mercredi 30 octobre 2013

The Gay divrocee (1934)


Résumé: Guy Holden, danseur de music-hall, accompagne son ami Egbert Fitzgerald qui doit s'occuper du cabinet d'avocat de son père à Londres, avant de rentrer aux Etats-Unis. A la douane londonienne, le chemin de Guy croise celui de Mimi Glossop. S'il en tombe tout de suite amoureux et cherche à la revoir, ce n'est pas tout à fait le cas de la jeune femme. En effet, celle-ci cherche à divorcer de son encombrant mari et demande pour cela les conseils d'un avocat...Egbert! Ce dernier lui conseille d'organiser un faux flagrant délit d'adultère. 

CASTING

Fred Astaire ..................................................... Guy Holden
Ginger Rogers .................................................. Mimi Glossop/ Mrs Green
Alice Brady ..................................................... Tante Hortense
Edward Everett Horton .................................... Egbert Fitzgerald
Erik Rhodes ..................................................... Rodolpho Tonetti
Eric Blore ......................................................... Le serveur
Betty Grable ..................................................... La spécialiste de la danse
Lillian Miles ..................................................... "La continentale"
Charles Coleman .............................................. Le valet de Guy
William Austin .................................................. Cyril Glossop



The Gay Divorcee est l'un des dix films qui marqueront la collaboration entre Fred Astaire et Ginger Rogers. Tourné en 1934, il devait à l'origine s'appeler "Gay divorce" (Joyeux divorce pour ceux qui ne comprendraient pas la langue de Shakespeare) mais les studios changèrent le titre pour "The Gay divorcee" (La joyeuse divorcée) pour ne pas avoir à assumer l'idée qu'un divorce puisse être joyeux. Personnellement, je trouve ça assez tordant pour un film qui parle d'organiser un faux flagrant délit d'adultère le tout agrémenté de faux amant, vrai amant, quiproquo et j'en passe. Les studios américains me surprendront toujours.

Trêve de plaisanterie, The Gay Divorcee est un de ces films que l'on met avec plaisir un dimanche soir pluvieux accompagné d'un chocolat chaud fumant et de petits (ou gros) gâteaux au chocolat. Le scénario n'est pas en soi bien original quoiqu'il y ait plusieurs retournements de situations intéressants mais il reste très amusant grâce à ses acteurs.

Ce sont vraiment eux qui font le sel du film. Oui, oui je sais, je suis TOUJOURS impartiale lorsqu'il s'agit de Fred Astaire mais je vous mets au défis de résister à sa bouille adorable. Il est jeune et pourtant il fait déjà vieux marquant ainsi une certaine intemporalité. Son sourire illumine aussi beaucoup son visage qui rend ses personnages immédiatement attachants. Son aspect longiligne, son flegme tout droit sorti des îles britanniques et son pas léger en font un acteur irrésistible. C'est à chaque fois la même chose lorsque je regarde l'un de ses films. J'en ressors invariablement avec une envie de danser et de sourire. 

Même si les personnages de Guy Holden et de Mimi Glossop passent la première moitié du film à s'éviter - Guy Holden dénotant quand même une capacité de stalker un peu flippante bien qu'élégante - leur alchimie est indéniable dès que les deux acteurs se mettent à danser. C'était la première fois que je voyais un film avec ce couple célèbre et j'ai compris sans difficulté ce qui fait leur renommée. Ils évoluent véritablement avec beaucoup de grâce et d'élégance sur une piste le tout n'étant pas dénué de simplicité. L'ambiance de leur danse à deux est souvent vaporeuse pas très loin du ballet ce qui est amplifié par les costumes de Ginger Rogers, de longues robes de mousseline et des costumes sobres de Fred Astaire. 

J'aime beaucoup la nonchalance du personnage de Fred Astaire, Guy Holden. Il a quelque chose d'élégant tout en étant un peu empoté. Il faut voir son visage concentré lorsqu'il scrute les femmes à Londres dans l'espoir de retomber sur Mimi. Quant à Ginger Rogers elle a ce petit je-ne-sais quoi de classieux qui va bien avec Fred Astaire.  
Les personnages secondaires, notamment Alice Brady et Edward Horton apportent une touche d'humour décalé bienvenu. Alice Brady nous offre une tante sans mémoire et sans cervelle qui a le chic pour tout confondre et ne rien comprendre. Edward Horton joue pour sa part un Egbert qui veut bien faire mais qui se retrouve dépassé par les évènements et Tante Hortense, flirt de jeunesse.

Même si le scénario est convenu, les rebondissements s'enchaînent bien notamment parce que le grand quiproquo n'est pas étiré sur la totalité du film. Il intervient tard de sorte que le spectateur peut largement l'anticiper et sa résolution est finalement rapide pour ne pas ennuyer. Elle donne lieu de la sorte à de très bonnes scènes autour du personnage d'Erik Rhodes, l'italien engagé pour servir de "faux amant" à Mimi Glossop. Le trio, Fred Astaire, Ginger Rogers et Erik Rhodes fonctionne très bien, est très drôle.
Le dénouement enfin, est sympathiquement tourné pour une résolution rapide sans être bâclée et joyeuse.

Les numéros de danse sont vraiment très beaux avoir et les musiques, même si elles sont moins célèbres que celles d'autres comédies musicales n'en restent pas moins très agréables à écouter. Voici une petite liste:

- The Continental qui a gagné le premier oscar pour la Meilleure chanson originale. Elle est chantée par Ginger Rogers, Erik Rhodes et Lilian Miles et dansée par Ginger Rogers et Fred Astaire.
- Don't let it bother you qui est la première chanson du film dansée par Fred Astaire.
- Let's K-nock K-nees chantée par Betty Grable
- Needle in a Haystack chantée et dansée par Fred Astaire.
En fin, Night and Day  de Cole Porter chantée par Fred Astaire et dansée par le couple principal.

Pour finir cette chronique, je vous dirai que Malika Ferdjoukh en grande amatrice de comédies musicales américaines fait référence au film par clin d'oeil dans son roman Chaque soir à 11 heures

mardi 29 octobre 2013

Le club Dumas ou l'ombre de Richelieu - Arturo Pérez Reverte


Présentation de l'éditeur: Lucas Corso, mercenaire de la bibliophilie et chasseur de livres, il reçoit de clients la double mission d'authentifier un chapitre manuscrit des Trois Mousquetaires et de déchiffrer l’énigme d'un étrange livre, Les neufs portes du royaume des ombres, brûlé en 1666, en même temps que son auteur, sur l'ordre du Saint-Office, et qui selon la légende permet de convoquer le diable. L'enquête de Corso se complique du suicide d'un célèbre éditeur de livres de cuisine, passionné par les feuilletons du XIXe siècle. Elle le mènera de Tolède à Cintra, au Portugal, et de là aux bouquinistes du quartier Latin à Paris.
Défilent d'insolites personnages, y compris une mystérieuse jeune femme qui suit Corso pas à pas, ainsi qu'un couple inquiétant qui semble sorti tout droit des Trois Mousquetaires, tandis que dans un endroit secret l'ombre du cardinal de Richelieu tire à travers le temps les fils d'une intrigue à mi-chemin entre la réalité et la fiction. 

Lire n'est jamais une occupation innocente. Un livre peut se transformer en un piège mortel, telle est la conclusion de cette histoire fascinante.

Je n'aime pas dire du mal d'un auteur, vraiment, surtout lorsque cet auteur à un talent réel d'écriture mais parfois c'est nécessaire. Je pense, en toute sincérité, qu'Arturo Pérez-Reverte doit arrêter d'écrire des romans policiers, c'est clair, il n'est pas fait pour ça. Comprenez-moi bien, je ne dis pas qu'il doit arrêter d'écrire, il a incontestablement une excellente plume et une façon de croquer ses personnages que j'ai rarement croisé ailleurs. Non, il n'est simplement pas bon dans le genre du roman policier.

Après ma lecture du Tableau du maître flamand, que j'avais apprécié malgré des défauts de construction de l'intrigue, une fin inutilement complexe et un langage parfois verbeux, j'avais très envie de continuer sur ma lancée et de découvrir d'autres romans du même auteur d'autant que l'on m'en conseillait plusieurs. Mon choix s'est donc rabattu sur Le club Dumas ou l'ombre de Richelieu et Le cimetière des bateaux sans nom. Devant le résumé du Club Dumas, j'ai eu une révélation. Il s'agissait du roman ayant inspiré Roman Polanski pour son film La neuvième porte que j'ai vu de nombreuses fois gamine puis adolescente. J'ai donc bien naturellement commencé par celui-là.

J'y ai retrouvé le côté rugueux du film, un personnage principal dur et antipathique à qui l'on finit par s'attacher malgré tout. C'est la grande force d'Arturo Pérez-Reverte, de créer des personnages uniques qui imprègnent ses récits. Ils sont extrêmement subtiles dans leurs caractéristiques, toujours très bien dosés et assez loin des clichés des personnages de romans policiers en général. Ici Corso est un être froid, calculateur mais pas sans morale. Il est complètement mort au niveau affectif et est efficace dans son travail justement parce qu'il met l'affect de côté. Lapin ou loup, ses descriptions oscillent souvent mais touchent toujours. La fille est elle-aussi parfaite dans son genre. Elle garde un détachement du début jusqu'à la fin ce qui, au lieu de la faire paraître superficielle, l’insère sans difficulté aucune dans le monde de Corso. Intrigante certes, mais finalement naturelle dans cet environnement étrange. D'ailleurs, Corso devine assez vite la nature de cette "Irene Adler" même s'il pense au départ à une plaisanterie. La Ponte est de son côté loin d'être le sidekick rigolo classique. Sidekick il peut l'être, drôle non.
Nous avons aussi les répliques de Rocheford et Milady que j'ai trouvé eux en revanche beaucoup plus caricaturaux ce qui n'est sans doute pas une surprise étant donné le rapprochement voulu entre Liana Taillefer et son garde du corps à cicatrice et les deux protagonistes des Trois mousquetaires.

On en vient à un deuxième et troisième points qui prouvent qu'Arturo Pérez-Reverte est un excellent auteur malgré tout ce que je vais vous balancer par la suite - voyez que je suis mal à l'aise de dire du mal. Je vis dans un monde de bisounours...et j'aime le polar...oui je sais, je suis une fille bizarre. Son récit commence à la première personne, racontée par Boris Balkan, professeur de littérature spécialiste des romans populaires du XIXe siècle. Plus largement Boris Balkan est un passionné de Cape et d'épée et en particulier de Dumas et de ses Trois mousquetaires. C'est là que l'on sent le véritable travail d'érudition de l'auteur. Ayant écrit Les aventures du Capitaine Alatriste on s'en serait douté mais nous en avons désormais la preuve. Il parle de romans qui ne sont plus édités, de feuilletons du XIXe siècle peu connus et de ce genre littéraire depuis les premiers ouvrages espagnols. Il montre également la même érudition dans les ouvrages consacrés au diable, même si celle-ci semble plus lourde et artificielle. Quant au monde des bibliophiles, des livres anciens et de leur restauration, là aussi il nous en met plein la vue.
D'un point de vue purement narratif, la rencontre avec Boris Balkan nous permet aussi un joli coup de style. En effet, comme je le disais, le récit commence à la première personne écrit par Balkan lui-même et nous racontant sa rencontre avec Corso qui vient lui demander conseil pour le manuscrit du Vin d'Anjou. Sauf que, retournement de situation, le récit passe ensuite à la troisième personne toujours raconté par Balkan mais d'après les évènements que lui a rapporté plus tard Corso. C'est assez original même si j'y mets une réserve du fait de la fin du livre qui donne à l'ensemble, quand on y pense, un côté bancal ou une facilité narrative qui a été déjà reprochée, dans son traitement, à plusieurs autres auteurs dont Agatha Christie elle-même. Si je dis ça c'est parce que Pérez-Reverte est conscient de cet artifice et qu'il n'hésite pas à aller au-delà du clin d’œil notamment à rappeler le procédé utilisé par la reine du polar. J'ai trouvé la filiation facile et pas forcément bien maîtrisée. 

Cette originalité narrative tombe donc un peu à plat à la fin du roman et en fait un artifice presque ridicule mais c'est sans doute plus imputable à la construction de l'intrigue elle-même qu'au style de Pérez-Reverte qui est pour le coup assez simple et moins bavard que dans Le tableau du maître flamand. L'intrigue est sans conteste le plus gros problème du roman et la qualité de l'écriture ne compense malheureusement pas cette faiblesse colossale pour un roman policier. Ce qui me fait dire que l'auteur n'est tout simplement pas bon pour le genre.

En fait, au niveau de l'intrigue, Le club Dumas est exactement l'excès inverse du Tableau du maître flamand. Souvenez-vous, je vous disais que l'intrigue première au sujet du tableau et du meurtre qu'il dévoilait était abandonnée dès le premier tiers du récit. Je regrettais donc une disparition beaucoup trop rapide d'une intrigue que j'aurai aimé voir conjointement menée avec celle de la partie d'échecs mortelle. Ici, c'est exactement l'inverse. Je ne sais pas si Arturo Pérez Reverte a voulu corriger les défauts du Maître flamand en écrivant Le Club Dumas (le premier date de 1990 le second de 1993, ils sont respectivement les romans numéro trois et quatre de l'auteur) mais il commet dans ce dernier toutes les erreurs inverses du premier. Comme quoi parfois il faut se méfier de ce que l'on souhaite.
Arturo Pérez Reverte commet le malheur de suivre deux lièvres à la fois: d'une part l'intrigue sur le Vin d'Anjou, ce chapitre des Trois Mousquetaires qu'on cherche à voler à Corso et d'autre part, l'authentification du livre Les neuf portes du royaume des ombres par comparaison avec les deux autres exemplaires connus de l’œuvre, le tout accompagné de vol, destructions de biens et de meurtres. Les deux intrigues sont entremêlées, ce que j'aurais voulu lire dans le Maître flamand, seulement là je ne vois pas DU TOUT l'intérêt de suivre ces deux intrigues. Pourquoi? Tout simplement parce qu'elles ne se rejoignent JAMAIS contrairement au lien qui était fait entre le tableau et les meurtres par le jeu d'échec dans le Maître flamand où une double intrigue avait sa place. Si Lucas Corso, le personnage principal essaye vaguement de combler les blancs pour que tout ait du sens, le lecteur se rend vite compte qu'il s'agit de deux intrigues séparées. Dès lors, l'abandon de l'intrigue Dumas, profondément inintéressante j'en ai peur, plus tôt dans le déroulement de l'action, aurait donné plus de suspense à la seconde intrigue sur le mystérieux livre écrit par le diable. Un filon ésotérique que l'auteur n'est même pas capable d'exploiter jusqu'au bout.
La révélation sur le mystère du Club Dumas tombe non seulement à plat mais est en plus longue et franchement sans intérêt. Il n'y a aucun enjeu et la résolution de l'intrigue me fait penser à une bombe qu'on désamorce par un pétard mouillé: "Quoi mais c'est ça la solution de l'énigme?" Tout ça pour se rendre compte qu'il n'y avait pas d'énigme, juste des zigotos complètement farfelus incapables de traiter une affaire marchande convenablement. Je ne précise pas que le "méchant" de cette intrigue là est bavard et pédant? Qui a dit "On dirait César?".

Maintenant je vous donne l'autre bonne nouvelle, l'intrigue sur la neuvième porte s'achève....en un chapitre, le dernier. Oui, puisque les autres sont consacrés à Dumas. La meilleure intrigue du roman liquidée en dix pages avec là au contraire presque aucune explication - heureusement que j'avais vu le film pour comprendre de quoi il retournait. Le chapitre s'appelle d'ailleurs "Diabolus ex machina" en référence à la ficelle de la solution miraculeuse. C'est exactement ça, une résolution bâclée et expédiée. A partir du dernier tiers du roman j'ai vraiment eu l'impression que l'auteur ne savait plus du tout où il allait et qu'il bâclait sa fin pour en finir plus vite, comme s'il avait écrit une intrigue sans penser à son dénouement. Pire, je le soupçonne d'avoir voulu faire un mystère littéraire sur Dumas, mais voyant que ça allait être dur d'intéresser le lecteur sur "les ghost writer" de Dumas (ce qui est quand même de notoriété publique) et de créer une intrigue à suspense, a rajouté celle sur le diable et son livre histoire afin de complexifier l'ensemble. Ça passe complètement à côté de son but, la fin est une torture à lire et elle ne résout rien.

Je me souvenais vaguement du film de Polanski que je n'ai pas vu depuis une dizaine d'année (mon adolescence me semble soudain très lointaine) et je me demandais pourquoi alors que les neuf portes me disaient bien quelque chose, je ne me souvenais absolument pas d'un mystère sur un manuscrit des Trois mousquetaires. J'ai la réponse, Polanski a tout simplement fait un choix d'adaptation et a supprimé la quasi totalité de cette intrigue là et reconverti certains personnages dans la seconde intrigue. Alors je n'ai pas encore revu ce film - mais je vais le faire vous vous en doutez - mais d'emblée ce choix me semble le plus logique du monde. Débarrassé de cette intrigue qui plombe le récit, le ralenti et fait tomber Corso dans de mauvais choix, le film se recentre sur l'essentiel et donne une explication, quoiqu'un peu confuse dans mon esprit, du mystère des neuf portes. Je vous en reparle très vite.

En attendant, Le Club Dumas s'avère être une grosse déception mais je ne perds pas espoir, il me reste Le cimetière des bateaux sans nom, le maître d'escrime, Le peintre de batailles et bien sûr Alatriste (dont on pourra reparler du film d'ailleurs...ou pas...) pour découvrir d'autres facette de cet auteur espagnol.

vendredi 25 octobre 2013

Et si on se mettait à la BD? Episode 3: Le tombeau d'Alexandre



Pour ce troisième épisode je vous propose de découvrir une scénariste et dessinatrice française Isabelle Dethan et sa série en trois volumes: Le tombeau d'Alexandre

Présentation de l'éditeur: 1858. Au temps d'Auguste Mariette et des premières découvertes archéologiques, Alexandrie est alors le fief des pilleurs de tombes et aventuriers du monde entier. Parmi eux, sept ressortissants français découvrent les ruines d'une chapelle souterraine dédiée à Alexandre le Gand : le tombeau du Conquérant ne peut être loin... Complots, trahisons et meurtres ponctueront cette chasse au trésor peu commune. 

Le tombeau d'Alexandre est une bande dessinée en trois tomes scénarisée par Isabelle Dethan et dessinée par Julien Maffre. Je suis tombée par hasard dessus à la bibliothèque et j'ai été attirée par deux choses. Tout d'abord, le fait que la scénariste - qui est aussi dessinatrice pour d'autres séries - soit une femme m'a attiré l’œil. Je faisais la réflexion à ma petite sœur Frankie - qui connait bien mieux le monde de la BD que moi - qu'il s'agissait surtout d'un monde d'homme et que les femmes étaient souvent cantonnées à des BD "pour filles". Ces BD peuvent être de qualité, la question n'est pas là, mais dans le monde de la BD dite "sérieuse", qui ne soit pas drôle ou sur le quotidien, force est de reconnaître que les femmes sont largement sous-représentées. Forcément, voir qu'une scénariste-dessinatrice était à la base de plusieurs séries historiques avec un fort attrait pour l'Egypte, ça sentait bon. De plus, le titre et le résumé, une bande de chercheurs de trésor partant à la recherche du tombeau d'Alexandre le Grand en 1858 en Egypte...ça me rappelait un peu ma Peabody adorée et mon Emerson chéri et j'ai décidé de tenter l'aventure.

Autre point à ne pas négliger, ce qui m'a décidé à l'emprunter c'est que Le tombeau d'Alexandre est en trois tomes et qu'ils étaient tous trois disponibles. Après Murena en 8 tomes (à la bibli je n'ai pas encore mis la main sur le tome 9, il me nargue le vilain), et Le scorpion (bloqué au tome 4 parce que le 5 a disparu de la bibliothèque), j'avais envie de quelque chose de concis et que je pouvais lire d'une traite. J'ai bien fait, parce qu'une fois embarquée dans l'aventure aux côtés de ces personnages hauts en couleur, je n'aurai pas pu attendre une suite.

Pour être honnête, je n'étais pas particulièrement emballée par les dessins de Julien Maffre au début. Après Murena et le Scorpion aux dessins précis, je trouvais l'ensemble de Julien Maffre un peu brouillon. Cependant, après les premières planches, j'ai vite oublié mon scepticisme premier et j'ai fini par complètement accrocher, le graphisme donnant finalement vie aux personnages et à l'ambiance. Malgré la multitude de protagonistes, il est impossible de les confondre. Ils ont chacun leur physionomie et leur caractère. De plus le groupe est véritablement hétéroclite: jeunes, vieux, femmes, hommes, blonds, brun, roux, blanc ou métissé, la joyeuse petite bande est un mélange sympathique où chacun pourra à loisir s'identifier et compatir avec l'un où l'autre des personnages.
On retrouve également une ambiance Égypte au XIXe siècle qui me plait énormément. Sans avoir le côté fantastique de La momie, il y a un petit quelque chose des fouilles d'Emerson et Peabody même si ici, les momies égyptiennes n'est pas ce qui intéressent nos archéologues amateurs. Ce qui n'est d'ailleurs pas plus mal. Cela permet de gentils clin d’œil (notamment dans le tome trois) mais maintient l'intrigue sur un plan original. Pas de pyramides à fouiller mais les sous-sols d'Alexandrie à explorer ce qui permet à Julien Maffre de nous offrir de magnifiques planches.

Les personnages féminins sont particulièrement bien campés. Entre Éléonore, une riche veuve qui lit les textes anciens et Louise, élevée par sa mère dans un des bordels les plus connus de la ville et fille d'un trafiquant de momies, nous sommes en présence de deux personnages forts qui n'hésitent pas à en faire voir des vertes et des pas mûres aux autres hommes de l'équipe et surtout à leurs ennemis. Elles ont des amants et font avancer l'intrigue, bref elles me plaisent. J'aime aussi beaucoup Lazare, le jeune homme franco-égyptien qui doit faire le tri entre ses sentiments pour ses deux patries et ce qu'il ressent pour la jeune Louise. Les parents de Louise sont très touchants également assez drôles et pourtant prévenants.

L'intrigue est bien ficelée même si elle peut être prévisible par moment, les rebondissements ne manquent pas et j'étais littéralement accrochée au tome deux. La transition avec le troisième fut rapide, il me fallait la suite. Point. Si l'ensemble peut paraitre bon enfant, ce serait une erreur de ne pas la prendre au sérieux. Au fur et à mesure que l'intrigue se noue, le drame prend de l'ampleur et les protagonistes sombrent peu à peu. De nombreuses trahisons, des retournements de situations et un épilogues qui d'après certains sites de BD était prévisible mais qui moi m'a assez prise de court. Les jeux de séduction des couples de la bande apportent, même s'ils ne sont pas originaux, un peu de légèreté à l'histoire et de bonnes joutes oratoires. Le troisième tome, qui est selon moi le meilleur de la série, nous offre également des planches magnifiques des sous-sols égyptiens.

Un triptyque d'aventure et d'Histoire au pays des momies et de l’hellénisme, une bande de personnages farfelus et attachant, des rebondissements à la pelle...une série à ne pas manquer.

Le tombeau d'Alexandre est donc composé de trois tomes:

1. Le manuscrit de Cyrène
2. La porte de Ptolémée
3. Le sarcophage d'albâtre

jeudi 24 octobre 2013

Au bonheur des ogres (2013)




FILM DOUDOU INSIDE

MALAUSSENE? AH LA PLUPART DU TEMPS IL EST DANS LA LUNE, IL REDESCEND QUE POUR SE METTRE DANS LA MERDE!

Résumé: Dans la tribu Malaussène, il y a quelque chose de curieux, de louche, d’anormal même diraient certains. Mais à y regarder de près, c’est le bonheur qui règne dans cette famille joyeusement bordélique dont la mère sans cesse en cavale amoureuse a éparpillé les pères de ses enfants. Pour Benjamin Malaussène, bouc émissaire professionnel et frère aîné responsable de cette marmaille, la vie n’est jamais ennuyeuse. Mais quand les incidents surviennent partout où il passe, attirant les regards soupçonneux de la police et de ses collègues de travail, il devient rapidement vital pour le héros de trouver pourquoi, comment, et surtout qui pourrait bien lui en vouloir à ce point-là ? Benjamin Malaussène va devoir mener sa propre enquête aux côtés d’une journaliste intrépide surnommée Tante Julia pour trouver des réponses.

CASTING
Nicolas Bary ................................................. Réalisateur
Raphaël Personnaz ........................................ Benjamin Malaussène
Bérénice Bejo ............................................... Tante Julia
Guillaume de Tonquédec ............................... Sainclair
Emir Kusturica .............................................. Stojil
Thierry Neuvic .............................................. Inspecteur Carrega
Mélanie Bernier ............................................. Louna
Dean Constantin ............................................ Cazeneuve
Marius Yelolo ................................................ Divisionnaire Coudrier
Lehman ......................................................... Bruno Paviot
La Pédopsychiatre ......................................... Alice Pol
Amar ............................................................ Youssef Hajdi
Thérèse ......................................................... Armande Boulanger
Jérémy .......................................................... Adrien Ferran
Le Petit ......................................................... Mathis Bour
Constantin .................................................... Joël Demarty
Miss Hamilton ............................................... Marie-Christine Adam
Mr. Muscle ................................................... Ludovic Berthillot
La reine Zabo ............................................... Isabelle Huppert

 

Tout réalisateur décidant de s'attaquer à un monstre de la littérature doit s'attendre à se prendre pas mal de nions. Entre les puristes qui s'attendent à un copier-coller du roman sans parfois prendre de recul sur l’œuvre ou d’œil critique qui construit nécessairement le passage du papier à l'écran - n'oublions pas qu'une adaptation est avant tout la vision d'un réalisateur sur un produit littéraire et qu'il y a autant de versions d'un roman que de lecteurs - et ceux qui vont voir le film sans connaître l’œuvre d'origine, il y a, ceux qui comme moi, y vont en se disant "advienne que pourra".


D'une façon purement personnelle, et cela construit irrémédiablement ma vision d'une adaptation, ne l'oubliez pas merci, je pars du principe que le film ne pourra jamais être identique au roman encore plus lorsque le livre est écrit à la première personne. Pourquoi? Tout simplement parce qu'à l'intérieur de ma tête tordue, de mon esprit féministe et farfelu, de mon envie de divertissement et de rire, je m'invente à la lecture ma propre vision du roman, de son intrigue et de ses personnages. Ne nous voilons pas la face, nous le faisons tous. C'est pourquoi et je dirais même "heureusement" que les livres ne nous touchent pas de la même manière, au même moment et pour les mêmes raisons. Ensuite, le papier et l'écran étant deux supports différents, ils ne montrent pas les choses de la même façon. Rendre les pensées d'un personnage à l'écran est extrêmement complexe et parfois doit être condensé, synthétisé, remanié parfois même sur l'intégralité du film pour obtenir la même métaphore filée. A mon sens, une vraie adaptation est celle, qui tout en gardant l'essentiel du roman, est capable de passer outre les limites émises par le papier et de transcender ces difficultés en transmettant l'information essentielle sur pellicule.


Forcément, lorsque le livre adapté n'est nulle autre que Le bonheur des ogres de Daniel Pennac, les réactions ne peuvent être que vives. Pour ceux qui ont lu la série Malaussène - que je recommande plus que chaudement - vous savez à quel point le style, l'histoire et le contexte même du roman sont largement inadaptables tel quel. Le style? Une oralité qui n'est pas sans rappeler Zazie dans le métro mais qui reste peut-être plus naturelle et parfois, au gré des humeurs de Benjamin, plus lyrique, envolée ou bordélique c'est selon. L'histoire? un polar brouillon, où tout est un peu à l'image de la famille Malaussène et des gens qui les entourent, un vrai foutoir! Le contexte? Le Belleville cosmopolite des années 80, une sorte d'âge d'or du multiculturalisme prôné par Pennac, un attrait décomplexé pour l'autre et le mélange des genres.

Du coup, adapter un truc pareil ça demande pas mal de compromis et c'est ce que réussi très bien Nicolas Bary. Certes le film n'est pas une adaptation parfaite - on y reviendra - mais elle a le mérite d'être cohérente avec elle même et de retirer suffisamment de ce qui fait le sel du Bonheur des ogres pour que le spectateur ne se sente pas perdu.

Tout d'abord, la famille Malaussène est là au grand complet ou presque. On retrouve donc Benjamin, le Benjamin dans les nuages, pilier de famille un peu indolent, toujours dans la merde mais terriblement attachant. Une gageure de prendre un beau gosse comme Raphaël Personnaz mais qui montre une fois encore par ses talents d'acteur qu'il va au-delà de son physique pour nous offrir un Benjamin Malaussène terriblement touchant et décalé à souhait:
"Vous ne voulez pas qu'on fasse connaissance? Je suis très doué pour réchauffer les pieds".
On retrouve aussi Thérèse, la sombre de la famille, le visage grave derrière ses lunettes qui tire les cartes et prévoit le malheur. Elle sait cependant avoir une bonne bouille et ses échanges un peu vif avec Jérémy sont très drôles. Jérémy est dans le ton, petit garçon frondeur et vulgaire, toujours dans les derniers mauvais coups il en fait voir de toutes les couleurs à son frère aîné. Heureusement qu'il y a Le Petit, que l'on "débranche" lorsque cela arrange pour pouvoir s'engueuler en paix sans que cela pourrisse la tête du môme. Le Petit - mais pas aux lunettes roses - qui déforme les mots et qui dessine des monstres qui effrayent sa psychologue mais adore les girafes. Quant au chien Julius il a tendance à tomber en crise d'épilepsie dès que quelque chose déconne chez les Malaussène, c'est-à-dire souvent. Seul bémol à cette famille, c'est la contraction que Nicolas Bary a faite entre Louna la soeur aînée mariée et infirmière et Clara la deuxième sœur Malaussène que Benjamin protège comme la prunelle de ses yeux. Sans doute pour simplifier les relations, empêcher de s'éparpiller dans les péripéties d'une famille déjà nombreuse. Je regrette un peu parce que Clara est vraiment un personnage intéressant, elle qui voit tout à travers son appareil photo et elle m'a manqué dans l'intrigue.


L'intrigue en elle-même est un polar un peu foutoir à l'image du livre. Il faut cependant se rendre compte qu'Au bonheur des ogres n'est pas un livre pour enfant contrairement à ce qu'on pourrait croire. Il s'agit bien d'un livre pour adulte, de par le langage déjà mais aussi des thèmes abordés et des morts. Même si Pennac est toujours drôle et décalé, il s'agit ici d'une disparition d'enfants. Alors oui, Nicolas Bary a intentionnellement atténué ce côté là de l'intrigue pour en faire un film familial. Pas besoin de montrer des scènes un peu gore de disparition d'enfants, cela n'a jamais été un prétexte pour Pennac qui voulait tirer son concept de bouc-émissaire jusqu'au bout. Pour voir un polar noir bien glauque, rabattez-vous sur Millenium pas un Malaussène. A mon sens, la critique de la société et des grands magasins ou entreprises qui ont besoin d'un bouc face aux consommateurs crédules est plus forte que l'intrigue policière. C'est d'ailleurs sans doute pour ça que la place du métier de Malaussène et de la journaliste Tante Julia, domine sur le reste. Du coup Nicolas Bary détourne l'action du côté sombre de l'intrigue mais les clins d’œil au spectateur adulte ne manquent pas. Dans une scène où Louna explique que des ogres ont enlevé des enfants dans le magasin mais qu'ils vont bientôt disparaitre, Jeremy commence par dire qu'il a vu une emission où...Louna l'arrête, précisant que son petit frère, Le Petit, n'avait pas besoin de savoir et Thérèse d'ajouter qu'elle non plus ne veut pas savoir. Le spectateur enfant dans la salle se retrouvera dans la position du Petit qui ne sait pas ou de Thérèse qui sait mais ne veut pas vraiment savoir et l'adulte à la place de Louna. Chacun y trouve alors son compte dans cette histoire policière où les flics (ah...Thierry Neuvic....) sont décidément un peu lents et la famille Malaussène pleine de ressources.


Côté mise en scène, Nicolas Bary garde le côté brouillon du roman et le décalage de ton si délicieux chez les Malaussène. Les histoires racontées par Benjamin dans lequel il est le héros sont tout bonnement géniales, avec la girafe du magasin et les employés qui hurlent "Malaussène président". Je n'avais pas aimé la prestation de Berenice Bejo dans The artist, je trouvais son jeu forcé et pour tout dire horripilant mais ici, en Tante Julia, elle fait une parfaite Corrençon. Alerte, vive, drôle, indépendante, intelligente, aussi décalée que Malaussène, elle ne pouvait que me plaire. L'alchimie passe bien entre les deux protagonistes et leurs échanges sont souvent très drôles.


J'ai beaucoup aimé le fait que même si l'action se déroule toujours à Belleville, ils n'aient pas cherché à resituer l'histoire dans le contexte des années 80. Même si le personnage de Stojil (Emir Kusturica!) est là pour nous rappeler  - en théorie - que le mur n'est pas encore tombé (le roman est écrit en 1985), je trouve plutôt intelligent d'avoir gardé l'action dans le paris de 2013. Le Bonheur des ogres prend la place d'un magasin parisien bien connu, comme son homonyme Le bonheur des dames et je pense que cela permet d'éviter le piège de reconstruire un Belleville des années 80, des costumes etc. qui pourraient vite tourner au kitsch et empêcher directement de rentrer dans l'histoire. Le spectateur peut d'avantage reconnaître l'univers de Benjamin Malaussène comme le sien et se dire que finalement, les histoires foldingues de cette tribu pas comme les autres sont intemporelles.


Je pourrai parler des Malaussène encore longtemps, tellement j'aime les livres mais je vais m'arrêter là.

Alors voila, je ne prétends pas détenir la vérité sur le cinéma, je ne revendique aucune culture ou connaissance légitime pour écrire mes chroniques. Cependant, si vous me lisez, vous savez que je donne toujours mon avis sans esprit revanchard, sans hargne, juste comment je ressens ou vois les choses.
Sans être le film de l'année, si Nicolas Bary me pond la suite des aventures de ma tribu préférée, j'irai le voir sans hésiter parce que pour moi Au bonheur des ogres au cinéma c'est comme être en famille à la maison.

lundi 21 octobre 2013

Le Grimoire d'argent - Mercy Thompson #5 - Patricia Briggs

ATTENTION SPOILERS POSSIBLES


Présentation de l'éditeur: Mercy ne cracherait pas sur quelques jours de vacances. Après avoir passé les derniers mois à tenter d’échapper aux griffes de la Reine des Vampires, elle découvre que le grimoire des faes est tombé dans de très mauvaises mains : les secrets qu’il renferme sont sur le point d’être révélés. Ce qui n’est pas du goût de tout le monde. Non contente de devoir régler cette crise majeure, Mercy a des problèmes personnels : sa maison a brûlé, son ami Samuel file un très mauvais coton et on lui reproche les dissensions apparues au sein de la meute. Elle va devoir faire preuve de la plus grande diplomatie… pas facile quand on est sous pression !

Chronique du tome 1 : L'appel de la lune, tome 2: Les liens du sang, tome 3: Le baiser du fer, tome 4: La croix d'ossements.

Ce genre de série est extrêmement complexe à maintenir dans la durée. Il faut être capable d'amener les personnages à une évolution logique et cohérente, qui ne soit ni trop rapide, ni trop lente, tout en conservant un intérêt pour l'intrigue ou les intrigues. C'est extrêmement difficile. Un travail de jongleur et de précision en même temps. Si vous lisez ce blog régulièrement, vous avez sans doute remarqué que c'est une critique que j'adresse au tome 4 de Charley Davidson qui marque pour moi un tournant dans lequel le modèle des trois premiers tomes s’essouffle et où le tome suivant devra évoluer pour conserver son intérêt. Que l'on se rassure, Patricia Briggs maîtrise sa série des Mercy Thompson d'une façon remarquable ce qui en fait, pour moi, l'une des meilleures séries d'Urban Fantasy de ces dernières années.

Il fallait avoir sacrément la foi pour me vendre le tome 3 de la série. Deux tomes plus tard, j'en suis encore traumatisée mais Patricia Briggs a parfaitement su tenir cette ligne et on en sent encore les effets dans le tome 5. L'exploitation de ce qui est arrivé à Mercy est brillamment géré par l'auteure ce qui amène un tome 5 où d'une part l'héroïne reprend du poil de la bête et ce qu'elle a mis de côté le temps de se reconstruire et où elle peut enfin s'engager dans une nouvelle action dont elle n'est pas la victime. 

Comme d'habitude, les intrigues sont multiples et complexes. D'un côté nous avons Samuel qui perd pied. Le vieux loup-garou sent peser sur lui le poids des ans et avec Mercy qui a choisi Adam, il se laisse dépérir. Heureusement que Sam, son loup prend le relais et empêche Samuel de commettre l'irréparable. Appelant Mercy à la rescousse, il s'agit pour la jeune femme de sauver à la fois Sam le loup mais aussi Samuel. Le sauver non seulement de lui-même mais aussi et surtout des autres loups qui abattent systématiquement les hommes dont le loup prend le contrôle. Comme si cela ne suffisait pas, elle se retrouve en possession d'un livre fae que tout le monde recherche et doit encore une fois faire attention à sa peau. Pour compliquer encore un peu, elle est accusée dans dissensions dans la meute d'Adam et décide cette fois d'y faire face en montrant les dents. 

J'apprécie toujours autant comment l'auteure jongle avec ses intrigues, nous fait passer de l'une à l'autre et arrive toujours à nous surprendre sur le fonctionnement d'une communauté. Cette fois-ci pas de vampire, Stephan n'apparait pas ce qui de mon côté fait grimper la tension sur ce qu'il est et ce qu'il veut. Ici, c'est encore une fois le monde des faes et surtout des loups-garous que nous explorons. Patricia Briggs arrive toujours de tome en tome à nous surprendre par un aspect non connu ou développé de la sociologie du monde surnaturel. 
On avance toujours, pas à pas, en apprenant de nouveaux éléments sur le monde qui compose l'univers de Mercy Thompson. C'est ce qui fait aussi qu'elle arrive toujours à produire des tomes dynamiques qui ne s'essoufflent pas.

Le personnage introduit à la fin du tome par l'auteure va sans doute amener un nouveau dynamisme ou un déplacement de l'intrigue même si pour ma part j'aurai souhaité un traitement un peu plus long, plus important de ce personnage et de ses relations avec un autre protagoniste principal. Je chipote sans doute parce que Patricia Briggs développera sûrement tout ça dans le tome 6 ou 7 mais c'est vrai que sur le coup je suis un peu restée sur ma faim. 

Le tome 6 vient de sortir en France chez Milady tandis que le tome 8 est sorti aux Etats-Unis. Avis aux amateurs!

vendredi 18 octobre 2013

La Bobine d'Alfred - Malika Ferdjoukh


COUP DE COEUR DE PERSEPHONE
SORTIE PREVUE LE 24 OCTOBRE 2013

Présentation de l'éditeur: Harry Bonnet, 16 ans, fils d'un cuistot montmartrois, est fou de cinéma. Comment s'est-il retrouvé à Hollywood ? C'est simple. Il lui aura suffi d'une gifle, d'une caille rôtie et d'une assiette de pommes de terre pour traverser l'Atlantique et atterrir sur la colline mythique. L'Amérique ! Des stars à tous les coins de rue ! Une nuit, il suit son père à la cantine, s'introduit en catimini sur le plateau n° 17, remplace au pied levé un second rôle souffrant et... tombe nez à nez avec Alfred Hitchcock. Le metteur en scène le plus célèbre du monde commence le tournage dont il rêve depuis quarante ans : l'adaptation d'une pièce de J. M. Barrie, l'auteur de Peter Pan. C'est un secret absolu. Le film porte un faux titre et Hitchcock lui-même a pris un nom de code. Mais pourquoi diable Harry a-t-il voulu voir les premières minutes du film fantôme ? Pourquoi a-t-il désobéi au maître du suspense ?

Comment vous rendre l'état d'excitation qui s'est emparé de moi lorsque j'ai reçu La bobine d'Alfred? En fait, je l'attends depuis que je sais que Malika était en train de l'écrire et comble de malchance, mon facteur a perdu mon premier exemplaire: j'ai dû attendre! Ouverture du colis, horreur: le roman ne fait que 174 pages....c'est comme si on vous montrait un potentiel d'1kg de pâte d'amande pour ne vous en donner que 100gr. Une vraie torture. J'ai donc englouti La bobine d'Alfred dans la soirée, comme il se doit...

Malika Ferdjoukh est une amoureuse d'Alfred Hitchcock et plus encore du cinéma américain de l'âge d'or. Elle est incollable! Je vous l'assure puisque j'ai eu la chance de la rencontrer et de parler cinéma avec elle. Plus encore, elle est capable de chanter tous les airs des comédies musicales de ces années là, celles que j'adore avec Fred Astaire, Ginger Rogers, Gene Kelly, Jean Hagen etc. et bon sang qu'est-ce que cela se sent!

La bobine d'Alfred, au-delà d'être une histoire sur un adolescent découvrant un univers qu'il adore mais ne connait que de loin, est une ode au cinéma et aux cinéphiles. De la première à la dernière page, le roman est truffé de références plus ou moins fines, plus ou moins évidentes au cinéma et bien sûr à Hitchock.

Le personnage principal, Harry Bonnet, est un cinéphile. Il tient cette passion de son père, Gustave Bonnet, cuisinier montmartrois et grand amateur de cinéma qui voulait au départ baptiser son fils Cary. Comme pour Cary Grant. Nous sommes dans les premières lignes du roman et déjà ça fleure bon les années 60.
Le côté cinéphile de Gus et Harry n'est jamais un prétexte au développement narratif, il y a bien derrière une vraie passion pour le cinéma partagée par Malika Ferdjoukh. Pour ceux qui connaissent le cinéma de cette époque, c'est un véritable délice de chercher les références disséminées un peu partout dans le roman. Allez, je suis gentille je vous en donne un, qui m'a faite sautiller comme une folle: "Me voila débarrassé d'un poisson nommé Vandamm."

Si Malika Ferdjoukh aime le cinéma en général, La Bobine d'Alfred nous permet aussi de mesurer son amour pour les comédies musicales "à l'ancienne". J'ai littéralement hurlé (de joie, d'excitation, je précise) en découvrant l'un des personnages: Lina Lamont. Pour ceux à qui vraiment Lina Lamont et Don Lockwood ne disent rien, je vous conseille urgemment voir Chantons sous la pluie (Singin' in the rain) avec Gene Kelly, Donald O'Connor, Debbie Reynolds et Jean Hagen. Outre le fait qu'il s'agisse de ma comédie musicale préférée, c'est aussi l'une des plus célèbres. Pour vous rappeler un peu de quoi il s'agit: Don Lockwood et Lina Lamont sont deux stars du cinéma muet or voici que sort "The jazz singer" (Le chanteur de jazz), premier film parlant. La transition pourrait se faire en douceur si seulement Lina Lamont n'avait pas la voix la plus affreuse de la planète. Pour la doubler, ils engagent alors une jeune comédienne à la voix délicieuse Kathy, dont Don Lockwood tombe bientôt amoureux.
Malika Ferdjoukh décide ici de faire de Don et Lina des personnages réels du cinéma muet et non de simples personnages (bien que l'on ne voit jamais Don). Derrière ce choix sympathique d'inclure Singin' in the rain dans l'intrigue, il s'agit sans doute, pour Malika Ferdjoukh, de rendre hommage à Jean Hagen, actrice un peu oubliée par rapport aux grandes vedettes de l'époque mais qui n'en reste pas moins une grande artiste. Lina Lamont a vraiment le mauvais rôle dans Singin' in the rain et peu de gens savent qu'en réalité Jean Hagen avait une très jolie voix et qu'elle chante elle-même la chanson "would you" du film. D'ailleurs ici, Lina et son fils imaginaire Grant, sont tous deux de très bons personnages, gentils et accueillants envers Harry et Gus. Un hommage discret mais vibrant qui a su me toucher.
Mis à part Singin' in the rain et Jean Hagen, il nous arrivera de croiser un certain gentlemen, sautillant, en jaquette rayée, passionné de courses hippiques, un sourire éclatant sur le visage. Je vous laisse l'apercevoir, j'en étais ravie!

Bien évidemment, on ne s'appelle pas La bobine d'Alfred avec le maître sur la couverture sans parler un peu d'Alfred Hitchcock. Les références à son travail (McGuffin, caméo) et à sa filmographie sont nombreuses. Quand ce n'est pas l'auberge écossaise dans laquelle s'arrête Harry et sa femme au début du roman, qui s'appelle Tavern of Jamaica (une référence à Jamaica's Inn, film d'Hitchcock adapté du roman de Daphné du Maurier), c'est la caissière du cinéma qui s'appelle Mme Rebecca. Chaque chapitre est une référence à un film d'Hitchcock. De la même façon, l'intrigue autour du film Mary Rose est une véritable anecdote liée à l'histoire d'Hitchcock. J'ai beaucoup aimé le fait qu'elle se serve de la personnalité du réalisateur et de ses projets pour construire son intrigue. De la sorte, l'histoire ne sort pas de nulle part, elle a une cohérence avec l'histoire personnelle du réalisateur.

Il est évident qu'il y a plusieurs niveaux de lectures dans La bobine d'Alfred. Si vous êtes vous-même un passionné de cinéma le plaisir n'en est que redoublé. Personnellement je suis un peu frustrée car je suis sûre d'avoir loupé des références. On pourrait croire en revanche que si ce monde là vous est inconnu, il vous faut passer votre chemin. Cette affirmation est on ne peut plus fausse.
Au contraire! Un peu comme dans les films Shrek ou avec 3000 façons de dire Je t'aime de Marie-Aude Murail, cette construction autour du cinéma est un écrin à l'histoire que l'on peut parfaitement apprécier sans maîtriser les références.
Car avant tout, l'histoire parle de Harry, ce jeune français cinéphile plongé d'un coup dans le monde des paillettes d'Hollywood. Il découvrira que les apparences sont souvent trompeuses et que le cinéma et ses plateaux ne rendent pas toujours heureux. C'est l'histoire d'un adolescent qui grandit, fait des erreurs qui le poursuivront longtemps et qui découvre que parfois il ne faut pas s'approcher trop près des mythes que l'on aime car en gros plan, le verni craque et le réalité n'est pas toujours belle.

Mission réussie pour Malika. On ne peut pas lire La bobine d'Alfred sans avoir envie en le refermant de prolonger l'expérience dans ce monde du cinéma américain des années 50-60. A présent, j'ai vraiment vraiment envie de découvrir Alfred Hitchcock et de revoir/découvrir des films du ciné américain du golden age.
Oui je vais sûrement commencer par du Fred Astaire. Comment avez-vous deviné?

jeudi 17 octobre 2013

Fenêtre sur cour (1954)


Résumé: A cause d'une jambe cassée, le reporter-photographe L. B. Jeffries est contraint de rester chez lui dans un fauteuil roulant. Homme d'action et amateur d'aventure, il s'aperçoit qu'il peut tirer parti de son immobilité forcée en étudiant le comportement des habitants de l'immeuble qu'il occupe dans Greenwich Village. Et ses observations l'amènent à la conviction que Lars Thorwald, son voisin d'en face, a assassiné sa femme. Sa fiancée, Lisa Fremont, ne le prend tout d'abord pas au sérieux, ironisant sur l'excitation que lui procure sa surveillance, mais finit par se prendre au jeu...


CASTING

Alfred Hitchcock ....................................... Réalisateur/ homme à la pendule
James Stewart ............................................ L.B. Jeffries
Grace Kelly ............................................... Lisa Fremont
Wendell Corey .......................................... Lt. Thomas J. Doyle
Thelma Ritter ............................................. Stella
Raymond Burr ........................................... Lars Thorwald
Judith Evelyn ............................................. Miss Lonelyhearts
Ross Bagdasarian ...................................... Compositeur
Georgine Darcy ......................................... Miss Torso
Sara Berner ................................................ Voisine du deuxième étage
Frank Cady ................................................ Voisin du deuxième étage

Nous voila plongés pour deux articles dans l'univers d'Alfred Hitchcock. Comme beaucoup de monde je connais ce grand monsieur du cinéma de nom et de réputation mais je dois admettre que sa filmographie me reste assez mystérieuse. 
J'ai eu la chance de voir Rebecca au cinéma il y a quelques années et j'avais adoré sa vision du roman de Daphne du Maurier et son travail sur la lumière. 

Dans ce huit clos qu'est Fenêtre sur cour, Alfred Hitchcock montre là aussi un intérêt prononcé pour la lumière. Peu satisfait de la lumière réelle sur les bâtiments qu'il choisit, il décide de recréer entièrement en studio la cour et les 31 appartements qui la compose dont 12 appartements aménagés. Cela fait de Fenêtre sur cour le film avec le plus grand décor reconstruit de son époque. C'est assez impressionnant parce que si effectivement l'ensemble a un petit côté studio que l'on sent malgré tout, il n'en reste pas moins que tout est reproduit avec un luxe de détails. Impossible d'échapper à l'ambiance qui émane de cette cour et des vies qui s'y croisent.


Au milieu de tout ça nous retrouvons notre héros, L.B Jeffries, grand reporter, habitué des situations et pays dangereux, qui entretient une relation avec une jeune beauté des quartiers chics Lisa Fremont. Malheureusement pour lui, Jeffries s'est cassé la jambe et cette 7ème semaine d'immobilité commence à le rendre fou. Pour passer le temps et parce que vraiment, aucun voisin ne met de rideaux à ses fenêtres - sérieux, on peut vraiment voir toutes leurs pièces (!!!) - Jeffries commence à observer la vie de ses voisins. 

Nous avons donc: Miss Torso, une ballerine qui passe ses journées à s'entraîner, en petite tenue, toutes portes et fenêtres ouvertes. Le soir venu, elle reçoit des hommes qui ne restent jamais et part travailler. Dans l'immeuble voisin, au rez-de-chaussée, Miss Lonelyheart mène une vie solitaire. Elle fait à manger pour deux, pour un deux qui ne vient jamais. A l'étage supérieur Mr et Mrs Thorwald. Lui est un représentant en bijoux, qui s'occupe de sa femme malade. Celle-ci passe sa journée au lit, attendant d'être servie et se plaignant souvent de son mari. Au deuxième, un homme et sa femme dorment sur le balcon et descendent leur petit chien par un panier et une corde. Enfin, il ne faut pas oublier le jeune couple sur la gauche de l'appartement de Jeffries et sur la droite, l'antre d'un compositeur et pianiste. 

Tout ce petit monde passe sous les yeux de Jeffries. J'avoue que la narration est bien construite car si Jeffries n'apparaît pas comme particulièrement sympathique au début du film, notamment dans son traitement complètement idiot et absurde de Lisa Fremont, on finit par se prendre de sympathie pour lui. Les dernières minutes sont pleines de tension, le genre de tension lorsqu'un évènement horrible peut arriver. Lisa en revanche, tout comme Stella, apparaissent d'emblée comme agréables. Lisa est vraiment mignonne dans son envie de plaire et de bien faire. Quant à Stella, personnage plus caustique, elle complète vraiment bien le trio, lui donnant une pointe d'humour un peu acide qui manque à Lisa ou Jeffries. J'ai beaucoup aimé la prestation des trois protagonistes principaux. Je suis une fan de James Stewart depuis que je l'ai découvert dans les westerns (les vrais, avant les spaghettis qui ont aussi leur charme). J'aime beaucoup sa diction - oui c'est l'une de mes fixettes, jurisprudence Hiddleston oblige. Grace Kelly, que je découvre en tant qu'actrice, est non seulement superbe mais très douce et arrive à imposer un personnage malicieux et intelligent sans jamais forcer le trait. Enfin Thelma Ritter offre un personnage plus énergique et dynamique que le couple principal ce qui donne une balance de rythme bienvenue. 

Filmé en technique du champ/contre-champ, (un plan sur Jeffries puis un plan sur la cour etc.) Fenêtre sur cour arrive parfaitement bien à nous faire oublier le caractère artificiel de cette mise en scène. Bien sûr, tous les films sont artificiels mais il s'agit ici de filmer un acteur - James Stewart - censé voir et réagir à des actions qu'il ne voit pas. Je pense surtout que pour remédier à l'artificialité de l'ensemble, Hitchcock sait très bien jouer sur le suspens et l'intrigue policière, distillant des informations ici ou là, donnant même parfois des indices au spectateur alors même que le héros dort et ne peut, de ce fait, recomposer l'ensemble de ce qu'il voit. 
J'ai trouvé très intéressant de voir comment Hitchcock manipule à la fois ses personnages et le spectateur afin de construire son histoire. Même s'il s'agit d'un policier puisque Jeffries enquête sur un "meurtre", je pense aussi que Fenêtre sur cour tient plus du huit-clos et d'une réflexion sur ce que peut produire l'ennui et un bon appareil photo. 

Le Lt. Doyle marque un point - bien que je n'aime pas son personnage misogyne au possible - lorsqu'il reprend Jeffries. En effet ce dernier lui fait remarquer qu'il observe ses voisins, trahit leur intimité sans pour autant comprendre celle-ci. Il y a une critique assez malicieuse du voyeurisme et de l'attention que l'on porte à la vie des autres. Le même procédé est d'ailleurs utilisé dans le film de Robert Zemeckis Apparences avec Harrison Ford et Michelle Pffiefer. Quarante-six ans plus tard, le thème de Fenêtre sur cour se retrouve dans le cinéma américain, même si le propos de Zemeckis est plus être plus incisif et moins drôle que celui d'Hitchcock. 

On retrouve bien dans ce long métrage les marques du cinéma hitchcockien: une vedette féminine blonde et éthérée en la personne de Grace Kelly, un caméo, il apparait encore une fois dans ce film et un humour pince-sans-rire. 

C'est assez frustrant car je suppose qu'il y a encore plein de choses à dire sur le cinéma d'Hitchcock et que ce film doit être bourré de petits détails qui en font le sel. J'ai hâte de poursuivre mon exploration de sa filmographie. 

Fenêtre sur cour est un classique du cinéma et le maître du suspens ne faillit pas à sa réputation. Bien qu'il n'ai pas été diffusé au cinéma pendant près de quarante ans, le film a été entièrement restauré dans les années 80. A découvrir si vous ne connaissez pas encore. 

mardi 15 octobre 2013

Mini-thématiques littéraires



Bienvenue dans cette nouvelle thématique un peu fourre-tout! Il y a plein de thèmes que je souhaitais aborder mais tous ne sont pas assez grands pour occuper un espace à eux tout seuls. Vous trouverez ici la liste des mini-thématiques abordées, il vous suffit de cliquer sur l'icône! 
Bonne visite. 



lundi 14 octobre 2013

Le tableau du maître flammand - Arturo Pérez-Reverte


Présentation de l'éditeur: Julia, restauratrice d'oeuvres d'art à Madrid, travaille sur un tableau du XVe siècle représentant deux chevaliers jouant aux échecs. Une expertise révèle, sous la peinture, une phrase en latin pouvant se traduire par "qui a tué le chevalier". Avec l'aide d'un antiquaire, d'un joueur d'échecs et d'un historien, son ancien amant, Julia tente de déchiffrer l'énigme du tableau. Pure devinette de spécialistes ? Non, car un mystérieux inconnu reprend la partie d'échecs du tableau de façon bien macabre...(j'ai délibérément amputé le résumé que je trouvais trop détaillé). 

Je vous parlais récemment de ce roman dans la mini-thématique sur Le jeux d'échec en littérature. Peinture, échecs et meurtres composent ce roman impressionnant par bien des aspects. 

Arturo Pérez-Reverte met en scène un tableau complètement fictif, avec des personnages fictifs, un peintre fictif, dans une Histoire fictive et pourtant tout fonctionne parfaitement. Le tableau, La partie d'échecs, est décrit avec un luxe de détails et de façon répétée. Le lecteur fini par réellement le voir, alors même qu'il n'est jamais représenté. Pour peu que vous connaissiez les tableaux flamand du XVe siècle, il est plus que facile d'imaginer cette partie d'échecs qui se joue entre Ferdinand d'Ostenbourg et Robert d'Arras, Béatrice de Bourgogne, les yeux posés sur son livre d'heures, au fond de la pièce près d'un miroir. Il en va de même pour ces personnages auxquels Pérez-Reverte invente une biographie complète parfaitement inscrite dans la chronologie et l'Histoire de la Bourgogne et de la Flandre de la deuxième moitié du XVe siècle. L'invention d'un duché d'Ostenbourg est une excellente idée. Cela permet à l'auteur d'inventer une Histoire qui s'insère sans difficulté dans la grande Histoire du Nord de la France. C'est fait de façon très fine et très appréciable pour un historien. Je dirais même que c'est plus intelligent que d'utiliser des personnages historiques. L'auteur a alors une plus grande liberté d'action sur ces personnages, il peut raconter ce qu'il veut, inventer des meurtres sans pour autant tordre le cou à l'Histoire. 
Non seulement il s'agissait d'une bonne idée mais il se trouve qu'elle est intelligemment pensée et écrite. 

Le soin qu'apporte Arturo Pérez-Reverte au tableau et à son inscription dans l'Histoire, se retrouve également dans le jeu d'échecs. Je ne sais pas s'il joue mais je suis sûre qu'il s'est au moins renseigné pour écrire ce roman. La partie d'échecs ici n'est pas que métaphorique. Elle est certes dans la narration, puisque les personnages sont des pièces d'un jeu d'échecs géant mais aussi physiquement incarnée par la partie d'échecs du tableau. Au départ, il s'agissait de jouer à l'envers afin de recomposer la partie pour comprendre et résoudre le mystère du chevalier. Cependant, la partie continue lorsqu'un mystérieux joueur propose de la poursuivre, laissant les blancs (alors en mauvaise position) à l'équipe de Julia, César et Munoz. 
Les gens qui jouent aux échecs savent que le premier coup revient aux blancs et que de façon purement traditionnelle, la stratégie agressive est aux blancs tandis que les noirs jouent à la défensive. Ici, les rôles sont inversés et les noirs mènent la danse. Pour quelqu'un qui aime les échecs, ce roman est intéressant car le lecteur est amené à jouer une vraie partie avec une stratégie à anticiper, des coups à penser. Plusieurs fois l'échiquier est dessiné avec, dessus, la position exacte des pièces. Il est donc simple de s'y référer pour comprendre les explications de Munoz. Toute l'attention autour du jeu est intéressante mais elle est en plus soulignée par un second aspect. Là où dans le Huit, on nous en apprend plus sur l'invention des échecs, les manoeuvres des joueurs et les ouvertures, Le tableau du maître Flamand, par la personnalité de Munoz, nous fait plonger dans la personnalité des joueurs et leur psychologie.

Je dois admettre que j'ai rarement lu de romans dans lequel la personnalité des protagonistes principaux est si équilibrée. C'en est presque magique. Julia est une femme intelligente et indépendante mais jamais écrasante. Jamais elle ne nous envoie de faux messages à la face, elle est mesurée, pondérée et calme. Même si elle se montre courageuse envers tout ce qui lui arrive, elle n'est pas exceptionnelle au point de ne pas avoir peur et en même temps n'est jamais la demoiselle en détresse à secourir. J'ai immédiatement accroché avec son personnage et l'ambiance de son studio même si elle fume beaucoup trop. Julia est un personnage qui a sa propre personnalité mais sans jamais être "trop". Il est facile d'éprouver de l'empathie pour elle, de l'apprécier et de s'identifier à elle.
A côté de Julia nous avons César, un homme d'une soixantaine d'année, homosexuel un peu dandy sur les bords qui est une sorte de père de substitution pour Julia. C'est un personnage extravagant avec une très forte personnalité et attachant par bien des côtés. J'imagine bien Ian McKellen dans le rôle, très élégant et avec une pointe d'humour et de cynisme requis. Même si je trouve assez malsaine la relation qu'il entretient avec Julia, on sent qu'il ferait n'importe quoi pour la protéger. 
Enfin, parmi les protagonistes principaux, il y a Munoz, le joueur d'échec. C'est véritablement un personnage passionnant. Dans la quarantaine, il est terne et effacé, mal fagoté et mal rasé mais dès qu'il parle d'échecs, sa physionomie change et il devient alors quelqu'un d'autre. Brillant joueur d'échecs, il ne gagne pourtant jamais une partie car gagner ne l'intéresse pas. Il préfère montrer aux autres les coups à jouer et se perd dans sa propre imagination.
Les trois personnages se répondent parfaitement, les personnalités s'équilibrent, chacun occupe sa place propre sans déborder sur celle des autres. On sent un vrai travail sur les personnages, leur psychologie, leur profondeur aussi. Cela conforte l'idée d'un roman murement réfléchi et maîtrisé. Peut-être un peu trop?

Même si je lui reconnais toutes ces qualités, il n'en reste pas moins que Le tableau du maître flamand conserve quelques défauts. 
Je l'admets, j'ai lu ce roman en VF et non en espagnol. De ce fait je ne sais pas si ma remarque tient véritablement à l'écriture voulue par Arturo Pérez-Reverte ou à la traduction. Je penche cependant fermement pour l'écriture de l'auteur. Je sais qu'il a écrit les aventures du capitaine Alatriste sûrement dans un style bien différent et s'il y a bien une chose que j'apprécie c'est la capacité d'un auteur à changer de style pour mieux servir son propos. Pierre Pevel par exemple y arrive très bien. 
Cependant, dans le cas présent, je pense que Pérez-Reverte a voulu en faire un peu trop. Le premier chapitre est terriblement ampoulé et bavard. Les descriptions des sentiments de Julia sont interminables et on a même du mal à différentier les pensées du personnages principal des vraies lignes de dialogue. Cet effet s'atténue cependant assez vite. Pris dans l'intrigue, le lecteur fait moins attention à ce style un peu lourd. Malheureusement il nous revient en pleine face pour les deux derniers chapitres. Il faut être doté d'un cerveau pour comprendre l'intrigue, compliquée par bien des aspects, et sincèrement, la fin a été pour moi complètement gâchée par ce style d'une lourdeur effrayante qui appesantit ce qui n'avait pas lieu d'être. J'estime que le dénouement se doit d'être limpide, pour que l'on comprenne les motivations des protagonistes. Ici nous sommes perdus dans un ensemble verbeux indigeste. J'en suis la première désolée parce que l'auteur a su faire preuve de plus de légèreté pendant les autres 80% du roman mais clairement la fin rejoint le début dans un verbiage inutile. 

Au-delà du problème du style, il y a également pour moi un problème dans la narration. Le mystère du tableau est résolu dans le premier tiers du roman et par la même occasion l'action se transfère du mystère du tableau vers la partie d'échecs dans la vraie vie. Je trouve cependant que le tableau et ses personnages sont trop vite abandonnés, surtout pour un roman dont le titre parle clairement du tableau. Pourquoi ne pas avoir nommé le roman La partie d'échec dans ce cas? Cela induit le lecteur à penser que les deux mystères: celui du meurtre du chevalier et de la partie d'échecs sont liés alors que non. Je persiste à penser que les deux mystères auraient pu être mené de façon parallèle afin de maintenir un suspens. De plus, les explications concernant la mort du chevalier sont un peu décevantes au regard du temps passé par l'auteur à construire le tableau, son histoire et les personnages qu'on ne connait pas. On finit par éprouver, comme Julia, beaucoup d'empathie pour Ferdinand, Roger et Béatrice et je trouve un peu triste la mise de côté de ces personnages, alors même qu'ils reviennent, tels des fantômes, hanter les deux dernières pages sans que l'on sache vraiment pourquoi. L'abandon de cette ligne de l'intrigue est une déception, j'aurai aimé une exploration plus profonde du duché d'Ostenbourg et du peintre Van Huys.

Je pense enfin que ce n'est pas un vrai roman policier dans tous les sens du terme. Le fait que l'on perde de vue le tableau dans le premier tiers du roman est en soi un problème. De même, il y a finalement peu de meurtres et peu de personnages. Il n'y a pas de course-poursuites haletantes - même si je reconnais que ça ne fait pas un bon polar - et cela induit finalement l'idée que les protagonistes ne sont pas vraiment en danger. Je ne me suis pas sentie impliquée à fond dans l'histoire des meurtres. Le meurtrier est aussi facile à trouver si on se pose cinq minutes les bonnes questions. Du coup, sans que cela soit finalement un véritable défaut, je pense que le côté "polar" du Tableau du maître flamand est finalement un élément bien secondaire de l'intrigue par rapport au jeu d'échecs et à la psychologie des joueurs. 

Un excellent roman malgré quelques défauts. Cependant je ne le recommanderai certainement pas à tout le monde. Un public averti, qui aime les échecs et les récits un peu complexe, trouvera sûrement son plaisir dans le Tableau du maître flamand. Pour les autres, je conseille plutôt un polar plus léger ou Le Huit, plus "historique" et entraînant.