mercredi 19 mars 2014

La fin du monde a du retard - J.M. Erre



COUP DE COEUR DE PERSEPHONE

ATTENTION TRANCHES DE RIRE INSIDE

Présentation de l'éditeur: Construit sous la forme d'une course-poursuite, "La fin du monde a du retard" met en scène Alice et Julius, deux amnésiques qui s'évadent de la clinique psychiatrique où ils sont traités. En effet, Julius s'est donné pour mission de déjouer un terrible complot qui menace l'humanité. Poursuivis par la police, par des journalistes et par de mystérieux personnages de l'ombre, ils iront de péripétie en rebondissement jusqu'à l'incroyable révélation finale...

Dans la clinique Saint-Charles, "trois toqués au guide Dumachin", on trouve, à côté de Madame Bergougnoux, septuagénaire à gaine persuadée que les aliens sont prêts à débarquer pour l'emmener dans leur grand vaisseau, Alice et Julius. Julius est là pour amnésie, ou presque. Un peu parano, pas mal frappé du bulbe, il est surtout convaincu qu'un complot planétaire se trame, orchestré par un groupe appelé Tiresias et qu'il est le seul à pouvoir sauver le monde, même si celle-ci à du retard. Alice quant à elle est amnésique aussi depuis que tout son mariage a explosé, littéralement..."Le premier événement qui me vient à l’esprit, donc :
Lieu : la salle des fêtes de Chèvreville-les-Eaux.
Date : le jour de mon mariage.
Événement : j’ai tué deux cent soixante-deux personnes, en trois secondes.
Mon ressenti : à mon avis, on ne doit pas être loin
d’un record du monde. [...] En conclusion, j’ai été mariée deux heures et vingt-trois minutes. Là aussi je dois m’approcher d’un record du monde. Tiens, il faut que je vérifie." Autre particularité de la jeune femme, elle n'éprouve plus aucune émotion, ni peur, ni angoisse, ni bonheur, rien. "C’est vrai qu’en tant qu’être humain, je suis handicapée. En revanche, pour un légume, je suis remarquablement évoluée." En d'autres termes, elle va bien.



Armé de capsules de nespresso, (what else), qu'il sniffe pour se donner un coup de fouet, Julius, 1m55 au garrot, a préparé son évasion dans les moindres détails...mais il n'avait pas prévu les deux agents envoyés à ses trousses et il se retrouve, pour son plus grand plaisir - il faut dire qu'elle est plutôt mignonne la jeune Alice - embarqué avec la jeune femme dans une course poursuite éperdue à travers Paris pour semer leurs poursuivants et révéler "l’extraordinaire vérité cachée derrière notre triste et médiocre réalité".

J'étais déjà conquise par J.M. Erre avant même d'avoir ouvert La fin du monde a du retard, tout simplement parce que j'avais adoré Le mystère Sherlock et Série Z. J.M Erre est un ovni dans le paysage littéraire français. Ses récits sont loufoques - sans toutefois être dénués de logique - l'humour est omniprésent: calembours, jeux de mots, références etc. parcourent toutes les pages. La fin du monde a du retard ne fait pas exception à la règle.

La fin du monde a du retard est donc bourré d'humour, dès les premières phrases nous retrouvons avec un énorme plaisir le style et la décontraction de J.M. Erre. Il y beaucoup de Pennac et un peu de Queneau dans le style de l'auteur mais il sait être rester lui-même et apporter une petite touche personnelle qui me réjouie tout à fait. Je sais que les reproches qui sont parfois fait à J.M. Erre est justement cet humour omniprésent qui a lassé certains lecteurs. D'une façon purement personnelle, j'adhère à cet humour débridé et je trouverai dommage que J.M. Erre se réfrène. C'est ce qui le caractérise, ce qui m'incite à ouvrir chacun de ses livres en étant sûr de finir morte de rire, à glousser toute seule comme une andouille dans le métro. J.M - si tu me permets - ne t'arrête pas, nous avons désespérément besoin d'humour en ce moment je crois!

Bon on a compris Persie, c'est drôle mais what else? (non je ne suis pas du tout lourde avec cette blague). Et bien le reste c'est une histoire de complot montée un peu à l'envers. Les théories de Julius sont intéressantes car elles déconstruisent le complot traditionnel et place les auteurs et la "fictionnalisation" des gens comme le vrai complot. Il y a même des QCM à la fin de chapitre pour vérifier notre degré d'aveuglement. J'adore.
"Quiz de la Caverne – Calculez votre coefficient d’aveuglement
Question n° 1 :
   Qui gouverne le monde ?
A. Le lobby judéo-maçonnique ;
B. Le lobby extraterro-bolchevique ;
C. Le lobby luxembourgo-monégasque ;
D. Personne. D’ailleurs, c’est le bordel."

Les personnages sont encore une fois à la hauteur de nos espérances. Entre Julius, paranoïaque au dernier degré, doté de fort élan chevaleresque et amoureux, Alice aussi sensible qu'une betterave, Ours le pote geek à fond dans l'idée du complot, Gaboriau le commissaire de police à 4 jours de la retraire et son lieutenant Matozzi, ravi d'envoyer pépé dans les orties, on a de quoi faire. Il ne faudrait pas oublier l'abbé Saint-Freu - que l'on retrouve depuis Serie Z, cette fois avec presque toute sa tête. 

L'intrigue peut sembler simpliste, après tout il s'agit d'une histoire de course-poursuite et complots, rien de bien original vous me direz mais c'est largement compensé par une fin explosive, bourrée de rebondissements que pour ma part je n'avais pas vu venir. 
Mais oubliez tout ça, oubliez l'humour, oubliez les personnages hauts en couleurs et la reconstruction des complots parce que ce n'est rien à côté de la déconstruction narrative opérée par J.M Erre dans La fin du monde a du retard.  Nous avons notre Julius qui prend par le menu tous les points d'une aventure: "c'est un peu trop tôt pour un retournement de situation mais pas pour une péripétie", "c'est toujours à ce moment que le héros se voit confronté à un traitre" ou encore "il y a toujours un moment ou le héros doit se retrouver dans l'eau avant de renaître pour sa quête" (citations peu ou prou exactes). Il se joue complètement de tous les codes et clichés narratifs qui composent normalement une histoire et brise en quelque sorte le 4ème mur car Julius n'est pas le seul à commenter les péripéties qui lui arrive, le narrateur omniscient s'y met aussi et parle aux lecteurs•trices. Ainsi, il nous dit lorsqu'il est temps de mettre fin à un dialogue, de passer sur une intrigue parallèle ou de relancer l'action qui s'enlise et c'est ce que j'ai préféré. 
Non seulement, J.M. Erre s'amuse avec son intrigue mais il s'amuse aussi avec la littérature et les codes qui la régisse. 

Voila, vous avez compris, je suis absolument conquise et acquise à la cause de J.M. Erre - que j'aurai adoré avoir comme professeur. La fin du monde a du retard est un grand cru, à dévorer ABSOLUMENT.

Pour info, l'auteur passe demain à la grande librairie. J'ai hâte de le voir en vrai. Et si vous n'êtes toujours pas convaincu, vous pouvez allez ici sur le site de Buchet-Chastel, vous pourrez même lire le début du roman!

10 commentaires:

Clelie a dit…

Oh, je note doublement... ! Me voilà encore plus convaincue... Je fonce l'acheter ! Quelle chance de rencontrer l'auteur ! Tu en parleras sur ton blog ? (please ?)

Perséphone a dit…

je suis ravie qu'il te tente. Je ne rencontre pas l'auteur malheureusement. La grande librairie est une émission de télé sur France 5. J'espère que tu pourras la voir là où tu es. :D

Clelie a dit…

Oups... je ne connaissais pas du tout l'émission ;-) Me voilà au fait !

Perséphone a dit…

@Clélie: J'aurai adoré le rencontrer en vrai cela dit!

Karine:) a dit…

J'adore Erre. Du coup, c'est certain que celui-ci est noté!

Perséphone a dit…

Karine: Je n'en attendais pas moins de toi!

Vivi Potter a dit…

c'est vrai qu'il a l'air sympa ce bouquin! encore une belle chronique comme d'habitude ^^

Perséphone a dit…

Je ne peux que te les conseiller! Il faut découvrir J.M. Erre.

Clelie a dit…

J'ai achevé le roman hier, et je l'ai adoré. Un roman non seulement loufoque, mais extrêmement intelligent et bien écrit... Comme tu le signales, la fin est une apothéose qu'on ne voit vraiment pas venir... A dévorer sans hésitation !

Perséphone a dit…

@Clélie: AHHH je savais bien qu'il te plairait!! Je l'ai dévoré comme un bonbon!

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