On le sent jaloux, blessé, triste, excité, joyeux, paniqué, il est très concret comme si l'auteure s'était inspirée d'un vrai adolescent et son nom lui va comme un gant. J'avoue je trouvais ça un peu too much Pythagore mais finalement, non seulement c'est cohérent avec sa famille - scientifique et professeur de mathématique - et à la lecture c'est un prénom tout à fait agréable.

Foresta Erevan quant à elle ressemble beaucoup aux héroïnes actuelles de SF/dystopie. Elles sont belles, mystérieuses, fortes, courageuses etc etc. Malgré tout Foresta est un personnage très agréable et plutôt loin du cliché commun. Elle aussi bénéficie d'un contexte assez fort et l'esprit cliché ou superficiel du personnage que l'on pourrait redouter de prime abord, s'efface bien vite lorsque l'on apprend son secret. Sa maturité ainsi que la couleur de ses cheveux ou même son style vestimentaire trouvent une explication logique et intéressante lorsque l'on sait d'où elle vient. Pythagore s'en rend compte lui-même d'ailleurs, notamment au niveau de sa tenue!

De plus, elle est bien complétée par Louise, la meilleure amie de Pyth, qui est une bricoleuse acharnée, une touche à tout, une curieuse.
Pythagore nous répète plusieurs fois que Louise n'est pas une fille maquillage, vêtements etc. J'avoue que ce cliché de "Je ne suis pas une vraie fille" parce que je n'aime ni la mode ni le maquillage opposé à "je suis une vraie fille girly/rose/paillette/nunuche" m'agace. Je ne vois pas l'intérêt de mettre en opposition les deux...comme si on disait "je ne suis pas un vrai garçon je n'aime pas les voitures et le sport" et "je suis un mec superficiel et bas de plafond parce que j'adore le tunning". C'est faire rentrer les gens dans des cases bêtes en excluant tous ceux et celles qui ne correspondent pas à une définition étriquée. Cela dit....avant de m'accuser de râler, je précise qu'ici Marie-Lorna Vaconsin évite l'écueil car cette caractéristique nous aide simplement à imaginer Louise sans qu'il n'y ait de jugement de valeur de la part de Pythagore. Louise est un peu comme une sœur pour lui, leur relation est parfaitement platonique. D'ailleurs cette dernière n'est pas insensible aux charmes masculins ce qui mis bout à bout offre un personnage complexe aux multiples facettes! Et ça...j'adore évidemment.

J'ai beaucoup aimé aussi le fait que ça ne se passe pas à Paris mais en Bretagne et pas la Bretagne des cartes postales. C'est chouette de sortir du parisianisme littéraire et de voir qu'il y a une vie en dehors, notamment pour pas mal d'ados qui ont l'impression de vivre dans un bled paumé. L'ambiance au lycée de Pythagore ainsi que les élèves de sa classe de seconde sont très bien rendus. Il y a les différents groupes, les populaires, les fils et filles à papa, les coqueluches et les moins coqueluches et les gens qui se connaissent depuis la maternelle. Une jolie réussite pour la partie "terrestre" du roman.

Mais parlons peu parlons bien. L'univers de SF que Marie-Lorna Vaconsin met en place est une tuerie! Scientifique, géologique, un monde avec des lois physiques différentes des nôtres, un monde sous l'océan...bref j'ai adoré. Je ne pense pas que ça plaira à tout le monde car l'univers est très marqué cependant alors qu'on entend souvent dire que la SF et la Fantasy ne se renouvelle jamais, que les auteur•es et les maisons d'édition surfent sur des vagues de mode, on ne pourra pas dire que c'est le cas de Marie-Lorna Vaconsin et de la Belle colère. L'univers est définitivement original et terriblement personnel. J'ai vraiment hâte de lire la suite, le second tome ayant l'air d'être plus axé vers le monde de Foresta. Il reste plein de choses à découvrir, des personnages mystérieux que j'ai hâte de retrouver.

Pour conclure, ce premier tome était excellent et même si je pense qu'il ne séduira pas tous le monde, il a définitivement des atouts pour devenir une solide référence en SF pour ados et jeunes adultes. J'attends la suite avec impatience et je le recommande franchement.