jeudi 4 octobre 2012

Lorsque le besoin se fait sentir ...

Résumé de l'épisode précédent: Après la chute de la maison Usher, Cheshire décide de se rendre à Londres où une place de nounou reste à pourvoir chez la famille Banks. En chemin il décide de faire une halte dans un endroit qui semble lui avoir manqué. 

Il faisait gris à Londres et un peu froid. L'hiver pointait le bout de son nez et notre chafouin était en avance à son rendez-vous. S'il y a bien une chose que déteste Cheshire c'est le froid. Cela ruine son pelage comprenez-vous? Ayant quelques heures à tuer - et de préférence au chaud - Cheshire décida de faire une petite halte dans la librairie de Perséphone toute proche. Sachant se montrer fort discret lorsque la situation l'exige, Cheshire se faufila dans la boutique et trouva la place qui était toujours la sienne, la tête coincée entre l'Illiade et l'Odyssée et les fesses calées entre Les trois mousquetaires et Le Comte de Monte-Cristo.  Les moustaches à l'affut de la moindre odeur de muffins framboise chocolat blanc, le chat-foin veillait au grain. 

Est-ce que ce fut l'odeur prononcée de chocolat ou bien la discrétion de Perséphone qui l'alerta? En tout cas il y avait quelque chose de pourri dans la librairie. L'exemplaire de Jane Eyre n'était pas à sa place habituelle, le chocolat avait envahi tous les gâteaux et la musique se faisait mélancolique dans la boutique. Le chafoin plissa les yeux et ravala sa grimace pour observer plus attentivement la libraire qui s'affairait derrière ses cartons. Oh Cheshire la connaissait bien! Depuis longtemps il l'accompagnait dans ses journées, se contentant de regarder tandis qu'elle s'activait mais tout de même...ça comptait un peu! Il connaissait chacun de ses sourires, chacune des ses humeurs, de ses joies et de ses coups de sang. Plus encore, il savait quand elle jouait la comédie et il pouvait jurer qu'en cet instant même Persie était la plus grosse menteuse du monde. 
"On peut bien sourire et sourire et être un scélérat" disait Shakespeare (Perséphone et lui l'avait rencontré une fois ou deux, un type passionnant qui ne payait pas de mine aux premiers abords) et bien la jeune femme avait bien compris la technique. Derrière ses sourires, le chat pouvait sentir toute la tristesse de son amie. Décidément quelque chose ne tournait pas rond depuis qu'il était parti! 
Les heures passaient et notre chat restait sagement à observer le manège de la libraire. Il manquait cet entrain, une gaité non forcée et un petit je-ne-sais-quoi d'enfantin dans son rire pour que tout ça lui convienne. Pour un chat fou il aimait étonnamment que son petit monde soit ordonné...

Lorsque Perséphone ferma la boutique ce jour là, elle se retrouva seule au milieu de ses livres et ne savait que faire. C'est vrai qu'ils avaient toujours été sa première source de joie, le pansement sur toutes ses blessures mais cette fois-ci, la jeune femme les trouvaient oppressants, encombrants. Elle rangea sa boutique, fit un peu de ménage et prépara quelques gâteaux qu'elle ne mangerait pas...elle ne les mangeait jamais de toute façon. Elle regrettait de s'être disputée avec son chat pour de simples muffins. Il aurait pu être là, la tête posée sur le frigo tandis que son arrière train aurait pris, comme d'habitude, possession du canapé. Au lieu de ça, elle se retrouvait seule dans une boutique pleine de mots et de souvenirs. Hors de question de lire un roman d'amour, se dit-elle, se serait comme mettre du gros sel sur une plaie ouverte. Un roman d'aventure? A quoi bon rêver de s'évader lorsqu'elle était coincée? Elle se décida finalement pour un roman policier et monta directement se coucher. Enfouie sous ses draps, le livre à peine entamé échoué sur sa table de nuit, Perséphone pleurait. 

Cheshire avait assisté à cette soirée désolante de plus en plus navré. Il ne permettrait pas que l'on fasse du mal à son amie, foi de Cheshire. Il irait friser les moustaches à qui de droit mais en attendant il fallait s'occuper de Perséphone. Tout doucement, le chat grimpa sur l'oreiller et se roula en boule dans le cou de la jeune femme. Plus doucement encore, il lui chuchota toute la nuit des histoires merveilleuses, des rêves magiques comme on en trouve seulement dans les livres qui finissent bien. Il lui raconta des histoires loufoques sans queue ni tête, des histoires drôles et profondément stupides. Il sécha ses larmes, la berça tendrement et lorsqu'au petit matin Perséphone ouvrit les yeux, un muffin framboise chocolat blanc, à peine grignoté, l'attendait sagement sur la table de nuit. 

Lorsqu'elle descendit ouvrir la librairie à l'heure dite, Jane Eyre avait réintégré sa place près de sa caisse enregistreuse. Une petite note était épinglée dessus: "Lorsque le besoin se fait sentir, deux doses de romanesque matin, midi et soir. Voir le médecin dans deux jours. Cheshiredoc."
Perséphone respira un grand coup et mis un CD de Jazz dans le lecteur. Cela finira par s'arranger...

4 commentaires:

La Palatine a dit…

Wouah j'ai beaucoup aimé cet extrait, tu écris très bien :)je vais aller chercher les précédents épisodes!!

Perséphone a dit…

MErci beaucoup! J'espère que les autres te plairont!

melainebooks a dit…

Tu as du talent !

Perséphone a dit…

Merci beaucoup Melaine!

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