vendredi 31 octobre 2014

Vous parler de ça - Laurie Halse Anderson


ROMAN COUP DE POING!!!

Présentation de l'éditeur: Melinda Sordino ne trouve plus les mots. Ou plus exactement, ils s'étranglent avant d'atteindre ses lèvres. Sa gorge se visse dans l'étau d'un secret et il ne lui reste que ces pages pour vous parler de ça. Se coupant du monde, elle se voit repoussé progressivement par les élèves, les professeurs, ses amis et même ses parents. Elle fait l'expérience intime de la plus grande des injustices: devenir un paria parce que ceux dont elle aurait trop besoin pensent que le mal-être, c'est trop compliqué, contagieux, pas fun. Melinda va livrer une longue et courageuse bataille, contre la peur, le rejet, contre elle-même et le monstre qui rôde dans les couloirs du lycée. 

Premièrement, ne cherchez pas à en savoir plus sur l'intrigue de ce livre. Même si on devine assez rapidement le problème dont souffre Melinda et l'expérience traumatisante qu'elle a vécu, le savoir avant que les mots lui viennent, est un peu comme lui manquer de respect. Il faut laisser au roman le soin de se dérouler, de se dévoiler lentement, de la même façon que Melinda nous dévoile peu à peu son mal-être et les angoisses qui la ronge. 

Le roman de Laurie Halse Anderson, qui n'est pas une nouveauté il est sorti aux États-Unis il y a un moment maintenant, est la troisième publication des éditions de La belle colère et je dois admettre que cette maison d'édition a des bollocks grosses comme ça! (si si). Après Dieu me déteste sur des adolescents en phase terminale de cancer (qui n'a rien à voir avec Nos étoiles contraires) et le plus léger La ballade d'Hester Day sur le passage de l'adolescence à l'âge adulte, ce troisième opus est un coup de boule in da face!

Non parce que tout de même, s'enquiller dans la même année, les adolescents mourants et le traumatisme de Melinda, c'est un défi qui n'était pas le plus simple à relever. Dans sa forme, comme pour les romans précédents, ce livre penche nettement du côté adolescent de la littérature: une narration à la première personne agrémentée parfois de formes orales, une héroïne de 16 ans et un cadre lycéen très fort. Cependant, ce serait une erreur de le cantonner uniquement aux adolescents et jeunes adultes car il traite d'un problème autrement plus grave qui mérite d'être abordé par tous. Rien à voir ici avec un "simple" mal-être adolescent mais d'un problème hautement plus grave qui mérite l'attention de tous. [Je mets "simple" entre guillemets, vous comprendrez bien que je différencie ce qui peut être lié à l'adolescence comme l'éveil de la sexualité par exemple de ce qui n'est pas lié, comme ce qui est arrivé à Melinda]. D'ailleurs, la somatisation de l'évènement par la perte progressive de la parole est à la fois très symptomatique du problème de Melinda qui n'arrive pas à dire, à extérioriser ce qu'elle a vécu mais également une excellente trouvaille littéraire car l'écrit redonne sa voix à Melinda. 

Sans jamais être pathétique ni caricatural - et je remercie infiniment La belle colère pour le choix toujours aussi judicieux de ses textes - nous assistons à la descente aux Enfers de cette adolescente, mise au banc de la société qu'elle fréquente, jusqu'à ses propres parents. Personne ne semble comprendre sa soudaine prise de poids, son mutisme ni le décrochage scolaire dont elle souffre...jusqu'à ce que...quelques mains se tendent et que la parole enfin se libère. 

Vous parler de ça est non seulement un récit sur un crime qu'il faut réussir à bannir et à condamner mais aussi un sublime parcours initiatique qui redonne la voix à celles et ceux qui l'on perdu. J'ai compris dès les premières pages ce qui était arrivé à Melinda mais ça ne m'a pas empêchée d'être à la fois horrifiée par la situation et sincèrement émue par le dénouement - de la parole et de l'intrigue. 

On ne peut pas ne pas être du côté de Melinda car elle nous apparait dans toute sa vérité. C'est l'indéniable avantage du lecteur sur le reste des protagonistes de cette intrigue: nous savons, nous ne pouvons remettre le malaise et les terreurs de cette jeune fille en doute et nous ne pouvons pas nous taire. Laurie Halse Anderson nous offre un roman poignant et d'une force énorme sous des apparences très modeste. Même si vous sortez secoués de cette lecture, vous vous apercevrez qu'on en retire beaucoup. 

UN MUST READ.

mercredi 29 octobre 2014

Le prodigieux destin de Peter - Maëlle Fierpied


COUP DE CŒUR DE PERSEPHONE

Présentation de l'éditeur: Mesdames et messieurs, laissez-moi vous conter l’histoire de Peter, l’ange du cirque des Merveilles. Est-il homme ou oiseau ? Nul ne le sait. Toujours est-il qu’il vit aujourd’hui parmi nous, le garçon aux ailes de plumes et aux rêves d’altitude. Laissez-vous envoûter par la magie de son ballet aérien, envolez-vous à ses côtés le temps d’une représentation…
Lorsque Peter Petons prend son envol sous le chapiteau du cirque des Merveilles, nul ne peut imaginer que le garçon aux longues ailes déployées a longtemps été un vilain petit canard.
Bébé, il est né fragile, jugé simplet par les médecins. Plus âgé, quand son dos s’est déformé, quand deux moignons d’ailes ont poussé, on l’a surnommé Peter Poulet !
Que s’était-il passé ? La chose est difficile à raconter. Tout a commencé par l’explosion d’une chaudière dans une usine de fabrication de pantoufles, lorsque Peter a été recouvert de pâte polyductimère…

Quand on s'appelle Fierpied, que son héros s'appelle Petons et qu'il vit dans l'usine à pantoufle, ce n'est plus de la coïncidence, c'est la destinée! 
C'est avec beaucoup de poésie et une grande tendresse que Maëlle Fierpied nous raconte l'histoire de Peter un petit garçon très simple qui à la suite d'un incident spectaculaire va devenir un être exceptionnel. 
Dans ce texte on retrouve tout ce qui fait la douceur des romans médium de l'école des loisirs: une histoire choupinoupinette remplie de personnages tous plus attachants les uns que les autres, tous plus loufoques les uns que les autres également, un récit haut en couleur qui nous emporte véritablement dans un monde coloré et imaginaire. 

La réussite du texte de Maëlle Fierpied tient tout d'abord à sa très jolie écriture. Dès les premières pages elle arrive sans aucune difficulté à créer une ambiance propre à son récit et qui ne nous lâchera pas de toute la lecture. On sent immédiatement que nous sommes dans un livre doudou, propre à devenir ce genre de récit qu'on ne veut plus quitter parce qu'il nous fait du bien et qu'il nous raconte de jolies choses impossibles. Je suis souvent la première à dire que je m'attache moins au style qu'à l'intrigue - et d'une manière générale c'est vrai, sauf lorsque l'ensemble est écrit à la truelle, know your limits - ceci dit, il est très important que l'écriture dégage un petit plus, nécessaire à nous immerger dans le roman de façon rapide et agréable. Pari réussi pour Maëlle Fierpied qui y parvient sans peine. Ce fut un vrai bonheur de lire ses lignes et de se laisser porter au gré des mots.

Comme je le disais, les personnages sont très attachants et un peu loufoques et c'est une excellente chose. Bien que sur un modèle semblable - on sent une grande cohérence entre les personnages du roman - ils n'en restent pas moins uniques, bien distincts les uns des autres avec leurs petites particularités. Les époux Pantoufles sont adorables et gentiment allumés, comme le docteur qui s'occupe de notre ami Peter. Les gens du cirques et notamment les personnages d'enfants sont écrits de façon très juste. Peter Petons est d'ailleurs très intéressant car on ne commence à s'intéresser véritablement à lui et à le comprendre qu'à partir du moment où il se transforme. C'est une transition très bien menée, tout en douceur à l'image de son personnage. Peter est un petit garçon avec des rêves plein la tête, des envies de voler fascinantes et beaucoup d'imagination. C'est un régal de suivre son parcours. 

D'ailleurs en parlant de son parcours, cette transition assez inattendue vers le cirque était une excellente idée! Il y a dans ce cirque une ambiance années 20 tout à fait charmante, un peu surannée qui fait encore rêver les petits et les grands. Pour être honnête, j'adore j'adore j'adore le cirque. Voir les animaux, les voltigeurs, les jongleurs, les acrobates et les clowns ça me fascine, j'adore ça! Je ne pouvais qu'être ravie de constater que la seconde partie de l'intrigue se déplaçait vers un univers que j'affectionne tout particulièrement. J'ai littéralement fondu pour l'ambiance du cirque et ses habitants! Voila pourquoi je pense que Le prodigieux destin de Peter est un livre absolument doudou qui vous met des étoiles plein les yeux. Cette partie est clairement ma préférée et jétais ravie de ce que l'auteure en a fait! 

Si je devais formuler une critique c'est que l'ensemble manque un peu d'enjeu, un méchant apparaît brièvement dans le dernier tiers du roman mais il n'a pas le temps de s'installer comme véritable menace. Du coup, certains pourraient trouver que l'intrigue est finalement simpliste mais personnellement, ça ne m'a pas dérangée. J'ai aimé lire pour une fois une histoire simple mais bien écrite, avec une ambiance câline et des personnages que j'aimerai retrouver par la suite.

En bref, Le prodigieux destin de Peter, est un roman doudou qu'il faut découvrir! Si vous aimez les romans de Malika Ferdjoukh et ceux de Marie-Aude Murail, je pense que vous ne pourrez pas passer à côté de la poésie de Maëlle Fierpied et de Peter Petons!

Le Club de la pluie brave les tempêtes - Malika Ferdjoukh


Présentation de l'éditeur: C’est la fin des vacances d’hiver à Saint-Malo, et voilà un moment que le Club de la Pluie n’a pas eu une énigme à se mettre sous la dent. Mais lorsque Jeanne Eyrmont, la filleule de la directrice, débarque à l’internat des Pierres-Noires, elle semble apeurée, comme si elle avait vu des fantômes. Des fantômes, vraiment ? Ambroise, Rose, Nadget et Milo sont bien décidés à tirer cette affaire au clair.
Ce livre réunit deux nouvelles enquêtes du Club de la Pluie, Le fantôme des Pierres-Noires et Le mystère des chaussons rouges.

On les attendait, les voici! La suite des aventures de nos petits pensionnaires bretons est enfin là! Après Le club de la pluie au pensionnat des mystères, nous retrouvons Nadget, Rose, Ambroise et Milo pour deux nouvelles aventures, cette fois-ci racontées par les garçons.

J'adore toujours le changement de point de vue d'une nouvelle à l'autre, cela permet de comprendre les enfants, de leur donner de la profondeur et du relief. Après avoir rencontré les filles, Malika Ferdjoukh se penche maintenant sur les garçons des Pierres noires. Milo revient de voyage et la petite bande est de nouveau réunie. 

Ces deux nouvelles intrigues sont aussi bien que les précédentes. La première s'intéresse à un fantôme, une jeune fille hantée par un spectre dans les couloirs du pensionnat mais ce n'est pas pour décourager notre petit club, bien au contraire. Quant à la seconde intrigue, il faudra toute la sagacité de nos héros pour empêcher une injustice de se produire. 
Les quatre enfants résolvent les énigmes au nez et à la barbe des adultes. 

Comme toujours, les romans de Malika font preuve de finesse, dénonçant les injustices et les faux semblant dans un langage qui, loin de prendre les enfants pour des idiots, leur donne au contraire des armes. Les références à la littérature et au cinéma sont toujours là, qui font de ce nouveau roman une petite pépite pour les plus jeunes.

Allez on ne tergiverse plus et on va jeter un œil du côté d'un pensionnat battu par les pluies de Saint-Malo! À partir de 8 ans.

lundi 27 octobre 2014

L'escalier Hurleur - Agence Lockwood #1 - Jonathan Stroud


COUP DE CŒUR DE PERSÉPHONE

Résumé: Un terrible fardeau s’abat sur Londres : des fantômes envahissent les rues de la ville, s’introduisent dans les maisons et terrorisent leurs occupants… La jeune et talentueuse Lucy Carlyle, promise à une grande carrière de chasseuse de spectres, vient d’intégrer la modeste agence du déjanté Anthony Lockwood. Mais leurs affaires vont mal. Les agences d’extermination de fantômes fleurissent et la concurrence est rude. Impossible de refuser le moindre contrat, même si la mission s’avère des plus dangereuses… C’est ainsi que Lockwood et Lucy se retrouvent en pleine nuit dans la terrifiante demeure de la famille Hope, à traquer le fantôme du sanguinaire duc rouge. Un escalier hurlant, une chambre de torture, des squelettes derrière toutes les portes… un seul mot d’ordre : ressortir vivants !

 Après la terrific série Bartimeus (#2) j'étais ravie d'apprendre que Jonathan Stroud revenait sur le devant de la scène ado avec une nouvelle série qui penche cette fois un peu plus vers l'Urban Fantasy et l'Horreur. Ce nouveau roman nous entraîne dans un Londres hanté! Attachez vos ceintures, l'Agence Lockwood and Co vous emmène dans les tréfonds de l'angoisse. 

Je me suis amusée comme une petite folle dans ce premier tome. Jonathan Stroud y a mis tous les ingrédients qui nous faisaient plaisir dans Bartimeus: un intrigue pleine de rebondissements, de l'humour et un flegme tout britannique. 

L'histoire est racontée à la première personne par Lucy Carlyle, une jeune fille énergique et brillante. C'est un personnage avec lequel nous sommes immédiatement en confiance. Elle n'a pas les deux pieds dans le même sabot et sait ce qu'elle fait. À côté de Lucy nous retrouvons Anthony Lockwood, le directeur de l'agence (à peine plus âgée que notre héroïne) qui fait preuve d'un flegme britannique dans absolument toutes les situations! Pour compléter ce trio, George fait figure de rat de bibliothèque débraillé mais compétent. Trois personnages très différents, suffisamment différents pour que les lecteurs puissent s'identifier à l'un ou à l'autre et ça, c'est une caractéristique qui m'a beaucoup plu.

Depuis que je suis librairie, j'ai pris d'avantage conscience des problèmes d'identifications dans les romans, à savoir: l'héroïne est une fille donc c'est pour les filles, le héros est un garçon = c'est pour les garçon. Premièrement, c'est une idée qui m'insupporte au plus au point. En quoi cela est-il pertinent? En tant que femme, je lis des romans dont les héros sont des hommes et je n'ai pas de problème à apprécier ma lecture. En quoi de petites filles seraient incapables de faire pareil? Pareillement, pourquoi un petit garçon ne pourrait pas lire de romans dont l'héroïne serait une fille? C'est tout de même se priver de nombreux très bons romans pour des raisons fumeuses. Le rapport avec L'agence Lockwood me direz-vous? Le fait est qu'ici, Jonathan Stroud choisi trois héros et leur donne une certaine neutralité, ce qui permet d'être un excellent livre pour TOUS les enfants. Et ça me repose!

L'intrigue en elle-même reprend à la fois les codes du roman d'horreur, avec les apparitions de fantômes, les cadavres planqués un peu partout, mais aussi les codes du roman policier car nos trois agents recherchent activement le meurtrier d'une jeune fille. Comme d'habitude avec Stroud, l'intrigue est bien maîtrisée, gérée comme il faut du début à la fin avec ce qu'il faut de fausse piste pour donner de bons retournements de situation. Même si j'avais compris assez vite qui était l'assassin, l'intrigue était très agréable à suivre et les personnages prennent de plus en plus d'ampleur au fur et à mesure que le roman avance. Jonathan Stroud joue de la peur des fantômes mais le roman n'est pas non plus effrayant. Il fait peur, un peu, mais pas trop.

L'agence Lockwood, tome 1, est encore une fois un très bon cru de l'auteur qui sait se renouveler après Bartimeus. Ce sont deux séries très différentes même si elles partagent des caractéristiques communes intéressantes. C'est un roman que je recommande chaudement, un très bon moment de lecture. Quant à moi, j'ai déjà récupéré la suite (disponible en anglais). Je vous en reparle plus tard!