vendredi 16 mai 2014

Homesman - Glendon Swarthout


COUP DE CŒUR DE PERSÉPHONE

Présentation de l'éditeur: Au cœur des grandes plaines de l'Ouest, au milieu du XIXe siècle, Mary Bee Cuddy est une ancienne institutrice solitaire qui a appris à cultiver sa terre et à toujours laisser sa porte ouverte. Cette année-là, quatre femmes, brisées par l'hiver impitoyable et les conditions de vie extrêmes sur la Frontière, ont perdu la raison. Aux yeux de la communauté des colons, il n'y a qu'une seule solution : il faut rapatrier les démentes vers l'Est, vers leurs familles et leurs terres d'origine. Mary Bee accepte d'effectuer ce voyage de plusieurs semaines à travers le continent américain. Pour la seconder, Briggs, un bon à rien, voleur de concession voué à la pendaison, devra endosser le rôle de protecteur et l'accompagner dans son périple.

Homesman est paru pour la première fois en 1988 et fut traduit une première fois sous le titre Le charriot des damnées. Il bénéficie aujourd'hui d'une toute nouvelle traduction grâce à Gallmeister qui conserve le titre d'origine et en donne une traduction liée à l'anglais "le rapatrieur".

Je me suis embarquée dans ce roman à la manière de Mary Bee Cuddy dans le voyage à travers le Territoire de loup, sur un coup de tête, parce que le résumé me plaisait et parce qu'on commençait à parler du film de Tommy Lee Jones. J'ai dévoré le roman en deux jours et j'en suis ressortie toute bouleversée. Je ne savais clairement pas dans quoi je m'embarquais.

Homesman est un livre magnifique sur la conquête des territoires de l'ouest des États-Unis, leur hostilité et les hommes et femmes qui tentent d'y vivre. Le roman s'ouvre sur l'histoire de Theoline Belknap et comment et pourquoi elle perdit la raison. Pas de doute, d'entrée de jeu vous êtes dans le récit. Une terre gelée, balayée par le vent et les intempéries, des hommes égoïstes qui ne voient pas ce qui se passe autour d'eux et qui laissent leurs épouses plonger irrémédiablement. 

Il y a dans ce roman, de magnifiques portraits d'être humains et je n'aurais pas assez d'une chronique pour en parler à fond. On ressent immédiatement un contraste entre les hommes et les femmes dépeints par Glendon Swarthout. Les maris sont égoïstes et lâches. Ils sont tous tellement centrés sur eux-mêmes qu'ils pensent que leurs femmes leur ont fait un sale coup à eux personnellement, sans penser un seul instant à la quantité de douleur qu'il faut pour faire basculer un être humain dans la folie. À aucun moment ils ne se remettent en question ni n'essayent de comprendre leurs femmes. Hormis le hollandais, qui n'a pas grand chose à se reprocher - mis à part une pingrerie peut-être - les autres sont assez méprisables. Ils abandonnent leurs femmes sans remord simplement parce qu'elles ne peuvent plus servir. Les pires étant Vester et le Norskie qui blâment leurs épouses sans sourciller alors qu'ils ont leur part de responsabilité dans leur malheur. J'ai pu comprendre sans aucun soucis la colère que ressent Mary Bee Cuddy face à cette injustice et pourquoi elle décide de s'embarquer dans cette histoire.

Mary Bee Cuddy est un superbe personnage. Une femme d'une force incroyable. Institutrice, elle s'embarque pour l'Ouest puis fait un héritage et s'installe à Loup où elle cultive et mène seule son exploitation. Un véritable exploit lorsque l'on considère que ses voisins s'en sorte moins bien alors qu'ils sont plusieurs. C'est une femme forte mais dotée aussi d'une très grande sensibilité aux malheurs des autres. À travers Mary Bee Cuddy on ressent aussi tous le poids de la misogynie ambiante. Célibataire à 32 an, elle a, physiquement comme psychologiquement, un côté masculin prononcé et on sent bien que cela gêne les gens autour d'elle. Comment trouver un époux pour la seconder lorsque l'on est une femme de caractère dans l'Ouest des USA du XIXe siècle? J'ai été touchée par la fragilité qui se cache derrière le personnage et le fait qu'elle maintienne consciencieusement l'apparence de cette force à toute épreuve. C'est une femme au cœur d'or, mélomane, à laquelle j'ai été terriblement attachée.

A côté de Mary Bee Cuddy, nous retrouvons George Briggs, un voleur de terre qu'elle sort d'une mauvaise passe et qui se retrouve obligé d'accompagner Mary Bee dans son périple. George Briggs est un vrai loup solitaire. Il parle peu, exprime très rarement ses pensées et sentiments, il reste assez inconnu des lecteurs. Malgré cela, c'est un personnage fascinant que l'on apprend à connaître un peu malgré soi et qui prend toute sa dimension dans le dernier tiers du roman.

Si les personnages sont particulièrement forts, il faut aussi voir que la nature elle-même, les grands espaces américains, est au cœur des préoccupations. Elle est tour à tour accueillante ou hostile, belle ou terrible. Homesman est un roman d'ambiance, à n'en pas douter. Comme le disent les affiches du film, il s'agit de la face cachée du rêve américain et c'est tout à fait ça. Non seulement, on y parle des revers de fortune de ceux qui croyaient s'offrir un avenir meilleur, mais en plus, les femmes devenues folles sont cachées et soustraites au reste de la communauté. Préserver le mythe avant tout, tel est l'objectif de la ville.

Homesman a su m'émouvoir comme je le suis rarement. C'est un livre dur, bouleversant qui ne peut vous laisser indemne. Préparez-vous à embarquer pour un périple hors du commun. 

4 commentaires:

Le Chat du Cheshire a dit…

Je suis très tentée ! Je l'ai vu en librairie et je me retiens de ne pas lui sauter dessus ^^

Perséphone a dit…

@chat: Il est très dur mais magnifique. Une lecture qui va te bouleverser je pense.

dasola a dit…

Bonsoir Persephone, j'espère le lire un de ces jours vu que le film m'a emballée. Bonne soirée.

Perséphone a dit…

@Dasola: N'hésite pas, il est vraiment très fort. Contente que le film t'ait plu, j'espère y aller prochainement.

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