mercredi 23 février 2011

Profileuse: une femme sur la trace des serial killers - Stéphane Bourgouin

Micki Pistorius est la première femme au monde à avoir exercé le métier de profiler et à traquer les serial killers. Elle a enquêté sur près de quarante cas de tueurs en série, et les profils psychologiques qu'elle a établis ont permis l'arrestation d'une douzaine de ces assassins hors norme. Durant, plusieurs mois, Stéphane Bourgoin a accompagné Micki Pistorius dans son travail quotidien, sur les scènes de crime, dans les morgues, les commissariats et jusque dans les prisons de haute sécurité où elle recueille les hallucinantes confessions de serial killers pédophiles, cannibales ou nécrophiles. Dans cet ouvrage, Micki Pistorius accepte de livrer certains de ses secrets de profilage, et nous fait partager sa terrifiante plongée au cœur des ténèbres.

Avec ses 20000 meurtres par ans, ses 30 000 tentatives de meurtres, ses 50 000 viol, ses 300 000 agressions violentes et ses 5 000 enlèvements par ans, l'Afrique du Sud est l'un des pays les plus dangereux du monde. C'est également un de ceux qui compte le plus de tueurs en série. Ce n'est donc pas surprenant de voir Stéphane Bourguoin, spécialiste français en matière de criminologie, s'intéresser à ce phénomène. Il nous livre ici le portrait de Micki Pistorius, première femme profileur du monde.

Ce livre est proprement terrifiant, car sous les paillettes glamour d'Hollywood, se cache la réalité sordide de Micki Pistorius.
Ce qui est particulièrement étonnant aux premiers abords pour le lecteur est Micki Pistorius elle-même. Si vous vous imaginiez des profileuses du type Angelina Jolie dans Salt, vous serez plutôt déçus. Micki Pistorius n'a rien d'une héroïne de film d'action et pourtant...

Au départ, Micki n'était pas destinée à devenir profileur. Journaliste plutôt connue sur la chaîne SABC, elle suit des études de psychologie à l'Université de Pretoria. Un de ses professeurs lui demande alors de faire son mémoire sur les tueurs en série. Ce travail, proprement brillant, même si l'auteure ne s'en rend pas compte, atterrit entre les mains du chef de la police sud-africaine qui décide de l'embaucher comme profileur. Micki intègre la police en 1994.

Son premier cas sera celui de l'étrangleur des gares qui tue 22 jeunes adolescents noirs entre octobre 1986 et mars 1994. C'est à travers ce genre de cas que Stéphane Bourguoin nous dévoile les méthodes de la profileuse. Les cas choisis sont choquants, car vrais, il ne s'agit pas d'un roman policier et parce que le lecteur se trouve aux côtés de Micki, là où il vaudrait mieux la laisser seule.

Afin de trouver les meurtriers, elle ne cherche pas des empreintes digitales ou des preuves tangibles, elle laisse cela à la police dont elle n'est qu'une canne, un soutient. Micki se laisse envahir par la scène de crime et tente d'entrer dans l'esprit du meurtrier. La démarche est à la fois étonnante et terrifiante car cette femme vit avec les meurtriers qu'elle traque. Pour établir leur profil, elle doit les comprendre, comprendre l'incompréhensible.
Lorsqu'elle finit par les arrêter, elle les écoute, recueille leurs confessions, des confessions horribles et inimaginables.

Micki Pistorius explique assez froidement qu'il est impossible de réhabiliter un tueur en série: «Dans les premières années de son développement, le futur criminel fait une fixation et cela lui prend environ vingt ans pour devenir un serial killer. Quand ces individus commencent à tuer, ils en tirent de la satisfaction, cela satisfait leur besoin profond d’existence. Et ils deviennent des accros et dépendants. […] Ce sont des personnes qui souffrent énormément et qui expriment cette immense douleur en infligeant de terribles souffrances à leurs victimes.»

La création de profil est un travail long et laborieux qui demande beaucoup d'énergie et de concentration. Cependant, il est précieux pour la police même s'il ne peut se substituer à lui. Les deux entités ont besoin l'une de l'autre pour arriver à leur fin. Le résultat en vaut la peine, car sur certains profils, Micki Pistorius réalise presque un sans faute, détaillant l'aspect physique du suspect, son niveau social, sa vie et même la couleur de la voiture qu'il conduit.

Toutefois, cela demande beaucoup d'efforts et Micki Pistorius vit hantée par de terribles cauchemars et de douleurs moments d'épuisement. La pression est finalement trop forte et elle démissionne en 2000.

Sa plongée dans les ténèbres lui a coûté sa vie de femme. Mariée à son entrée dans la police, elle divorce presque immédiatement et a vécu ces longues années seules avec ses peluches.
Cette anecdote m'a profondément marqué. Elle raconte qu'elle travaille toujours avec une peluche sur elle. Il s'agit d'un rempart contre tout ce mal, une présence rassurante et innocente à ses côtés. Néanmoins, à la fin de chaque enquête, lorsqu'elle rentre enfin chez elle, Micki laisse la peluche au rez de chaussée. Elle ne regagne pas immédiatement le panier à peluche du premier étage, car sinon: "les peluches parlent entre elles et je ne peux pas dormir".

Le livre de Stéphane Bourguoin est passionnant, cependant, une fois l'ouvrage refermé, vous vous plongerez avec délice dans un Jane Austen, bien loin des horreurs du quotidien de Micki Pistorius.






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