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vendredi 30 août 2013

Le tueur à la cravate - Marie-Aude Murail


Présentation de l'éditeur: Grâce à quelques clics et une adresse mail bidon, Ruth Cassel a pu s'inscrire sur le site perdu-de-vue.com et y déposer une vieille photo de classe en noir et blanc trouvée dans les affaires de son père. La manip n'a qu'un seul but : l'aider à différencier les deux blondes aux yeux noisette sur la photo, Marie-Ève et Ève-Marie, respectivement la mère de Ruth et sa soeur jumelle, décédées à vingt ans d'intervalle. Très vite, comme s'ils avaient attendu ce signal, des anciens de la terminale S3 se manifestent. L'ex-beau gosse de la classe, une prof de philo à la retraite, une copine des jumelles et, en prime, un grand-père dont Ruth ne soupçonnait pas l'existence, s'empressent de répondre. Tout pourrait s'arrêter là... Mais la photo de classe a réveillé de terribles souvenirs. Les e-mails évoquent un meurtre commis l'année de la terminale, celui d'Ève-Marie. Ils parlent d'un étrangleur récidiviste, le tueur à la cravate. Bien plus effrayant, ils mettent en cause l'une des personnes que Ruth aime le plus au monde, son propre père, Martin Cassel...

J'avais déjà lu les romans policiers de Marie-Aude Murail comme les deux premiers tomes de la série des Nils Hazard que j'adore (Dinky rouge sang et l'assassin est au collège). Je pensais trouver quelque chose un peu dans la même veine ici. On peut dire que je me suis gentiment plantée. L'humour et la légèreté de Nils Hazard a complètement disparu dans Le tueur à la cravate pour laisser la place à un récit implacable et presque froid. Dès les premières pages, le lecteur est saisi par l'atmosphère lourde qui se dégage des fameuses photos que déterre Ruth, la fille aînée de Martin Cassel. Ce roman, édité dans la collection médium de l’École des Loisirs, aurait très bien pu être un roman pour adulte bien que l'héroïne, qui nous fait vivre l'histoire à travers ses doutes et ses émotions, soit une ado un peu perdue de quatorze ans qui éprouve un amour sans borne pour sa petite sœur Bethsabée et des sentiments confus pour son père. Les thèmes (comme toujours avec Marie-Aude Murail, plusieurs thématiques s'entrecroisent jusqu'à former un tout) sont noirs et pesants et vous serrent souvent les tripes.

Au centre de ce roman, un meurtre et des passions vieilles de vingt ans qui vont refaire surfasse et bouleverser la vie de la famille Cassel. Au-delà de l'intrigue policière en soit (j'avais bel et bien trouvé le coupable dans le premier tiers du roman grâce à un petit détail, la faute à mes lectures policières à répétition?) qui est à mon sens secondaire, c'est surtout l'humain qui est à la fois glaçant et prenant dans Le Tueur à la cravate. Les personnages sont tous marquants, vraiment tous parce qu'ils sont à mon sens radicalement humains. Le "héros" n'est pas particulièrement attachant et le reste jusqu'au bout. Il n'y a pas de changement de personnalité, les secrets levés bougent des sentiments extrêmement profonds qui effleurent la surface que très légèrement. C'est une dimension que j'ai adoré. Marie-Aude Murail ne cherche pas à rendre les personnages attachants ni gentils, ils se contentent d'être, c'est tout. Dans un roman policier, cette technique est, je trouve, payante. Le côté froid et détaché du Tueur à la cravate lui donne un certain cachet au sein de la littérature policière pour la jeunesse. Comme d'habitude l'auteure ne prend pas ses lecteurs pour des incapables. Elle apporte une histoire difficile mais honnête, qui fait réfléchir. 
Ici il est surtout question d'amour, l'amour qui a conduit un homme jusqu'au meurtre mais aussi l'amour d'un père pour ses enfants, d'un grand-père pour ses petits-enfants (qui va jusqu'à mettre en sourdine ses propres sentiments de haine pour rester proches d'elles), de sœurs entre-elles. C'est la seconde dimension qui m'a véritablement fascinée. Ce roman entier tourne autour de l'amour de la version la plus pure à la version la plus pervertie. L'auteure évite tout le voyeurisme qu'un roman pour adulte aurait pu déverser, elle écrit avec tact mais sans périphrase inutile: un adolescent peut comprendre le propos, thank you very much

Au-delà du crime donc, des personnages. Martin Cassel tout d'abord, l'adolescent étrange, puis le médecin anesthésiste froid, celui dont tout le monde croit qu'il est un assassin. C'est un personnage qui tranche dans le panel de ce qu'offre d'habitude Marie-Aude Murail. Je ne sais pas vraiment si elle l'aime comme un héros/anti-héros où si elle le trouve elle-même étrange. Martin Cassel est un personnage à la Dreyfus, inatteignable de par son mutisme et sa froideur. Il n'est pas sympa, il a un humour absurde et décalé que les gens ne comprennent pas, il ne sourit jamais et surtout il éprouve une passion presque malsaine pour sa petite dernière Bethsabée, qui le lui rend bien. Complexe jusqu'à l'incompréhension, il s'est enfermé dans une bulle de chagrin impossible à percer.
Ruth, la fille aînée, l'invisible, celle que son papa n'aime pas, ou alors il le cache et ne le lui dit pas, celle qui ne se sent pas de place dans cette relation familiale étroite qui existe entre Bethsabée et Martin, celle enfin par qui tout commence et tout fini. C'est incontestablement, pour moi, la véritable héroïne de l'histoire. Pour une adolescente de quatorze ans, elle fait preuve d'un sang-froid et d'un courage inhumain. Elle ressemble beaucoup à Martin dans son caractère, elle encaisse, se relève et avance. L'amour qui se dégage d'elle envers sa petite sœur vous prend à la gorge. Comme dans le rêve de l'assassin, elle pourrait mourir pour Bethsabée. C'est un personnage que j'ai farouchement aimé dans Le Tueur à la cravate et pourtant nous sommes loin des ado farfelus et uniques que j'aime habituellement dans les romans de Marie-Aude Murail et Malika Ferdjoukh mais ici Ruth a su me toucher. Son abnégation, sa hargne sans doute. 
Bethsabée est adorable, c'est l'un de ses personnages de gamines muraillesque qui font tout le sel de ses romans et Bethsie n'échappe pas à la règle. C'est l'enfant/la nièce qu'on aimerait avoir, vive, drôle, maligne et mignonne un vrai rayon de soleil. 

René Lechemin est touchant à sa façon. Père éploré, qui a perdu le contact avec sa deuxième fille, celle qui avait eu l'audace d'épouser l'assassin de sa sœur jumelle, il est complètement partagé entre sa haine de Cassel et l'envie de retrouver à travers ses petites-filles, son Eve-Marie perdue. Là encore, il y a un charme désuet qui se dégage de ce personnage grâce à Suzanne Parmentier, la prof de philo qui veut sortir son vieux voisin de cette prison qu'il s'est construit, année après année. Lou Belhomme est une jeune femme authentique, pas très intelligente mais humaine avec ses bons et ses moins bons côtés comme Deborah, l'amie de Ruth. Lou, c'est une fille que l'on peut croiser tous les jours dans la rue et c'est peut-être le plus dur à supporter dans ce roman, c'est que tous ces gens peuvent exister que leurs histoires peuvent être racontées. Guy Dampierre, c'est le beau gosse du lycée que ne s'est jamais remis de la mort de celle qu'il aimait et qui vit bloqué dans le passé, incapable de tourner la page. Alice aussi, comme la quasi-totalité des adultes de ce roman, est bloquée dans le passé avec un désir de prendre sa revanche sur la vie, sur ce qu'elle aurait dû avoir. Elle est agaçante par sa gaieté complètement en décalage avec le contexte grave de la situation qui se créée autour d'elle.
Le lieutenant Kim enfin, un peu lente à la comprennette mais finalement perspicace et lucide. On finit par prendre son parti, c'est un bon flic à l'opposé du brigadier Dupuis, type qui n'a rien compris à la façon de mener une enquête.

Il y a cependant une chose qui m'a profondément perturbée à la lecture du Tueur à la cravate, même si je suppose que c'était voulu par Marie-Aude Murail. Je reste complètement glacée par la fascination que tous les personnages semblent éprouver pour Eve-Marie et Bethsabée (puisque la tante et la nièce se ressemblent). Je sais bien qu'elles sont solaires et joyeuses mais Marie-Eve et Ruth n'existent finalement que dans leurs ombres. Entre René qui avoue clairement que sa fille (comme s'il en n'avait qu'une) était Eve-Marie et Martin qui aime Bethsabée plus que tout au monde, je n'ai pu m'empêcher d'être complètement révoltée par le sort injuste qui frappe Ruth et d'une certaine façon Marie-Eve. J'avais vraiment envie de secouer tout le monde et leur dire: "Mais regardez Ruth! Voyez! Aimez-là, protégez-là bordel!" Le Tueur à la cravate c'est une bande d'adulte coincés dans leur passé, incapable d'ouvrir les yeux et de voir les trésors qu'ils ont autour d'eux, à commencer par Ruth qui si elle ne ressemble pas à sa tante, a néanmoins le droit d'exister et d'être aimé.

Enfin, ce qui m'a complètement fascinée dans Le Tueur à la cravate est le carnet de bord que Marie-Aude Murail a écrit sur une année, entre la fin de Malo, fils de voleur et la sortie du tueur à la cravate. Ce carnet est hallucinant, il nous en apprend finalement plus sur Marie-Aude Murail la femme que sur Marie-Aude Murail l'auteure. On voit les idées germer dans sa tête, ses informations, ses inspirations, ce qu'elle rejette, ses tâtonnements etc. On voit le roman prendre forme, on sent des inspirations mineures qui vont parcourir presque en silence le thriller. Ce carnet de bord nous donne la possibilité aussi de rencontrer Marie-Aude, d'une façon plus intime et plus franche qu'une interview. J'ai beaucoup aimé ses réflexions personnelles sur la société ou sa découverte presque hallucinée du monde d'internet, des blogs (tendance journaux intimes), et des codes cette société virtuelle. 
Elle engrange une impressionnante quantité d'informations sur le monde grec par exemple et fini par dire qu'elle ne retient rien au-delà de l'utile. Or, elle met dans son journal intime un nombre pharamineux de références culturelles (cinématographique et littéraire). Si Madame Murail, vous êtes cultivée. 

Le Tueur à la cravate est donc un excellent roman policier à mettre entre toutes les mains et pas seulement celles des adolescents. 

vendredi 2 août 2013

3000 façons de dire je t'aime - Marie-Aude Murail


A PARAITRE LE 22 AOUT 2013

Présentation de l'éditeur: Chloé, Bastien et Neville ont eu en cinquième une professeure de français qui n’aimait que les livres qui finissent mal. Un soir, elle les a emmenés pour la première fois au théâtre voir une représentation de Dom Juan de Molière. Cette soirée a changé leur vie. C’est décidé, ils seront comédiens ! Six ans plus tard, leur désir de monter sur scène est intact et ils se retrouvent au conservatoire d’art dramatique de leur ville. Le professeur le plus réputé, Monsieur Jeanson, les prend tous les trois dans son cours. Chloé va devoir concilier les cours de théâtre avec le rythme intensif de la classe préparatoire qu’elle vient d’intégrer. Bastien, prêt à tout pour faire rire, pense qu’il suffit de regarder une vidéo de Louis de Funès pour apprendre la tirade d’Harpagon. Le beau et ténébreux Neville a peur de se donner les moyens de son ambition, d’être un autre pour savoir enfin qui il est. Comment le théâtre va-t-il lier pour toujours la jolie jeune première, le valet de comédie et le héros romantique que Jeanson a su voir en eux ?

Marie-Aude Murail a le don d'aborder tous les sujets - des plus durs au plus légers - avec finesse et tact. C'est en cela qu'elle fait une auteure de romans jeunesse et plus particulièrement de romans à destination des ados, exceptionnelle. Exceptionnelle, parce qu'elle arrive à toucher les adolescents dans leurs peurs et dans leurs joies et à leur apporter des réponses loin d'une morale bien pensante ou de bons sentiments inutiles.


3000 façons de dire je t'aime, son nouveau roman est pour moi, finalement moins sur le théâtre que sur la découverte de soi. Oui le thème central du roman est évidemment le théâtre français dont on sent que Marie-Aude Murail est une amoureuse. La façon de jouer ou de ne pas jouer, théâtre contemporain ou classique, quel rôle pour quel acteur: tout ça est abordé par Marie-Aude Murail et bien sûr les représentations, le travail des textes forment le coeur du roman. J'ai beaucoup aimé les extraits choisis par l'auteure, la "passion" de Jeanson pour Gérard Philipe, un de mes acteurs français préférés. Les textes choisis pour chacun des protagonistes sont bien trouvés et font écho à leur personnalité respective. On imagine sans peine Chloé, Bastien ou Neville dans certains rôles qu'elle leur destine. On regrette même de ne pas être une petite souris dans la salle de classe de Jeanson pour voir ce qu'il se passe.

Cependant, le parcours initiatique de Chloé, Neville et Bastien me semble finalement plus intéressant que le discours sur le théâtre que 3000 façons de dire je t'aime nous offre. Je pense que Marie-Aude Murail aurait pu raconter la même histoire avec la musique, la danse, ou n'importe quel sport ou art et que l'essence même du roman aurait été la même.

Il s'agit avant tout de réalisation de soi et de découverte de soi. C'est ce qui m'a d'ailleurs le plus plu: comment ces trois jeunes se découvrent, s'épanouissent, comprennent qui ils sont et ce qu'ils veulent dans la vie avec leurs espoirs, leurs réussites, leurs échecs. Les trois personnages sont bien campés, bien différents les uns des autres. Chloé vient d'une bonne classe moyenne orléanaise avec deux parents fonctionnaires, elle grandit dans une famille où avoir de bonnes notes est un peu une obligation, où la culture est biberonnée après le repas dominical. Bastien lui est fils de commerçants tellement absorbés dans leurs affaires qu'ils ne se rendent même pas compte que leur fils existe. Il vivote de ci de là sans réel but autre que "ne pas travailler". Quant à Neville, qui tient son nom d'un personnage vu au cinéma, il vit dans un minuscule appartement avec sa maman qui l'a eu très jeune et qui doit faire des ménages pour survivre. Neville c'est le beau torturé de la bande qui boit, fume et vol juste par envie. Trois personnalités radicalement différentes qui vont finalement s'entendre et développer une grande complicité.

J'ai beaucoup aimé les voir devenir amis et évoluer au contact des autres. Chloé apprend à se lâcher, à voir au-delà de la prépa et de la réussite purement scolaire. La libération au contact de Bastien, Neville et du théâtre. Bastien lui va apprendre à devenir plus sérieux, à travailler et à se battre pour ce qu'il aime. Pour Neville c'est la révélation, l'épiphanie. Il EST Lorenzaccio, il EST Roméo, il EST les différents rôles qu'il incarne. Quant à Jeanson c'est un personnage charismatique, un peu effrayant au début et qui de Pygmalion tout puissant devient un être humain touchant dans son amour pour le théâtre et les bons comédiens.
3000 façons de dire je t'aime c'est aussi une histoire d'amour et même de plusieurs amours. C'est dans la gestion de cette trame que Marie-Aude Murail montre toute sa finesse. Elle arrive à parler des premiers émois amoureux des protagonistes de façon très subtile, les adolescents qui se cherchent, tâtonnent, ceux qui savent. Elle y parle aussi d'ambiguité sexuelle sans que rien ne soit jamais enrobé de pudibonderie ou de morale inutile. Les personnages sont. Point. Pas d'atermoiement, pas de fausse pudeur ni de dramatisation. Tout glisse même si le thème est beaucoup moins marqué que dans Oh boy! J'ai d'ailleurs beaucoup aimé les dernières pages du roman qui apportent une conclusion très drôle et décalé sur ce gentil triangle!

L'écriture est toujours admirable, fluide, elle coule et colle au phrasé des ados sans jamais le caricaturer. C'est aussi ça que j'aime chez Marie-Aude Murail. Elle emploie d'ailleurs une formule intéressante mélant le "on" avec la troisième personne du pluriel. Le récit est à la fois intérieur et extérieur. C'est surprenant au début, d'autant que la personne qui dit "on" n'est pas identifiable avant les dernières lignes du texte, mais l'ensemble est réussi et original. Il y a également beaucoup d'humour et une moquerie bien sentie des classes préparatoires. Les descriptions de Chloé sur la prépa, le discours des professeurs sont à mourir de rire car vraiment calqués sur la réalité. Je me demande d'ailleurs si elle décrit une expérience personnelle où si elle connait d'anciens hypokhâgneux.

3000 façons de dire je t'aime est tout ce qu'on aime chez Marie-Aude Murail, une leçon de vie, une leçon de littérature et de dramaturgie, de l'humour et des personnages attachants. Encore un très beau roman que j'ai littéralement englouti! 

vendredi 22 mars 2013

Maïté Coiffure - Marie Aude Murail



Présentation de l'éditeur: Louis Feyrières doit faire un stage d'une semaine, comme tous les élèves de troisième. Où ? Il n'en sait rien. Ce qui est sûr, c'est qu'il n'aime pas l'école et qu'il ne se sent bon à rien. " J'ai ma coiffeuse qui prend des apprentis, dit Bonne-Maman, lors d'un repas de famille. Stagiaire, c'est presque pareil. " Coiffeur ? C'est pour les ratés, les analphabètes, décrète M. Feyrières qui, lui, est chirurgien. Louis se tait. Souvent. Mais il observe. Tout le temps. Comme il n'a rien trouvé d'autre, il entre comme stagiaire chez Maïté Coiffure. Et le voilà qui se découvre ponctuel, travailleur, entreprenant, doué! L'atmosphère de fièvre joyeuse, les conversations avec les clientes, les odeurs des laques et des colorants, le carillon de la porte, les petits soucis et les grands drames de Mme Maité, Fifi, Clara et Garance, tout l'attire au salon. Il s'y sent bien, chez lui. Dès le deuxième jour, Louis sait qu'il aura envie de rester plus d'une semaine chez Maïté Coiffure. Même si son père s'y oppose.



Marie-Aude Murail a le don pour aborder des sujets délicats avec tact, finesse et drôlerie. On se souvient de Oh Boy, roman foisonnant sur la mort, les familles recomposées, l'homosexualité ou la maladie. Maité coiffure n'échappe pas à la règle. Ici il s'agit surtout du choix courageux d'un métier, de l'émancipation d'un adolescent face à un père un peu tyrannique et borné. 


Louis est un garçon tranquille, élevé moyen qui ne sait pas trop ce qu'il veut faire dans la vie jusqu'au jour où il passe la porte de Maïté coiffure, un salon de la ville d'Orléans. Et c'est la révélation! Non seulement Louis adore l'ambiance du salon mais en plus il se révèle doué d'un incroyable coup de ciseaux. Le salon devient alors son univers, un cocon au sein duquel il tient à protéger ses occupants.

Je dois cette très jolie découverte à ma baby sister Frans, qui m'a offert Maïté coiffure pour Noël. Comme nous partageons toutes les deux une passion pour Marie-Aude Murail, c'était le cadeau idéal. Comme toujours l'auteure trouve les mots pour faire passer tout un tas de sentiments et d'émotions, jouer avec les angoisses des parents et des ados.

Ce roman est avant tout un plaidoyer pour l'épanouissement des enfants. Le père de Louis est médecin et à décidé que son fils ne ferait pas un métier d'idiot, parce que c'est bien connu, tout ce qui ne demande pas bac+6 c'est pour les andouilles. J'ai aimé la passion de Louis, sa volonté de poursuivre sa vocation malgré les menaces paternelles et les amis qui ne comprennent pas. Il se bat aussi pour Clara, la coiffeuse dont le petit ami est plus qu'agressif, Fifi, le coiffeur gay et mentor de Louis. Si l'adolescent se bat contre les préjugés sur le métier qu'il veut exercer, il se bat aussi contre les préjugés en général. 

Comme toujours, Marie-Aude Murail écrit son histoire avec beaucoup de finesse. Si on rit beaucoup, il y a aussi beaucoup de gravité dans les rebondissements qu'elle met en place. Tout n'est pas rose et tout ne finit pas parfaitement bien mais il y a beaucoup d'optimisme. J'ai beaucoup aimé le parallèle entre Louis et sa maman, qui s'émancipent tous les deux de l'emprise paternelle. 

C'est le genre le livre qu'il faudrait faire lire aux ados et à leurs parents pour que plus de jeunes puissent faire le métier qu'ils veulent sans que les préjugés les en empêchent. Les personnages ne sont pas tous aimables, loin s'en faut mais ils ont tous quelque chose d'intéressant. 

Un roman jeunesse que je recommande sans hésiter.

mardi 1 mai 2012

Oh Boy! - Marie-Aude Murail


COUP DE COEUR DE PERSEPHONE

Présentation de l'éditeur: Oh, boy !, c'est l'expression qui sort des lèvres de Barthélémy Morlevent, 26 ans, quand il est dépassé par les événements. Et, justement, les événements se précipitent lorsque lui tombe du ciel Siméon (14 ans), Morgane (huit ans) et Venise (cinq ans), trois demi-frère et sœurs, orphelins de fraîche date dont il est la seule famille. Ou presque. Car il a déjà une demi-sœur, plus âgée, plus "rangée" aussi. Lequel de ces deux aînés "héritera" de la jeune fratrie, dont les membres ont juré de ne pas se séparer ?

Il parait que j'ai lu Oh Boy! mais ça devait être dans une vie antérieure parce que je n'en avais aucun souvenir! J'ai, en tout cas, bien fait car ce fut un véritable coup de coeur, je l'ai lu en 2 heures...C'est vous dire!

Marie-Aude Murail a le chic pour parler de sujets très durs, très graves, très touchy mais d'une façon toujours parfaite. Il n'y a ni vulgarité, ni outrance dans le propos et surtout ni pathos. Elle dédramatise des situations terribles. Oh boy! est un livre d'apprentissage dans tous les sens du terme, à la fois pour les héros mais aussi pour le lecteur.

Les jeunes Morlevent ont déjà vécu plus que leur part: un père qui les abandonne, une mère qui se suicide et les voila seuls au monde. Seulement, Siméon Morlevent est un génie: à 14 ans il est déjà en Terminale scientifique et prend en charge sa fratrie avec le serment "Morlevent ou la mort". On sent dans ce jeune homme une force de caractère extrême. C'est un personnage réservé mais très attachant.
Morgane est le double de Siméon, sa copie, sa meilleure amie. C'est aussi une petite fille volontaire et très réservée mais qui a son charme.
Quant à Venise (j'adore son prénom) c'est effectivement la petite fille parfaite. En plus de ça, elle est drôle et intelligente aussi comme dans le passage chez le psy où elle explique une situation complexe d'une façon extrêmement simple sans que personne ne le lui demande.

Cette fratrie Morlevent est très cohérente et bien construite. Il est vrai que Morgane est la moins développée et que Siméon et Venise tirent la couverture à eux, cela dit sans elle la fratrie manquerait d'un petit truc.

Quant aux deux autres Morlevent il forme un ensemble assez incongru. Pour moi le choix est fait: je prends Barthélemy. Il est un peu comme Venise, tout le monde l'aime. Cela dit, il est aussi particulièrement agaçant quand il refuse de faire un choix ou est incapable de se secouer. Son côté lâche m'a vraiment agacé, cela dit, cela fait de Bart un personnage réel, avec des défauts et des qualités normales et même si il s'améliore visiblement au contact de son frère et de ses soeurs, son évolution n'est pas spectaculaire. Le tout reste crédible.
Quant à la soeur, je ne l'aime pas: tout simplement parce qu'elle est probablement la seule à ne pas avoir changer. Il y a un désir égoïste primaire chez elle qui m'empêche de l'apprécier et à la fin du roman elle reste fidèle à elle-même.

En parlant de la fin je l'ai beaucoup apprécié. Sans être un excellent happy end, elle a le mérite d'être réaliste et de coller à l'histoire. Je n'aurai pas aimé une super résolution d'un coup de baguette, cela aurait cassé le roman.

L'écriture de Marie-Aude Murail est sublime comme d'habitude, des phrases percutantes, du vocabulaire recherché et un style particulièrement fluide. Le chapitre 13 m'a fait mourir de rire!!! C'est tellement bien pensé que je n'en reviens toujours pas.

J'admire ce roman, car il a été écrit il y a 12 ans déjà et il n'a pas pris une ride. Elle aborde à la fois: l'abandon, la mort, le monde judiciaire, la maladie, les femmes battues, les familles recomposées et les relations familiales et enfin l'homosexualité sans être ni lourd ni vulgaire. Tout coule de source et malgré des sujets très durs l'ensemble est étonnamment léger. Le lecteur apprend autant que les enfants Morlevent. Un livre excellent pour aborder beaucoup de sujet qui peuvent être difficile de partager avec ses enfants. Un roman sur l'amour et la tolérance, le respect des uns et des autres qui n'est jamais moraliste. C'est admirable de voir le nombre de sujets difficiles abordés dans un même roman de moins de 200 pages!!!

Un énorme coup de coeur et chapeau bas à l'artiste!

mardi 24 avril 2012

Dinky Rouge Sang (Nils Hazard #1) - Marie-Aude Murail


Présentation de l'éditeur: Le professeur d’étruscologie Nils Hazard a plus de facilité à résoudre les énigmes autour de lui que les mystères de la langue étrusque. Grâce à une méthode d’investigation très personnelle – il ne réfléchit pas, ne déduit pas, mais se contente d’imaginer le passé des autres –, il découvre pourquoi l’un de ses étudiants est tourmenté par un tic qui lui déforme le visage. Il retrouve la trace d’un père de famille parti sans laisser d’adresse. Il comprend pourquoi le jeune François s’est mis subitement à bégayer. Si Nils Hazard est devenu un chasseur d’énigmes hors pair, c’est parce qu’il s’est longtemps considéré lui-même comme une énigme. À treize ans, il a percé le mystère d’un rêve qui le hantait depuis ses plus jeunes années et découvert un terrible secret de famille. Nils Hazard a décidé de raconter ce secret à Catherine Roque, l’une de ses étudiantes. Un choix étonnant: fonceuse, brouillonne, championne de tir à l’arbalète, elle a aussi le don de le mettre hors de lui.

Je sais, je sais: non seulement je suis piquée par la mouche Murail, comme le dit si bien Doriane l'attachée de presse de l'école des loisirs mais en plus je déroge à ma règle sacro-sainte de commencer une série dans l'ordre. J'admets: j'ai commencé par le second tome...mais c'était pour la bonne cause puisqu'on me l'a offert et que d'une, je n'avais pas le premier tome et de deux, je n'avais pas envie d'attendre.

Voila donc toute erreur réparée puisque je viens de finir le premier tome de la série. Je dois admettre qu'il est bien différent du volume suivant...ou plutôt le volume suivant est bien différent du premier tome. Dinky Rouge sang contrairement à L'assassin est au collège est un tome d'introduction. On y découvre Nils, sa personnalité un peu guindée mais attachante, son amour de l'étruscologie et son don pour les éngimes. Dans ce premier tome, Nils nous est presque présenté comme un Sherlock Holmes amateur qui devine par observation et deduction. C'est un trait de caractère qui est finalement assez peu présent dans le tome 2 et qui m'a assez surprise.

Ce premier tome se présente comme une suite de nouvelles dont le fil conducteur se trouve être Catherine, une étudiante puis ancienne étudiante de Nils qui émoustille et interroge notre cher petit professeur. Chaque nouvelle a son intrigue que Nils résout. Il nous parle de sa propre histoire, de celle de François le petit frère de Catherine, d'un père disparu, d'un petit garçon qui se met à begayer ou d'une fille qui soupçonne sa mère du meurtre de son père.

J'ai trouvé la première histoire en décalage avec le reste du roman, elle est plus lourde plus laborieuse que les autres, notamment pour marquer la différence entre le passé de Nils (forcément plus douloureux à vivre) et les aventures qu'il résout d'une façon somme toute détachée.Par ailleurs cette histoire va nous suivre tout au long du récit puisqu'elle réapparait de temps en temps dans la tête de notre héros.
J'ai beaucoup aimé l'histoire du père disparut ainsi que "N'importe naouak, n'importe comanche" et la dernière.

Les mystères ne sont pas difficiles à élucider mais pour des enfants cela représente un challenge intéressant.
On retrouve bien sûr le style de Marie-Aude Murail, élégant, un peu canaille mais juste qu'on aime tant!

Une série que j'aime décidément beaucoup!

lundi 23 avril 2012

Malo de Lange et le fils du roi (#3) - Marie-Aude Murail

Présentation de l'éditeur : De l’ambition ! En 1835, le jour de ses quinze ans, Malo est nommé lieutenant de la brigade de la sûreté. Son père, qui est aussi son chef, va-t-il enfin cesser de lui parler comme à un enfant ? En guise d’encouragements, Monsieur Personne le traite de bougre d’âne et l’envoie se coucher… Du mystère ! Pas question de dormir ! Malo a eu vent d’un mauvais coup : l’assassinat d’un enfant dont on voudrait voler le coeur. Coïncidence ? Au même moment, dans le quartier, on retrouve, disséminés, des cadavres de chiens mutilés. Un revenant ! Malo est terrifié par un fantôme. Celui d’un jeune garçon au visage creusé par la maladie qui vient hanter ses nuits. Malo semble le connaître, pourtant il ne l’a jamais rencontré. De la magie ! L’affaire le conduit au théâtre du grand Wizzard. Le magicien peut scier une jolie fille en deux et sortir une casserole de haricots fumants d’un carton à dessins. Malo n’en croit pas ses yeux et il n’a pas tort. De l’amour ! Sa fiancée Léonie a un nouveau prétendant. Le baron Côme de la Trimbaldière a trente ans, une réputation de séducteuret tout un tas d’ancêtres. Comment rivaliser ? Un nouveau zig ! Il a onze ans et se fait appeler Toto. C’est le plus jeune des fils du roi Louis-Philippe, que le jeune agent de la sûreté est chargé de protéger. À vivre aux côtés d’un prince, Malo s’aperçoit qu’il ne sait ni danser, ni monter à cheval, ni tirer l’épée. Et surtout qu’il déteste les cours de latin. Mais sauver le fils du roi, ça, il sait !

Voila ce qui clos (normalement) les aventures du jeune Malo de Lange. Comme pour les deux premiers tomes (tous trois avalés en 1 semaine) je me suis régalée. On retrouve une fois de plus ce qui nous fait rire, les titres farfelus, les "comme dirait" et les expressions en arguche. Le tout est peut-être un peu moins nombreux mais ce n'est pas plus mal au fond. Le lecteur ayant eu le temps de se faire au monde de Malo, l'accent est d'avantage mis sur l'intrigue que sur ces "bons mots". Je ne résiste cependant pas à vous montrer un petit exemple des bons mots de Marie-Aude Murail (titre de chapitre): "La vie est faite de rebondissements, comme disait sainte Blandine, dont les lions n'avaient pas voulu, en apprenant qu'elle allait être livrée aux taureaux sauvages".

Ce petit ton si appréciable chez Malo n'a pas disparu. De plus, notre zig préféré se retrouve confronté à un autre milieu. Il quitte (provisoirement du moins, car ils sont toujours là) les grinches pour aller du côté de chez le roi Louis-Philippe. La force de ce tome est de nous inclure de façon plus évidente dans l'Histoire de France du XIXe siècle.
Ici, c'est autour du personnage de Louis-Philippe et de sa famille que se concentre une partie de l'affaire. Marie-Aude Murail fait renaître le spectre de Louis XVII, les conspirateurs et un fou!

J'ai beaucoup apprécié cette histoire, son évolution et ses rebondissements. Je l'ai trouvé sans doute un peu plus sombre que les autres mais bien mené avec une tension qui va crescendo. Malo me plait toujours autant, il est franc, agréable et sans malice aucune. Mr Personne est toujours aussi mystérieux et ses déguisements m'étonneront toujours!
Le personnage de Gaby est là et je l'adore toujours autant!!!
Quant au petit Montpensier c'est un véritable amour et son personnage tranche littéralement avec les autres zigs que l'on a croisé au fil des deux premiers tomes.

Je me demande s'il s'agit vraiment du dernier tome des aventures de Malo...en tout cas un tome 4 ne me dérangerait pas!

Merci à Doriane et à l'école des loisirs pour ce joli volume!

jeudi 19 avril 2012

Malo de Lange, fils de Personne (#2) - Marie-aude Murail


ATTENTION, SPOILER SUR LE TOME PRECEDENT

Présentation de l'éditeur: De la révolte ! À quoi bon être agent de la Sûreté à 14 ans si l’on est cantonné à des missions sans risque et sans intérêt ? Pour connaître le goût du danger, Malo de Lange se sent prêt à tout. Comme à désobéir à son père, le chef de la police secrète en personne. Du mystère ! Le voilà déguisé en soubrette au service du duc d’Écourlieu. Malheur ! Le duc est retrouvé pendu et son fameux diamant bleu, le Golconde, a disparu. De l’aventure ! L’affaire mène Malo en enfer. Celui du bagne de Brest, dont il doit à tout prix s’évader pour ne pas crever. De l’amour ! Sa fiancée Léonie est convoitée par un autre. Furme d’Aubert est laid comme un pou, mais possède deux atouts. Il a 18 ans, il est le fils du préfet de police. De drôles de zigs ! Ils s’appellent Mouchique l’empoisonneur, Nini guibole et Moïra de Feuillère, tous voleurs, traîtres et menteurs. Ce sont les nouveaux amis de Malo. Vont-ils l’aider ou le faire chuter ?

Oui ma bonne dame! (ou mon bon monsieur c'est selon). Oui je suis toujours dans les aventures de Malo de Lange mais cette fois dans le tome 2 (ne paniquez pas j'ai déjà entamé le tome 3!).

Parce que je me suis bien amusée dans le tome 1 j'ai décidé de poursuivre plus avant et puis comme maintenant j'aspine bien l'arguche ce serait dommage de s'en arrêter là n'est-ce pas?

J'ai retrouvé Malo avec plaisir, ct'in bon zig c'te momacque! Ah oui pardon, c'est un bon personnage cet enfant (vous voyez tout de suite c'est moins clair. Non?...je reprends). Il est égal à lui-même et on le retrouve tel qu'on l'avait laissé. Cette continuation logique entre les deux tomes est très appréciable, en les lisant à la suite on trouve une vraie cohérence, ce qui n'est pas toujours le cas dans les séries.
Même si je suis déçue de ne pas avoir revu les anciens compagnons de Malo, d'autres arrivent qui sont tout autant intéressants.

Nini est assez drôle avec ses grands yeux qui lui mange le visage, Mouchique est diablement mystérieux et Moïra...c'est Moïra, je l'adore et j'espère qu'elle restera parce que je trouve qu'elle irait bien avec le père de Malo (oui je sais ...mais j'ai le droit de rêver non? Bon!). J'aime aussi le changement chez le personnage de Moïra, c'est un personnage pluriel et c'est aussi agréable et je trouve qu'elle est parfaite dans son rôle en fait.

Le personnage de Mr. Personne s'étoffe et c'est sympathique. La relation Malo-Personne est très intéressante car elle bascule sans cesse entre le rapport chef/subordonné et Père/fils ce qui parfois revient un peu au même me direz vous. Ce que j'aime chez Personne c'est que non seulement il veille sur Malo, un peu à la Arsène Lupin et qu'en plus il est partout et nulle part. Du coup il plane sur le roman sans pour autant être présent à chaque page.

J'ai beaucoup aimé cette histoire car même si les rebondissements à la chaîne sont moins nombreux que dans le premier tome, cette histoire, plus ramassée sur elle-même a le mérite de plus de cohérence et de moins d'excentricité. Elle perd en émotion mais gagne tension. J'ai aimé le mystère de base et j'avoue que je n'avais pas trouvé l'entière solution jusqu'à ce que Personne la souffle, ce qui est plutôt bon signe. L'avantage avec Malo c'est que l'histoire n'est pas simple et que le lecteur doit quand même suivre le déroulement de l'énigme!
J'ai vraiment apprécié les passages au bagne de Brest que je trouve très réaliste sur le fonctionnement de la répression criminelle du XIXe siècle.
J'ai eu l'impression de lire du Victor Hugo dans l'idée parfois et c'était bien utilisé.

On en apprend toujours plus sur les voleurs et leur méthode et l'argot est toujours aussi présent avec encore un très bon glossaire à la fin.

Je suis toujours aussi admirative des "Comme dirait" de Malo qui sont vraiment sa marque de fabrique et des titre de chapitre, jamais exacte et pourtant scrupuleusement vrais. Exemple: "J'ai un Morpion dans ma culotte, je le refile à Léonie". Non non ce n'est pas ce que vous croyez bande!!! et c'est même plutôt drôle d'ailleurs!

Encore un excellent moment en compagnie de Malo, je reviens très vite pour le tome 3 qui s'annonce très sombre et très lié à l'Histoire de France!

mercredi 18 avril 2012

Malo de Lange, fils de Voleur (#1) - Marie-aude Murail


Présentation de l'éditeur: Malo de Lange est le fils de personne. Rien ne permet d’identifier l’enfant recueilli en 1822 par l’abbé Pigrièche à l’orphelinat de Tours. Rien, sauf une marque sur son épaule, la fleur de lys des bagnards que découvrent, horrifiées, les demoiselles de Lange qui viennent de l’adopter. De l’aventure !Il n’a que douze ans, il est à peine éduqué, et déjà le voilà arraché à ses tantes adoptives par un certain Riflard, une brute qui se prétend son père, mais qui le bat et le séquestre. Malo parvient à s’échapper et part sur les routes à la recherche de son vrai père. De l’amour ! Elle s’appelle Léonie de Bonnechose, elle est belle, elle est riche. Malo a décidé que c’était sa fiancée, mais elle n’est pas au courant. Gagnera-t-il son coeur ? Aimera-t- elle le fils du voleur ? Un héros partagé entre le bien et le mal ! Vagabond, bonimenteur, voleur à la tire, escorté du petit Craquelin, du gros Bourguignon et de La Bouillie qui lui apprend à jaspiner l’argot, Malo se retrouve avec sa bande à la taverne du Lapin volant, un repaire de voleurs et d’assassins. C’est le Lapin volant qui connaît le secret de sa naissance, Malo en est persuadé. Oui, mais gare ! À force de fréquenter la canaille, Malo risque de s’enfoncer dans le crime comme le couteau dans le beurre…

Comme dirait l'autre je suis tombée dans la potion Murail en ce moment et ce n'est pas prêt de finir! Malo de Lange, fils de voleur est le première tome d'une série de 3 tomes pour l'instant.
Malo, c'est un adolescent de 12 ans, vif et débrouillard qui jaspine l'arguche et qui fait le monte en l'air un peu pour s'amuser. C'est surtout un petit garçon qui ne sait pas qui il est et qui est marqué par cette fleur de lys à l'épaule droite.

Dans Malo, on retrouve toute la saveur de l'écriture de Marie-Aude Murail: une écriture juste, qui fait mouche et qui n'est jamais inutile. J'ai adoré les titres des chapitres: courts, drôles, percutants qui résume toujours d'une façon amusante (et parfois qui semble erronée pour perdre le lecteur) le contenu du chapitre à venir. J'aime aussi énormément les petites phrases à Malo "comme disait": "la vie est faite de haut et de bas comme dirait le type qui monte cinq étages avant de se jeter par la fenêtre". C'est toujours complètement inattendu et décalé et c'est un régal!

Le gros point fort de ce premier roman c'est l'argot qu'elle emploie. Extrêmement bien renseignée avec un glossaire très détaillé à la fin de l'ouvrage et des astérisques pour que le lecteur ne se perde pas en route, cela donne un caractère d'authenticité au récit qui est très intéressant! C'est la première fois que je vois ça dans un roman jeunesse. Non seulement cela permet au lecteur d'identifier rapidement ceux qui viennent de la rue et qui ont de grandes chance d'être des "ginches" (des voleurs) contre ceux qui parlent un français correct et cela permet également d'ancrer réellement le récit dans le milieu des voleurs du XIXème siècle. J'aime cette qualité chez les auteurs de l'Ecole des loisirs en général de ne pas hésiter à élever le débat et à offrir aux enfants et adolescents, une vraie lecture non épurée des difficultés de langage.

Pour parler des personnages je les trouve très bien campés: Malo est un petit garçon émouvant car il se pose plein de questions sur son identité comme beaucoup d'enfants de son âge. Il est partagé entre la vie qu'on lui fait vivre et celle qu'il aimerait mener, son amour pour Léonie Bonnechose et ses amis, ses tantes etc.
Les personnages qui gravitent autour de Malo sont également très attachants: j'ai adoré La Bouillie et Craquelin que je trouve très émouvant, Bourguignon prend de l'ampleur au fil des pages et j'ai apprécié ce fait. Quant aux tantes elles sont adorables.

Les méchants sont vraiment méchants. Même si plus aucun voleur ne me fait peur après Rigaud de Little Dorrit je les trouve très réussis et très diversifiés. Certains sont mystérieux, d'autres simplement affreux, c'était une excellente idée que de les différencier de la sorte.

Quant à l'histoire elle-même je la trouve particulièrement bien dosée: des rebondissements, de l'aventure, de la tendresse, de la drôlerie et des larmes aussi: un vrai roman d'aventure comme on les aime.

Malo et ses boucles blondes ont eu mon suffrage, je suis plongée dans le deuxième tome!

mardi 17 avril 2012

L'assassin est au collège (Nils Hazard #2) - Marie-Aude Murail


Présentation de l'éditeur: Un professeur a retrouvé son casier forcé et ses copies corrigées avec du sang humain. Avertissement ou mauvaise plaisanterie? Voila exactement le genre de questions qu'on peut poser au chasseur d'énigmes Nils Hazard et à sa petite amie Catherine Roque. Tous deux vont enquêter sur le terrain lui se faisant passer pour le nouveau prof d'Histoire-Géo, elle se faisant embaucher aux cuisines. Mais ils pourraient bien le regretter.
Nils se retrouve avec 280 suspects, dont un directeur à demi fou, une ogresse déguisée en prof de français, un concierge simple d'esprit, une sixième qui se défenestre, un quatrième qui fait sauter les plombs, des troisièmes qui ont inventé la gruge industrielle, et un "maniaque du crime" qui rôde la nuit dans les couloirs de l'internat.
Bienvenue au collège Saint-Prix.

Depuis le temps qu'on me parlait de Nils Hazard! Il était temps que je m'y mette, n'est-ce pas? Donc tout d'abord, merci Betti pour le cadeau d'anniversaire dévoré en une journée cela va sans dire.

Pour resituer un peu les choses puisque L'assassin est au collège est le deuxième tome d'une série jeunesse (qui se lisent indépendamment d'ailleurs, je n'ai pas lu le tome 1 et j'ai quand même compris l'histoire), Nils Hazard est étruscologue (et il s'y connait aussi un peu en égyptien) et professeur à la Sorbonne. Un peu guindé (monsieur vouvoie sa petite amie) il est aussi très fort en énigme et avec sa petite amie Catherine Roque ils enquêtent à la demande de l'inspecteur Berthier.
Le couple Catherine-Nils est très agréable. Ils sont drôles et se taquinent beaucoup ce qui donne du dynamisme à leur relation.

Au départ, en regardant le volume de 174 pages je me suis dit que ce serait désespérément trop court. En fait, si c'est court le récit est très bien construit et l'intrigue prend son temps. Je me rends compte de la densité de l'écriture de Marie-Aude Murail qui fait qu'en peu de mots elle en dit beaucoup. J'aime le ton de Nils Hazard à mi-chemin entre un vocabulaire précieux de prof de Sorbonne et le langage désabusé d'un homme de trente-cinq. C'est un mélange un peu déroutant mais parfaitement réussi. Comme d'habitude, on retrouve ce qui fait le délice de l'écriture de Marie-Aude Murail: un ton percutant, une maîtrise de l'écriture et un vocabulaire recherché.

En ce qui concerne l'intrigue policière je l'ai trouvé efficace. Pour un adulte cela ne fait pas vraiment peur mais ça doit un peu plus impressionner un esprit plus jeune. Cela dit je l'ai trouvé très bien. Elle est prenante, parfois angoissante sinon drôle.
Les sixièmes m'ont bien fait rire avec Claire Delmas qui "se fait toujours assassiner", le baron Von Gluck et les reconstitutions historiques. Les quatrièmes sont intéressants et les troisièmes assez perturbants. Le collège entier est perturbant de toute façon.
Je n'avais pas deviné la fin, Marie-Aude Murail brouille bien les pistes, accumule les suspects et les fausses pistes.

Une enquête qui m'a beaucoup plu menée par un inspecteur-etruscologue au charme indéniable! Sans aucun doute L'assassin est au collège ne sera pas mon dernier Nils Hazard!

A noter que la série des Nils Hazard fait l'objet d'une réédition à l'école des loisirs.

lundi 23 mai 2011

Miss Charity - Marie-Aude Murail



COUP DE CŒUR DE PERSÉPHONE
Une petite fille.
Elle est comme tous les enfants débordante de curiosité, assoiffée de contacts humains, de paroles et d'échanges, impatiente de créer et de participer à la vie du monde.
Mais voilà, une petite fille de la bonne société anglaise des années 1880, ça doit se taire et ne pas trop se montrer, sauf à l'église, à la rigueur. Les adultes qui l'entourent ne font pas attention à elle, ses petites soeurs sont mortes. Alors Charity se réfugie au troisième étage de sa maison en compagnie de Tabitha, sa bonne. Pour ne pas devenir folle d'ennui, ou folle tout court, elle élève des souris dans la nursery, dresse un lapin, étudie des champignons au microscope, apprend Shakespeare par cœur et dessine inlassablement des corbeaux par temps de neige, avec l'espoir qu'un jour quelque chose va lui arriver.
Miss Charity est encore un MERVEILLEUX roman que j'ai découvert grâce au challenge jeunesse Whoospy daisy. Pour l'instant mes deux premières lectures sont des coups de cœur, ça en valait donc la peine.
On aurait pu être rebuté par les 500 pages du roman, d'autant qu'il est lourd et difficile à tenir mais au final, les pages glissent et on se retrouve à la fin sans savoir comment on en est arrivé là!
Miss Charity raconte l'histoire (enfin l'enfance, l'adolescence et le début de l'âge adulte) de Charity Tiddler qui n'est pas sans avoir quelques traits communs avec une certaine Beatrix Potter. Son lapin fétiche s'appelle lui aussi Peter et Charity comme Beatrix dessine, fait des aquarelles d'éléments de la nature et d'animaux. Mais voila, Charity est une originale et il n'est pas vraiment bon d'être une originale au XIXe siècle (rappelez vous d'Esme Lennox...). Or donc, nous sommes dans un roman jeunesse, chez "presque" Beatrix Potter et tout se passe bien ou presque car l'écriture de Marie-Aude Murail est loin d'être infantilisante et des choses terribles se passent dans la vie de Charity.
Comment être élevée entre un père qui ne parle que par monosyllabes et une mère qui la déteste (lui répétant à l'envie, qu'elle est laide, qu'elle ne trouvera pas de mari etc etc) et qui en même temps est jalouse lorsque sa fille s'éloigne d'elle? Comme vivre avec une nurse folle, Tabitha lui répétant qu'elle est mauvaise? Comme vivre entouré de ses cousines dédaigneuses que son Ann et Lydia?
Heureusement dans le monde de Charity il y a aussi Mademoiselle et Herr Schmal (le professeur allemand de son cousin Philip), les King et Mr Kenneth Ashley. Et puis les animaux, Peter, Miss Désirée, Darling number two, Petruchio et les autres qui comble le vide de l'existence de Charity.
L'écriture de Marie-Aude Murail est espiègle, très drôle mais aussi sombre sur des aspects tristes de la vie. J'avais un peu peur au départ de cette forme en dialogue dans le récit mais au final ce fut une excellente idée. La lecture tombe à moitié dans le théâtre et reste à moitié dans le genre romanesque ce qui lui donne une grande fluidité de lecture en même temps que quelques clins d'oeil.
J'ai beaucoup aimé les lettres que Charity s'écrit à elle-même, sorte de projection jamais réalisées ou encore les référence à Wilde et Bernard Shaw. J'aime aussi le fait que pour ne pas devenir folle Charity récite Shakespeare avant de s'endormir et qu'elle connaisse la quasi totalité de l'œuvre par cœur.
Les illustrations de Philippe Dumas sont sublimes et elles reprennent souvent celles de Beatrix Potter que j'ai adoré retrouver. On se laisse délicieusement emporter par l'histoire et par cette follette de Charity qui ne veut rien d'autre que vivre sa vie. C'est un livre pour la jeunesse certes mais qui peut se lire à tout âge car il fait l'apologie de l'indépendance et de la soif de savoir.
Lu dans le cadre du Challenge Jeunesse Whoospy Daisy