Du 31 août au 9 novembre 1888, à Londres, cinq prostituées sont épouvantablement massacrées. Ces cinq misérables victimes et dix semaines de terreur sont à l'origine d'une énigme et d'un mythe qui durent depuis plus d'un siècle.
Jack l'Eventreur était-il de sang royal? Etait-il médecin ou franc-maçon? A-t-il écrit un journal intime relatant ses méfaits?
Stéphane Bourgoin, spécialiste des tueurs en série, nous offre un excellent essai sur Jack l'Eventreur. Sans spéculation ni grand déballage de contre-vérité, il nous emmène dans le Londres misérable du Est-end, et nous fait découvrir un à un les protagoniste de l'affaire. Dès le début du livre, Stéphane Bourgoin nous met en garde: il ne s'agit en aucun cas de porter un jugement définitif sur l'affaire Jack the Ripper mais seulement de reprendre une à une les pièces du dossier de Scotland Yard et à la lumière des sciences modernes de donner un portrait psychologique du tueur. De la même façon, Stéphane Bourgoin donne son avis sur la probabilité ou non pour qu'une victime soit belle et bien une victime de Jack l'Eventreur.
Le livre se compose de trois parties. Dans la première, il expose clairement les faits, donne des extraits de rapports de police, de témoignages, d'autopsies et livrent les conclusions de l'époque, ainsi que ses propres remarques sans toutefois trancher la question. Il passe en revu les grandes caractéristiques de l'époque (la prostitution, la presse, la police etc.), les victimes (leur histoire, leur dernier jour et les rapports d'autopsie complet) et les différents suspects de la police et de la presse.
Il explique notamment que la thèse du Duc de Clarence n'est pas fondé, tout comme celle d'un médecin (l'assassinat de Mary Jane Kelly montre plus une folie meurtrière qu'une chirurgie maîtrisée) ou d'un franc-maçon (il n'y avait pas de message ésotérique près des corps, c'est une invention de la presse) ne tient pas une seconde face au dossier de l'affaire. L'antisémitisme généralisé et la passion des anglais pour l'ésotérisme expliquent en parti le déchaînement de la presse et leur inexactitude. De même il étudie les lettres "envoyées" par Jack l'Eventreur à la police. Les lettres "Cher Boss" sont en fait l'oeuvre d'un brillant journaliste. En revanche celle marquée "From Hell" et le rein envoyé avec laisse encore des doutes dans les esprits. Il décrit enfin les suspects potentiels et les suspects historiques que les protagonistes de l'affaire avait désigné (les inspecteurs chargés de l'enquête). Tout au long de cette première partie, Stéphane Bourgoin tente aussi de montrer les défauts de la fiction, il explique notamment que le personnage de Frederick Abberline, popularisé par la série sur l'Eventreur (rôle joué par Michael Caine) et le film From Hell (rôle joué par Johnny Depp) sont très éloignés de la réalité. Frederick Abberline s'occupait du côté bureaucratique de l'affaire et n'avait jamais lu un seul rapport d'autopsie.
Dans la seconde partie de son ouvrage, Stéphane Bourgoin propose 9 récits ayant pour personnage principal Jack. Récits distrayants laissant libre cours à l'imagination ils offrent un éclairage plus populaire et mythologique du tueur de la nuit (en réalité l'un des meurtres de Jack l'Eventreur fut commis en plein jour).
Enfin, la troisième partie du livre est consacré à une grande bibliographie et filmographie sur le sujet.
Ouvrage clair et bien construit il donne une très bonne approche de ce "premier" tueur en série de l'histoire et une plongée passionnante dans ce mythe finalement si peu connu.
Quelques pistes sur l'affaire Jack l'Eventreur:
Victimes:
— Emma Smith (victime supposée): veuve et prostituée, attaquée par 3 jeunes gens le 3 avril 1888, décède le 5 avril 1888. Incluse dans le dossier de Jack l'Eventreur bien qu'il soit évident qu'il ne s'agisse pas d'un de ses crimes.
— Martha Tabram: prostituée de 39 ans. Retrouvée poignardée de 39 coups de couteau dans George Yard Building à 3h du matin le 7 août 1888. Probablement la première victime de l'éventreur même s'il y a encore des interrogations à ce sujet.
— Mary Ann Nicholls (première victime sûre de Jack l'Eventreur): dite Polly, âgée de 43 ans. Mariée en 1864 à William Nicholls, 5 enfants mais ils vivaient séparés. Prostituée occasionnelle. Assassinée dans la nuit du 30 au 31 août 1888. Vue pour la dernière fois à 2h30 du matin par Ellen Holland. Découverte dans Buck's row, elle a probablement été assassinée sur place. Deux entailles très profondes à la gorge laissant voir la colonne vertébrale.
— Annie Chapman: vrai nom Eliza Smith, 47 ans. Mariée à John Chapman décédé en 1886, 3 enfants. Taille, 1m52. Vue pour la dernière fois à 5h30 du matin par Elizabeth Darrell le 8 septembre 1888. Retrouvée assassinée au 29 Hanbury Street. Visage contusionné, l'estomac a été placé sur son épaule gauche, la gorge est tranchée en deux endroits comme pour Mary Ann Nicholls, l'utérus et le vagin on été enlevés et n'ont pas été retrouvés.
— Elizabeth Stride (Stéphane Bourgoin avance l'hypothèse qu'il ne s'agisse pas d'un meutre de l'enventreur, car le meurtrier agit devant témoin, il est ivre et insulte un passant, ce qui ne colle pas avec les précédents meurtres.) dite "Long Liz" née à Gustafsdotter en Suède, âgée de 45 ans. Découverte le 30 septembre dans Dutfield's Yard la gorge tranchée (elle est véritablement morte de cette blessure tandis que les autres victimes de l'Eventreur ont d'abord été étranglées avant d'avoir la gorge tranchée).
—Catherine Eddowes: assassinée la même nuit (30 septembre) 45 min après Elizabeth Stride. 46 ans, est assassinée à 1h45 du matin. La gorge est tranchée, l'estomac est posé sur l'épaule droite, l'utérus est enlevé et pas retrouvé, les yeux sont tranchés ainsi qu'une partie de la joue.
—Mary Jane Kelly: dite "Ginger" ou "Black Mary", la plus jeune, 25 ans et la plus jolie. Prostituée. Assassinée dans sa chambre le 9 novembre 1888. Le corps est massacré, les membres et les organes coupés sont disposés sous sa tête, sur la table de nuit ou de part et d'autre du corps. Le visage est méconnaissable et le coeur a disparu, il n'est pas retrouvé.
Fausses victimes: Annie Farmer, Rose Mylett, Alice Mckenzie, le cadavre de Pinchin Street et Frances Cole.
Trois suspects "historiques" (c'est à dire désignés par les autorités de l'époque):
— Aaron Kosminski: suspecté par Macnaghten, Swandson et Anderson. Coiffeur juif polonais il arrive à Londres en 1882. Interné en 1890 il est déclaré fou depuis 1888 (ce qui collerait à la théorie que Jack aurait arrêté ses meurtres car il serait mort ou interné). Fou à tendance perverse il aurait menacé sa soeur avec un couteau. S'il y a quelques incohérences, notamment sur le laps de temps très long qui sépare le meurtre de Mary Kelly à son internement en 1891, il est le seul suspect qui ait été soupçonné par trois des plus importants chefs de la police.
—Montague John Druitt: soupçonné par Melvill Macnaghten. Il se suicide le 31 decembre 1888 ce qui est pour Macnaghaten une preuve de sa culpabilité. Malgré tout les preuves de sa culpabilité manquent cruellement, certaines furent détruites par Macnaghaten lui-même.
—Michael Ostrog: criminel endurci, doté de tendance suicidaires, condamné à de nombreuses reprises. Escroquerie, vagabonderie, vols...
De tous les profils présentés, Aaron Kosminski présente la plus grande ressemblance avec l'Eventreur mais des recherches plus poussées s'imposeraient car dans l'état actuel des choses, cette solution est peu concluante.