mercredi 30 mars 2011

Les entretiens de Nuremberg - Leon Goldensohn


Nuremberg, janvier 1946. Alors que le monde entier a les yeux rivés sur cette ville symbole du IIIe Reich, où les procès des grands criminels de guerre nazis viennent de commencer, un psychiatre américain de trente-quatre ans, Leon Goldensohn, entreprend de consigner les entretiens qu'il mène, jour après jour, avec Hermann Göring, Hans Frank, Karl Dönitz, Alfred Rosenberg, Rudolf Höss et une vingtaine d'autres, accusés ou témoins aux procès. Antécédents familiaux, vie sexuelle, carrière dans le parti, relations avec Hitler et les dignitaires du régime, participation à l'extermination des Juifs : Goldensohn note méthodiquement ses questions et les réponses qui lui sont faites. Il y a l'aristocratique Ribbentrop, ministre des Affaires étrangères du Reich, qui dit sa fascination pour Hitler dans une cellule jonchée de détritus ; il y a Göring, qui accable les autres accusés de son mépris - des " lampistes " -, joue au mécène et au chef de guerre, détaillant son " code chevaleresque " ; il y a Julius Streicher, l'un des seuls dont l'intelligence soit jugée inférieure à la moyenne par les médecins, et ses délires. antisémites, teintés de pornographie ; il y a Höss, commandant d'Auschwitz entre 1941 et 1943, qui décrit froidement le mécanisme d'extermination, précisions à l'appui - il livre ainsi sans détour le chiffre de 2,5 millions de Juifs ayant péri dans ce seul camp... Jamais publié jusque-là, ce document constitue un témoignage extraordinaire sur la psychologie des nazis, et une pièce unique à verser aux archives du IIIe Reich.

Les récits de Goldensohn sont assez révélateurs de l'organisation nazie et de la personnalité de ces hommes. Le docteur Goldensohn est un psychiatre américain affecté au procès de Nuremberg et chargé d'interroger les accusés et les témoins. Avec l'aide d'un traducteur, il rendait visite tous les jours aux prisonniers et assistait aux audiences. Il ne s'agit pas ici des transcriptions des entretiens bruts, mais des notes (sûrement des extraits) du docteur dans lequel il retrace leur entretien et ajoute ses commentaires. Ainsi les interview sont épurées des détails inutiles et se concentrent sur les éléments véritablement révélateurs. L'exemple le plus frappant est sans nul doute celui de Göring qui tergiverse pendant de longues minutes. Il raconte son enfance, sa carrière de militaire mais n'aborde qu'avec réticence les sujets "déplaisants".

ACCUSES au procès de Nuremberg (interrogé par Goldensohn) et extrait des entretiens de Léon Goldensohn:

- Hermann Göring (1893-1946): Plus haut dignitaire nazi encore vivant après la mort d'Hitler, d'Himmler et de Goebbels. Dauphin du Führer jusqu'à ce qu'il soit désavoué, Göring était commandant en chef de l'armée de l'air (Luftwaffe), président du Reichstag, ministre du plan quadriennal et Premier ministre de Prusse. Reconnu coupable de conspiration criminelle, de crimes contre la paix, de crimes de guerre et de crimes contre l'Humanité, il fut reconnu coupable et condamné à mort. Avec plusieurs prisonniers, il protesta sur le fait d'être pendu. Deux heures avant son exécution, le 15 octobre 1946 il se suicida dans sa cellule.
L'entretien de Göring est particulièrement long. Léon Goldensohn a passé plusieurs journées avec Göring, il souffrait de rhumatisme à la jambe (tantôt réels, tantôt exagéré, Göring ne voulait pas entendre le témoignage de Baldur von Schirach). Göring est peu à l'aise avec les questions très personnelles (enfance, sexualité), il en parle peu et lorsqu'il en parle c'est avec une sorte de désintéressement. Si Göring ne dit jamais du mal d'Hitler,en revanche il accuse Himmler et Goebbels d'avoir tout manigancé: les camps, l'extermination des juifs etc. Lui n'était au courant de rien. Göring tenait auprès des autres accusés un discours d'unité ce que contredit Baldur von Schirach. Personnellement, je n'arrive pas à déterminer si Göring fait preuve d'une indéniable mauvaise foi ou s'il est intimement persuadé qu'il n'était au courant de rien?

- Rudolf Hess (1894-1987): Chef adjoint du parti nazi, numéro deux du régime et successeur désigné d'Hitler et membre du Conseil de la défense du Reich. Prisonnier en Angleterre depuis le 10 mai 1941, sa santé mentale a posé problème lors du procès, en effet il semble que Rudolf Hess soit devenu amnésique ou du moins qu'il n'avait plus toute sa tête. Reconnu coupable de conjuration criminelle et de crimes contre la paix, il fut condamné à la perpétuité. Malgré des appels à sa libération pour des raisons humanitaires, il demeura en prison jusqu'à sa mort par pendaison (suicide, meurtre?) dans sa cellule en 1987 à l'âge de 92 ans.
L'entretien de Rudolf Hess est réellement très court. D'après le contenu de l'entretien il semble raisonnable de penser qu'il n'était plus tout à fait lui même.

- Joachim von Ribbentrop (1893-1946): Ministre des affaires étrangères de 1938 à 1945. Reconnu coupable de complot criminel, de crimes contre la paix, de crimes de guerre et de crimes contre l'humanité. Il fut pendu le 16 octobre 1946.
Tout comme Göring, sa défense est basée sur le fait que "le tour prit par les évènements le stupéfiait". Il ne savait rien de ce qu'il se passait. Himmler et Goebbels devaient être les principaux instigateurs des crimes.

- Julius Streicher (1885-1946): (image de gauche) Fondateur et rédacteur en chef des journaux antisémites Der Stürmer et Gauleiter de Franconie. Il a organisé le boycott des commerçants juifs en 1933. Il ne participe plus au gouvernement nazi depuis 1939. Reconnu coupable de crimes contre l'humanité il fut pendu le 16 octobre 1946.
Julius Streicher est l'un des plus tordus que l'on puisse lire dans le livre de Léon Goldensohn. Si Göring et consorts sont écoeurants par leur pragmatisme, Julius Streicher est purement ignoble. Antisémite aux derniers degrés, ses assertions morbides et sexuelles dégoûtent le lecteur. Lui non plus ne semble pas avoir toute sa tête.

- Ernst Kaltenbrunner (1903- 1946): Officier de police autrichien, soutien actif du parti nazi et de l'annexion de l'Autriche par l'Allemagne en 1938. En 1943 il devient le chef de l'Office central de la Sécurité du Reich. Reconnu coupable il fut pendu le 16 octobre 1946.

- Alfred Rosenberg (1893-1946): Fidèle d'Hitler depuis la première heure, il fut le théoricien du nazisme et de la solution finale, rédacteur en chef du Völkisher Beobachter puis ministre des territoires occupés en 1941. Reconnu coupable il fut pendu le 16 octobre 1946.

- Hans Frank (1900-1946): Avocat personnel d'Hitler, il fut le gouverneur de la Pologne "le boucher de la Pologne". Reconnu coupable il fut pendu le 16 octobre 1946.

- Wilhelm Frick (1877-1946): Ministre de l'intérieur de 1933 à 1943 et dirigeant du protectorat de Bohème-Moravie. Auteur des lois antisémites de Nuremberg de 1935.

- Hjalmar Schachtt (1877-1970): PRésident de la Reichsbank jusqu'en 1939, ministre sans portefeuille jusqu'en 1943. Il fut reconnu non coupable à Nuremberg.

- Karl Dönitz (1891-1980): Commandant en chef de la Marine à partir de 1943. Successeur désigné par Hitler dans son testament. Il fut condamné à 10 ans de prison. A sa libération il se retira dans un petit village où il écrivit ses mémoires.
Karl Dönitz est assez peu différent des autres. Il plaide la non connaissance des actes de Himmler et de Goebbels, ce qui peut être vrai étant donné ses fonctions. Son discours est avant tout celui d'un militaire. Oui il a exécuté les ordres qu'on lui a donné mais non il n'a jamais laissé mourir des marins ennemis lors d'un naufrage.

- Walther Funk (1890-1960): Ministre de l'économie de 1937 à 1945. Il fut condamné à la prison à vie. Il fut libéré en 1957 pour raisons de santé.

- Albert Speer (1905-1981): Architecte de Hitler à partir de 1937, ministre des armements et de la Production de guerre de 1942 à 1945. Il fut reconnu coupable et condamné à 20 ans de prison. Il fut libéré en 1966.
entretien très court.

- Baldur Von Schirach (1907-1974): Chef des jeunesses hitlériennes, gouverneur de Vienne en 1940. Condamné à 20 ans de prison il fut libéré en 1966. Il s'installa dans le Sud-Ouest de l'Allemagne.

- Fritz Sauckel (1894-1946): Ministre plénipotentiaire pour la mobilisation de la main-d'oeuvre de 1942 à 1945. Reconnu coupable il fut pendu le 16 octobre 1946.

- Alfred Jodl (1890-1946): Chef d'Etat major des opérations du commandement suprême des Forces armés (OKW) de 1939 à 1945. Condamné à mort et pendu en 194§ il fut innocenté en 1953 à titre posthume.

- Franz von Papen (1879-1969): Chancelier en 1932, vice-chancelier en 1933-34, ambassadeur d'Autriche en 1936. Reconnu non coupable. Le tribunal de dénazification le reconnu coupable mais fut libéré en 1949.

- Constantin von Neurath (1873-1956): Ministre des affaires étrangères de 1932 à 1938. Il fut condamné à 15 ans de prison. Il fut libéré pour raisons de santé.

- Hans Fritzsche (1900-1953): Haut fonctionnaire au ministrèe de la propagande de Goebbels et chef de la division radio à partir de 1942. Acquitté à Nuremberg, il fut condamné par un tribunal de dénazification et libéré en 1950.

Léon Goldensohn a aussi interrogé les témoins du procès, relayé dans une seconde partie du livre. Un ouvrage fort et étonnant. A lire pour tous ceux que la seconde guerre mondiale intéresse.

samedi 26 mars 2011

Les chiens de Riga - série Kurt Wallander - Henning Mankell


Février 1991. Un canot pneumatique s'échoue à Mossbystrand, au large d'Ystad en Suède. Il contient les corps de deux hommes, torturés et exécutés d'une balle dans le cœur. L'origine du canot est rapidement établie : fabrication yougoslave, utilisé uniquement par les Soviétiques et leurs satellites. Les corps sont à leur tour identifiés : criminels lettons d'origine russe, liés à la mafia russe. Un officier de police de Riga est appelé en renfort à Ystad. Le commissaire Wallander se prend d'amitié pour l'étrange major Liepa et commence à entrevoir, à son contact, la complexité du monde où a été commis ce double meurtre. A peine rentré en Lettonie, le major Liepa est assassiné. A la demande des enquêteurs Wallander part pour Riga. C'est le début d'une aventure insensée où il va se trouver complètement démuni, privé de tout repère. Seule certitude : le major a été éliminé pour des raisons politiques. Quant à Wallander, il est manipulé. Par qui ? Par la veuve du major, la belle Baiba Liepa ? Par l'un ou l'autre des deux officiers de police chargés de l'enquête ?

Ecrit quelques mois à peine avant la chute du régime soviétique, ce second roman des aventures du policier suédois Kurt Wallander, tente de décrypter un monde incompréhensible pour les occidentaux. Car Kurt Wallander, policier suédois officiant dans une petite ville où la plupart du temps il s'agit de courir après un ivrogne, ne se doute pas qu'à seulement quelques kilomètres des côtes suédoises, les pays baltes vivent encore sous le contrôle de Moscou.
On retrouve avec plaisir Kurt Wallander, quarantenaire blasé et en perpétuelle remise en question ainsi que ses collègues du poste de police d'Ystad.

L'histoire est intéressante car elle mêle à une histoire policière les détails d'un monde aujourd'hui disparu et difficilement appréhendable pour toute une génération née post-URSS. Les descriptions de Riga sont fascinantes par le réalisme qui s'en dégage. Un monde gris, un manque cruel de denrées de tout type, des habitations presque communautaires et l'approche de la fin d'un monde, un basculement irréversible que Wallander n'arrive pas à comprendre. La peur est insidieuse, comme les chiens de Riga, la meute qui suit toujours le policier étranger.

Les personnages sont bien campés mais surtout mystérieux. A qui Kurt Wallander peut-il faire confiance? Pourquoi l'enquête sur le meurtre du Major Liepa a-t-elle été bâclée? Que veut-on lui cacher? Dans ce monde où les voies parallèles sont reines, Kurt Wallander trouvera-t-il une réponse à ses questions?

Henning Mankell nous gratifie là d'un bon roman policier. Néanmoins, tout comme le premier volume de la série des Kurt Wallander (que j'avoue ne pas avoir terminé), le roman démarre bien. Rythmé, posé et intriguant, le lecteur souhaite en savoir plus. Soudain, le calme plat s'installe. L'action s'éternise sans que l'on sache pourquoi et l'intérêt n'est plus aussi mordant, jusqu'au dénouement (10 pages avant la fin) assez peu original en fin de compte pour ce roman. On se demande même comment Kurt Wallander n'a-t-il pas pu voir la solution avant d'avoir le nez dessus.

Cependant ne désespérons pas. Comme de nombreuses séries et le vin, l'écriture se bonifie avec le temps et je suis sûre qu'Henning Mankell ne cesse de s'améliorer avec les autres tomes de la série Kurt Wallander.

dimanche 20 mars 2011

Partenariat Blog-o-Book - Dimanche à 15h - 20.03.11


Voici le livre pour lequel j'ai été choisi aujourd'hui, premier dimanche de printemps: le jardin d'Hadji Baba d'Isabelle Delloye aux éditions Eho.

http://www.blog-o-book.com/attributions-du-20-mars

samedi 19 mars 2011

La fée carabine - Daniel Pennac


COUP DE COEUR DE PERSEPHONE

Si les vieilles dames se mettent à buter les jeunots, si les doyens du troisième âge se shootent comme des collégiens, si les commissaires divisionnaires enseignent le vol à la tire à leurs petits-enfants, et si on prétend que tout ça c'est ma faute, moi, je pose la question : où va-t-on ? " Ainsi s'interroge Benjamin Malaussène, bouc émissaire professionnel, payé pour endosser nos erreurs à tous, frère de famille élevant les innombrables enfants de sa mère, coeur extensible abritant chez lui les vieillards les plus drogués de la capitale, amant fidèle, ami infaillible, maître affectueux d'un chien épileptique, Benjamin Malaussène, l'innocence même (" l'innocence m'aime ") et pourtant... pourtant, le coupable idéal pour tous les flics de la capitale.

Comment parler de mon amour pour Daniel Pennac et sa série des Benjamin Malaussène? Parce que la fée carabine est le second volume des aventures de Benjamin Malaussène et de sa tribu et que bien sûre je ne prends pas les choses par le début (et oui, les Malaussène sont entrés dans ma vie il y a plusieurs années, au Brésil exactement, cela tombe bien lorsqu'on parle de Pennac!) je vais vous présenter un peu la quincaillerie de Belleville.

La série des Malaussène c'est une sage littéraire HORS NORME, terrible quoi, qui met en scène une tribu étrange qui n'a aucun rapport avec Nice (allez savoir pourquoi...):
Le premier volume de la série s'appelle Au bonheur des Ogres (1985) et nous présente Benjamin Malaussène, Bouc émissaire de profession (si si), chef d'une tribu nombreuse, sa mère ayant tendance à faire des enfants un peu partout:
- Benjamin Malaussène et aîné de la tribu qui raconte des histoires le soir, alors que les yeux sont éteints et les charentaises dans le vide.
- Louna Malaussène: soeur de Benjamin et mariée au docteur Laurent
- Thérèse Malaussène: soeur de Benjamin elle est droite et sèche comme la justice, voit l'avenir mais redonne confiance aux petits vieux
- Clara Malaussène: soeur préférée de Benjamin c'est une photographe née. La plus belle et la plus douce des Malaussène.
- Jeremy: Frère intrépide et un rien brigand, il est toujours fourré dans de sales combines! Il a également la fâcheuse manie ne nommer ses petits frères et soeurs qui viennent après lui.
- Le petit: petit frère de benjamin, il a des lunettes roses, croit au mamies qui transforment les types en fleurs et fait des cauchemars qui se réalisent.
- Julie Corrençon: journaliste baroudeuse, amoureuse de Benjamin son "porte-avion qui la prend en ses eaux"
- Van Thian: inspecteur de police qui se déguise en veuve vietnamienne pour coincer un égorgeur de vieille dame (La fée carabine)
- Inspecteur Pastor: jeune inspecteur à la méthode infaillible pour faire avouer les criminels (la fée carabine)
- Gervaise Thian: fille de Van Thian, elle est nonne et s'occupe de prostituées (Monsieur Malaussène)
Il y a encore beaucoup d'autres personnages mais cela gâcherait le suspens de tout dévoiler ici.

Après Le bonheur des ogres, nous retrouvons, La fée carabine (1987), la Petite marchande de prose (1989), Monsieur Malaussène (1995), des chrétiens et des maures (1996), Aux fruits de la passion (1999) et Appelez-moi Malaussène (2000) de Jérome Charyn qui avait déjà collaboré avec Pennac pour Des chrétiens et des maures.

La tribu Malaussène c'est du rire, du rire en cascade et en continu. Le langage est cru, peu châtié et infiniment drôle. Daniel Pennac nous plonge dans le Belleville de la fin des années 90 avec son panache multicolore et son côté unique.
Benjamin Malaussène est né pour être Bouc émissaire c'est à dire pour être tenu responsable de tout et de rien et pour s'en excuser en chialant! Sa tribu c'est son oxygène et les mômes Malaussène tous plus barrés les uns que les autres donnent à la série ses lettres de noblesse.
C'est du vivant, du vécut avec une oralité dans le ton et un vrai lyrisme qui vous laisse sans voix quand il ne vous fait pas éclater de rire.

Citations:

- Il n'était plus qu'à un pas d'elle, à présent, tout amour, et c'est alors qu'elle se retourna. D'une pièce. Bras tendu vers lui. Comme le désignant du doigt. Sauf qu'en lieu et place de l'index, la vieille dame brandissait un P.38 d'époque, celui des allemands, une arme qui a traversé le siècle sans se démoder d'un poil, une antiquité toujours moderne, un outil traditionnellement tueur, à l'orifice hypnotique. Et elle pressa sur la détente. Toutes les idées du blondinet s'éparpillèrent. Cela fit une jolie fleur dans le ciel d'hiver.

- C'est ça la vie; il y a les connus et les inconnus. Les connus tiennent à se faire reconnaître, les inconnus aimeraient le rester, et ça foire.

- Ecrire l'Histoire, c'est foutre la pagaille dans la Géographie

- Il s'est mangé une bastos. Paix à son âme.

- Les guerres sont comme des feux de broussailles, si on n'y prend garde, elles se mondialisent

- Mais d'où tiens-tu que les malheurs prévus sont plus supportables que les autres?

mercredi 16 mars 2011

Comment devenir guerrier Massaï - Eric Gilberh


Avoir cinquante ans, ça change tout. Quarante-neuf, passe encore, mais cinquante… À cet âge, la vie devient une chose étrange : on se souvient de ce que l'on aurait aimé accomplir, de celui qu'on aurait aimé devenir. Gabriel Poussin, lui, a quarante-neuf ans, onze mois et trente jours. Entre fiasco professionnel, routine de couple et sentiment d'échec général, il décide du jour au lendemain de tout plaquer. Sa femme, son chalet en bord de Seine, ses bouteilles de vin et ses chats. Et c'est en compagnie du plus improbable des compagnons qu'il va prendre le chemin de ce qu'il s'imagine être la Liberté.

Le roman d'Eric Gilberh est un roman d'initiation assez inattendu car fait à l'envers. Il ne s'agit pas ici d'un jeune homme à la Stendhal, tel Fabrice del Dongo qui part cheveux au vent faire son éducation sur un champ de bataille napoléonien. L'homme en question a cinquante ans, des bajoues qui tombent, une bedaine, une franche addiction pour tout ce qui est rouge et vient de Bourgogne. Pourtant, lui aussi va faire son apprentissage de la vie en l'espace de quelques jours.

Le roman pourrait être divisé en deux parties. La première hilarante par le ton employé, décrit l'état des lieux de la vie de Gabriel Poussin. Sa maison, sa femme, son boulot, son meilleur ami, sa fille autant de problème pour Gabriel Poussin qui reste accroché à sa Volvo, sa cave à vin et France Info.
Le ton est cru, souvent oral mais sincère. C'est un homme déprimé qui s'enlise dans une vie pépère que ne le satisfait plus. Ses grands crus et les informations douillettes de la radio sont autant d'éléments rassurants pour lui.
Et puis débarque son meilleur ami, Jean-Antoine, le désastre de son adolescence, de sa vie d'adulte. La coupe est pleine, une nouvelle vie l'attend et lorsqu'il se découvre un compagnon de voyage c'est décidé, il partira au Kenya, devenir guerrier massaï.

La seconde partie est radicalement différente. Comment nous avons glissé de la première à la seconde je ne saurais le dire, mais l'atmosphère a changé irrémédiablement. Car ce "héros" est stupide car impulsif, il agit sans réfléchir et cela le met dans des situations difficiles et passablement ridicule. Mais là, la décision de partir au Kenya parait extrêmement censée et bien venue. Une belle aventure humaine, puissante. Comment aller jusqu'au bout de soi, pourquoi?
Un amour impulsif s'empare de Gabriel Poussin. Il doit aller jusqu'au bout, se transcender lui-même pour ne plus avoir peur. Finalement, il y a des choses plus importantes que passer un demi siècle.

Les personnages sont très agréables, si Gabriel est finalement très attachant par son impulsivité, Henriette et Jean-Antoine sont moins fascinants. Les deux tourtereaux rencontrés dans son périple sont adorables. Fraîcheur et inventivité ils sont une nouvelle source de vie pour Gabriel.

Un roman d'initiation drôle et émouvant. S'il commence dans un éclat de rire il s'achève sur une sensation poignante d'entrailles tourneboulés et coeur chamboulé. De temps en temps cela fait du bien et s'avère nécessaire. Devenir guerrier Massaï n'est pas à la portée de tout le monde.

mardi 15 mars 2011

Le cortège de la mort - Elizabeth George


Depuis le meurtre de son épouse, l'inspecteur Thomas Lynley n'a pu se résoudre à reprendre son poste à Scotland Yard. Lorsqu'une femme est retrouvée égorgée dans un cimetière londonien, sa remplaçante, Isabelle Ardery, y voit l'occasion rêvée de résoudre une affaire criminelle qui pourrait donner de l'élan à sa carrière. Mais, loin de faire l'unanimité au sein de son équipe, elle comprend qu'il lui sera difficile de parvenir à ses fins sans l'aide du très respecté Lynley, qu'elle appelle en renfort.

Elizabeth George, "Queen Elizabeth", nous offre avec le seizième volume des aventures de l'inspecteur Thomas Lynley, un ouvrage particulièrement abouti. Il faut préciser que le livre fait 650 pages, ce qui est primordiale. Le cortège de la mort est un des polars les plus complets que j'ai eu l'occasion de lire. Particulièrement bien développer, le lecteur a l'impression de suivre une véritable enquête policière dans tous ses balbutiements, ses thèses multiples, les difficultés personnelles des protagonistes, leurs relations entre eux et avec la hiérarchie.

L'histoire est complexe de par les thèses multiples envisagées et la personnalité étrange de certains protagonistes. Comme d'habitude, trouver le meurtrier s'avère en réalité simple, c'est celui qui ment. Malheureusement, il/elle se retrouve protégé car les autres autour de lui mentent pour protéger leurs petits secrets.

L'histoire s'ouvre sur un rapport, tapé à la machine à écrire, sur le meurtre d'un petit garçon John Dresser perpétrer par 3 gamins de 10 et 11 ans: Michael Spargo, Reggie Arnold et Ian Barker. Les extraits de ce rapport sont disséminés partout dans le roman. Bien sûr il y a un rapport avec l'énigme qui nous occupe, quoiqu'indirectement car nous ne tardons pas à deviner pourquoi ce rapport émaille le récit.

De même, l'histoire prend son temps, elle se développe et grandi comme un embryon. Le meurtre n'est pas exactement le début du récit mais on le pressent, il est là tapie et inévitable. L'énigme est ultra réaliste, les motivations ne sont jamais spectaculaires, les êtres humains ressemblent de près à ce qu'ils sont en vrais.

Les personnages sont parfaitement campés, humains dans toutes leurs faiblesses et leur force.
La commissaire intérimaire Ardery est une femme ambitieuse et divorcée, privée de ses enfants par son mari. elle boit, quelques mignonnettes de vodka à l'occasion pour se donner du courage, se maîtriser. Elle n'est pas le cliché du policier alcoolique, d'ailleurs elle résiste le plus souvent à la tentation, il s'agit juste d'une femme blessée.
L'inspecteur Thomas Lynley est une pure merveille. Aristocrate anglais tout à fait crédible, il ressemble à un sherlock Holmes (racé et éduqué) en agréable. Distingué c'est aussi un policier correct: pas de génie infaillible ici, juste un bon travail de police.
La réalité prime sur le spectaculaire dans ce thriller inquiétant qui se passe dans le Londres moderne.

Les inspecteurs de la Met possèdent chacun leurs qualités propres et leur passé. De l'ancien membre de gang à la policière brillante mais négligée, ils pimentent l'histoire par leur caractère.
Meredith Powell, la mère célibataire et amie endeuillée, Robert Hasting, le frère persuadé de sa laideur et qui se demande sans cesse pourquoi il n'a pas compris sa soeur. Gordon Jossie, le mystérieux chaumier, Gina Dickens la pétillante et sublime créature fraîchement arrivée à la New Forest (Hampshire).

Un thriller passionnant, complexe mais réussi pour la "Reine du polar américain".

mardi 8 mars 2011

Partenariat Blog-o-Book - Dimanche à 15h - 06.03.11




Oyez Oyez!


Je participe ce mois -ci au partenariat de Blog-o-book dans le cadre des "dimanche à 15h". Blog-o-book bénéficie de plusieurs partenariats avec différentes maisons d'éditions qui proposent des livres.
Il suffit juste d'être un bloggeur littéraire (ou à majorité littéraire) et publier régulièrement des articles pour s'inscrire. Vous choisissez un livre qui vous intéresse (ou plusieurs par ordre de préférence), si vous êtes choisi la maison d'édition vous l'envoie et votre seule obligation est d'en faire une critique dans le mois qui suit.
On ne peut participer que deux fois par mois (sauf si le dimanche soir à 20h il n'y a pas assez de participants) et ne pas être en retard dans les critiques.

Cette semaine j'ai été choisi pour lire: Comment devenir guerrier Massaï d'Eric Gilberh aux éditions Arhsens.

http://www.blog-o-book.com/attributions-du-060311

Murder on the Orient Express - Hercule Poirot - 2010


COUP DE COEUR DE PERSEPHONE

Alors qu'il rentre de mission et compte s'arrêter quelques jours à Istanbul, Hercule Poirot est rappelé d'urgence à Londres. On est en hiver et à cette époque de l'année, l'Orient Express roule habituellement quasiment à vide. Pourtant, sans l'aide du directeur de la compagnie, Hercule Poirot n'aurait pas trouvé de place à bord, comme si tous les voyageurs s'étaient donné rendez-vous dans ce train ! Dès la première nuit, un homme est assassiné. Le train est immobilisé par la neige qui empêche l'assassin de s'enfuir. Dans les wagons isolés du reste du monde, Hercule Poirot, au sommet de son art, mène l'enquête. Et ce ne sont pas les pistes qui manquent !

CASTING

David Suchet..................................................Hercule Poirot
Tristan Sherpherd...........................................Lieutenant Morris
Sam Crane......................................................Lieutenant Blanchflower
Toby Jones.....................................................Samuel Ratchett/Cassetti
Brian J. Smith.................................................Hector MacQueen
David Morrissey............................................John Arbuthnot (superbe Colonel Brandon dans Sense & Sensibility)
Jessica Chastain..............................................Mary Debenham
Serge Hazanavicius........................................Xavier Bouc
Eileen Atkins.................................................Princess Dragomiroff ( Robin Hood, Miss Marple, Gosford Park)
Susanne Lothar...............................................Hildegarde Schmidt
Denis Menochet..............................................Pierre Michel
Barbara Hershey.............................................Caroline Hubbard
Hugh Bonneville.............................................Edward Masterman (Downton abbey)
Marie-Josée Croze...........................................Greta Ohlsson (Française!)
Stanley Weber.................................................Count Andrenyi
Elena Satine.....................................................Countess Andrenyi
Joseph Mawle..................................................Antonio Foscarelli
Samuel West....................................................Dr. Constantine

Je suis encore sous le charme de cette sublime version du Crime de l'Orient Express. Et pourtant...il en existe des versions de ce roman ultra-célèbre d'Agatha Christie. Mais celle-ci se démarque des autres dès les premières mesures. La mission qui a conduit Poirot en Palestine a laissé des traces sur l'inébranlable détective qui se sent irrémédiablement usé et abusé par l'espèce humaine. Sans jamais rien dire de ce trouble, David Suchet fait passer cette lassitude par de minuscules gestes et postures. Les déambulations du héros dans les rues d'Istanbul alors qu'il est témoin d'une lapidation (Avis aux spectateurs sensibles, le premier quart d'heure est assez difficile) donne le ton. Rien ne sera gai dans l'Orient express, ni la compagnie, ni la neige, ni le froid, ni le meurtre. Car pour sordide qu'il soit, il n'en est pas moins le meurtre d'un meurtrier, assassin de plusieurs foyers et de la petite Daisy Armstrong.


Le roman d'Agatha Christie est parfaitement respecté dans les faits et pourtant la réalisation se permet des libertés d'interprétations qui offrent un vrai relief à cette adaptation et une réflexion sur la justice, le bien et le mal.

Cet Hercule Poirot est donc irrémédiablement sombre. Sombre dans les personnages, tous plus mystérieux et menteurs les uns que les autres, sombre dans l'atmosphère, cette neige d'une blancheur oppressante et enfin sombre dans les décors, reproduction fidèle du vrai Orient express (cf. pub Chanel - Audrey Tautou).

La religion a également une place très importante ici. Le catholicisme de Poirot est mis en balance avec l'évangélisme de Greta Ohlsson (joué par Marie-José Croze que je n'ai pas du tout reconnue! Elle change sa voix, prend un accent nordique...assez impressionnant). On voit Poirot prier, discuter religion avec les passager et surtout débattre de la justice.

Car oui, le sujet de Murder on the Orient Express est la justice. Qu'est-ce que la justice? Doit-on la placer au dessus de tout comme le fait Hercule Poirot? Lorsque la justice nous est refusé, sommes-nous alors en droit de la rendre nous-même? La vengeance est-elle une forme de justice? Cet Hercule Poirot m'a surprise par la profondeur de la réflexion qu'il apporte, car Poirot ne laisse pas filer le coupable si facilement, avec une gentille absolution. La passion intérieure de Poirot entre en conflit et l'on sent deux sentiments antagonistes se bousculer en lui.


J'ai été particulièrement impressionnée par la fin du film et notamment les dernières minutes. Car Poirot pleure, il pleure sur la justice bafouée deux fois, car s'il comprend les sentiments humains, il pleure de voir cette grande dame violée par une bestialité humaine. Il pleure aussi sur lui-même. On sent Poirot usé dans cette version. Moins caricatural que d'habitude, David Suchet donne de la profondeur au héros qu'il a porté pendant vingt-ans. C'est un voyage en lui-même qu'entreprend Poirot, dans son hypocrisie et celle des autres.

For Suchet, the physical hardships and the moral dilemmas his character has to face make this tale “an investigation into Poirot, a journey into his own deepest self”. He says continuing to make these dramas is “serious fun” and still has a fierce dedication to his character. Before starting filming, he always sits down with his wife and watches “12, 15 hours” of previous Poirots.

Now just six books remain to be filmed, including Christie’s 1975 novel Curtain, which tells of Poirot’s own demise. Scripts are being developed for further adaptations, the first of which will be Dead Man’s Folly.

“I won’t have closure – that horrible word – until we film his death,” says Suchet. “After that I’ll probably be in Styles myself [the old people’s home where Poirot ends his days], watching all the reruns…”

Extrait d'une interview de David Suchet: http://i.telegraph.co.uk


Comme toujours le casting est impeccable - Dame Eileen Atkins, David Morrissey, Hugh Bonneville tous sont impeccables, profonds, durs ou touchants à leur façon. J'aime particulièrement la vivacité de David Morrissey qui s'illustre une fois encore en Colonel des armées britanniques, énergique et volontaire mais aussi Hugh Bonneville qui a un rôle très profond ici, assez différent de ceux que j'ai pu voir auparavant. Nul besoin de dire combien David Suchet est excellent, j'adore littéralement la résolution de l'énigme qui au lieu de se faire de façon tonitruante (comme dans le Train Bleu par exemple pour une situation similaire) se faire en chuchotant, comme si Poirot allait paisiblement s'endormir, épuisé par le crime.


La diversité des langues est aussi très appréciable pour ceux qui verront la version originale, les français et les belges sont joués par de vrais acteurs du cru, et plusieurs phrases sont dites en français/belge ou en allemand.
La photographie est impeccable et renforce une réalisation bien maîtrisée. Un des meilleurs Hercule Poirot jamais réalisé.

lundi 7 mars 2011

Sad Cypress - Poirot - TV serie (2003)

Une vieille dame richissime et sa demoiselle de compagnie assassinées, un amour malheureux et une lettre anonyme... Telles sont les données qui vont amener Elinor Carlisle, nièce de Mrs Wedman, devant le tribunal qui l'accuse de meurtre. Une accusation qu'elle semble ne pas chercher à repousser... Hercule Poirot observe. Et s'interroge sur les autres figures de l'entourage de Laura Wedman : l'infirmière O'Brien, qui fait du thé toutes les deux heures ; l'infirmière Hopkins, autoritaire, aux allures de bourgeoise ; Roddy, le dandy séduisant et léger ; le bon et réconfortant Dr Lord... Il faudra toute la sagacité du petit détective à moustaches pour comprendre comment on peut assassiner en ayant désigné à l'avance le suspect idéal.

CASTING

David Suchet..................................................Hercule Poirot
Elisabeth Dermot Walsh.................................Elinor Carlisle
Rupert Penry-Jones.........................................Roddy Winter
Kelly Reilly.....................................................Mary Gerrard
Paul McGann..................................................Dr. Peter Lord
Phyllis Logan..................................................Nurse Hopkins
Marion O'Dwyer.............................................Nurse O'Brien
Diana Quick....................................................Mrs Welman
Stuart Laing.....................................................Ted Horlick
Jack Galloway.................................................Marsden
Geoffrey Beevers.............................................Seddon
Alistair Findlay.................................................Prosecuting Counsel
Linda Spurrier..................................................Mrs. Bishop
Timothy Carlton...............................................Judge


L'épisode s'ouvre sur le procès d'Elinor Carlisle. L'ambiance est froide, l'image est bleutée et renvoie à la beauté glaciale de l'accusée, impassible face aux accusations du juge. Elle balaye la salle du regard, et pense à Poirot, ce qu'il doit penser d'elle.
Le film nous emmène alors dans un long flashback jusqu'à l'arrestation d'Elinor. La tension est palpable tout au long du film, que ce soit avant les meurtres, car on sait qu'ils vont arriver, mais aussi après les meurtres car on ne veut pas croire à la culpabilité d'Elinor et pourtant....tout, tout l'accable. Le mobile et l'opportunité sont réunis et pire que tout, Hercule Poirot ne croit pas en l'innocence d'Elinor.
Pourtant le spectateur veut y croire car il faut avouer que cette pauvre Elinor n'a pas eu de chance, pire que tout, sa rivale Mary Gerrard n'est même pas une peste, au contraire c'est une jeune fille charmante et presque parfaite.


Kelly Reilly est sublime comme d'habitude et même si le personnage de Mary Gerrard est potentiellement irritant, sa perfection est assez horripilante surtout du point de vue d'Elinor Carlisle, Kelly Reilly apporte une douceur au personnage qui fait qu'on a envie de lui pardonner. Le contraste est presque flagrant avec l'autre actrice Elisabeth Dermot Walsh. Alors que la première est d'une fraîcheur délicate (teint clair naturel, lèvres roses et cheveux blonds-roux légèrement bouclés), la seconde est d'une pâleur mortelle, aux traits plus durs et à la bouche rouge violente (d'où l'importance d'un bon maquillage au cinéma).

Les autres acteurs sont crédibles eux aussi, même si je les ai trouvé très énervants de présumer qu'Elinor était forcément une tueuse implacable. La réjouissance de Nurse O'Brien lorsqu'elle apprend qu'Elinor va être pendue est tout simplement glaçant. Heureusement Hercule Poirot veille au grain.

David Suchet est impeccable comme toujours, crédible et délicat, le parfait Poirot.

Une superbe adaptation (même si je n'ai pas lu Sad Cypress, je ne peux donc juger de la qualité de l'adaptation littéraire du roman).

Images (3 et 4): sweet sunday mornings