samedi 21 novembre 2009

Quills (la plume et le sang)



Quills est un film américano-germanico-britannique réalisé par Philipp Kaufmann et sortit en 2001. Il est adapté de la pièce de théâtre Quills, écrite par Doug Wright, également scénariste du film, et vainqueur de l'Off-Broadway Theater Award (ou Obie Award), prix remis par le journal The Village Voice et récompensant les meilleures pièces « Off Broadway ».

Résumé:

Emprisonné à l'asile de Charenton, dirigé par l'Abbé du Coulmier, le marquis de Sade parvient à faire passer nombre de ses écrits via une jeune lingère travaillant au couvent, Madeleine, fascinée par l'homme, tout en étant attirée par l'Abbé, qui lui refuse son amour.

Mais l'administration estime que les méthodes de l'abbé sont trop « libérales », et le docteur Royer-Collard est envoyé à l'asile pour tenter de « soigner » le marquis, en le privant petit à petit de ses moyens d'expression.


Casting

Geoffrey Rush : le Marquis de Sade

Kate Winslet : Madeleine 'Maddy' LeClerc

Joaquin Phoenix : L'Abbé du Coulmier

Michael Caine : Dr. Royer-Collard

Billie Whitelaw : Madame LeClerc

Patrick Malahide : Delbené

Amelia Warner : Simone

Jane Menelaus : Renee Pelagie

Stephen Moyer : Prouix, l'architecte

Tony Pritchard : Valcour

Michael Jenn : Cleante

Danny Babington : Pitou

George Yiasoumi : Dauphin

Stephen Marcus : Bouchon

Elizabeth Berrington : Charlotte


Comment définir Quills? Est-ce un film érotique sur Sade? Un brûlot? Un film de moeurs? Je pense que Quills ne peut rentrer dans aucune case.

Tout d'abord, ce n'est pas un film érotique. Phillip Kauffman a su déjouer les pièges qu'un personnage comme Sade impose parfois. Si l'érotisme a été évité c'est pour mieux se concentrer sur le personnage de Sade et ses idées. Je ne prétendrais pas que l'érotisme est totalement évacué du film mais à mon sens, il est employé à très bon essient. L'amour le vice et la folie, un trio gagnant n'est-ce pas?

Qu'est-ce que le sadisme? Pourquoi alors que peut à peu il perd tout Sade continue à écrire des pamphlets érotiques comme Justine et les malheurs de la vertu, Les crimes de l'amour et les autres.


Je dirais que Quills est avant tout ce que Sade pouvait être, un dénonciateur de l'attrait humain pour la cruauté, l'hypocrisie et la pudibondrie. Car évidemment, on peut penser que Sade aimait être ce qu'il était et ce qu'il écrivait, il ne faut pas défendre certains de ces actes mais d'un autre côté, ne faut-il pas se poser la question: tant que les ouvrages de Sade sont lus, n'a-t-il pas raison d'écrire? Là est la véritable hypocrisie.

Quills nous donne à penser que ce ne sont pas toujours ceux qui se disent vertueux qui le sont.

Le docteur en est le meilleur exemple. Ses manières sont des plus cruelles et brutales envers les "fous", et son amour démeusuré pour une très jeune fille qu'il a sortit du couvent donne à voir au spectateur toute l'étendue de sa perversion. Est-il meilleur que Sade? Il est parier qu'ils sont égaux, peut-être même Sade est le plus vertueux des deux.


Mais Quills est aussi une réflexion sur notre propre perception de nous même. Sommes nous mauvais si nous aimons les récits sordides de Sade? La lecture n'était-elle pas aussi un exutoire à nos frustrations, nos envies, nos désirs, à tout ce que nous n'osons pas faire dans la réalité?

Le personnage de Maddie est assez intéressant de ce point de vue là. Amoureuse de l'abbée qui ne lui donne évidemment rien en retour, éprouve une fascination pour Sade qu'elle explique fort bien, il lui permet d'être quelqu'un d'autre. Toutefois elle se montre parfaitement lucide:

"Some things belong on paper, others in life. It's a blessed fool who can't tell the difference." (Certaines choses appartiennent au papier, d'autres à la vie réelle. C'est un fou béni, celui qui ne peut voir la différence)

La lecture comme exutoire, Madelaine aime un homme qui par le choix qu'il a fait lui est accessible. Lorsque l'abbée lui demande pourquoi elle est tant fascinée par la lecture des oeuvres de Sade, elle lui répond: " If I wasn't such a bad woman on the page, I couldn't be such a good woman in life."


Quills est pour moi, un film sur l'hypocrisie qui règne sur cette terre, cette fausse pudibonderie que les gens affectent, alors qu'au fond ils ne valent pas mieux que ce qu'ils vilipendent.


L'ambiance de ce film est dérangeante, la folie plane et rien de peut en sortir de bon. Il n'y a pas ou peu de violence si ce n'est en mots mais l'asile de Charenton est malsain et le malaise s'inflitre jusque dans les os du spectateur.

La réalité historique n'est pas toujours respectée, certaines critiques vont dans ce sens. C'est vrai qu'un peu plus d'exactitude n'aurait pas été si mal mais peut-être metait-elle moins en valeur le propos que voulait véhiculer Phillip Kaufmann.


La prestation des acteurs est impeccable. Kate Winsley est admirable de malice et de délicatesse, de désir et de frustration. Joaquin Pheonix nous fait partager sa naïveté, son altruisme et sa grande fragilité. Geoffrey Rush est incroyable comme toujours et Michael Caine lui donne parfaitement la réplique, un combat de deux perversités.

Un film à voir absolument.


Vous pourrez trouver des citations du film ici et la bande annonce ici

8 commentaires:

Bettina a dit…

C'est sûr qu'un film qui se concentre davantage sur l'effet des lectures de Sade que sur une image d'érotisme racoleur semble intéressant...
J'espère avoir l'occasion de le voir!
Bisous!

Guercoeur a dit…

Tout d'abord je dois préciser que je n'ai pas vu ce film, mais ta critique est intéressante en soi et il semblerait que ce soit un film assez dérangeant, comme tout ce qui touche de près ou de loin le personnage de Sade, dérangeant parce qu'il touche à l'intimité psychologique de chacun.
Sans aucun doute il y a beaucoup d'ambiguïté et d'attitudes ambivalentes autour de Sade et de ses écrits, ce que le film a l'air de montrer. D'abord les hypocrites, qui affectent la pudeur mais qui, secrètement, partagent ces fantasmes sans en éprouver de culpabilité sincère. Seule la crainte d'être mal vu ou l'ambition les empêchent de s'exprimer au grand jour. Il y a également ceux qui réprouvent moralement ces actes, mais ne peuvent s'empêcher d'en rêver, bien que torturés par leurs scrupules. Ceux-là sont les moralisants, empreints de pudibonderie (et non de pudeur), et à la différence des premiers, leurs discours sont honnêtes, bien qu'ils soient incapables de les incarner, et leur inhibition est sincère, et non pas une simple convention sociale. Enfin il y a ceux qui déchainent leurs désirs sans scrupules aucun, dans le cynisme le plus complet.
Sade était-il ce qu'il écrivait ? J'espère que non ! Mais si son but était de dénoncer l'hypocrisie ou d'expulser ses fantasmes à travers l'écriture, il s'y est bien mal pris, car il les a justifié. Je crois que l'art et la littérature sous toutes ses formes ne devrait pas être un exutoire, une justification du côté pervers de l'homme, mais une contre-valorisation à cette perversité.
En somme le cynisme accuse le moralisme et le moralisme accuse le cynisme, mais ils sont tous deux intrinsèquement pourris, parce que la morale, la vraie, n'est pas une purification de l'activité de l'homme, mais de son intentionnalité, de ses désirs.
J'arrête ici mes pédanteries ma chère Perséphone, mais tu peux triompher : tu m'as donné envie de voir un film sur un personnage que je déteste !
A bientôt !

Gabriel a dit…

Hello Perséphone !

Très belle critique de ce film que j'aime énormément pour son ironie et ses qualités plastiques. Le face à face Geoffrey Rush/Michael Caine vaut "foutrement" le détour.
A la fois variation sur les oeuvres de Sade et Biopic plus ou moins fantasmé, souvent malsain, parfois drôle et au final très émouvant. Voila une oeuvre qui gagne à être vue, sur tous les plans, et dont le visionnage pourra être enrichi de la lecture d'une ou deux oeuvres du Divin Marquis, et pourquoi pas de la vision du très beau Justine de Jess Franco.

A très bientôt ;)

Perséphone a dit…

Hello Grabriel,

Merci beaucoup pour ce commentaire. Je le trouve "foutrement" bien pour reprendre ton expression!
Je ne connais pas du le Justine de Jess Franco, si tu pouvais m'en dire plus cela m'intéresse!

bien à toi

Perséphone

Gabriel a dit…

Mais avec Plaisir !

"Justine", réalisé par Jess Franco en 1968 et produit par Harry Allan Towers, demeurre l'une des adaptations les plus fidèles des Infortunes de la vertu de Sade.
Le film est certes daté, production européenne en costume des années 60, couleurs chattoyantes et décors chargés, mais le casting réuni pour l'occasion est très attrayant (Klaus Kinski dans le rôle de Sade, Romina Powers, Mercedes McCambrige, Jack Palance, Howard Vernon, Maria Rhom...) et la bande originale composée par Bruno Nicolaï (grand comparse d'Ennio Morricone) est tout à fait envoutante.

Nous sommes loin des films en costumes de Christian-Jacques ici, et les dialogues ne sont pas de Henri jeanson, mais j'avoue que ce Justine de Sade est un Jess Franco qui vaut le coup d'oeil, qu'on soit novice ou habitué de son cinéma; un film de facture très classique ou la finesse des répliques le dispute au sadisme inévitable.

A préférer dans sa version longue (118 min) qui est éditée en DVD en france pour une somme fort abordable.

J'espère t'avoir ainsi donné envie de le voir et si oui, j'espère que tu ne seras pas déçu, il est très difficil d'adapter Sade sans tomber dans le ridicule ou la vulgarité et je trouve que Jess Franco y a pour l'occasion excellé !

Perséphone a dit…

Bonjour Gabriel,

Merci beaucoup pour ces précisions. Je pense que je vais essayer de me le procurer, ça a l'air fantastique. Je suis d'accord avec toi, Sade est difficile à adapter. Espérons que le cinéma nous offre bientôt une nouvelle bonne adaptation de sa biographie ou de ses oeuvres!

bien à toi
Perséphone

patrick a dit…

Sade n'a pas été malmené à Charenton. Il avait un appart, Constance pas loin et était le "maître de diction" d'une petite troupe théâtrale."Malade de la police", non jugé, mais pas du tout fou. A la différence du film, "rien n'a pu le réduire".

Perséphone a dit…

Bonjour Patrick,

Je ne prétends absolument pas que le film retrace fidèlement la vie de Sade, je pense même que la vérité historique est largement absente. La qualité première du film est sûrement sa réflexion sur l'oeuvre de Sade elle-même, sur l'écriture en général. Peut-on tout écrire? Doit-on tout écrire? Est-t-on ce que l'on écrit?
A mon sens ce sont les vraies questions du film qui utilise le personnage sulfureux et fantasmé de Sade.

Bien à vous
Perséphone

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