vendredi 19 octobre 2018

Gilded cage (Les puissants) - Dark gifts #1 - Vic James


B+


Ignorance bred fear, as Father was fond of saying, and fear bred obedience.

TW: Ce roman parle d'esclavage et de maltraitance même si la violence du récit est modérée et peu graphique. 

Présentation de l'éditeur: Dans le jeu du pouvoir, chacun risque sa vie.
Dans une Angleterre alternative, chacun doit donner 10 ans de sa vie en esclavage.
Seuls quelques privilégiés, les Égaux, riches aristocrates aux pouvoirs surnaturels, restent libres et gouvernent le pays.
Abi, 18 ans, et son frère Luke, 16 ans, voient leur destin bouleversé quand leurs parents décident de partir tous ensemble accomplir leurs jours d’esclavage. Abi devient domestique au service de la puissante famille Jardine. Le somptueux décor dans lequel elle évolue dissimule en réalité de terribles dangers, car chez les Égaux, les luttes de pouvoir sont sans pitié. Et lorsqu’elle tombe amoureuse d’un de ses maîtres, c’est sa vie même qui est en péril…Luke, quant à lui, a été exilé dans la ville industrielle de Millmoor. Dans un environnement brutal et pollué, il s’épuise à la tâche. Cependant, d’autres, comme lui, partagent ses idéaux de liberté. Il découvre alors qu’il existe un pouvoir bien plus grand que la magie : la rébellion.

J'ai chopé ce tome 1 sur les étagères de la librairie. Ma collègue Anna en avait fait rentrer un exemplaire et j'ai été attrapée par la couverture. Après avoir lu le prologue, qui m'a happée immédiatement, j'ai eu envie de lire la suite et je n'ai pas regretté. 

Gilded Cage n'est pas une dystopie ordinaire. On est sans aucun doute dans une dystopie car l'histoire se passe dans une Angleterre alternative où les gens - c'est à dire le commun des mortels qui n'appartient pas à la classe dirigeante et riche - doivent donner dix ans de leur vie en esclavage. Cependant, bien que les thèmes abordés soient propres à la dystopie - esclavage, différences sociales, injustice et rébellion - on trouve également de la magie que semble ne posséder que les puissants, incarné ici à merveille par le plus jeune fille des Jardine, Silyen. Et par ailleurs, on dirait aussi de l'historical fantasy, une ambiance très upstairs dowstairs mélangé à cette bonne vieille ségrégation américaine. 
Le tout mélangé, je comprends que le roman déboussole parfois un peu car il ne penche franchement vers aucun genre et pourtant c'est ce qui m'a plu.

Dans Gilded cage, le monde est donc divisé entre les Equals qui possèdent de la magie (ils sont aussi les Skilled) et les autres. En Angleterre, les Equals sont membres de l'aristocratie et gouvernent le pays. En échange, ils demandent aux gens normaux dix ans de leur vie à travailler gratuitement pour la communauté. On apprend que cette organisation sociétale n'est pas la même dans tous les pays. En France par exemple, les gens normaux se sont rebellés contre les aristocrates doués de magie et les ont massacré dans les rues de Paris (cocorico la Révolution c'est nous). En Chine, les Skilled se sont retirés dans les montagnes et aux Etats-Unis, les états du Nord fonctionnent comme la France, tandis que les états du Sud vivent comme les Anglais. Le fond historique de Gilded cage est vraiment creusé pour coller au maximum à notre propre histoire et donner une version alternative de faits. On apprend que les journées d'esclavage ont commencé en Angleterre en 1642, ce qui correspond au début de la guerre civile. Cela donne vraiment du poids et du corps au récit et j'ai personnellement trouvé tout ce travail de fond très appréciable. Le texte pourrait aussi appartenir à la catégorie assez rare de l'Uchronie de fantasy (pour les amateur·trice·s). 

L'organisation de la société est pensée en profondeur, on sent que l'auteure a réfléchi à son univers et n'a pas jeté de l'esclavage dans l'intrigue juste pour la rendre plus noire. On peut faire ses journées d'esclavage quand on veut de 18 à 55 ans, sachant que plus vous les faites tard, moins de chance vous avez de finir votre vie libre mais que vous aurez passé votre vie comme vous le vouliez ou presque. En revanche, les faire tôt vous accorde des droits et des avantages comme posséder une maison, voyager en dehors de l'Angleterre ou accéder à certaines professions fermées autrement. Le choix de faire ses jours d'esclavage a une vraie importance dans le récit et on comprend que les parents de Luke, Daisy et Abi y aient beaucoup réfléchi. Leur stratégie est loin d'être sans intérêt et couplé avec l'intelligence d'Abi, le plan semblait parfait. En effet, Abi a obtenu pour toutes la famille des places dans la maisonnée des Jardine, les membres les plus puissants des Equals. Ainsi, pendant les dix prochaines années, bien qu'en esclavage, la famille ne sera pas séparée et sera dans un cadre plus "facile" que l'usine ou les champs etc. Parce que oui...qui dit esclavage dit aussi être séparé de ses proches. Imaginez-vous parents d'enfants de 10 à 18 ans l'angoisse que cela peut-être. Malheureusement pour eux, Luke, leur fils de 16 ans est envoyé - contre les règles normalement en vigueur - à Millmoor la cité ouvrière, l'une des plus dures d'Angleterre et ses dix ans risquent de peser bien plus dans la balance.

A partir de là, nous suivons Luke d'un côté qui découvre l'horreur de l'usine et de l'esclavage et Abi de l'autre, dans le monde brillant mais non dénué de danger des Jardine. 

Luke découvre vite l'univers de Millmoor et comme c'est un garçon intelligent, il s'associe rapidement avec les bonnes personnes et notamment un groupe de rebelles dirigés par le Dr. Johnson qui veut ramener la justice en Angleterre et abolir les dix ans d'esclavage. Luke est un personnage très attachant, on a vite beaucoup d'empathie pour lui car séparé de sa famille à tout juste 16 ans et enfermé dans un endroit comme Millmoor, on imagine vite les difficultés que cela engendre. Même si l'univers est difficile, la partie de Luke n'est pas absolument noire et angoissante, elle est même extrêmement dynamique et riche. Les personnages que l'on croise sont attachants et on a envie de savoir si leur plan va fonctionner et comment il va pouvoir échapper à Millmoor. 
La description de l'esclavage est intéressante sans aucun doute. Les esclaves ne sont pas considérés comme des êtres humains et cela entraîne une aspect assez pernicieux, c'est que même les roturiers qui vont un jour faire leur esclavage ou qui l'ont déjà fait, traitent mal les esclaves. Ce n'est pas un univers manichéen, ce ne sont pas les Skilled qui gèrent une usine comme Millmoor mais bien les humains normaux qui aident de ce fait à perpétrer un système violent et inégalitaire. En ça, Gilded cage est tout à fait une dystopie car il interroge notre rapport à notre propre société. 


De l'autre côté, dans le monde des Equals, on suit Abi et l'histoire qu'elle entretient avec Jenner, le second fils des Jardine qui est - pour une raison encore inexpliquée - complètement dépourvu de magie. La romance n'est pas ce qui m'a le plus passionnée. Jenner a certes l'air d'être un gentil garçon mais j'ai peur que la suite du roman n'en fasse quelqu'un d'un peu mou. C'est un entre-deux coincé entre deux personnalités assez fortes que sont Gavar et Silyen. Au final, cette partie de l'intrigue est la moins intéressante et l'auteure aurait pu l'enlever que cela ne m'aurait pas dérangé. 

Ce qui est le plus intéressant dans cette partie, c'est évidemment les Equals eux-même et l'univers de requin dans lequel ils baignent. On suit plusieurs personnages, plusieurs voix et cela donne du corps à cet univers. Il y a Gavar par exemple, le fils aîné de la fratrie, une espèce de grosse brute, débauché, assassin quand il faut mais qui est vraiment attaché à sa fille. Il a l'air assez caricatural au départ mais je soupçonne que le personnage à beaucoup plus de profondeur qu'il n'y parait. J'ai hâte de voir quel chemin il va prendre dans les deux prochains tomes. On suit le père Jardine, un être assez abject, le premier ministre, amoureux depuis toujours d'une femme dans le coma qui n'est pas sans noblesse, une jeune femme de la bonne société, Bouda, ambitieuse, manipulatrice et assez odieuse mais très bien campée néanmoins et bien sûr Silyen, 

Silyen est le plus jeune fils des Jardine et c'est un jeune homme extrêmement intelligent. Particulièrement doué en magie, il m'a fasciné car il a un vrai plan qui je pense va prendre son sens dans les tomes suivants. Silyen est ce genre de personnage dont vous ne savez pas immédiatement s'il est l'antagoniste principal ou un héros. Sincèrement, ses intentions ne sont pas toujours claires dans ce premier tome mais je ne pourrai pas dire avec certitude dans quel camp il va pencher. C'est l'un des aspects du roman qui m'a beaucoup plus, ces personnages un peu flous comme Gavar et Silyen, qui ne sont pas des saints mais qui ont l'air suffisamment profonds pour nous surprendre dans les tomes à venir. On ne sait littéralement pas dans quel camps ils vont finir par pencher. 

Enfin, il faut parler de la petite Daisy, dix ans, benjamine de la fratrie Hadley qui a pour tâche - étonnante - de s'occuper de la fille de Gavar. Daisy, va prendre un poids extrêmement important au fur et à mesure que l'intrigue avance et j'ai été proprement horrifiée par le personnage. Elle est très très dérangeante et je trouve que l'auteure a su très bien exploiter un personnage aussi jeune.

Le roman est assez noir je ne vous le cache pas, sans être illisible non plus par des âmes un peu sensibles. La fin est assez magistrale comme l'était le prologue et le suspense qu'elle crée donne immédiatement envie de plonger dans la suite. 
Je ne l'ai malheureusement pas encore sous la main mais j'espère pouvoir lire le tome 2 et 3 rapidement. 

Si vous avez envie de quelque chose d'un peu différent qui risque de vous sortir de votre zone de confort, alors n'hésitez pas et plongez dans Gilded cage, traduit en français chez Nathan sous le titre Les puissants.

Bonne lecture!

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