mercredi 8 décembre 2010

Femmes remarquables du XIXe siècle - Liesel Schiffer


Remarquables, ces cinq héroïnes du XIXe siècle le sont chacune à sa manière : Joséphine de Beauharnais, la frivole aristocrate créole, jetée malgré elle dans la tourmente de la Révolution puis les ors de l'Empire ; Germaine de Staël, amoureuse passionnée des hommes autant que des idées ; Charlotte Brontë, petit bas-bleu du Yorkshire transfiguré par les succès littéraires ; Victoria d'Angleterre, qui transcende ses responsabilités de souveraine à travers un amour conjugal dévorant et Caroline Otero, misérable danseuse espagnole partie trouver gloire et fortune auprès des grands du monde venus faire la fête à Paris. Cinq destinées aussi différentes qu'étonnantes dans un siècle régi par le code Napoléon qui affirme que la femme doit obéissance à son mari. Cette moitié de l'humanité privée des droits élémentaires commence à peine à songer à la liberté que réclament, en son nom, les suffragettes. Cinq histoires au fil de la grande Histoire...

BBiographie de l'auteur

Après des études d'histoire à la Sorbonne, Liesel Schiffer rédige le catalogue de l'exposition Van Cleef et Arpels pour le musée Galliéra. Editrice pour les guides Gallimard Jeunesse puis journaliste pour les magazines 20 ans et Biba, elle se consacre parallèlement à l'histoire du génocide des Tutsis du Rwanda de 1994. Après une enquête sur place et en Afrique du Sud auprès de la diaspora rwandaise, Liesel Schiffer publie Le Piège ethnique aux éditions Dagorno avec Benjamin Sehene. Elle écrit avec Dimitri Casali Ces immigrés qui ont fait la France, paru en 2007 chez Aubanel et prépare, chez le même éditeur, un ouvrage sur les deux cents ans du baccalauréat.

Tombée par hasard sur ce livre à la bibliothèque, je fus captivée dès les premières lignes sur l'histoire de Charlotte Brontë. Synthétique mais néanmoins bien faite, cette biographie était tout aussi passionnante que son sujet.
Le récit de Victoria aussi fut très instructif, un peu loin de l'image donnée par le film - néanmoins superbe - Young Victoria avec Emilie Blount.
On y découvre des femmes passionnées mais aussi torturées. Qui aurait pu croire que la rigide Charlotte Brontë cachait en réalité une personnalité exaltée qui attendait impatiemment son Rochester à elle? La dureté de leur vie, les pertes qu'elles ont subis sont racontées de façon poignante mais simple par l'auteur.
Un livre aussi bien fait pour la détente que pour l'envie de se cultiver sur ces personnages hors-normes du XIXe siècle.

samedi 13 novembre 2010

Jane Eyre 2011


Voici les premières images du nouveau Jane Eyre. Casting alléchant et esthétique sombre, cette nouvelle adaptation n'a pour l'instant rien à envier à ses grandes soeurs. Espérons donc une bonne surprise pour 2011.



Et voici le trailer!


mercredi 10 novembre 2010

La dame aux Camélias - Alexandre Dumas fils

La société bourgeoise du XIXe siècle tolérait qu'un homme puisse entretenir une liaison, aussi ruineuse fût-elle, avec une courtisane, mais en aucun cas il ne devait s'éprendre d'une de ces demi-mondaines. C'est pourtant ce qui arrive à Armand Duval, qui aime dès le premier regard la plus luxueuse d'entre toutes, la séduisante et capricieuse Marguerite Gautier. Il confie à un inconnu compatissant cette passion tragique, à l'occasion de la mise en vente des biens de la jeune femme, emportée par la tuberculose : après les premières rebuffades, la belle croqueuse de fortunes l'élit comme amant de coeur, sensible à la sincérité de son amour, si différent en cela des amitiés intéressées qui l'entourent. Suivront les intermittences de la douleur, les rares moments de bonheur, la fulgurance de la souffrance puis la vengeance destructrice. À travers ce récit se dessine progressivement le portrait d'une femme ambivalente, qui mêle gaieté et tristesse, candeur et prostitution, et qui, dans sa bruyante solitude, saura finalement se montrer d'une grandeur pathétique, illustrant ainsi le thème cher au romantisme de la prostituée réhabilitée par l'amour et la mort.

Alexandre Dumas fils signe là un beau roman, touchant, un brin moralisateur mais surtout très éloigné des oeuvres de son père.

Si Alexandre Dumas produisit une oeuvre romanesque pleine d'aventure et d'action, Alexandre Dumas fils reste ancré dans son époque. Oeuvre résolument tourné vers les canons de son époque, La Dame aux Camélia est proche d'un Flaubert ou d'un Balzac.

Le narrateur, qui n'est pas l'amant de la dame aux Camélia, nous raconte cette tragique histoire d'amour à la première personne du singulier, tel un observateur curieux. Retraçant l'histoire de cette femme qu'il croise parfois, il écoute le récit de son amant. Le monde des demi-mondaines, c'est ainsi que l'on appelait les coquettes ou femmes entretenues au XIXe siècle, est dépeint avec sobriété et réalité, teintée d'une dose de cynisme propre à Dumas fils. La femme est ici manipulatrice et se sert de l'homme comme garantie de vie.
Pourtant, l'amour et plus encore la mort de cette femme, prise dans la fleur de l'âge, la réhabilite aux yeux du monde.

Plus qu'un roman, La dame aux Camélias est une tranche de société, une incursion dans le monde de la prostitution de luxe du XIXe siècle et la condition de la femme. Dans cette société, la femme est morale et respectée - c'est à dire mariée - oui immorale mais attirante - une demi-mondaine. Il semble alors que seule la mort rétablisse l'équilibre des choses. Un roman intéressant pour tous les passionnées d'histoire contemporaine française.

La dame aux Camélia a inspiré l'opéra La Traviata de Verdi.

vendredi 8 octobre 2010

I capture the Castle - Dodie Smith



COUP DE COEUR DE PERSEPHONE


Cassandra vit dans un château mal entretenu au fin fond de l'Angleterre avec sa famille pour le moins excentrique. Au fil de trois cahiers, elle relate les évènements qui jalonnent leur existence de mars d'une année à octobre de l'année suivante : une vie monotone jusqu'à ce que surgissent deux beaux et riches amér
icains venus s'installer dans le manoir voisin. La vie au château en sera bouleversée !


Il est assez difficile de décrire l'ambiance qui se dégage de I capture the Castle (Le château de Cassandra en français). Tantôt mélancolique, en demi-teinte, tantôt rayonnant, l'atmosphère de ce roman est unique en son genre.
J'ai pu lire au détour de mes lectures hasardeuses sur les blogs littéraires de la toile que le roman de Dodie Smith avait vieilli. Je ne suis pas d'accord. Croisement entre un Jane Auste
n et un Charlotte Brontë, l'histoire de Rose et Cassandra nous embarque pour un périple mouvementé.

Cassandra, jeune fille de 17 ans est rêveuse mais lucide. Elle aime son château en ruine et leur vie de bohème. A mi chemin entre une Elizabeth Bennet, intuitive et observatrice, et une Jane Eyre, jeune fille quelconque qui rêve d'amour malgré elle, Cassandra est un personnage touchant et fort. Intègre et lucide sur le monde qui l'entoure, elle porte un regard fort sur les gens de sa famille et de son entourage. Mais Cassandra n'est pas parfaite, elle se trompe, se ment, et fait preuve de mauvaise fois parfois.
Son récit n'a rien d'existant, peu de rebondissements, ce n'est pas Pride et Prejudice et néanmoins, observer le monde à travers les yeux de Cassandra est existant.

Rose sa soeur aînée est son exacte opposée. Ambitieuse, elle ne supporte pas la pauvreté, se perd dans ces romans du XIXe siècle et rêve d'un beau mariage d'argent. La voila comblée lorsque débarque les deux américains Neil et Simon. C'est pour elle la promesse d'un avenir meilleur à n'importe quel prix. Supercielle et proprement agaçante, on la tolère grâce à l'amour que lui porte Cassandra.

Mortmain le père de la famille, écrivain célébre 15 ans auparavant, il n'a plus rien écrit depuis la publication de son livre fard. Au mépris de sa famille, il passe ses journées à lire de vieux romans. Sorte de Mr Bennet en beaucoup plus égoiste, Mortmain se moque bien de sa famille et de ce qui peut lui arrive. Homme excentrique et marginal, il gâche son talent sans que personne ne comprenne pourquoi.

Thomas petit frère de la famille prend de l'importance au file du récit. Âgé de 15 ans il vit sa vie, témoin silencieux des bouleversements qui surviennent dans sa famille.

Topaz, mannequin excentrique, amoureuse des séances de naturisme à la pleine lune, elle est la seconde femme de Mortmain. Cassandra l'adore car sous sa personnalité excentrique se cache une femme pragmatique et dévouée à la famille Mortmain et surtout dévouée à son mari.

Stephen est un de mes personnages préférés avec Cassandra. Fils de la bonne des M
ortmain, il a été élevé avec Rose Cassandra et Thomas depuis la mort de sa mère. Amoureux fou de la cadette Mortmain, il est pret à tout pour la satisfaire, pour lui assurer un bien être absolu. Il est prêt à sacrifier son temps et son argent pour assurer à Cassandra un avenir décent. L'écriture de Dodie Smith en fait un personnage complet, profondément honnête, intègre et bon mais sans jamais, jamais, tomber dans la caricature de l'amour transit. Stephen est un personnage sympathique car complètement dépourvu d'égoïsme contrairement à tous les autres personnages de l'oeuvre (même Cassandra a ses petits moments de faiblesse). Il est touchant car sa dévotion pour Cassandra est sincère et remue véritablement le lecteur.

Sans vous dévoiler l'histoire, sachez seulement que les péripéties de la famille Mortmain et des hauts et des bas du coeur de Cassandra vous mèneront dans une histoire douce amer et crédible.




Dodie Smith est née le 3 mai 1896 à Withefield, dans le Lancashire. Elle a fait des études d'art dramatique à la Royal Academy of Dramatic Art et tout au long de sa vie elle gardera une passion pour le théâtre, comme comédienne, metteur en scène et auteur dramatique.

Si c'est son oeuvre littéraire pour la jeunesse qui l'a rendue célèbre, elle a aussi écrit de nombreux romans pour adultes et quelques ouvrages autobiographiques.

C'est en 1912 qu'à été publié pour la première fois les 101 Dalmatiens dont les illustrations ont été réalisées par Janet et Anne Grahame-Johnstone, deux soeurs amis de Dodie Smith.

I capture the Castle est publié en 1948 en Angleterre.

Une adaptation du roman est sortie en 2003 avec Romola Garai, Henry Cavill, Rose Byrne et Billy Night.

mardi 21 septembre 2010

Rebecca - Hitchcock (1940)


COUP DE COEUR DE PERSEPHONE

Mrs. Edythe Van Hopper, respectable veuve déjà âgée, accompagnée de sa jeune demoiselle de compagnie, est en villégiature à Monte-Carlo dans l'hôtel Côte-d'Azur, lorsque leur chemin croise celui de Maxim de Winter, riche veuf, qui n'a aucun mal à séduire la jeune fille et, dans la foulée, à l'épouser et l'emmener dans sa demeure ancestrale de Manderley, quelque part sur la côte sud-est de l'Angleterre. Les premiers contacts avec le personnel du château, régenté par la peu amène gouvernante Mrs. Danvers, sont glaciaux. Cette dernière, en effet, attachée depuis toujours au service de la précédente Mrs. de Winter, Rebecca, et lui vouant une passion sans limite, même à titre posthume, n'accepte pas l'intrusion de l'« usurpatrice ».Le souvenir de l'épouse disparue et vénérée continue de hanter le château sombre.
CASTING
Laurence Olivier: Maxim de Winter (George Fortescue Maximilien de Winter)
Joan Fontaine : la nouvelle Mrs. de Winter
Judith Anderson : Mrs. Danvers (la gouvernante)
George Sanders : Jack Favell (le cousin de Rebecca)
Nigel Bruce: le major Giles Lacy
Gladys Cooper : Beatrice Lacy
Reginald Denny: Frank Crawley
C. Aubrey Smith : Colonel Julyan
Melville Cooper: le coroner
Florence Bates : Mrs. Edythe Van Hopper
Leonard Carey : Ben
Leo G. Carroll : Dr. Baker
Edward Fielding : Frith
Lumsden Hare : Tabbs

Hitchcock était un maître. Qui mieux que lui aurait pu adapter ce merveilleux roman de Daphnée du Maurier, Rebecca? La finesse de l'interprétation, l'ambiance tendue et l'étude minutieuse de la lumière donne toute sa majesté et son atmosphère à ce chef d'oeuvre de la littérature anglo-saxonne.
Le choix de l'actrice principale Joan Fontaine, choix méticuleusement réfléchi, est une grande réussite. Sa fragilité apparente, sa douceur et sa naïveté en font une héroïne idéale. Peu sûre d'elle, se sentant en décalage par rapport à sa nouvelle position, la jeune Mrs de Winter apprend à se forger une personnalité. Ses efforts désespérants pour remplacer Rebecca dans l'esprit de Max la ronge petit à petit, jusqu'à ce fameux bal costumé. Max de Winter quand à lui est d'une incroyable sobriété, tantôt joyeux et de bonne humeur, tantôt renfermé et méprisant, il dégage une forte aura de mystère. Même si je n'imaginais pas du tout Laurence Olivier dans ce rôle, il a su le tenir et donner une belle interprétation de Max de Winter.
Judith Anderson, qui signait là une première participation au 7ème art (c'était une actrice de théâtre accomplie) offre au spectateur une Mrs Danver rigide et proprement "flippante". La scène après le fiasco du bal, dans la chambre de Rebecca et sa tentative malsaine de pousser Mrs de Winter au suicide est tout simplement magistrale. Convaincante à souhait, le spectateur parait au bord du gouffre et reste suspendu à la décision de Joan Fontaine.
Le travail de la lumière est remarquable dans cette adapatation. Toujours mise en valeur, Joan Fontaine semble rayonner de l'intérieur tandis que les personnages autour d'elle ont l'air plus fade. La blancheur de sa peau soulignée par un éclairage très pur la désigne comme l'héroïne à la seconde où elle apparait à l'écran. Ce jeu technique, renforcé à mesure que se renforce le personnage central, joue constamment entre ombre et lumière et met en valeur les nuances d'actions et de caractère.
Même si je regrette les flash-back avec Rebecca (j'ai toujours voulu voir à quoi elle pouvait ressembler) et le rythme du film trop soutenu à mon goût (ce qui est plutôt à mettre en parallèle avec l'époque et les techniques de mise en scène et de réalisation), Rebecca est une formidable introduction au monde d'Hitchcock. Réunissant tous les éléments qui en ont fait sa gloire, ce chef d'oeuvre du 7ème art rend hommage au Maître et à Lady Daphnée du Maurier. Bien que réalisé en 1940, le film ne perd rien de sa fraicheur et l'ambiance angoissante voulue par Hitchcock reste intact. Le décalage entre l'ancienne et la nouvelle vie de Mrs de Winter est le plus flagrant et le plus émouvant lorsqu'ils regardent avec Max de Winter leur vidéo de lune de miel. Le Max de l'écran (dans l'écran) amoureux et joyeux contraste de façon très nette avec celui assis à côté d'elle.
Une histoire d'amour, de jalousie, de vengeance à lire et à voir.

mercredi 15 septembre 2010

Girl with a pearl earring (2003)



COUP DE COEUR DE PERSEPHONE


Delft, au XVIIe siècle l'âge d'or de la peinture hollandaise. Pour aider ses parents dans la misère, la jeune et ravissante Griet se fait engager comme servante dans la maison du peintre Johannes Vermeer. Elle s'y occupe du ménage et des six enfants du maître. La famille Vermeer vit des difficultés économiques mais ne veut pas que cela se sache. Peu à peu, la maîtresse de maison développe envers Griet une terrible jalousie. Et Cornélia, une des filles, qui déteste Griet, tente de pousser la jeune servante à bout. Griet doit donc se faire discrète et très obéissante. Les choses se compliquent quand le peintre la remarque et découvre sa sensibilité, sa douceur. Il l'introduit peu à peu dans son univers. À mesure que s'affirme leur intimité, le scandale se propage dans la ville.

CASTING

Scarlett Johansson: Griet
Colin Firth: Johannes Vermeer

Tom Wilkinson: Pieter van Ruijven
Cilliam Murphy: Pieter
Alakina Mann: Cornelia
Judy Parfitt: Maria Thins
Essie Davis: Catharina
Joanna Scanlan: Tanneke
Chris McHallem: le père de Griet
Gabrielle Reidy: la mère de Griet
Geoff Bell: Paul le boucher
Anaïs Nepper: Lisbeth
Mélanie Meyfroid: Aleydis
Anna Popplewell: Maertge
Lola et Charlotte Carpentier : Franciscus

Merveille du 7ème Art, Girl with a Pearl Earring, roman de Tracy Chevalier inspiré du tableau éponyme de Johannes Vermeer est un film magnifiquement orchestré. Servi par un casting magistral (Colin Firth, Tom Wilkinson, Cillian Murphy et Scarlett Johansson), Girl with a pearl earring évoque avec une pudeur mêlée d'érotisme chaste la relation particulière qui unit un peintre - Johannes Vermeer - à sa servante Griet.
Avec une volonté affichée d'économiser les mots, Peter Webber fait entrer ses personnages dans une dynamique complexe ou tout message passe par la gestuelle et les regards.

Le choix de Colin Firth pour interpréter Johannes Vermeer était plus que judicieux. Le charme et le charisme naturel de cet acteur, absolutely british, et son jeu tout en expressions corporelles et faciales - on se souvient de son incroyable prestation dans Pride and Prejudice de 1995- donne une profondeur intense à l'artiste peintre. Artiste complexe, il balance sans cesse entre le monde réel, ses obligations familiales et financières, et son monde artistique rempli de camera obscura et de bleu de prusse.

Scarlett Johansson, elle aussi économe en parole, montre par ses regards plus d'intelligence 
et de bon sens que sa condition le laisse supposer. Et c'est justement parce que la trop ravissante Griet, comprend son mari que Catharina Vermeer la hait avec autant de force. Si Vermeer n'entame jamais de liaison avec Griet, leur entente mutuel sur la peinture les rapproches plus que des relations de couple et 6 enfants non pu le faire avec sa femme. Le portrait de Griet que Catharina qualifie d'obscène montre bien toute sa prise de conscience, cette intimité qu'elle ne partagera jamais avec son mari.

Profond sur les sentiments humains, c'est aussi une fresque sur les pays-bas du XVIIe siècle, le monde cruel de la peinture et du mécénat. Vermeer obligé de peindre pour Pieter Van Ruijven, obliger de supporter sa concupiscence - je parle ici du personnage du film - et les sujets qui lui plaisent, n'a finalement qu'une marge très étroite pour exprimer sa création. C'est justement cela qu'il trouve en Griet, une muse. C'est à travers elle qu'il s'exprime enfin librement.

Erotique aussi, car l'amour est palpable entre Griet et Vermeer, même si c'est un amour jamais exprimé, trop unique pour être dit. Cillian Murphy - Pieter - sert malgré tout de dérivatif, si Griet aime Vermeer c'est vers Pieter qu'elle se tourne, choix plus en adéquation avec son monde et ses attentes. Vermeer reste dans le domaine de l'intouchable et de l'interdit.

La tension érotique atteint sublimement et subtilement son paroxysme dans la scène du percement de l'oreille de Griet. La tendresse de Vermeer, sa façon de pencher la tête vers Griet comme pour la consoler - cf. affiche - souligne le lien quasi charnel qui les unit.


La musique d'Alexandre Desplats toute en finesse souligne les différentes phases du film, de l'ambiance tendre et intime, à celle plus sombre des mauvais jours.

mercredi 1 septembre 2010

Les travaux d'Hercule - Agatha Christie

Recueil de 12 nouvelles publiées en 1947, elles racontent le défis personnel que s'est lancé le petit détective belge: réaliser comme son homologue grec 12 travaux.
Courts récits, ils sont souvent très drôles, légers et mettent en valeur les petites cellules grises d'Hercule Poirot.

Le lion de Némée:

Article en construction

La mort dans les nuages -Agatha Christie

Comment lancer un dard empoisonné ? Avec une sarbacane, évidemment, comme le font les Indiens d'Amérique du Sud. Mais, si l'on n'a pas de sarbacane sous la main, n'importe quel tube fera l'affaire. Une flûte par exemple. Ou un fume-cigarette, s'il est assez long. Et même une pipe kurde en terre cuite... pourquoi pas ? Oui, un tuyau quelconque conviendrait... Voilà qui est bien ennuyeux... Parce que, dans ce cas, tous les passagers sont suspects. N'importe qui dans l'avion peut s'être débarrassé de Mme Giselle de cette façon si particulière. Quelle drôle d'idée, tout de même ! Il y a tant d'autres moyens plus discrets de tuer quelqu'un !

Un Hercule Poirot comme on les aime. Mais qui a osé tuer Mme Gisèle sous les yeux d'Hercule Poirot? Est-ce les deux archéologues français les Dupont? Les deux aristocrates anglaises qui ne peuvent pas se souffrir mais qui le font pour les convenances? Est-ce l'auteur de romans policiers, la jeune Mlle Grey, le séduisant dentiste?
Entre la France et l'Angleterre, Hercule Poirot et Miss Grey vont de découverte en découverte. Si le meurtrier croit pouvoir s'en sortir à plusieurs reprise "papa" Poirot veille au grain.

Dans ce roman j'ai vraiment apprécié le traitement du personnage d'Hercule Poirot. Moins pédant que d'habitude, il se montre - comme toujours - très protecteur envers la jeune Miss Grey. C'est un Hercule Poirot un peu papa gâteau que l'on découvre.

Les éléments qui ont fait le succès d'Agatha Christie sont toujours là!

Le tailleur de pierre - Camilla Läckberg

"La dernière nasse était particulièrement lourde et il cala son pied sur le plat-bord pour la dégager sans se déséquilibrer. Lentement il la sentit céder et il espérait ne pas l'avoir esquintée. Il jeta un coup d'oeil par-dessus bord mais ce qu'il vit n'était pas le casier. C'était une main blanche qui fendit la surface agitée de l'eau et sembla montrer le ciel l'espace d'un instant. Son premier réflexe fut de lâcher la corde et de laisser cette chose disparaître dans les profondeurs... " Un pêcheur de Fjâllbacka trouve une petite fille noyée. Bientôt, on constate que Sara, sept ans, a de l'eau douce savonneuse dans les poumons. Quelqu'un l'a donc tuée avant de la jeter à la mer. Mais qui peut vouloir du mal à une petite fille ? Alors qu'Erica vient de mettre leur bébé au monde et qu'il est bouleversé d'être papa, Patrik Hedstrôm mène l'enquête sur cette horrible affaire. Car sous les apparences tranquilles, Fjâllbacka dissimule de sordides relations humaines - querelles de voisinage, conflits familiaux, pratiques pédophiles - dont les origines peuvent remonter jusqu'aux années 1920. Quant aux coupables, ils pourraient même avoir quitté la ville depuis longtemps. Mais lui vouer une haine éternelle.

Dans ce troisième opus, Camilla Läckberg nous fait suivre deux récits parallèles. Celui de l'assassinat de cette petite fille et celui de la vie d'une jeune fille de la haute bourgeoisie suédoise des années 20.
Si la cohérence entre ces deux récits est sous-jacente mais jamais claire et bien défini, on ne trouve le lien entre les deux récits que très tardivement, presque au même moment que Patrick Hedström.
Une réflexion intéressante sur les haines familiales, sociales, et comment nos propres obsessions peuvent avoir des répercussions bien au-dela de nous même.

Camilla Läckberg ne se concentre jamais que sur l'intrigue policière mais s'attache à dépeindre la Suède contemporaine qu'elle connait, loin de Stockholm. Erika découvre une nouvelle vie, sa vie de mère qui s'avère plus compliquée qu'elle ne l'aurait cru. De relations tendues en petits bonheurs, Erika Flack se réinvente. Patrick aussi est chamboulé par l'arrivé de leur bébé et il ne sait pas toujours bien géré des situations tendues entre sa compagne et sa mère.
La soeur d'Erika s'enfonce de plus en plus jusqu'au point de non retour. Cette facette de la Suède est intéressante car pas aussi noire qu'un passage de Millenium, mais effrayante tout de même par le sentiment de réalité qu'elle dégage.

La fin inattendue entraîne le lecteur a désirer impatiemment la suite L'oiseau de mauvais augure.

mercredi 25 août 2010

La rêveuse d'Ostende - Eric-Emmanuel Schmitt



COUP DE COEUR DE PERSEPHONE

La rêveuse d'Ostende est un recueil de 5 nouvelles qui parlent (à l'exception d'une seule), d'amour et de sentiments humains chers à E-E Schmitt.

La rêveuse d'Ostende
Pour guérir d'une rupture sentimentale, un homme se réfugie à Ostende, ville endormie face à la mer du Nord. Sa logeuse, la solitaire Emma Van A., va le surprendre en lui racontant l'étrange histoire de sa vie, où se conjuguent l'amour le plus passionné et un érotisme baroque. Superbe mystificatrice ou femme unique ?


Qui est Emma Van A. cette infirme clouée dans son fauteuil roulant au milieu de son immense bibliothèque? Celle qui ne veut pas lire de "nouveautés" intrigue le narrateur, un écrivain qui part à Ostende pour se remettre d'une rupture. Au fil des pages, une amitié particulière se noue entre la vieille Emma et l'écrivain. Cette femme le perturbe, quel secret cache-t-elle? Que préfère-t-elle taire depuis des décennies? Lorsqu'Emma se livre, son histoire semble incroyable. Et si Emma Van A. avait tout inventé?
La rêveuse d'Ostende est une nouvelle qui m'a bouleversé. Très belle, pleine de justesse aussi, Emma Van A. offre un véritable conte de fée légèrement érotique, mais aussi touchant et douloureux. Les tribulations de l'écrivain nous emportent avec lui. "D'un amour essentiel, on ne se remet pas. Si on s'en remet, c'est que, de toute façon, ça n'en valait pas la peine."
Un très beau conte sur l'amour et ses conséquences, les secrets enfouis ou partagés. Véritablement bouleversant la personnalité rude d'Emma Van A. finit par séduire par l'immense fragilité qu'elle porte en elle.

Crime Parfait
Parce qu’elle vit l’enfer, Gabrielle pousse son mari du haut d’une falaise. Libérée, elle s’apprête à ouvrir les vieilles boîtes que cachait son mari ; la police la confond. S’en suivent gardes à vues, détention préventive pendant deux ans. Au procès, les témoins confirment une évidence : Gabrielle avait tout pour être heureuse, son couple était idéal. S’ouvre pour la meurtrière une introspection douloureuse…

Histoire étrange que Crime parfait. La jalousie et le doute qui ronge finissent par achever cette femme à la vie de rêve. Car tout le monde se met d'accord, Gab et Gaby vivent un bonheur sans tâche. Mais voila, une amie de Gaby pense que son mari est le roi des hypocrites. Commence alors les doutes, les angoisses jusqu'à la certitude d'être une femme trompée par un mari enjôleur. Une histoire particulière mais qui a le mérite de faire réfléchir le lecteur sur la bassesse humaine.

La guérison
« Quelle chance d’être soigné par une jolie femme ! », ce sont les mots de Karl lorsque pour la première fois Stéphanie entre dans sa chambre d’hôpital. Pourtant, elle n’a rien des mannequins qui se pressent chaque jour aux visites ; plus surprenant encore, Karl a subit un terrible traumatisme, il vit les yeux bandés. Cet amour aveugle qui s’amorce marque la renaissance d’une femme.

Cette histoire arrive juste après la rêveuse d'Ostende parmi mes préférées. Conte sur l'amour de soi, l'amour des autres, elle tente de nous montrer que notre propre acceptation de soi permet de se faire accepter et aimer des autres. Alors qu'elle se sent belle aux yeux d'un aveugle, la peur d'être vue doit être impérativement combattue. Double dialogue entre ce que nous voyons de nous même et ce que les autres voient de nous.

Les mauvaises lectures
Maurice Plisson, éminent professeur de Lettres, est catégorique : « Lire des romans, moi ? Jamais ! ». Pourtant, en vacances en Ardèche, sa cousine Sylvie l’amène à ouvrir un roman policier. Happé par l’intrigue et confronté au secret que sa cousine tarde à révéler, il plonge dans un rêve éveillé où se mêlent imaginaire et réalité.

Cette petite histoire écrite sur un ton noir et grinçant fait l'apologie de la lecture mais s'en moque également. Alors que Maurice Plisson, par manque d'imagination et d'ambition, refuse de lire le moindre roman, il se retrouve pris au piège dans un roman noir qui va lui faire croire des choses impossibles. Cette histoire montre l'importance de l'imagination mais aussi le mauvais usage que l'on peut en faire. Morale de l'histoire (selon moi), lisez très jeune, développez votre imagination pour qu'adulte, elle ne puisse vous nuire.

La dame au bouquet de fleur
Quai numéro trois, gare de Zurich. Une vieille dame attend un bouquet à la main. Elle est là chaque jour depuis quinze ans, peut-être plus. Elle attend et alimente la rumeur, qui attend-elle ? A-t’elle toute sa tête ? Un jour la femme au bouquet disparaît, que s’est-il passé ?


le rêve est la véritable trame qui constitue l'étoffe de nos jours. Voila ce qu'on pourrait dire pour conclure sur cette 5eme histoire. Histoire vraie, peut-être, puisque l'auteur se met lui-même en scène. On ne saura pas pourquoi cette femme attendait, qui. Mais elle attendait. L'imagination fait le reste.

La rêveuse d'Ostende reste un ouvrage sublime, plein de poésie. A lire et à RELIRE.

Autre critique du blog Beaucoup de bruit pour rien.

lundi 9 août 2010

Le cercle littéraire des amateurs d'épluchures de patates - Mary Ann Shaffer et Annie Barrows


COUP DE COEUR DE PERSEPHONE




Janvier 1946: Tandis que Londres se relève péniblement des drames de la guerre, Juliet se demande quel va bien pouvoir être le sujet de son prochain roman. Lorsqu'elle reçoit une lettre d'un habitant de Guernesey, cette petite île anglo-normande oubliée, lui parlant d'un cercle littéraire et de tourtes aux épluchures de pomme de terre, la curiosité de Juliet est piquée...

Au fil des lettres qu'elle échange avec les habitants - aussi fantasques qu'attachants - de Guernesey, Juliet découvre l'histoire d'une petite communauté sans pareille sous l'Occupation et le destin héroïque et bouleversant d'Elizabeth, une femme d'exception...


On m'a prêté ce livre en étant sûr qu'il allait me plaire et je dois avouer que celui qui me l'a mis entre les mains a eu ABSOLUMENT raison!

Ce livre est bouleversant aussi bien que drôle. Un peu déconcertant au premier abord, le titre ne semble pas sérieux et le récit est fait sous forme épistolaire, les personnages et l'écriture nous entraîne vite avec eux.

A la découverte de l'île de Guernesey, île méconnue, de ses habitants et de l'Occupation, les auteurs nous entraîne dans une histoire bouleversante. L'écriture a beau être simple, elle est efficace et apporte une touche de fraicheur à un récit qui aurait pu très vite devenir particulièrement lourd. Grâce à leur légèreté et à leur humour les personnages apaisent la tension des récits de l'Occupation. Cette période noire devient alors grise, en demi-teinte et nous éclaire sur la vie des habitants de cette petite île. Un récit sincère, qui n'est pas du tout stéréotypé.

Les personnages sont attachants par leur sincérité.
—Juliet Ashton, écrivain populaire pendant la guerre cherche un nouveau sujet pour un roman "sérieux". Âgée de 35 ans, elle s'interroge sur le sens de sa vie après la guerre, de ses envies et de ses espoirs.
— Sidney Stark: éditeur et meilleur ami de Juliet, il la conseille et la soutient dans ses choix.
— Sophie Strachan: Soeur de Sidney et meilleure amie de Juliet, elle vit en Ecosse avec son mari et son fils.
—Dawsey Adams: Eleveur de porc à Guernesey, timide membre du cercle littéraire des amateurs d'épluchures de patates, il envoie un courrier à Juliet Asthon au sujet du poète Charles Lamb.
— Susan Scott : secrétaire de Sidney Stark
— Markham Reynolds: fiancé un peu encombrant qui est fière d'exhiber un écrivain aussi populaire que Juliet Asthon en soirée mondaine.
— Amelia Maugery: Propriétaire d'un manoir à Guernesey, elle est un des membres à la tête du cercle littéraire. Amie d'Elizabeth McKenna.
— Isola Pribby: Sorte de sorcière du village, cette femme fantasque, fan inconditionnelle des soeurs Brontë est une des têtes de file du cercle.
— Eben Ramsey: cet homme qui a perdu sa fille le jour du bombardement de l'île de Guernesey vit avec son petit fils. Il devient très vite un ami proche de Juliet.
—Elizabeth McKenna : Femme forte, attachante, elle est à l'origine du cercle littéraire. Sa personnalité va captiver Juliet Ashton.

Un roman passionnant, qui nous fait regretter que son auteure soit décédée car elle nous aurait promis plusieurs best seller.

L'évangile selon Pilate - Eric-Emmanuel Schmitt



Première partie : Dans le jardin des oliviers, un homme attend que les soldats viennent l'arrêter pour le conduire au supplice. Quelle puissance surnaturelle a fait de lui, fils de menuisier, un agitateur, un faiseur de miracles prêchant l'amour et le pardon ? Deuxième partie : Trois jours plus tard, au matin de la Pâque, Pilate dirige la plus extravagante des enquêtes policières. Un cadavre a disparu et est réapparu vivant ! Y a-t-il un mystère Jésus ou simplement une affaire Jésus ? A mesure que Sherlock Pilate avance dans son enquête, le doute s'insinue dans son esprit. Et avec le doute, l'idée de foi.



On connait le mysticisme d'Eric-Emmanuel Schmitt. Toutefois il ne faudrait pas croire que l'Evangile selon Pilate est un livre mystique.
Construit en deux partie chacune possède sa cohérence et son univers propre.

La première partie est un monologue de Jésus qui nous explique sa prise de conscience en tant que Dieu. Il retrace également sa vie, son parcours, sa relation avec son père, sa mère et ses frères et soeurs. Le récit gagne en netteté et en cohérence au fur et à mesure que l'histoire progresse. D'un Jésus maladroit et incertain se dégage un homme fort et sûr de lui.

La seconde partie de l'histoire ressemble plus à un roman policier. Ponce Pilate croit fermement que le corps de Jésus a été volé par ses apôtres afin d'accréditer la thèse de sa réincarnation. Le récit s'articule autour de lettres qu'il envoie à son frère. Sur fond d'histoire politique romaine, Ponce Pilate était un favori du roi Tibère qui en 33 av JC s'était enfermé à Capri, Pilate joue son poste dans cette affaire.
Entre le Sanhédrin et les pontes romains Pilate est partagé. Commence alors une remise en question de soit, une introspection profonde de Ponce Pilate. Sa propre femme, adepte de Jésus tente de remettre en cause sa foi et sa loyauté aux Dieux romains.

Bien construit ce roman est passionnant car il apporte plus qu'une histoire, il apporte une réflexion sur la foi et la religion loin d'être idiote et béate.
Rien n'est jamais tranché, c'est au lecteur à faire sa propre introspection et à en tirer les conclusions qui s'imposent. Eric-Emmanuel Schmitt guide le lecteur sans jamais lui imposer sa vision des choses.

mercredi 4 août 2010

Les hommes qui n'aimaient pas les femmes (Millénium 1) - Stieg Larsson


COUP DE COEUR DE PERSEPHONE

Ancien rédacteur de Millénium, revue d'investigations sociales et économiques, Mikael Blomkvist est contacté par un gros industriel pour relancer une enquête abandonnée depuis quarante ans. Dans le huis clos d'une île, la petite nièce de Henrik Vanger a disparu, probablement assassinée, et quelqu'un se fait un malin plaisir de le lui rappeler à chacun de ses anniversaires. Secondé par Lisbeth Salander, jeune femme rebelle et perturbée, placée sous contrôle social mais fouineuse hors pair, Mikael Blomkvist, cassé par un procès en diffamation qu'il vient de perdre, se plonge sans espoir dans les documnts cent fois examinés, jusqu'au jour où une intuition lui fait reprendre un dossier. Régulièrement bousculés par de nouvelles informations, suivant les méandres des haines familiales et des scandales financiers. lancés bientôt dans le monde des tueurs psychopathes, le journaliste tenace et l'écorchée vive vont résoudre l'affaire des fleurs séchées et découvrir ce qu'il faudrait peut-être taire. A la fin de ce volume, le lecteur se doute qu'il rencontrera à nouveau les personnages et la revue Millenium. Des fils ont été noués, des portes ouvertes.

La série Millénium de Stieg Larsson est un véritable chef d'oeuvre de roman noir policier. Loin du schémas classique du roman policier à la Agatha Christie (meurtre, enquête, résolution du meurtre), ici se sont plutôt les vies et les expériences des protagonistes qui façonnent le récit. L'écriture assez froide et journalistique, ce qui n'a rien d'exceptionnel étant donné que Stieg Larsson était lui-même un journaliste. Toutefois le style du roman est agréable à lire. Très pointilleux dans l'écriture, Stieg Larsson donne au récit un air de reportage journalistique et d'authenticité. Pas de pudeur, pas de faux sentiments, le récit parfois cru dépeint le côté noir de la Suède à des milliers de kilomètres de l'ambiance cosy de Camilla Läckberg.
Il ne s'agit pas vraiment de meurtres intimistes, résultant des problèmes internes à un groupe d'individus entretenant des relations, mais plutôt de grand banditisme et de trafics internationaux. Le grand groupe de la famille Vanger est un repère de nazis et de vipères. Mais lequel d'entre eux a tué Harriet? La disparition d'Harriet Vanger mène Mikael Blomkvist à découvrir le passé noir de la Suède ainsi que son présent tout aussi sombre.

Mikael Blomkvist - alias Super Blomkvist - est un journaliste intègre et acharné à sa tache. Personnage très attachant, on le suit avec plaisir dans son enquête.
Lisbeth Salander quant à elle, est un personnage beaucoup plus piquant. Mystérieuse, sous tutelle, violente parfois mais terriblement intelligente, Lisbeth fascine, et c'est avec plaisir qu'on l'a voit suivre l'enquête de Mikael Blomkvist.
Henrik Vanger est particulièrement touchant dans l'amour qu'il porte à sa nièce et à son dévouement pendant quarante ans pour retrouver son assassin.
Les autres personnages de Millénium ont tous leur cohérence, leur profondeur et leur réalité. Le roman offre un panel complet et bigarré de personnages, sensiblement identiques à la vie réelle ce qui donne du poids à l'histoire narrée par Stieg Larsson.

Les hommes qui n'aimaient pas les femmes est le premier volume d'un décalogue qui malheureusement ne vit jamais le jour. Malgré tout, Millenium 2 et Millenium 3 sont disponibles pour notre plus grand plaisir.

Un polar venu du froid à lire ABSOLUMENT.

samedi 31 juillet 2010

Histoires d'amour de l'Histoire de France - Guy Breton


Ce livre en deux tomes de Guy Breton, détaille les aventures sensuelles de nos monarques depuis Clovis jusqu'à Napoléon. Le tome I parcoure l'ancien régime depuis le Moyen-âge jusqu'à la Révolution française.

En tant qu'historienne, je dois reconnaître que je suis très partagée devant cet ouvrage, au demeurant sympathique.

Si le premier livre consacré au Moyen-âge est très agréable, le second consacré à la Renaissance et particulièrement aux règnes de François Ier et d'Henri II est bourré d'erreurs et d'imprécisions historiques qui m'ont gâché la lecture.
Anne Boleyn en particulier fait l'objet d'un traitement plus que bâclé. J'en parle avec conviction car il s'agit justement de ma spécialité et je dois reconnaître que je ne m'attendais pas à de telles erreurs de la part de Guy Breton. Dans son cas, il confond les dates, les évènements et les personnages.
Il prétend que l'on appelait Anne Boleyn "la haquenée de France" référence peu flatteuse à sa liaison avec François Ier. Or il confond là Anne Boleyn et sa soeur Mary Boleyn qui fut effectivement la maîtresse du souverain français. De la même façon, il mélange les dates en attribuant un mot à Anne Boleyn qu'elle n'a pas pu dire: il s'agit d'une conversation qu'elle aurait eu avec le roi dans laquelle elle aurait dit qu'Henry VIII n'avait qu'à "tester" sa soeur avant de la choisir elle. Or la liaison d'Henry VIII et de Mary Boleyn est bien antérieure à celle d'Anne et d'Henry VIII.

Catherine de Médicis est aussi maltraitée. Guy Breton lui prête le coeur le plus noir de l'Histoire de France. À sa décharge il faut admettre que les travaux historiques de réhabilitation de Catherine de Médicis sont postérieurs à la rédaction de l'ouvrage de Guy Breton.

L'ensemble est malgré tout agréable, bien écrit, souvent très drôle, mordant, parfois cynique. Le problème du livre tient en deux points précis: tout d'abord la trop grande étendue chronologique qui empêche un historien spécialiste d'une certaine période de bien connaître les autres. D'autre part, il y a ici un mélange de réalité historique et de folklore populaire qui est difficile à déméler lorsque l'on n'est pas nous même historien.

Pour résumer: Histoires d'amour de l'Histoire de France est divertissant mais à ne surtout pas prendre au pied de la lettre. Parfais pour les vacances, frais et drôle!

samedi 17 juillet 2010

Le livre rouge de Jack l'Eventreur - Stéphane Bourgoin

Du 31 août au 9 novembre 1888, à Londres, cinq prostituées sont épouvantablement massacrées. Ces cinq misérables victimes et dix semaines de terreur sont à l'origine d'une énigme et d'un mythe qui durent depuis plus d'un siècle.
Jack l'Eventreur était-il de sang royal? Etait-il médecin ou franc-maçon? A-t-il écrit un journal intime relatant ses méfaits?

Stéphane Bourgoin, spécialiste des tueurs en série, nous offre un excellent essai sur Jack l'Eventreur. Sans spéculation ni grand déballage de contre-vérité, il nous emmène dans le Londres misérable du Est-end, et nous fait découvrir un à un les protagoniste de l'affaire. Dès le début du livre, Stéphane Bourgoin nous met en garde: il ne s'agit en aucun cas de porter un jugement définitif sur l'affaire Jack the Ripper mais seulement de reprendre une à une les pièces du dossier de Scotland Yard et à la lumière des sciences modernes de donner un portrait psychologique du tueur. De la même façon, Stéphane Bourgoin donne son avis sur la probabilité ou non pour qu'une victime soit belle et bien une victime de Jack l'Eventreur.

Le livre se compose de trois parties. Dans la première, il expose clairement les faits, donne des extraits de rapports de police, de témoignages, d'autopsies et livrent les conclusions de l'époque, ainsi que ses propres remarques sans toutefois trancher la question. Il passe en revu les grandes caractéristiques de l'époque (la prostitution, la presse, la police etc.), les victimes (leur histoire, leur dernier jour et les rapports d'autopsie complet) et les différents suspects de la police et de la presse.
Il explique notamment que la thèse du Duc de Clarence n'est pas fondé, tout comme celle d'un médecin (l'assassinat de Mary Jane Kelly montre plus une folie meurtrière qu'une chirurgie maîtrisée) ou d'un franc-maçon (il n'y avait pas de message ésotérique près des corps, c'est une invention de la presse) ne tient pas une seconde face au dossier de l'affaire. L'antisémitisme généralisé et la passion des anglais pour l'ésotérisme expliquent en parti le déchaînement de la presse et leur inexactitude. De même il étudie les lettres "envoyées" par Jack l'Eventreur à la police. Les lettres "Cher Boss" sont en fait l'oeuvre d'un brillant journaliste. En revanche celle marquée "From Hell" et le rein envoyé avec laisse encore des doutes dans les esprits. Il décrit enfin les suspects potentiels et les suspects historiques que les protagonistes de l'affaire avait désigné (les inspecteurs chargés de l'enquête). Tout au long de cette première partie, Stéphane Bourgoin tente aussi de montrer les défauts de la fiction, il explique notamment que le personnage de Frederick Abberline, popularisé par la série sur l'Eventreur (rôle joué par Michael Caine) et le film From Hell (rôle joué par Johnny Depp) sont très éloignés de la réalité. Frederick Abberline s'occupait du côté bureaucratique de l'affaire et n'avait jamais lu un seul rapport d'autopsie.

Dans la seconde partie de son ouvrage, Stéphane Bourgoin propose 9 récits ayant pour personnage principal Jack. Récits distrayants laissant libre cours à l'imagination ils offrent un éclairage plus populaire et mythologique du tueur de la nuit (en réalité l'un des meurtres de Jack l'Eventreur fut commis en plein jour).
Enfin, la troisième partie du livre est consacré à une grande bibliographie et filmographie sur le sujet.

Ouvrage clair et bien construit il donne une très bonne approche de ce "premier" tueur en série de l'histoire et une plongée passionnante dans ce mythe finalement si peu connu.

Quelques pistes sur l'affaire Jack l'Eventreur:

Victimes:

— Emma Smith (victime supposée): veuve et prostituée, attaquée par 3 jeunes gens le 3 avril 1888, décède le 5 avril 1888. Incluse dans le dossier de Jack l'Eventreur bien qu'il soit évident qu'il ne s'agisse pas d'un de ses crimes.
— Martha Tabram: prostituée de 39 ans. Retrouvée poignardée de 39 coups de couteau dans George Yard Building à 3h du matin le 7 août 1888. Probablement la première victime de l'éventreur même s'il y a encore des interrogations à ce sujet.

— Mary Ann Nicholls (première victime sûre de Jack l'Eventreur): dite Polly, âgée de 43 ans. Mariée en 1864 à William Nicholls, 5 enfants mais ils vivaient séparés. Prostituée occasionnelle. Assassinée dans la nuit du 30 au 31 août 1888. Vue pour la dernière fois à 2h30 du matin par Ellen Holland. Découverte dans Buck's row, elle a probablement été assassinée sur place. Deux entailles très profondes à la gorge laissant voir la colonne vertébrale.

— Annie Chapman: vrai nom Eliza Smith, 47 ans. Mariée à John Chapman décédé en 1886, 3 enfants. Taille, 1m52. Vue pour la dernière fois à 5h30 du matin par Elizabeth Darrell le 8 septembre 1888. Retrouvée assassinée au 29 Hanbury Street. Visage contusionné, l'estomac a été placé sur son épaule gauche, la gorge est tranchée en deux endroits comme pour Mary Ann Nicholls, l'utérus et le vagin on été enlevés et n'ont pas été retrouvés.

— Elizabeth Stride (Stéphane Bourgoin avance l'hypothèse qu'il ne s'agisse pas d'un meutre de l'enventreur, car le meurtrier agit devant témoin, il est ivre et insulte un passant, ce qui ne colle pas avec les précédents meurtres.) dite "Long Liz" née à Gustafsdotter en Suède, âgée de 45 ans. Découverte le 30 septembre dans Dutfield's Yard la gorge tranchée (elle est véritablement morte de cette blessure tandis que les autres victimes de l'Eventreur ont d'abord été étranglées avant d'avoir la gorge tranchée).

—Catherine Eddowes: assassinée la même nuit (30 septembre) 45 min après Elizabeth Stride. 46 ans, est assassinée à 1h45 du matin. La gorge est tranchée, l'estomac est posé sur l'épaule droite, l'utérus est enlevé et pas retrouvé, les yeux sont tranchés ainsi qu'une partie de la joue.

—Mary Jane Kelly: dite "Ginger" ou "Black Mary", la plus jeune, 25 ans et la plus jolie. Prostituée. Assassinée dans sa chambre le 9 novembre 1888. Le corps est massacré, les membres et les organes coupés sont disposés sous sa tête, sur la table de nuit ou de part et d'autre du corps. Le visage est méconnaissable et le coeur a disparu, il n'est pas retrouvé.

Fausses victimes: Annie Farmer, Rose Mylett, Alice Mckenzie, le cadavre de Pinchin Street et Frances Cole.

Trois suspects "historiques" (c'est à dire désignés par les autorités de l'époque):
— Aaron Kosminski: suspecté par Macnaghten, Swandson et Anderson. Coiffeur juif polonais il arrive à Londres en 1882. Interné en 1890 il est déclaré fou depuis 1888 (ce qui collerait à la théorie que Jack aurait arrêté ses meurtres car il serait mort ou interné). Fou à tendance perverse il aurait menacé sa soeur avec un couteau. S'il y a quelques incohérences, notamment sur le laps de temps très long qui sépare le meurtre de Mary Kelly à son internement en 1891, il est le seul suspect qui ait été soupçonné par trois des plus importants chefs de la police.

—Montague John Druitt: soupçonné par Melvill Macnaghten. Il se suicide le 31 decembre 1888 ce qui est pour Macnaghaten une preuve de sa culpabilité. Malgré tout les preuves de sa culpabilité manquent cruellement, certaines furent détruites par Macnaghaten lui-même.

—Michael Ostrog: criminel endurci, doté de tendance suicidaires, condamné à de nombreuses reprises. Escroquerie, vagabonderie, vols...

De tous les profils présentés, Aaron Kosminski présente la plus grande ressemblance avec l'Eventreur mais des recherches plus poussées s'imposeraient car dans l'état actuel des choses, cette solution est peu concluante.