mercredi 16 septembre 2009

L'élégance du hérisson - Muriel Barbery







COUP DE COEUR DE PERSEPHONE


"Je m'appelle Renée, j'ai cinquante-quatre ans et je suis la concierge du 7 rue de Grenelle, un immeuble bourgeois. Je suis veuve, petite, laide, grassouillette, j'ai des oignons aux pieds et, à en croire certains matins auto-incommodants, une haleine de mammouth. Mais surtout, je suis si conforme à l'image que l'on se fait des concierges qu'il ne viendrait à l'idée de personne que je suis plus lettrée que tous ces riches suffisants. Je m'appelle Paloma, j'ai douze ans, j'habite au 7 rue de Grenelle dans un appartement de riches. Mais depuis très longtemps, je sais que la destination finale, c'est le bocal à poissons, la vacuité et l'ineptie de l'existence adulte. Comment est-ce que je le sais? Il se trouve que je suis très intelligente. Exceptionnellement intelligente, même. C'est pour ça que j'ai pris ma décision : à la fin de cette année scolaire, le jour de mes treize ans, je me suiciderai. "

UNE MERVEILLE!
Je ne peux vous décrire mon enthousiasme face à ce roman brillant. La quatrième de couverture vous met déjà dans le ton. Une concierge qui veut à tout prix ressembler à un archétype, une petite fille de 12 ans au Q.I démentiel mais suicidaire, un étrange voisin japonais, voila les ingrédients de base de ce roman époustouflant.

Démêler les faux-semblant, traquer le cliché et démonter les conventions sociales, souvent absurdes, le pari était risqué. Ne pas tomber dans la généralité, ne pas être banal, une tâche ardue. Mais le pari est largement réussi. Les pensées de Renée alternées avec celles de Paloma nous envoûtent et nous divertis. Rien de plus drôle que les réflexion de Paloma sur la psychotérapie de sa mère, en analyse depuis dix ans et très fière de l'être. Emouvant aussi, la vie de cette concierge autodidacte et amoureuse d'Anna Karénine, entre son chat Léon (en l'honneur de Tolstoï) et sa bibliothèque secrète.

Les personnages de cet immeuble de luxe dans le coeur de Paris ont tous quelque chose d'intéressant, de touchant ou d'exaspérant. Les bourgeoises qui ne regardent jamais la concièrge, Manuella, l'aristocrate portugaise, Mr Ozu le mystérieux japonais, les parents Josse aveugles, Colombe l'irritante soeur normalienne ou Olympe Saint-Nice la bourgeoise future vétérinaire...

Paloma, gamine de 12 ans, terriblement lucide et drôle, nous décrypte ce monde hypocrite auquel elle appartient. Le bocal à poisson comme elle l'appelle. Renée, quant à elle, veut surtout être en paix, pouvoir se cacher et ne pas, ne surtout pas être démasquée.

Qu'est-ce qui mérite de vivre? Qu'est-ce qui est si important dans la mort? Au moment où l'on meurt? voila les questions que se posent Paloma et qui méritent des réponses.
Puis-je ou dois-je rester cachée? Y a-t-il une vie entre les barrières sociales? Questions de Renée qui trouveront aussi une réponse, dans le partage de leur vie, Paloma et Renée trouveront ce qui leur manque.

citations: "Mme Michel, elle a l'élégance du hérisson : à l'extérieur, elle est bardée de piquants, une vraie forteresse, mais j'ai l'intuition qu'à l'intérieur, elle est aussi simplement raffinée que les hérissons, qui sont des petites bêtes faussements indolentes, farouchement solitaires et terriblement élégantes."
"Indigente par le nom, la position et l’aspect, je suis en mon entendement une déesse invaincue."

Mention spécial au film qui a su retranscrire adroitement l'ambiance du livre. Les répliques sont celles du livre et si par quelques tours de pirouettes cinématrographiques, certains détails sont adaptés, on en savoure tout de même l'exécution. Josiane Balasko est époustouflante et Paloma admirablement bien jouée.


Jonathan Strange & Mr Norell - Susanna Clarke


1806: dans une Angleterre usée par les guerres napoléoniennes, un magicien à la mode ancienne, Un certain Mr Norell, offre ses servicespour empêcher l'avance de la flotte française. En quelques tours, il redonne l'avantage aux anglais. Norell devient la coqueluche du pays. Voguant sur sa gloire, il fait la connaissance d'un jeune et brillant magicien qu'il prend sous son aile, Jonathan Strange. Ensemble, les deux hommes vont éblouir l'Angleterre par leurs prouesses. Jusqu'à ce que l'audacieux Strange, attiré par les aspects les plus sombres de la magie, provoque la colère de Norell. L'association tourne à la rivalité, causant des dommages insoupçonnables.

J'étais particulièrement excitée à l'idée de commencer ce roman qu'on disait fantastique. Malheureusement j'ai vite déchanté à la lecture de ce pavé (plus de 1000 pages) qui s'il fait preuve d'une écriture et d'un réalisme remarquable n'en est pas moins horriblement trop long et lent.
Je reconnais à Suzanna Clarke, un excellent travail de recherche sur l'Angleterre du début du XIXe siècle, une volonté impressionnante d'intrégrer un récit fantastique à une histoire réelle et une très belle écriture. Les notes de bas de pages, parfois extrêmement conséquentes, sont autant d'essais de récit historique que d'anecdotes pour le lecture.

Les personnages sont très bien campés et définis, de Mr Norell, horriblement ennuyeux et vieillot à Jonathan Strange qu'on ne peut qu'apprécier en passant par l'homme aux cheveux comme du duvet de charbon ou Stephan Black le serviteur noir au profil de prince.

Malheureusement je n'ai pas été séduite par ce roman, qui est remarquable au demeurant. Le récit s'étale en longueur sur plus de 1000 pages. A mon sens, il aurait fallu abréger certaines longueurs qui noient le lecteur dans un luxe de détails inutiles. Il faut attendre les pages "700" pour que l'action décolle et s'accélère enfin. La longueur du récit, au lieu d'être un atout, fatigue.

D'un point de vue général, je n'ai pas apprécié ce roman. Cependant je vous encourage à l'entamer pour vous faire votre propre opinion, car malgré ses défauts, il n'en reste pas moins incontournable.