mercredi 16 janvier 2013

Le bonheur des Dames - Émile Zola


COUP DE COEUR DE PERSEPHONE

Résumé: Arrivée à Paris avec ses frères, pour travailler dans le petit magasin de son oncle, Denise Baudu prend rapidement conscience que l'emploi n'existe que dans les grands magasins. Tandis que Jean commence son apprentissage, Denise recherche un emploi de vendeuse. C'est sans compter sur Le Bonheur des Dames, la boutique géante d'Octave Mouret qui semble la dévorer tout entière. Dans le Paris du baron Haussman et du début des grands magasins, l'histoire de Denise et de Mouret entraîne le lecteur dans le monde cruel des petites vendeuses, la précarité de l'emploi et du développement exponentiel de ce magasin et à la mort des anciens petits commerces.


Au Bonheur des Dames est un de mes livres préférés. Je l'ai découvert il y a plus de dix ans maintenant et je le relis assez régulièrement. Pour commencer, Au Bonheur des Dames fait parti du cycle des Rougon-Macquart qui raconte l'histoire d'une famille du début du XIXe siècle jusqu'aux années 1870. Il se place après Pot-Bouille, un roman vraiment sympathique, une critique sociale de l'immeuble haussmannien et dont Octave Mouret, jeune homme fraîchement débarqué de sa Provence natale est le héros. Ici, nous suivons Denise Baudu, jeune femme discrète, petite mère de ses deux frères qu'elle appelle "mes enfants" et qui a vingt ans a déjà vécu une vie bien remplie. A travers Denise, nous suivons l'essor des grands magasins à l'image des Galleries Lafayette, la lutte pour la survie des vendeuses et commis de boutique et le déclin des petits commerces. 

Je suis une fan de Zola. Tout le monde n'aime pas et je peux très bien le comprendre. Cela dit, il faut tout de même tenter de lire Au Bonheur des Dames avant de mettre Emile Zola dans la catégorie des auteurs classiques français  indésirables (pour être honnête, j'ai mis Balzac dans cette case, chacun les siens. Les tentatives d'agressions ne sont pas nécessaires merci). Contrairement à d'autres Rougon-Macquart, je pense notamment à Germinal ou L'Assomoir, Au Bonheur des Dames est relativement positif, peu de morts et la détresse des personnages trouve en règle général (il ne faut pas trop en demander, c'est du Zola tout de même), une résolution heureuse. Nous sommes loin de Nana ou de La Bête humaine

J'adore le côté social des romans de Zola, voir l'évolution de la société, les commerces, les modes de vie. Pour une historienne c'est assez passionnant de découvrir un aspect différent de la vie au XIXe siècle sachant que Zola menait de véritables recherches sur l'univers qu'il décidait de peindre. Ce qui fait la force de ce roman, au-delà de l'histoire de Denise et de Mouret, c'est véritablement les descriptions de la boutique qui sont enchanteresses. Le lecteur se promène parmi les tissus, la mousseline, la soie, le satin, la guipure, la percale et j'en passe. Comme dans Le Parfum de Suskind où on a l'impression de sentir les odeurs qui émanent du livre, ici les étoffes de tissus nous glissent entre les mains. Les femmes que Mouret rend folles avec son débordement de tissus, de gants, de chapeaux et de prêt-à-porter, c'est bien la lectrice. Cependant, Au Bonheur des Dames ne vise pas un public essentiellement féminin, les intrigues et les personnages font la part belle aux hommes de cet univers. De Bourdoncle, le bras droit de Mouret qui déteste les femme à Mouret, véritable Dieu vivant, on retrouve toute une palette de caractères. L'amoureux transi, l'ami, l'ennemi, l'exploitant, l'exploité etc. 
Il y a un côté très féministe aussi (et assez étonnement je dirais) car de l'exploitation de la femme on passe à la domination de l'Homme: "Il y a en une qui vengera les autres Mouret". Cette phrase comme un leitmotiv marque le roman. Les personnages féminins sont aussi multiples et complexes, plein de contradictions. 

Les personnages sont un point fort du récit. Denise est très complexe, calme, réservée et timide mais cache une très grande force de caractère, une sorte de résignation silencieuse. J'aime beaucoup sa façon de s'accrocher à ses valeurs non pas pour manipuler les autres comme tout le monde (dans le roman) le pense mais bien parce qu'elle est en accord avec elle-même et ses propres décisions. C'est particulièrement courageux de sa part d'avancer ainsi au Bonheur des Dames sans faiblir, malgré les embuches et la haine que lui porte plusieurs employés. Mouret est un personnage que j'aime énormément, surtout après avoir lu Pot-Bouille dans lequel il n'est encore qu'un tout jeune homme. On assiste véritablement à son évolution. Il reste fidèle aussi à lui-même, il est lucide même s'il tombe peu à peu sous le charme de cette petite provinciale et de son chignon trop lourd. J'aime son dynamisme, son envie féroce de dévorer Paris et la femme. C'est un personnage intéressant même si parfois il nous rebute un peu à jouer les patrons paternalistes et à laisser les basses besognes à Bourdoncle. Les personnages secondaires sont tous bien croqués, les différents employés, les patrons de petites boutiques avec leur hargne silencieuse contre le ronronnement de l'énorme machine. 

L'écriture de Zola est une des choses que je préfère, il a le don de nous transporter de la première à la dernière page, de nous faire ressentir toute la misère humaine et tout son bonheur. A chaque nouvelle lecture du Bonheur des Dames je découvre de nouveaux aspects que j'avais laissé passer et j'aime de plus en plus cette histoire. Parmi mes scènes préférés on compte l'humiliation de Denise dans le salon de la maîtresse de Mouret et la scène finale digne de North and South (vous imaginez bien du coup non?). 

Récemment la BBC a sorti un nouveau Period Drama en huit épisodes, appelé The Paradise qui s'inspire du roman de Zola. J'ai commencé à le regarder, j'aime beaucoup même si la reconstitution s'éloigne de l'intrigue principale, l'actrice qui joue Denise est vraiment très bien choisie.   

Une lecture que je recommande chaudement! 

8 commentaires:

Emy a dit…

Un classique que je vais lire en 2013 :-) J'ai commencé la série et j'aime beaucoup, mais ça fait trop longtemps que je veux lire ce roman de Zola pour ne pas y mettre un point d'honneur cette année. Et ta recommandation ne fait qu'accroître mon envie !!

Perséphone a dit…

N'hésite pas Emy. Il est à lire! :D

trillian a dit…

j'ai adoré ce roman, je l'ai lu au collège et ça a été un coup de coeur du début à la fin! je n'ai vu que le pilot de l'adaptation BBC, je vais essayer de trouver le temps de voir le reste, mais je sais pas si je vais la trouver à la hauteur du roman!

Perséphone a dit…

The Paradise ne fait que s'inspirer du Bonheur des Dames. D'après ce que j'en ai vu ils s'éloignent gentiment de la trame de base donc les comparaisons ne devraient pas etre trop fortes!

Miss Léo a dit…

C'est l'un de mes romans préférés (je l'ai justement relu pour la dixième fois il y a quelques semaines), et je trouve ton billet excellent !
J'ai entendu parler de la série BBC, mais je ne l'ai pas encore vue.

Perséphone a dit…

Merci beaucoup Miss Léo ça me touche beaucoup. Ravie que ce soit aussi un de tes livres préférés! J'aime bien de ton de la série. Ils croquent assez bien les caractères (sauf Bourdoncle qui devient sympa) même s'ils vont plus vite que dans le livre.

Anonyme a dit…

C'est aussi l'un de mes romans préférés! Lu en fin de collège je crois et ça m'a beaucoup marqué. Depuis je suis passionnée par Zola! :-)

Perséphone a dit…

Je relis ce roman une fois tous les deux ans à peu près. Je ne m'en lasse jamais! Je l'ai lu pour la première fois en 3ème et mon prof de maths s'appelait Mouret cette année là! La grosse blague :D

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