lundi 17 juin 2013

Le Tribunal des âmes - Donato Carrisi


Présentation de l'éditeur: Rome, sa dolce vita, son Capitole, ses foules de pèlerins, ses hordes de touristes. Sa pluie battante, ses sombres ruelles, ses labyrinthes souterrains et ses meurtriers insaisissables. 
Marcus est un homme sans passé. Sa spécialité : analyser les scènes de crime pour déceler le mal partout où il se terre. Il y a un an, il a été grièvement blessé et a perdu la mémoire. Aujourd’hui, il est le seul à pouvoir élucider la disparition d’une jeune étudiante kidnappée.

Sandra est enquêtrice photo pour la police scientifique. Elle aussi recueille les indices sur les lieux où la vie a dérapé. Il y a un an, son mari est tombé du haut d’un immeuble désaffecté. Elle n’a jamais cru à un accident. 
Leurs routes se croisent dans une église, devant un tableau du Caravage. Elles les mèneront à choisir entre la vengeance et le pardon, dans une ville qui bruisse encore de mille ans de crimes chuchotés au cœur du Vatican. À la frontière de la lumière et des ténèbres. 

J'aime beaucoup les polars noirs. Je n'ai pas peur de lire des romans bien noirs et bien glauques et je ne fais pas la difficile sur les sujets abordés. J'avais dévoré en deux jours le précédent roman de l'auteur Le Chuchoteur qui parlait de petites filles assassinées et dont on n'avait retrouvé que le petit bras gauche dans cinq petites fosses. Le roman était difficile à lâcher, les rebondissements se suivaient et j'ai été plusieurs fois bluffée. Je l'ai d'ailleurs relu après avoir fini le Tribunal des âmes et même en connaissant déjà l'histoire je me suis de nouveau laissée prendre au piège. 

Le Tribunal des âmes est moins glauque que le Chuchoteur puisque ce ne sont pas des enfants qu'il implique. En revanche il est tout aussi captivant. L'intrigue est une sorte de puzzle composé de différents récits et de différents personnages qui s'entrecroisent et dont le lecteur ne comprend pas toutes les ficelles. Jusqu'au dernier moment, il est extrêmement difficile de savoir qui est qui et pour qui ou quoi ils agissent. Je suis rarement "bluffée" ou surprise dans un roman policier, en règle générale je trouve (quand l'auteur nous en laisse la possibilité) qui est le coupable mais ici je dois admettre que tout était embrouillé jusqu'à la fin. Si certaines choses m'ont laissées perplexe, j'admets volontiers que je n'avais pas vu venir certains retournements de situations.

On retrouve dans le Tribunal des âmes des caractéristiques communes dans la narration et l'intrigue avec Le Chuchoteur sans pour autant que cela soit gênant. Comme dans son premier roman, Donato Carrisi met en scène des meurtriers dont l'ambition est de révéler aux autres des crimes commis et restés impunis. Cependant cela ne prend pas tout à fait la même forme et si on assiste Marcus et Sandra dans ce jeu de piste macabre, nous avons affaire ici à deux individus paumés et pas à une équipe d'enquêteurs. Du coup la dynamique est différente, les motivations des personnages aussi de sorte que la comparaison reste subtile et bien maîtrisée. 

Marcus est un personnage intéressant puisqu'il ne sait pas qui il est. Il est amnésique et n'a aucun souvenir de son passé à part la vision d'un homme lui logeant une balle dans la tête. Il se cherche en même temps qu'il tente de résoudre des énigmes sur des crimes non élucidés ou mal élucidés. Sandra quant à elle, agent de police technique milanaise, commence à sortir du deuil et se pose des questions sur la mort de son mari. Les deux personnages sont finalement très semblables, ils cherchent sans vraiment comprendre pourquoi ni comment ils en sont arrivés là. Les personnages sont travaillés, complexes, humains, très intéressants car ils ne sont pas toujours là où on les attend. Il y a beaucoup de questions sur l'identité: qui nous sommes? Pourquoi agissons-nous ainsi? Sommes-nous prêts à avancer? Ces questions ne se posent pas qu'aux deux personnages principaux mais à tous ceux qui croisent leur chemin. 
Spoiler:
Il y a une ironie folle d'ailleurs dans le personnage de Marcus, l'homme qui cherche la mémoire dont la balle l'a privé. Lorsque l'on se rend compte que finalement ce Marcus là n'est pas le vrai, mais bien un tueur trasnformiste sans identité, l'ironie de l'histoire en est d'autant plus criante.
Le roman pose également la question de la rédemption, du pardon. Ethiquement et moralement il s'agit de deux questions extrêmement délicates et l'auteur laisse finalement le choix au lecteur de voir le bien ou le mal ou "le bien par le mal", un thème que l'on retrouve déjà dans Le Chuchoteur. J'aime beaucoup ce qu'il en fait, il n'y a pas de grandes leçons de morale, juste des comportements humains qu'il nous laisse apprécier individuellement à la lecture. 
Spoiler:
La présence de l'Eglise est un autre point bien maîtrisé par l'auteur. Si les pénitenciers servent le récit, il n'y a pas d'exagération, ni de cabale contre l'Eglise. Il est de ce fait moins racoleur qu'un Da Vinci Code. La présence de l'Eglise est utilisée ici comme un véritable plus pour le récit, justifié et argumenté. L'assassin, ainsi que Marcus sont véritablement mis en scène. De même, j'apprécie aussi la réflexion sur le rôle des Pénitenciers, à double tranchant toujours exploitée de façon subtile.
J'apprécie toujours autant le travail de Donato Carrisi sur son intrigue. On sent le criminologue en lui et je trouve vraiment très agréable le tout petit dossier à la fin du roman sur les cas dont il s'est inspiré. J'aime bien savoir (même si au fond c'est glauque) qu'il se base sur des faits réels et qu'il y a une cohérence dans l'intrigue. J'aime aussi avoir le sentiment d'être avec une vraie police pas bling-bling façon CSI et un roman "réaliste" pas de courses poursuites (trop) ridicules ou invraisemblables. Même s'il partage des points communs avec Le Chuchoteur, il est aussi très différent mais cela ne m'a pas empêché de le dévorer. 

Un roman policier que je recommande aux fans du genre. 

mercredi 12 juin 2013

Fanfan la tulipe (1952)


COUP DE COEUR DE PERSEPHONE

Résumé: Alors qu'il tente d'échapper à un mariage avec Marion, une fille de paysan, Fanfan rencontre une gitane qui lui annonce qu'il aura une brillante carrière dans l'armée de sa Majesté et qu'il épousera la fille du roi. Ni une ni deux, Fanfan s'engage dans le régiment d'Aquitaine et se promet de réaliser son destin! 

La qualité est grave pourrie mais c'est la seule vidéo potable...sorry.

CASTING

Gérard Philipe .................................................. Fanfan la Tulipe
Gina Lollobrigida (vf: Claire Guibert) .............. Adeline La Franchise
Noël Roquevert ................................................ Fier-à-bras, maréchal des logis
Olivier Hussenot ............................................... Tranche-Montagne
Marcel Herrand ................................................. Louis XV
Nerio Bernardi .................................................. Sergent La Franchise
Jean-Marc Tennberg ......................................... Lebel
Jean Parédès ...................................................... Le capitaine de la Houlette
Geneviève Page ................................................ La Marquise de Pompadour 
Georgette Anys ................................................. Mme Tranche-Montagne
Sylvie Pelayo .................................................... Henriette de France
Irène Young ...................................................... Marion Guillot
Henri Rollan ..................................................... Le maréchal d'Estrée
Lucien Gallamand ............................................ Le maréchal de Brandebourg
Jean Debucourt ................................................. La voix de l'historien
Joe Davray ....................................................... Doublure des cascades de Gérard Philipe

Alors que mon article thématique sur le cape et d'épée est toujours en cours d'écriture (oui je suis lente je sais), je vous propose pour cette chronique cinéma du mercredi un de mes films de cape et d'épée préféré: Fanfan la Tulipe (version 1952). 

voila voila voila....
C'est avec Fanfan la Tulipe que je suis tombée amoureuse de Gérard Philipe pour la première fois. Gérard, c'est mon acteur français préféré, celui dont je peux regarder tous les films sans jamais me lasser de son rire et de ses fossettes, de ses grands yeux bleus et son air d'un autre temps. Gérard Philipe c'est le Prince en Avignon et surtout c'est Fanfan! Pas la peine de tergiverser, je suis tombée amoureuse de lui la première fois que je l'ai vu sur l'écran à la première seconde! Comme ça...boum! Et puis après je suis tombée pour sa voix, son rire etc etc. La machine était lancée.

Mais parlons peu parlons bien! Qu'en est-il de Fanfan? Fanfan c'est un vrai film de cape et d'épée, de l'aventure à revendre (pas toujours logique je vous l'accorde mais on ne va pas être exigeant). Fanfan, c'est avant tout l'histoire d'un coureur de jupons qui s'est (encore) foutu dans le pétrin! Parce qu'il a "déshonoré" la petite Marion Guillot, son père veut absolument qu'il l'épouse mais Fanfan n'est pas vraiment taillé pour être un mari modèle et plutôt que de se faire passer la corde au cou, il préfère se faire soldat. Surtout que la jolie Adeline lui a prédit un avenir glorieux. Voila donc notre Fanfan bien rebelle qui rejoint le corps d'armée du régiment d'Aquitaine. 

J'aime le cape et d'épée même si ici, il s'agit d'un cape et d'épée qui se passe au XVIIe siècle et que donc on passe à côté de l'ambiance Mousquetaire. Cependant, les personnages du film compense l'absence d'un Paris moderne et les intrigues royales sont bien là. On a le droit à notre lot de duel et de bataille au sabre et Gérard Philipe nous offre un numéro d'équilibriste sur les toits de la caserne. Le Fanfan volant! 



J'adore avant tout l'humour des dialogues et les personnages. C'est ce qui fait véritablement le sel de Fanfan. Ils sont toujours décalés, franchement drôle avec ce vocabulaire et cet humeur qui ne semble plus exister et que l'on s'efforce de recréer (je pense notamment au ton de Kaamelot et son vocabulaire "ancien"). Fanfan lui-même est drôle, impertinent, complètement à côté de ses pompes et irrévérencieux au possible. C'est un personnage léger que tout le monde peut adorer. J'aime beaucoup Adeline aussi même si elle correspond au cliché de la demoiselle en détresse, elle a de la répartie et elle ne se laisse pas faire! Tranche-Montagne est lui aussi un comique dans son genre et le duo Fanfan-Tranche-Montagne fonctionne parfaitement bien. 
A côté de ces personnages principaux, on trouve un méchant ridicule, un roi de France concupiscent, un bras droit obséquieux et un capitaine de la Houlette plutôt...je n'arrive même pas à le décrire mais je l'adore! 



L'histoire n'est pas ce qu'il y a de plus original, ni de plus développé mais j'aime les rebondissements invraisemblables, l'interaction des personnages entre eux et les multiples caricatures du genre qui font de Fanfan un classique des films de cape et d'épée. 
Gérard Philipe est éblouissant de fraîcheur, drôle et enjoleur, laissez-vous guider dans l'univers de la Tulipe!

Quelques extraits du film pour finir, des dialogues croustillants à souhait:
Adeline la Franchise : Pourquoi t'ont-ils arrêté ?
Fanfan : Pour mettre fin à mes exploits.
Adeline la Franchise : Qu'est-ce que tu as fait ?
Fanfan : L'amour. Avec préméditation.
Adeline la Franchise : C'est pas un crime.
Fanfan : Si, quand il y a récidive.
Adeline la Franchise : Et où te conduisent-ils ?
Fanfan : Au supplice : ils vont me marier !
  • Gérard Philipe, Gina LollobrigidaFanfan la Tulipe (1952), écrit par Henri Jeanson

Capitaine de la Houlette : Un trèfle à quatre feuilles ! Vous avez les pieds dans le bonheur, mon ami. Votre nom ?
Fanfan : Fanfan la Tulipe.
Capitaine de la Houlette : La Tulipe ?
Fanfan : Oui.
Capitaine de la Houlette : Que voilà donc un joli sobriquet ! Nous avions déjà Brin-d'amour, Pied-d'alouette, Bouton-d'or, Lilas-blanc. Ça n'est pas un régiment, c'est une plate-bande ! Qu'est-ceci ?
Fanfan : C'est un souvenir, il m'a été offert par Mme la marquise de Pompadour pour avoir embrassé la fille du roi après que je lui eusse sauvé la vie.
Capitaine de la Houlette : Vous avez sauvé Son Altesse ?
Fanfan : Oui.
Sergent la Franchise : Oui. Nous nous sommes portés à son secours sur la route. Des bandits.
Capitaine de la Houlette : Mes compliments ! Et Son Altesse vous a permis de l'embrasser ?
Fanfan : Oui. C'est tout naturel, puisque je dois l'épouser. 


Gérard Philipe, Jean Parédès, Nerio BernardiFanfan la Tulipe (1952), écrit par Henri Jeanson

mardi 11 juin 2013

Mary Queen of France - Jean Plaidy


ROMAN NON TRADUIT

Résumé: La jeune princesse Mary Tudor est promise au futur empereur Charles V, un enfant plus jeune qu'elle. Si elle s'est toujours préparée à cette idée, la jeune femme est moins sûre de son choix lorsqu'elle tombe sous le charme du beau Charles Brandon, duc de Suffolk. Alors qu'elle caresse l'espoir d'épouser l'homme qu'elle aime, Mary est victime de la politique matrimoniale de son frère et se retrouve condamnée à épouser le roi de France. Si la perspective d'être reine de France est plutôt alléchante, celle d'être séparé de Charles pour épouser un roi de 34 ans son aîné est elle, franchement repoussante! 

Jean Plaidy est en réalité le pseudonyme de l'auteure britannique Eleanor Burford (1906-1996). Cette auteure anglaise a utilisé de multiples pseudonymes tout au long de sa vie pour écrire. Le plus répandu reste celui de Jean Plaidy sous la plume de laquelle, elle a écrit de très nombreux romans historiques. On compte notamment la série des Tudor, celle des Stuarts, la Révolution française, Les Borgia, Catherine de Medicis etc etc (pour plus d'informations biblio et biographiques, cliquez sur son nom). 

Ceux qui me connaissent (en vrai ou à cause - je n'ose pas mettre grâce - de ce blog) vont se demander : Mais enfin Persie, serais-tu malade pour lire un roman historique sur les Tudor? Oui parce que dans le vrai monde de la réalité véritable, j'ai travaillé pendant plusieurs années sur les Tudors (21 volumes d'archives, des lettres, double mémoire toussa toussa *hum, quart d'heure modestie ON*) et il se trouve que je les connais plutôt bien...bon en fait carrément bien. Surtout Mary! Parce qu'il se trouve aussi que ma spécialité concernait les Femmes à la cour Tudor. A côté de ma bien-aimée Anne Boleyn, Mary Tudor figure dans mon panthéon personnel. 
Vous l'aurez donc compris je ne lis JAMAIS de romans historiques sur les Tudor (ne me parlez pas de Philippa Gregory et de Deux soeurs pour un roi, je risque de devenir franchement mauvaise). Pas sur l'époque Tudor mais vraiment sur les Tudor, ceux qui ont des membres de la famille royale ou de la très haute noblesse pour héros. C'est tout bête mais après avoir passé quatre ans de ma vie à travailler sur ses femmes, à lire leur lettre, leur testament, à apprendre leur vie, je ne peux pas lire quelque chose de romancé. Autant dire que Jean Plaidy...sauf que voila j'ai beaucoup travaillé sur Mary et qu'à l'époque (je précise) hormis des ouvrages biographiques remontant au début du XXe siècle, on ne trouve que des romans. Je voulais donc tester et voir ce qu'on disait d'elle dans la littérature populaire. D'où Jean Plaidy. 

Si vous ne voulez pas savoir qui était Mary et son histoire, sautez le paragraphe suivant (mais je rappelle que ce n'est pas du Spoiler, ils sont morts vous savez...)

Pour vous situer un peu le contexte, Mary Rose Tudor est la soeur cadette du roi Henry VIII. C'est la plus jeune de la fratrie (parmi les enfants survivants) et c'est une véritable rose anglaise. Elle est rousse, très belle, intelligente et c'est une enfant assez vive qui s'entend très bien avec son frère Henry. Si elle est promise au futur Charles V alors qu'ils sont tous les deux très jeunes (le petit Charles la trouvant déjà trop vieille "Je veux une femme pas une maman!"), la princesse adolescente tombe sous le charme de Charles Brandon, un des compagnons de son frère. Le duc de Suffolk est jeune, grand, bien bâti et possède déjà une réputation plus que sulfureuse mais Mary s'en fiche. Or alors que le roi de France, Louis XII se retrouve veuf d'Anne de Bretagne, Henry saute sur l'occasion de lier leur deux maisons et d'asseoir potentiellement un futur neveu sur le trône de France. Mary se retrouve fiancée mais avant de partir pour la France elle fait jurer à son frère qu'à la mort du roi, elle pourra épouser qui elle veut. Henry promet, Mary devient reine de France. Quelques mois plus tard Louis XII meurt à son tour et Mary épouse secrètement Charles Brandon. Je vous épargne la colère d'Henry VIII et les tractations qui s'en sont suivis mais heureusement! Tout est bien qui fini bien, Mary devient la duchesse de Suffolk et reste avec l'homme qu'elle aime. Dis comme ça c'est presque romantique....*mode historienne ON*

Mais qu'en est-il du roman de Jean Plaidy alors? D'un point de vue purement historique, ce roman n'est pas le pire que j'ai lu. L'auteure interprète sûrement le caractère et les motivations des personnages mais le fond de l'histoire romantique est bien là. En même temps j'ai envie de vous dire...avec une base pareille il n'est pas vraiment nécessaire d'en rajouter. Seulement voila, pour moi on passe quand même à côté du personnage de Mary qui est toujours vue comme une grande amoureuse alors qu'elle était beaucoup plus que ça. Il suffit d'étudier ses lettres pour se rendre compte de l'intelligence de cette femme. Elle a réussi non seulement à extorquer une promesse à son frère, à utiliser François Ier pour l'aider à épouser Suffolk et connait également sur le bout des doigts les codes épistolaires et littéraires pour une femme à son époque. Elle varie le ton, change les suppliques et ses titres en fonction de son interlocuteur. Charles Brandon fait pâle figure à côté d'elle car c'est Mary, aidé du cardinal Wolsey qui mène la danse et ça, cela vaut infiniment plus pour moi que son histoire avec un coureur comme Brandon (qui ne la mérite pas j'en ai peur). On passe à côté des choix politiques de Mary et sa connaissance de la littérature arthurienne et je trouve ça dommage. 
Le roman n'est donc pas faux historiquement, il est somme toute peu original et ne sort pas des sentiers battus.

En revanche je n'ai pas du tout aimé le style de Jean Plaidy. J'ai trouvé qu'il était difficile de savoir si on nous proposait un récit historique ou un roman et j'avoue que j'ai horreur de cet entre-deux. C'est soit l'un soit l'autre. Essayer de ménager la chèvre et le chou ça ne passe pas pour moi: "Bon c'est un roman je peux inventer des sentiments à mes personnages mais quand même regardez j'ai lu quelques livres historiques avant". Ca m'agace profondément et j'ai eu du mal à lire ce roman. 

Je dirais donc qu'il n'est pas aussi catastrophique que Deux soeurs pour un roi (qui ne prend même pas la peine d'ouvrir un livre d'histoire pour faire correspondre les dates) (oui j'en veux à ce livre qui donne une image désastreuse et faussée d'Anne Boleyn et fait passer Mary Boleyn pour une sainte alors qu'elle était connue pour avoir été la maîtresse de François Ier ET Henry VIII...mais passons) mais qu'il ne rend pas vraiment justice à son héroïne. Si je n'ai pas aimé le style je ne le déconseille pas tout à fait.

Si vous voulez en savoir plus sur Mary, je vous conseille en revanche l'excellent: The French Queen's Letters: Mary Tudor Brandon and the Politics of Marriage in Sixteenth-Century Europe (Queenship and Power) d'Erin A. Sadlack. 

Si vous connaissez en revanche de bon romans historiques qui se passent au XVIe siècle anglais je suis preneuse! (dont le protagoniste principal n'est pas un personnage historique merci). 

vendredi 7 juin 2013

Ulysse Moore: la clef du temps - tome 1 - Pierdominico Baccalario


Présentation de l'éditeur: Trois enfants, Jason, Julia et Rick sont passionnés d'aventure. Une villa à-pic sur la falaise et de nombreuses pièces mystérieuses fermées à clef. Une porte dissimulée derrière une armoire.  Les trois aventuriers devront résoudre des enigmes pour réussir à l'ouvrir...

Il semblerait bien qu'en ce moment mes lectures jeunesses tournent casaque. Après la déception de L'horloge du temps de Jeanette Winterson, c'est au tour d'Ulysse Moore de faire les frais de mon caractère difficile. Je traverse en ce moment un petit passage à vide côté lecture et c'est vrai que pour le coup c'est la jeunesse qui en prend plein son grade. 
Je suis tout autant embêtée que la semaine dernière pour vous parler d'Ulysse Moore parce que je ne l'ai pas terminé non plus. J'ai décroché à la moitié. Par ennui. Entre autre. 

Pourtant, là encore, je pensais que j'allais apprécier. J'aime les codes secrets, les énigmes en tout genre et j'étais prête à me laisser entraîner dans une histoire en plusieurs tomes un peu à la Aventures des orphelins baudelaire. Je trouvais le principe vraiment sympa, j'adore le graphisme des couvertures qui font penser à de vieux carnets et la façon dont l'auteur se met en scène avec les secrets d'Ulysse Moore, véritable arlésienne qui bien que donnant son nom à la série demeure mystérieux. 

Pourtant, jai vite perdu tout intérêt pour l'intrigue. Les personnages ne m'ont pas captivée en réalité. J'ai bien l'idée des jumeaux et de leur petit voisin parcourant le village et la maison dans l'espoir de trouver des réponses à ce mystérieux Ulysse Moore mais je trouve l'ensemble un peu tiré par les cheveux (non sérieusement vous laisseriez vos gamins vadrouiller dans la nature? Vous partiriez en ville en confiant vos enfants au jardinier que vous connaissez depuis quoi...1 semaine?). 

Si le début de l'intrigue a su susciter mon intérêt je trouve qu'elle perd vite en force et en crédibilité. En fait j'ai trouvé l'ensemble convenu. Mon problème n'étant pas tant que l'histoire sente le déjà-vu mais plutôt que rien ne vient contrebalancer la chose. Je ne suis pas pour la "nouveauté" à tout prix ni l'innovation constante. Je veux bien lire des histoires dont le schéma narratif ressemble à une autre. Cependant, il faut arriver à faire oublier au lecteur qu'il lit quelque chose qu'il connait déjà en ajoutant un élément original/de très bons personnages/une ambiance etc. Peu importe ce qui est choisi du moment que cela fonctionne. Chez les orphelins Baudelaire on retrouve un méchant grandiloquent (et au fond on s'en moque que 10 volumes sur 13 reproduisent le même schéma d'intrigue parce que le méchant est drôle et qu'on veut le voir perdre à chaque tome), trois gamins débrouillards, attachants avec une personnalité propre qui font que l'on a envie de savoir ce qu'ils vont devenir. 

Je ne sais pas si ce n'était pas le bon moment pour moi pour découvrir Ulysse Moore, toujours est-il que je vais m'arrêter à ce premier tome, je n'ai pas vraiment été conquise au final. 

jeudi 6 juin 2013

Gatsby (2013) - Baz Luhrmann



Résumé: Dans le Long Island des années vingt, la fête est bruyante et la boisson abondante. Surtout chez Jay Gatsby. Aventurier au passé obscur, artiste remarquable par sa capacité à se créer un personnage de toute pièce, Gatsby, figure solaire par son rayonnement, lunaire par le mystère qu'il génère, est réputé pour les soirées qu'il donne dans sa somptueuse propriété. L'opulence, de même que la superficialité des conversations et des relations humaines, semblent ne pas y avoir de limites. C'est pourquoi l'illusion ne peut être qu'éphémère. Parmi les invités de cet hôte étrange se trouve Nick Carraway, observateur lucide qui seul parvient à déceler une certaine grandeur chez Gatsby, incarnation de multiples promesses avortées.


CASTING

Leonardo Dicaprio ............................................ Jay Gatsby
Tobey Maguire .................................................. Nick Carraday
Carey Mulligan ................................................. Daisy Buchanan
Joel Ederton ....................................................... Tom Buchanan
Amitabh Bachchan ............................................ Meyer Wolfsheim
Jason Clarke ....................................................... George Wilson
Isla Fisher ........................................................... Mirtle Wilson
Elizabeth Debicki ............................................... Jordan Baker
Callan McAuliffe ................................................ Jeune Gatsby

Comme à chaque fois que Baz Lurhmann sort un nouveau film, il y a le clan des pour et des contre. Soyons clair, j'aime ce réalisateur. Je suis une fan absolue de la Trilogie du rideau rouge qui comprend les excellents Strictly Ballroom, Romeo + Juliet (adaptation jouissive d'un Shakespeare décalé et moderne mais étonnamment dans le ton) et Moulin rouge!. Cette fois-ci, il faut admettre qu'il ne fait pas dans la facilité. Son univers kitch, décalé et détonnant s'accommodant mal d'un classique comme The Great Gatsby. Je vous parlais ici du roman de Francis Scott Fitzgerald qui m'avait laissé une impression étrange, une sorte de frustration de voir ces vies humaines gâchées par la bêtise, un personnage attachant incapable de prendre un second départ, une jeune femme idiote et un gros s****** qui s'en sort sans aucun problème. Le pari était risqué donc...

Comme je sais que les avis sont plutôt partagés, voire carrément négatifs je vais placer les choses tout de suite: j'ai beaucoup aimé Gatsby cependant j'accepte que tout le monde ne soit pas de mon avis. Si l'histoire ne vous attire pas outre mesure et que vous n'aimez pas l'univers de Baz Luhrmann, passez votre chemin, ce film n'est pas pour vous. En revanche si l'intrigue vous accroche, si vous avez lu le roman ou si vous aimez Luhrmann (ou les deux, ou les trois, nous ne sommes pas difficiles), allez le voir, ne serait-ce que pour vous faire une opinion qui pourra être totalement en désaccord avec la mienne.

Voila donc pourquoi j'ai aimé Gatsby:

Parce que Luhrmann a pour moi su capter l'essence du roman et nous en donner sa propre version. Ce n'est peut-être pas la meilleure, ni la plus proche de l'histoire originale mais elle est certainement le mélange de deux visions, de deux créateurs et elle a du chien. Je trouve que l'histoire, l'ambiance et même les qualités intrinsèques du roman de Fitzgerald est respecté. On est à la fois étourdi dans ces fêtes folles des années 20, impressionné par le charme fou et la nonchalance de Gatsby, ému par son amour sans borne et sans faille pour Daisy Buchanan, écoeuré par les profiteurs d'argent, d'alcool et de sentiments. On vibre avec les personnages au rythme de leur folie ou de leurs espoirs.

J'ai aimé la musique et le décalage qu'elle offre avec le style années 20 du film. No church in the wild en accroche c'était particulièrement envoûtant. On est habitué chez Luhrmann à ces décalages musicaux et je dois dire que pour ma part, je trouve que c'est ce qui fait la force du film. Par l'emploi d'une musique contemporaine sur une esthétique résolument 1922 - les costumes sont sublimes d'ailleurs - Lurhmann dresse pour moi un parallèle entre le New York des années folles et notre propre société qui n'est finalement pas si éloignée que ça de l'univers de Gatsby. De cette façon, il insiste pour moi sur la portée morale de l'histoire et sur le drame résolument humain plus que sur une époque. Penser finalement que Gastby n'est pas si loin de nous me plait. Au fond, c'est une histoire qui pourrait se dérouler de nos jours, entre vieilles fortunes et nouveaux riches, la finance étant déjà présente dans l'intrigue de Gatsby.
Le leitmotiv du film Young and Beautiful contenu dans la chanson de Lana Del Rey résonne et marque le spectateur. Les paroles reflètent bien l'intensité de l'intrigue : Will you still love me when I've got nothing but my aching soul?

Je me suis réconciliée avec le roman, j'ai pu approfondir ce que j'aimais déjà en Gatsby notamment l'espoir qui le porte jusqu'à la fin, ce côté tranchant qui fait qu'il ne peut jamais trouver le bonheur car il est coincé dans le passé. J'arrive également mieux à comprendre le personnage de Daisy, le fait qu'elle veuille y croire en étant cynique malgré tout. Je comprends que Gatsby en demande trop, il voudrait que les cinq dernières années n'aient pas existé ce qui est impossible. En revanche on sent la mollesse du personnage de Daisy. C'est une femme cynique et blasée comme elle le dit si bien elle-même dès le début du film. C'est peut-être ça qu'on a tendance à oublier, à quel point Daisy est au-delà de tout ce qui peut lui arriver. Son mari Tom Buchanan a une emprise totale sur elle et sait toujours comment retomber sur ses pattes alors même qu'il est menteur, jaloux, possessif et envieux.

Leonardo Dicaprio est un acteur formidable, ça on le savait déjà. C'est donc sans surprise que j'ai adoré son Gatsby. Le personnage est creusé, les expressions faciales de Leornardo assez impressionnantes. On sent toute la gamme d'émotion par lesquelles il passe: il est tour à tour enjôleur, blasé, décontracté, anxieux, aimant, en colère, effrayé. On passe de l'une à l'autre en une micro seconde. C'est ce qui fait que j'aime cet acteur, il n'est jamais lisse, on sent toujours quelque chose affleurer sous la surface.
Carey Mulligan est relativement fade et au contraire de Gatsby, très lisse. On sent rapidement qu'elle n'est pas une jeune femme passionnée et même si elle a un petit grain de folie, on devine qu'elle n'est pas une amoureuse, une femme ardente qui va tout faire pour retrouver ce qu'elle a perdu. Elle est parfaite pour Tom Buchanan, j'aime d'ailleurs beaucoup ce que dit Nick Carraday à la fin du roman, qu'ils sont comme des enfants qui jouent avec les gens et les abandonnent dès qu'ils sont cassés comme des jouets.
Joel Edgerton campe un Buchanan odieux et vulgaire à souhait. 
Quant à Tobey Maguire, qui est un acteur que je n'aime pas - ses spiderman m'ennuient au plus haut point - il est fade à souhait mais il se trouve qu'ici cela fonctionne. Nick Carraday est le personnage au travers duquel le spectateur voit l'histoire de Gatsby et Daisy. Il fallait donc quelqu'un sans grande personnalité et charisme pour laisser la place à Dicaprio de s'exprimer. Tobey Maguire est donc le choix idéal, absolument lisse et sans saveur, il est une éponge qui nous permet de prendre notre place pour voir le film par ses yeux.  

Je pense que j'ai aussi aimé parce que connaissant l'histoire je savais ce qui allait se passer et que toute ma frustration avait déjà été exploitée à fond par Francis Scott Fitzgerald dans le roman. Je ne dis pas que le film est sans défaut mais il a résolument fait vibrer une corde en moi.

Finalement Gatsby est moins kitsch qu'on ne pourrait le croire. J'ai trouvé que Lurhmann s'attachait beaucoup à la portée humaine de l'histoire plus qu'au décor qui n'est finalement qu'un habillement. 

Un petit tour du côté de Télérama (qui se trouve être d'accord avec moi pour une fois!) et Young and Beautiful, la chanson de Lana Del Rey que personnellement j'aime beaucoup.

mercredi 5 juin 2013

Les contes de Terremer (2006) Goró Miyazaki



Résumé: Les aventures du jeune Arren, prince du royaume d'Enlad, qui va s'allier aux forces du grand magicien Epervier, pour rétablir l'équilibre du monde rompu par une sorcière maléfique. Dans le combat qui s'annonce, Arren et Epervier croiseront la route de Therru, une mystérieuse jeune fille. Ensemble, ils dépasseront leurs peurs et uniront leurs destins pour mener le plus fascinant des voyages.


FICHE TECHNIQUE

Réalisateur: Goro Miyazaki
Sur une idée de: Hayao Miyazaki
Basé sur l'oeuvre de: Ursula K. Le Guin

VOXOGRAPHIE

Epervier (Ged) ............................ Bunta Sugawara/ Georges Claisse / Timothy Dalton
Prince Arren ............................... Junichi Okada / Rémi Bichet
Therru ........................................ Aoi Teshima / Nadine Girard
Tenar .......................................... Jun Fubuki/ Françoise Cadol / Mariska Hargitay
Aranéide (Cob) ............................ Yuko Tanaka / Armelle Gallaud / Willem Defoe
Le Roi ......................................... Kaoru Kobayashi / Pierre Dourlens
Le Vendeur d'Hazia ...................... Takashi Naito / André Chaumeau
Lièvere (Hare) .............................. Teruyuki Kagawa / Boris Rehlinger
La Reine ...................................... Yui Natsukawa / Malvina Germain

Les contes de Terremer est film d'animation japonais de Goró Miyazaki (fils de Hayao à qui l'on doit les magnifiques Princesse Mononoke, Chihiro ou Le château ambulant). Il est inspiré de la saga Le cycle de Terremer d'Ursula K. Le Guin, cycle de High fantasy (je vous renvoie ici pour savoir de quoi il s'agit) qui mêle les hommes et les dragons. Je n'ai pas lu Le Cycle de Terremer donc je serais assez embêtée pour vous parler de l'adaptation en soi. D'autant plus que Goró Miyazaki s'inspire de trois tomes différents de la saga mais pas les trois premiers, ce serait trop simple! Du coup mon avis va se concentrer uniquement sur le dessin animé et ses qualités et défauts intrinsèques et non pas sur le côté "adaptation" (même si en parlant du scénario cela va jouer, ne faites pas les malins!).

Pour être honnête je ne sais pas par quel bout prendre ce dessin animé. Parce que j'aime Hayao Miyazaki d'amour, je suis partie pleine de préjugés positifs sur le travail du fils. Même si je savais que Hayao s'était disputé avec son fils pour les choix de ce dernier, je me disais que le père devait être un peu trop exigeant et que Goro devait bien prendre son envol à un moment ou un autre. Force est de constater que le père n'avait pas vraiment tord et que Goro aurait dû écouter son papounet. Sans être catastrophique, j'ai trouvé Les contes de Terremer assez raté, loin du niveau d'un Chihiro ou d'un Totoro. Ne me jetez pas la pierre! Cela reste un bon dessin animé avec plein de choses bien dedans mais le négatif a tendance à l'emporter et ça fait une semaine que je l'ai vu et que je pense à cette chronique (oui parce que le tout c'est d'argumenter, laissez-moi souffler voyons, j'ai les doigts engourdis!). 

Je vais commencer par le positif, histoire d'être sûre de ne pas l'oublier! J'ai été complètement envoûtée par la musique choisie. Très audacieuse, il s'agit ici de musique celtique qui je dois dire colle à la saga Terremer plus qu'au dessin animé en lui-même mais j'ai été conquise par ce choix. J'ai notamment beaucoup apprécié les ambiances dans la ville avec une musique très entraînante, rythmée qui donne un souffle à l'activité citadine que traversent Epervier et Arren. La chanson de Therru est quant à elle japonisante, une sorte de ballade qui prend le spectateur de court car elle arrive un peu comme un cheveux sur la soupe. L'effet, surprenant, n'est pas désagréable car il permet de faire une pause dans le récit et permet le rapprochement d'Arren et Therru sans être (trop) artificiel ou s'encombrer de dialogue superflu. Je regrette néanmoins un dosage de la musique qui ne semble pas toujours des plus judicieux. J'ai eu l'impression qu'on nous bombardait de musique à certains moments narratifs qui ne le réclamaient pas tandis que d'autres auraient peut-être eu besoin d'un léger fond sonore. Mais je chipote je sais parce qu'on fond je suis vraiment séduite par l'ambiance créée et que j'écoute la musique en boucle depuis une semaine. 

Je ne peux pas parler d'un film de Miyazaki fils sans aborder la question du dessin et de l'esthétisme général. Je suis très mitigée. Comprenez: j'ai aimé "mais". Je n'ai pas grand chose à reprocher au dessin des personnages même s'il est vrai qu'on sent une très forte influence du papa dans la conception des personnages et de leur allure générale. La patte Miyazaki est bien présente. Mon problème ne vient pas tant des personnages que des décors. C'est assez dur à expliquer en vérité pourquoi j'ai été gênée par les dessins parce qu'ils sont sublimes. Les vues sur les différentes villes sont fantastiques, inspirées de tableaux classiques (je pense) et poussent très loin le détail. Je me souviens avoir halluciné devant la complexité de la pierre du château d'Aranéide. On sent la volonté d'avoir un décor presque "réaliste"dans sa conception, quelque chose de beaucoup moins lisse et "japonisant" (disons moins manga) que chez son père. Le gros problème à mon sens est que du coup, les personnages et les décors ne vont pas du tout ensemble! L'ensemble est disproportionné et mal employé et je me suis faite plusieurs fois la refléxion que les personnages avaient l'air d'être posés en plein milieu d'un décor qui ne leur appartient pas. Je pense que c'est une maladresse qui pourrait devenir une force. Il ne manque plus à Goro que de s'approprier les personnages pour les fondre dans une esthétique qui lui serait propre. 

J'en viens donc aux personnages, techniquement ils ne sont pas époustouflants, il manque un peu de détail et ils sont plats. La cicatrice sur le visage de Therru est une simple marque rosâtre alors qu'il s'agit  en réalité d'une brûlure. Je ne vois pas très bien la peau brûlée du coup (tandis que j'adorais le visage de "Mamie Sophie" dans le Château Ambulant avec ses rides et ses expressions). De la même façon j'ai dû mal à croire que Therru et Arren ont 17 ans...Heureusement que le doublage français a choisi de bons comédiens à la voix mature parce que sinon il faut presque attendre les gros plans pour découvrir des traits un peu plus marqués que la silhouette générale qui fait penser à des enfants de 12 ans. Ca peut paraître bête mais ça n'aide pas la construction du personnage. Si on me présente un héros de 12 ans, je m'attends à ce que tout dans son personnage soit en adéquation avec ce fait (même s'il peut se révéler plus mature, ou plus profond dès lors que c'est correctement justifié). Ici j'ai eu du mal à y croire et j'ai trouvé l'alchimie entre les deux personnages moins palpable ou intéressante que Chihiro et Haku par exemple. J'aime beaucoup Epervier, c'est le genre de héros qui me plait, il pousse juste dans la bonne direction sans jamais forcer les choses. Tenar aussi est un bon personnage. 

Je veux juste faire une pause sur le doublage (oui je l'ai vu en VF comme quasiment tous mes dessins animés so what? *gros yeux à celui qui viendra me faire la morale sur "ça se regarde en VO"*). Je suis une fan de doublage (oui bizarre pour quelqu'un qui regardent tous ses films en Vo....) depuis très longtemps et pour moi c'est extrêmement important car j'attache un intérêt particulier aux voix des acteurs (ce que je reconnais d'ailleurs plus facilement que leur visage parfois..) *RICHARD* (hors sujet désolée). J'aime énormément le choix de Rémi Bichet pour la voix d'Arren. Ici, il utilise des tons très très grave, ce qui a pour conséquence de donner du corps au personnage et de le vieillir. Je regrette qu'on l'entende moins et qu'il ne montre pas les palettes de tons que peut prendre sa voix comme dans Le château Ambulant (il double le magicien Hauru) où il fait passer le personnage par toutes les couleurs: colérique, charmeur (même sexy), noir, drôle, enfantin ou très adulte. Nadine Girrard en Therru offre elle aussi un superbe contrepoint à Rémi Bichet. Quant à Françoise Cadol j'aime énormément sa voix depuis très longtemps et c'est avec plaisir que je l'ai écouté en Tenar. Je m'interroge cependant sur Aranéide qui est un personnage extrêmement ambigu. Il s'agit bien d'UN magicien, alors que le physique du personnage et la voix (il est doublé par deux femmes pour les versions japonaises et françaises) font penser à un personnage féminin. C'est un peu étrange comme choix et pas tout à fait justifié. Je comprends les américains qui lui ont donné la voix de Willem Defoe. Le contraste doit être intéressant à entendre du coup. 

Il faut bien maintenant parler des points qui fâchent....ici il s'agit du scénario. Je pense que Goro Miyazaki est complètement passé à côté de l'histoire qu'il voulait raconter. L'ensemble est bourré d'incohérences et de trous qui nous laisse perplexe à la fin du film. Que venons-nous de voir au juste? Le titre japonais Gedo Senki suggère qu'il s'agit avant tout de l'histoire de Ged (Epervier), alors pourquoi ai-je eu l'impression qu'Arren et Therru étaient aux aussi au centre de l'intrigue sans que l'on comprenne pourquoi? Les dragons (l'affiche du film japonaise tout de même) apparaissent au début et à la fin du film sans que l'on en sache plus. Le royaume d'Arren est sous-développé, les personnages sans réelle profondeur.
J'aime qu'on ne me dise pas tout dans une histoire, qu'on nous laisse le choix d'interpréter une partie de la psychologie des personnages. Par exemple ici, la relation entre Tenar et Epervier n'est pas expliquée par le réalisateur. Chacun peut voir ce qu'il veut: des amis très proches? des amoureux séparés par la vie? Un amour à sens unique de la part de Tenar pour Epervier? Chacun choisi l'explication qui lui plait et ça me va. Mais pourquoi diable commencer à raconter une histoire si c'est pour ne rien finir? Lorsque Tenar parle des circonstances dans lesquelles elle a rencontré Epervier, elle dit à Arren qu'il l'a sauvé des tombeaux (j'ai dû aller voir sur la wiki pour savoir ce que c'était...) et c'est tout. Oui c'est tout, pas d'explication, pas de flash-back, rien. Or bon sang! Ca aurait permis de voir Epervier dans une situation héroïque (parce que pour être le héros de l'histoire il n'accomplit pas grand-chose). Cela aurait étoffé les personnages de Tenar et Epervier (surtout qu'elle reparle des Tombeaux par la suite sans qu'on en sache plus). J'ai eu l'impression que tout était comme ça.

On sent bien que Goro Miyazaki s'inspire d'un cycle et qu'il y a de la matière mais il n'arrive jamais à faire entrer le spectateur dans cet univers. On reste à la porte en ne comprenant pas grand chose. La faute aussi à ses choix je pense, il a voulu adapter plusieurs romans, mêler plusieurs histoires et au final il ne raconte pas grand chose de cohérent et les éléments intéressants ne sont pas développés comme il faudrait. Pour quelqu'un qui ne connait pas le Cycle de Terremer c'est très difficile d'accrocher complètement. Pire, ça ne me donne pas envie de découvrir le livre à la différence du Château Ambulant qui, s'il n'est pas fidèle au roman du même nom, a bien su saisir l'essence du livre et son ambiance.   

Je crois que du coup je suis restée sur ma faim, frustrée de ne pas savoir dans quoi j'avais atterri. Un très joli dessin animé mais qui au final perd de sa poésie en laissant le spectateur à la porte.