lundi 23 mars 2009

La boîte en os - Antoinette Peské


Hommage à Eros et Thanatos


Ce court roman méritait bien d'être sorti de l'oubli. Ecrit en 1931 il ne sera publié que vingt ans plus tard pour disparaitre peu de temps après. Son succès est inversement proportiel à celui qu'il déclencha dans le coeur de grands écrivains comme Appolinaire ou Jean Cocteau.


Le récit met en perspective la vie et la folie d'un homme John Mac Corjeag. Fils d'un pasteur austère il manifeste dès sa plus tendre enfance un caractère ardent, passionné mais plus que tout inquiétant. Très lié à sa petite voisine Margaret O'Don dont les yeux le fascine. Séparés pendant plusieurs années après que John, prit de vertige lui ai jeté un encrier dans les yeux. il l'épouse une fois adulte. Cela pourrait être le début d'une belle histoire d'amour mais le bonheur conjugal tourne au drame quand John tente d'ouvrir le crâne de Margaret. John, tombé dans la démence est interné.
Le récit est raconté par un certain Norbert, ami de John.

Oui, Eros et Thanatos est un sujet mainte fois repris en littérature. C'est même un sujet éclusé mais chez Antoinette Peské cela se pare d'une teinte éminement profonde. De la nécrophilie, du désir frénétique mais aussi de l'amour tendre et réellement puissant.

Comment décrire la folie qui s'empare de tous les héros de la boîte en os mais aussi de nous, humble lecteur emporté malgré notre volonté dans ce tourbillon de folie non pas douce mais extrême. Antoinette Peské nous livre à travers son héro John Mac Corjeag une conception de l'amour absolutiste et irrémédiablement tordue.
Mais ce n'est pas un roman optimiste sur l'amour, car celui, dans toutes ses expressions est irrémédiablement tiré vers la folie. L'amour et la folie sont la trame même du roman, une palette de sensation, de la folie douce à la folie la plus violente, de l'amour le plus pur au plus dévorant.

La folie a pour but de nous faire perdre pied, en cela réside le génie d'Antoinette Peské. La boîte en os est un mélange continu de flou et de distinct, de fanstamé et de réel. Ou se cache la réalité? Les personnages comme le lecteur sont pris dans ce tourbillon subtile qui destabilise.

Une magnifique et éblouissante variation sur Eros et Thanatos qui mérite plus que d'être sorti de l'oubli. On ne peut sortir indemne de cette lecture fantastique et dérangeante. L'âme en est secouée, bouleversée de ces rebonds de la conscience qui s'offre à nous.

Il est a regretté qu'Antoinette Peské est été injustement condamnée à l'oubli et que son oeuvre se soit arrêtée si brusquement. Mais la Boîte en os est de ces romans que tout écrivain met des années à trouvé et produire, elle a réussi un coup de maître. Oeuvre unique et cependant parfaite.






dimanche 22 mars 2009

Le moine de Mathew G Lewis



Matthew Gregory Lewis né le 9 juillet 1775 et mort le 14 mai 1818 est un romancier et dramaturge anglais, souvent désigné sous le nom du « moine » Lewis, en raison du succès de son roman gothique, Le Moine (The Monk) en 1796.

Lewis nous narre l'histoire du moine Ambrosio, célèbre moine madrilen, pieux et vertueux à l'extrême qui va irrémédiablement chuter, entraîné dans les plus intenses perfidies.

Résumer le moine "The monk" de Lewis, n'est pas aisé. Tout d'abord, parce que c'est un roman de style gothique et que l'histoire par des détours et de nombreuses narrations annexes nous embrouille. Ce n'est pas aisé non plus car Le Moine est un roman intense dont on ne saurait pouvoir couper l'effet de surprise au lecteur avide.

Il est vrai que je n'ai pas été soufflée par le Moine mais je l'ai néanmoins dévoré en trois jours. Notre société n'est plus adapté à ce genre de roman gothique qui effrayaient par la simple mention de moine dépravé, d'abbesse cruelle, de viol et d'inceste. Nous avons eu Sade et la réalité des média, ce qui a bouleversé notre jugement.
Néanmoins c'est un roman imposant, impressionnant, où le vice, le diable et toute la cruauté humaine sont mises en oeuvre implacablement contre les héros aux coeurs purs et à la vertu solide. L'histoire est prenante quoiqu'elle souffre de certains passages à vide. Ils ont toutefois leur utilité, celle de nous faire languir.

Les personnages sont bien campés, crédibles et surtout profonds. Ils sont d'un autre temps, certes , la morale n'est pas la même que celle d'aujourd'hui mais leurs afflictions, leurs pensées s'imposent au lecteur.

En revanche je suis un peu déçue car je m'attendais à un peu plus de surnaturel (quoi de plus normal pour un roman gothique). Mais cela est tout de même compensé par la main de maître de Lewis. "En filigrane éclate une histoire parfaitement orchestrée, nous sommes entraînés dans un labyrinthe et Lewis nous tient la main avec fermeté. À la fin, c’était comme si on regardait la main de l’auteur, et qu’on retenait une main pourrie." (Otis Psychovision.net).

Pour aller un peu plus loin je vous propose la critique faite par Otis sur psychovision.net

Un dernier conseil, Antonin Artaud a fait une traduction en français et a en même temps remanié tout le texte. La version d'origine traduite en français est celle de Léon de Wailly. A vous de voir la version que vous préférez lire mais je vous conseille d'abord la version originale.

Mention spéciale à Don Christobal et Léonella (très drôles) - Lorenzo et le marqui de Las Cisternas deux héros sublimes et Agnès personnages vraiment touchant.
le moine Ambrosio et Mathilde ont droit à la mention spéciale dépravation!

vendredi 6 mars 2009

Les personnages féminins chez Jane Austen


Après l'analyse du rôle de ces gentlemen je m'attaquerais à ces dames. Car il ne faudrait pas l'oublier, celles-ci tiennent la première place à la fois dans l'esprit de l'auteur mais aussi dans ses romans. S'il est juste de dire que les oeuvres de Jane Austen ne sont rien sans ses personnages masculins, nous nous attachons avant tout à la ou les héroïnes, à leur destin, leurs joies ou leurs peines. Que serait Edmond sans Fanny? Darcy sans Lizzie? ou Frederick Wentworth sans Anne Elliot?
Laissez-vous guider dans cette nouvelle galerie de portrait purement féminine.

Je ne m'attarderai pas sur les figures de femmes (mères ou tantes) qui peuplent le monde de Jane. Toutefois je m'y arreterai un instant car à la différence des figures de pères ou d'oncles qui sont le plus souvent absents quand ils ne sont pas inexistants, les femmes, elles, quelles qu'elles soient ont une importance capitale.
On peut remarquer tout d'abord que les personnages de mères et de tantes sont beaucoup plus étoffés et nuancés que ceux de pères et d'oncles.
On pourrait dire sans se tromper que nous avons tout un bataillon de mères ou de tantes qui posent tous un tas de problèmes. Au lieu d'aider et de conseiller les héroïnes, elles les gênent plutôt. C'est évidemment le cas de Mrs Bennet dans Pride and Prejudice qui par son comportement gâche les chances de ses filles de se faire épouser. Elle ne se trouve pas être un obstacle par choix mais par circonstance, c'est le cas aussi de Lady russell de Persuasion qui par ses mauvais conseils gâche huit ans de la vie de sa protégée Anne. Là encore la mauvaise intention n'y était pas. En revanche, il n'en va pas de même pour Aunt Norris de Mansfield Park, de Lady Catherine de Bourg dans Pride and Prejudice ou de Mrs Ferrars et sa fille Mrs Dashwood dans Sense and Sensibility. Elles sont clairement là pour affronter la (ou les) héroïnes soit parce qu'elles ne les aiment pas, soit parce qu'elles menacent leur intérêt ou celui de leur famille ou encore les deux le plus souvent (CQFD).
Nous retrouvons ensuite les femmes-aide, celles qui au contraire sont là pour guider ou entourer l'héroïne. Elles s'acquittent de cette tâche plus ou moins bien mais le font toujours avec coeur comme mrs Jennings de Sense and Sensibility, Mrs Gardiner de Pride and Prejudice, Mrs Bertram de Mansfield Park et Mrs Allan de Northanger Abbey.
Certaines mère sont absentes mais leur absence elle-même est significative comme pour Mrs Elliot (la mère de Anne) et Mrs Tilney dont on parle beaucoup tandis que Mrs Price de Mansfield Park ou Mrs Morland de Northanger Abbey.
Enfin on pourrait parler des figures de Soeurs qui peuplent le monde de Jane à l'image de sa soeur Cassandra: Jane-Lizzie de Pride and prejudice, Elinor-Marianne de Sense and Sensibility, William Price qui fait figure de remplacement et Eleanor Tilney de Northanger Abbey.

Après ce préambule, je vous propose de passer aux figures féminines majeures.

Le plus important à voir pour les personnages féminins, c'est qu'ils sont plus variés et beaucoup plus nuancés que leurs omologues masculins. Cela tient surtout au fait qu'elles occupent une place centrale dans chaque roman et que Jane de ce fait leur accorde souvent plus de profondeur et donc de diversité. Jane en reine de l'observation dépeint à coup de génie, les membres de son sexe.

Comme pour les personnages masculins on pourrait les diviser en trois catégories. Elles seront toutefois nuancées et détaillées.

De même comme pour les personnages masculins ces trois catégories ne se retrouvent pas toujours toutes en même temps dans un roman. Enfin on peut dégager deux catégories positives et deux catégories négatives.


Tout d'abord, on peut distinguer une première catégorie d'héroïnes fortes qui bien que puissantes moralement ne domine pas dans figures féminines. Elles sont même en nombre inférieur. Je n'ai pas d'explication à cela, peut être que ce genre de personnages passaient moins bien à l'époque de Jane. Si quelqu'un a une théorie je suis tout ouïe. Ce sont donc des héroïnes fortes qui s'imposent par leur conviction et leur passion. Jamais en retrait on ne peut pas les oublier du récit et leur dynamisme pousse les autres personnages dans leur spirale. Impossible de rester indifférent en face d'elle. Certes elles sont différentes, elles n'ont ni les mêmes passions, ni les mêmes défauts mais elles ont le point commun d'être le centre de l'attention au détriment parfois d'autres personnages.


Marianne Dashwood de Sense and Sensibility. Passionnée et exaltée, Marianne fait de l'ombre à Elinor et son aventure avec le beau Willoughby détourne l'attention d'Elinor et d'Edward. Personnage extravagant dont Jane n'hésite pas à se moquer, elle l'a remet dans le droit chemin mais lui évite toujours d'être ridicule. La jeunesse et son impulsivité incarnée.


Elizabeth Bennet de Pride and Prejudice. Evidemment, lorsqu'on parle de personnage fort, inévitablement l'image de la vive et délicieuse Lizzie nous saute aux yeux. Comment expliquer que ce personnage rallie tous les suffrages (même si Pride n'est pas le livre préféré de toutes et tous)? Peut être sa personnalité si attachante et si vraie. Lizzie ne mâche pas ses mots, a du caractère mais surtout, surtout elle prend vite l'apparence d'une amie intime pour le lecteur. Comme si de l'intérieur du roman elle pouvait nous abreuver de conseils malicieux comme si nous étions sa douce Jane...


Emma Woodhouse d'Emma. Voila un autre personnage fort mais bien différent des deux premiers. Pas de passion à la Daswood, ni de malice à la Bennet chez Emma, mais une forte conscience d'elle même et de ce qu'elle vaut. Sa manie de vouloir diriger la vie des autres et son assurance en font un personnage volontaire et audacieux.

La série est déjà close. Si peu de personnages de ce style. Peut-être se suffisent-ils à eux même? En tout cas la seconde catégorie plus remplie et autant nuancée porte aussi de magnifiques portraits de jeunes femmes.

Ce sont principalement des personnages doux et effacés. Parfois elles restent dans l'ombre, sortant juste un peu la tête pour achever une histoire. Mais parfois, elles évoluent et prennent leur vie en main. Elles sont souvent plus proches du lecteur car moins romanesque que les "parfaites" Lizzie, Marianne et Emma, mais plus vraies, féminines dans leur doute leur hésitation, leur naïveté et leurs amours.


Elinor Dashwood de Sense and Sensibility. Une mmauvaise langue pourrait dire qu'Elinor est une mère sacrifice. En réalité, elle compense et ce de façon bénéfique, l'excentricité et la lourde présence de Marianne. Elle est le personnage qui calme, qui ramène les choses à l'essentiel et qui a la bonté de ne pas se plaidre ce qui repose le lecteur des plaintes de Marianne. Au final elle gagne la sympathie du lecteur et donne une note de fraicheur et d'espoir au roman un peu moraliste sans doute.


Jane Bennet de Pride and Prejudice. Le rôle de Jane est à peu près celui d'Elinor même s'il est moins appuyé. Il permet de contrebalancer une Lizzie volontaire et un couple Lizzie-Darcy assez imposant et explosif. Avec Bingley elle apporte une touche de douceur très féminine qui manque parfois à sa soeur. Non pas faire valoir de Lizzie, Jane est à part entière. Elle a son relief et une facilité à attirer la sympathie tout comme le fait Elinor en restant humble et ce qui est d'autant plus facile, la complicité entre Lizzie et elle, nous range vite de l'avis de Lizzie. Jane est la meilleure personne au monde.


Fanny Price de Mansfield Park. Elle mériterait avec sa congénère Anne Elliot une catégorie à part car contrairement à Jane Bennet et Elinor Dashwood, elle n'a pas de soeur à contrebalancer. Fanny Price se contente d'être elle-même et grand bien lui en fit. C'est un personnage double. Double parce que d'un côté elle est effacée, timide et soumise à la famille Bertram, de l'autre côté seule ou avec Edmund elle se montre vive, éveillée, et surtout intelligente car elle seule pressent que les Crawford vont bousculer sa vie et celle de Mansfield Park. De plus, c'est un personnage qui évolue et qui s'affirme au fil des pages.


Anne Elliot de Persuasion. C'est un personnage très proche de Fanny Price. Effacée et soumise à sa famille qui ne la considère pas, elle se réveille à l'annonce de l'arrivée de Frederick Wentworth. Elle balance, elle hésite un peu puis elle se place contre tous pour racheter son bonheur. Un personnage plein de pronfondeur mais qui ne la partage uniquement qu'avec le lecteur ce qui la lui rend intime.


Il faudrait à présent mettre à part un petit personnage atypique. Elle est hors catégorie, ni trop effacée ni trop forte. Il s'agit de :


Catherine Morland de Northanger Abbey. A la fois éveillée et vive, prompte à donner ses idées, la lecture tient le centre de son attention. Elle n'hésite pas à accuser le Général Tilney d'avoir tué sa femme. Cependant, elle possède une fraicheur et une naïveté qui l'empêche d'être aussi lucide et forte que Lizzie Bennet mais qui lui donne un charme tout particulier.


Enfin, il faudrait s'attacher aux figures féminines négatives, les "femmes-obstacles" : les "Hypocrites" ou les "Séductrices" et qui sont parfois les deux. Elles sont comme leurs homologues masculins souvent belles et apparament parfaites mais elles cachent le plus souvent des plans néfastes. Là encore nous mettrons quelques nuances. Nous ne pouvons pas dire que toutes les femmes-obstacles chez Jane le sont par appat du gain ou malice. Examinons cette galerie de portraits.


Ms Lucy Steele de Sense and Sensibility. C'est un personnage particulièrement néfaste car par jalousie, ne doutons pas qu'elle connait l'inclinaison d'Edward pour Elinor, elle rend Elinor complice d'un secret qui lui brise le coeur. Marianne lui reproche de ne jamais rien dire mais son sort est lié à un secret affreux. Lucy Steele permet de donner du relief à la foi à Edward et Elinor mais aussi à leur histoire. On pourrait dire aussi que Ms Sophia Grey fait aussi partie des femmes obstacles mais en vérité le choix entier n'appartient qu'à Willoughby et c'est bien lui et non pas Ms Grey qui brise le coeur et les rêves de Marianne Dashwood.


Lydia Bennet de Pride and Prejudice. Il est bien évident que Lydia n'est ni hypocrite ni attirée par l'argent mais par son comportement indécent et on pourrait même dire stupide, elle compormet l'avenir de ses soeurs, celui de Jane et celui de Lizzie.


Caroline Bingley de pride and prejudice. Elle aussi par son comportement empêche le mariage de son frère et de Jane, mais tente surtout de discréditer Lizzie aux yeux de Darcy. C'est un personnage fourbe car elle ne parle qu'en sous-entendu et en remarque blessante. Hautement détestable donc...








Mary Crawford de Mansfield Park. Elle est la réplique exacte de son frère au féminin. Belle et spirituelle elle séduit la famille mais ne s'intéresse qu'à la fortune des Bertram. La conversation qu'elle a après la fuite de son frère et de Maria ou elle explique que la chance peut-être les favorisera en faisant mourir Tom Bertram, ramène Edmund à la réalité. Son comportement permet là encore de créer Fanny et l'amour d'Edmund.



Jane Fairfax de Emma. La encore je mettrai une nuance comme Lydia Bennet. Sa dissimulation n'a rien de malhonnête, son personnage est même plutôt austère. De même la révélation de ses fiançailles avec Frack Churchill ne nuit pas à Emma puisqu'au final, elle n'aimait pas Franck Churchill. C'est donc un petit obstacle seulement.










Isabella Thorpe de Northanger Abbey. Personnage très comparable à Mary Crawford, elle est dans la séduction et l'intérêt. Elle est fausse et intéressée par l'argent. De plus elle a ce petit côté effrontée qui la rend particulièrement détestable.










Elizabeth Elliot/ Mary Musgrove/Mrs Clay de Persuasion. Ce sont des obstacles familiaux. Elles n'ont pas de vraie malice mais elles font obstacles car elles ne considèrent pas Anne Elliot, ou parce que leur égocentrisme étouffe l'héroïne. Le charme d'Anne Elliot tient dans ce qu'elle arrive à s'affranchir de ces présences particulièrement pesantes.


Les héroïnes féminines de Jane sont différenciées, nuancées mais surtout parfaitement portraiturées. Le talent d'observation de Jane Austen est parfaitement mis en valeur, et sa palette de couleur forme des personnages chatoyants et profonds.

jeudi 5 mars 2009

Les personnages masculins chez Jane Austen


J'aimerai pour continuer ce cycle Jane Austen, vous proposer une petite analyse des personnages dans ses romans. Rien de prétentieux, juste des idées et n'hésitez pas à argumenter si vous n'êtes pas d'accord.

Même si Jane Austen ne se place que du point de vue de ses dames, nous pouvons sans consteste dire qu'elle n'a que des héroïnes, il n'en est pas moins vrai que ces messieurs tiennent une place particulièrement importante dans ses romans. A la fois prince charmant et monstre, enchanteur ou enchanté, le héros austenien à largement sa place dans une galerie de portraits complète. Que serions -nous mesdames sans ces terribles bourreaux? Que serait Lizzie sans Darcy ou Fanny sans Edmond? Assurément le roman aurait moins de charme et d'intérêt.

Je vous proposerai tout d'abord une petite analyse du héros austenien avant de faire une galerie de portraits.

Je passerai volontier sur les figures de pères et d'oncles qui peuplent le monde de Jane. Ils sont parfois tyraniques ou obscurs : le Général Tilney de Northanger abbey ou Mr Elliot de Persuasion. Mais le plus souvent ils sont purement absents : Mr Woodhouse d'Emma, Mr Bennet de Pride and Prejudice, Mr Dashwood [mort] de Sense and Sensibility, Mr Price de Mansfield Park et Mr Morland de Northanger Abbey. On trouve aussi des personnages extérieurs à la famille nucléaire (oncles, cousins, amis) mais qui sont toujours pleins de bonne volonté : Mr Gardiner de Pride and Prejudice, Sir John Middleton de Sense and Sensibility, les Allan de Northanger Abbey, Le Capitaine Harvile de Persuasion, et dans une certaine mesure Sir Beltram de Mansfield Park.
D'une façon générale, Jane est peu tendre face à ces figures de maris et de père. Peut-être ne les intéressent-ils pas, ou peut être sa propre vision de ces figures paternelles nous est transmise par le biais de ces absences notables. Il est bon de remarquer que les pères, oncles ou autres, sont des obstacles dans les mariages des héros et héroïnes. Certes Sir Beltram est furieux contre Fanny mais il accepte plutôt facilement son mariage avec Edmond, quant à Sir Elliot il n'est pas le seul à persuader Anne de refuser Wentworth. Les héros et héroïnes doivent souvent s'affronter eux-même ou leurs congénères pour sortir d'une situation difficile et ils doivent rarement affronter leur famille (exception faite d'Anne Elliot et peut-être de Fanny Price).

Mais ces figures paternelles ne m'intéressent pas ici et je vais plutôt me concentrer sur les figures d'amants, figures principales chez Jane.

On peut dégager trois types de personnages masculins types chez Jane. Bien sûr ils sont tous différents et on pourrait dégager des nuances (j'essayerai de le faire dans la mesure du possible).

Ces trois types ne se retrouvent pas toujours ensemble dans un même roman, il est possible qu'une des données soient enlevés, car à chaque héroïne son héros et généralement ceux-ci s'accordent en caractère.

On peut donc distinguer trois "types de personnages": les deux premières catégories ont le point commun leur finalité: ce sont des héros positifs, des personnages bons. La dernière catégorie que l'on trouve dans 90% des romans et qui le fait vivre rassemble les personnages négatifs, les "méchants" si on utilise ce simple terme.

Parlons tout d'abord de la première catégorie, la plus puissante généralement: on pourrait l'appeler "le ténébreux". Je sais le terme fait suranné mais je n'en ai pas de mieux. Le champion toute catégorie de cette classe est sans contexte Mr Darcy. Je le prend en exemple car tout lecteur de Jane connait Darcy. C'est le principe même de personnage complexe que le lecteur et à fortiori l'héroïne a du mal à déchiffrer mais qui au bout du compte rélève toujours sa bonne nature. Il a également comme caractéristique première d'être révélé et rendue à sa juste place par les yeux de l'héroïne. C'est parce que son regard à elle change, qu'il change et que d'obscur il devienne lumineux. On retrouve donc :


Colonel Brandon de Sense and Sensibility. S'il n'est pas aussi flamboyant que Darcy, il appartient tout de même à cette catégorie de personnage car il parle peu, se livre peu mais se libère par ses actes protecteurs et sauveurs.





Fitwilliam Darcy de Pride and Prejudice, nous l'avons déjà dit Darcy caractérise à lui seule cette catégorie. Sombre, peu pénétrable, il n'est pas moins transformé par l'héroïne tout au long du roman et se révèle dans ce qu'il est à la fin uniquement.
_ Mansfield Park en est dépourvu. Nous avons deux figures fortes mais qui n'a pas sa place ici et l'on ne peut considérer Tom Beltram comme un "ténébreux" c'est lui aussi un absent.


Mr Knightley d'Emma. Personnage tout en filigramme dans le roman et qui ne prend sa place, place légitime et révélée lorsque l'héroïne elle-même prend conscience de ce qu'il représente à ses yeux. Il est comparable à Darcy puisqu'il trouve sa vraie place à travers les yeux de l'héroïne.






_ Northanger Abbey n'en contient pas non plus. Les deux autres catégories de personnages sont doublées mais celle-ci reste vide.

Captain Wentworth de Persuasion. Tout comme les autres, Wentworth se révèle par l'héroïne mais aussi et surtout par lui même. A la lueur de ses pensées il modifie lui-même son comportement. De la froideur de l'ancien amant, il retrouve la passion du premier amour.







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La deuxième catégorie comporte le personnage "lumière", celui qui on le sait est bon et en qui les héroïnes peuvent avoir confiance. Souvent timide et plus effacé, il a souvent un sens de l'honneur aigu et un amour profond.


Edward Ferrars de Sense and Sensibility, personnage immédiatement aimé du lecteur et dont le bonheur est presque vital, comme par "justice". Doux, attentionné et amoureux, Elinor l'aime d'autant plus qu'il possède un véritable sens de l'honneur et du devoir qu'elle partage.




Charles Bingley de Pride and Prejudice. tout comme Edward dont il partage de nombreux points communs, il est doux et timide et entraîné malgré lui dans un code d'honneur que Jane aura la bonté de briser bien obligement.






Edmund Beltram de Mansfield Park. Sa caractéristique principale (outre la ressemblance avec Edward Ferrars pour le goût du "clergyman" et celle avec Charles Bingley pour une certaine timidité) est sans doute de ne découvrir son amour pour l'héroïne qu'après la bataille en quelque sorte. Atypique par certain côté il n'en ai pas moins touchant.

_ Emma n'en a presque pas. On pourrait certes y mettre Franck Churchill mais pour d'autres raisons je le laisserai à la dernière catégorie.


Henry Tilney et son pendant plus fade James Morland de Northanger Abbey. Eux aussi sont caractérisés par l'importance de l'honneur et si pour James, l'histoire n'est point heureuse, Henry en revanche atteindra le bonheur dévolu à ce genre de personnage. C'est aussi celui qui doit le plus se battre pour obtenir et l'amour de celle qu'il aime et l'autorisation de l'épouser.






Charles Musgrove de Persuasion. Beaucoup plus fade que les autres, il n'en reste pas moins un personnage tendre (il ne faut pas oublier qu'il a demandé sa main à Anne) et toujours présent.

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La dernière catégorie rassemble bien évidement les personnages négatifs. Cette figure de séducteur qui terrorise les jeunes filles de l'époque victorienne car ils représentent la ruine, l'avidité, le déshonneur et la séduction trompeuse. Cette figure, toujours sublime se révèle n'être qu'un faux, une copie, "un portrait de Dorian Grey". PArticularité également, c'est le seul personnage que l'on retrouve dans tous les romans, car si Jane peut jouer avec l'un ou l'autre (ou les deux: cf. Pride et Sense) personnage des deux catégories précédentes, elle ne peut ce passer de celui-ci, car il fait vivre le roman et permet souvent de créer ou de révéler le véritable amour pour les autres personnages qui évoluent par contraste.



Willoughby de sense and Sensibility. Peut-être l'emblème de cette catégorie. Certains le voient comme une victime, je dirais qu'il représente tout de même un côté bien peu glorieux. Par ses actes, il choisit l'argent et une femme qu'il déteste à la place de Marianne. Le choix est consommé et le personnage consummé.




Georges Wickham de Pride and Prejudice. Figure sublime que Wickham mais au combien mauvaise et déshonnorante. Avide d'argent, comme Willoughby, séducteurs de jeunes filles (Georgiana et Lydia) il berne l'héroïne un moment. Mais, Wickham aura au moins l'avantage de rapprocher Darcy et Lizzie et fait avancer l'histoire et offre la possibilité à Jane de critiquer les préjugés dont fait preuve son héroïne.




Henry Crawford de Mansfield Park, il partage lui aussi des points communs avec les deux précédents, menteurs et séducteur il finit néanmoins, à l'instar de Willoughby, d'être pris à son propre piège et de tomber amoureux. Une façon pour Jane de punir ces Casanova d'opérette.





Franck Churchill d'Emma. Nous l'avons vu sa place est un peu hybride. Certes il trompe tout le monde et surtout cette curieuse d'Emma, mais sa tromperie n'est pas dans un but négatif; pas d'appat du gain ou un simple jeu de séduction. Churchill est juste un amoureux qui se cache. De plus il ne brise pas le coeur d'Emma et lui permet même de réaliser ses sentiments pour Knightfield. il est donc la version atténuée et positive des Willoughby et des Wickham.








John Thorpe et Captain Tilney de Northanger Abbey. Si le premier est attiré par le gain, l'autre l'est par la séduction. Ils sont dissociés, un seul personnage coupé en deux et exploitant deux facettes réunies chez d'autres.











Mr. Elliot de Persuasion. Chez lui l'appat du gain est clairement le premier objectif, mais sa tromperie est abjecte car elle utilise non seulement la position d'Anne (27 ans et non mariée, une proie facile) mais aussi ses sentiments (il lui fait croire qu'il l'aime alors que le reste de sa famille la rejette). Mais lui contrairement à d'autres qui ont pu arriver à leur fin, se voit spolier, naturellement.







Jane n'est pas moralisatrice, certains de ces mauvais sujets réussissent très bien et font une fin affreuse, le mariage. D'autres personnages plus charmants sont mis en difficulté mais ils gagnent toujours. Il y a donc une envie de montrer toutes les facettes d'un homme, du pire au meilleur et du plus simple au plus complexe.